94 — Noroi Kurohitsuji, fils de Noroi Hanbeï , petit-fils de Noroi Kakugyō, arrière petit-fils de Noroi Yuugen, arrière arrière petit-fils de Noroi Mikoto, brise la pureté du lignage nivéen. L’assemblée de mères nourricières est saisie par l’effroi : le nourrisson ne leur ressemble pas. La crinière ébène du bambin jure avec la pâleur de sa toison et l’ambre de ses yeux. Dans cette ethnocratie, il n’existe nul sacrilège plus grand que la naissance d’un bâtard, traître à son sang. Cette erreur de la nature ne doit pas quitter les alcôves de Hokkan, la Couronne Boréale ; le Continent ne doit pas découvrir cette chose. Face au dégoût que représente la monstruosité, la génitrice se saisit des brocards qui portent sa couche et tente de fermer l’abjecte gueule du Mouton Noir. La haine de cette femme, sa mère, manifeste l’essence clanique de la bête : une pellicule chitineuse déchire la soie et embrase ses poumons de plus belle. Alertée, Dame Nanami constate l’ampleur du problème. Hélas, en vertu du sang de l’Empereur-Roi qui coule dans les veines du Mouton Noir, elle ne peut mettre fin à ses jours.  

95 — Hanbeï et sa chose gagnent le Sanctuaire Nivéen. La génitrice ne survit pas au voyage et meurt des suites de son accouchement. Quelques jours avant leur bannissement, elle aura appris de mères nourricières horrifiées que l’enfant aurait dévoré une partie conséquente de sa cavité utérine. Elle emporte ce secret dans la tombe. Hanbeï… Hanbeï a tout perdu, sa femme, sa position, mais surtout son titre de descendant du Premier Noroi.

96 — Les premières crises de folie de Kurohitsuji éclatent. La capacité héréditaire du Mouton Noir le consume de l’intérieur : le bambin est la marionnette de pulsions bien trop précoces. Cela n’a aucun sens. Aucun Noroi n’éveille si tôt le Senninka, encore moins ce besoin irrépressible de tout détruire. La créature âgée de deux ans se transforme tous les jours, et chaque transfiguration renforce les capacités du nourrisson. Hanbeï écrase sans problème les assauts de son fils.

98 — Hanbeï découvre que l’isolement, plus spécifiquement, la nature est responsable des crises de son fils. Châtiée par le coup du sort, la créature subit les pires supplices depuis sa naissance. Le Senninka n’est pas un poison, c’est le Continent. Hanbeï n’est plus en mesure de museler cette chose qui lui fait face. Le monstre à la toison ébène expurge ses pulsions dans la destruction et sa force semble prodigieuse... Jusqu’au jour où il fit face à la statue de Mikoto, piégé par ses propres compulsions. Pour la première fois, Kurohitsuji ne devint pas le Mouton Noir. Le cercueil venu du fin fond des âges lui permet de s'approcher de l'ataraxie.

99 — Hanbeï, contre toute attente, lâche son arme dans une île au large du Sanctuaire Nivéen. Aussi tôt, le Mouton Noir reprend le dessus sur l’apparence enfantine. La monstruosité chitineuse détruit le village de pêcheurs avec une facilité déconcertante. Ses ailes rallient chaque cible, ses pattes écrasent les fourmis et ses crocs se teintent de sang. Ivre de bonheur, la créature découvre une nouvelle façon d’atteindre l’ataraxie en prenant des vies.

100 — Hanbeï grime son arme. Il brise les os de son fils, puis les siens, se sert du Senninka pour remodeler l’apparence de leur visage. Il teinte l’hirsute toison noire pour se conformer aux exigences seigneuriales. Le patriarche prend serment de ne plus jamais utiliser son chakra et supprime ainsi sa signature sensorielle unique. Ensemble, ils regagnent les faubourgs de Hokkan. Hanbeï offre à la dynastie Toyotomi, ou plus exactement, à la Seigneurie son précieux fils pour servir les desseins hégémoniques du pays. Partant, il aspire à réintégrer son ancienne position... ce qui se solde par un échec.

100 à 115 — Kurohitsuji sert les ambitions de Kaminari. Il intègre le groupe d’émissaires qui rallient la région autonome du Chakra et assure la sécurité de Sarutobi Hikari, figure de l’opposition au sein du Concile Blanc. La proximité de la région avec l’océan induit de nombreuses confrontations entre les troupes îliennes de la Junte et les moines pacifiques de Chakra no Chihō. Les guerriers osseux permettent au Mouton Noir de laisser libre court à ses pulsions : les rixes entre l’escadron de Kaminari et les nombreuses tentatives de razzias vont lui permettre de gagner le titre de Kawagishi no Bakemono (川岸の化け物, litt : Monstre de la Berge). La renommée grandissante du Mouton Noir est transocéanique : une poignée de shinobi Mizujin fond vers sa position, uniquement pour le confronter. A l’instar de ses actes, la maîtrise du Senninka qu’offre Kurohitsuji rappelle celle de Noroi Tsubasa. D’aucuns estiment qu'il sera le prochain Noroi à prendre la régence du clan.  

116 à 120 — Le nombre de razzias décroît : Kurohitsuji ne peut savoir que le règne thalassocratique est frappé par une série d’attentats cryogéniques. Plutôt que de répondre aux avances des pontifes de son clan, le Mouton Noir prend la mer. Quelques mois auparavant, il réussit à tenir tête à l’un des plus grands shinobi de cette époque : Kaguya Nagarasa, qui lui révéla l’existence d’une île au large de la Junte. Hanbeï rejoint son fils à l’Underground et se consacre à son rôle de publicitaire. Chaque apparition de Noroi “Le Boucher” Kurohitsuji électrise la foule de spectateurs venus des quatre coins du Continent. La créature chitineuse est connue pour sa violence extrême, son absence totale d’empathie et ses démembrements iconiques. Il intègre le groupe des vingt shinobi les plus prometteurs du Continent et suscite l’intérêt de Senju Ryūkyū, qui devient son sponsor. La collaboration permet à Noroi “Mouton Noir” Kurohitsuji de tutoyer les sommets de l’Underground. Hélas, il subira une cuisante défaite contre le Champion de l’époque : Gekimetsu “Midas” Rakuin, qui manque de le tuer. Cette défaite marque son départ de l’île.

121 — Senju Ryūkyū offre au Mouton Noir la scène d’une vie : un champ de bataille entre les deux superpuissances continentales. La Guerre de Kusa est un massacre indicible. Un charnier où les effectifs du Monde Shinobi plongent tête baissée. La canopée du pays de l’Herbe couve le choc des deux armées. Militaires de carrière et paysans croisent le fer. Les hommes se bousculent, les armures résistent et les lames s’abreuvent de sang. Le capharnaüm charnel est réduit en cendre l’instant d’après : l’existence des civils est oblitérée par l’immixtion du clan porté par Kazan Sai. En un trait de temps, elle assoit la suprématie de son arcane héréditaire.

La vision cauchemardesque, où la chair liquéfiée se mêle à l’acier, éveille les plus sombres pulsions du Mouton Noir. De manière concomitante, les troupes shinobi remplacent les deux proto-armées de civils. Kurohitsuji s’élance aux côtés des escadrons frappés du kanji “火”. Les métacarpes de la créature s’enfoncent dans les joues de Bakushō Kiichi. Entre les geysers de lave, les nuées de spores et les rayons explosifs, les deux shinobi se livrent une bataille sans merci. Le Senninka dompte le Bakuton, il humilie ce ténor du Monde Shinobi. Il n’est rien en comparaison de son dernier adversaire, Rakuin… Une création argileuse de Bakushō Kin arrache une partie du flanc de l’exogène et offre à son compatriote quelques secondes de répit.  

Un rugissement bestial rompt la trame de la réalité. Le temps se fige : le chakra obscur subjugue la masse profane. Face à eux, à plusieurs centaines de kilomètres, une infinité de billes rouges phagocytent le manteau crépusculaire. La première salve de météores incandescents empêchent toute reconstruction du pays par le Mokuton. La seconde vise par-delà le pays en Ruine : le pays du Feu, et plus exactement, le centre névralgique des opérations du Royaume. Le Mouton Noir est le premier à bouger. Il laisse libre court à la folie clanique et devient la représentation physique de son ancêtre : une entité faite de mains, de crocs, de cris et de plaques. Les geysers de chakra naturel permettent à Kurohitsuji de barrer la route à la première étoile filante. Il sacrifie ses deux bras pour anéantir la comète et résiste à l'un des assauts de Daini.

Les forces du Minamoto Hideyoshi prennent le relais, sacrifient une partie de leur territoire et permettent au siège de la cosmocratie d’en réchapper. Hélas, les unités aux Gunbai quittent la Baie de Jade et prennent en tenaille l’armée du Feu. Bushō (武将, litt : Seigneur de Guerre) croise le fer avec Nekomata, alter ego naturel de Uchiha Kaechi. La maîtrise du Senninka s’ancre dans la chair du chat. La blessure ne profite point au Mouton Noir, qui se fait trancher en deux par le Régicide. L'exosquelette chitineux de Kurohitsuji et l'apparition de Daisan lui permettent de gagner de précieuses minutes ; il est évacué du front.

121 à 124 — La survie de Kurohitsuji ne tient qu’à un fils : le pouvoir héréditaire lui permet uniquement de maintenir les deux sections de son corps liées. Le corps du Bushō rejette toute forme de chakra extérieur. La survie du fils n'est possible que par le sacrifice du père. Hanbeï offre vitalité et chakra à sa descendance. Il faut attendre quatre années de convalescence, dans les montagnes boisées chevauchant la frontière entre la région du Chakra et le pays du Feu, pour que le corps du Noroi accepte la greffe cellulaire.

125 — Senju Ryūkyū visite son ancien Champion avec une invitation : l’extermination du clan aux pupilles illusoires. Le Bataillon Continental est une symphonie orchestrée par le maestro Minamoto Hideyoshi. Hanté par le spectre de la défaite, il ne laisse aucune place à l’improvisation. Par l’intermédiaire des clans de Hi, les shinobi reçoivent leur affectation. Le Noroi est chargé d’éliminer l’alter ego naturel du Régicide. Au crépuscule, les pions du Roi se déplacent sur l’échiquier. L’escadron continental, augmenté des troupes de Uchiha Kagae, se dresse devant Uchiha Kaechi. A l’invocation du Chat, l’unité du Bushō entre en scène et, aux termes d’une action coordonnée, parvient à séparer le binôme. Toutefois, le Bakeneko (化け猫, litt : Monstre-chat) reçoit l’aide inattendue de la créature faite de mains, de crocs, de cris et de plaques. Ensemble, ils anéantissent son unité scélérate.

Le Mouton Noir fait face à Nekomata. Les deux Némésis se toisent. Le Kuchiyose doit retourner auprès de Uchiha Kaechi et assurer ses arrières face à la marée de shinobi. Kurohitsuji doit conclure seul le combat qu’ils ont engagé des années plus tôt. Tous deux portent encore les stigmates de la Guerre de Kusa. Cet affrontement est un aller sans retour vers les berges de la rivière Sanzu. L’union martiale remodèle le paysage proche. Les torrents de flammes succèdent aux rayons de chakra, les cris aux rugissements et les coups de pattes aux coups de poings. Les deux monstres infusés d’énergie naturelle se livrent une guerre sans merci. Pour la première fois, le Mouton Noir ne considère pas son adversaire comme étant une lignée bâtarde de l’Empereur-Roi. Pour la première fois, il ressent du respect pour son égal. Cette pensée lui arrache un rictus. Quatre ans plus tôt, il prenait les armes contre la superpuissance qui singeait son ancêtre en transformant Tsuchi en Empire…

Assis sur la dépouille d’un félin décapité, son armure de plaques en miettes, la carapace chitineuse se retire de son épiderme. Le corps de l’homme se rebelle et laisse une unique larme perlée le long de sa joue. Il avait triomphé de sa mission… Quelle étrange vie. L’extermination des unités aux Gunbai, de Kaechi et de Kagae sonnent le glas de l’hégémonie du clan sur le Monde Shinobi. Pour cet exploit irréel, les guerriers sont sacrés Sekai no Yūsha (世界の勇者, litt : Héros du Continent).

126 à 135 — Le Mouton Noir est nostalgique de la Guerre de Kusa. A de nombreuses reprises, il tente de raviver les tensions séculaires entre différents peuples. Il souhaite vivre une Guerre Continentale. Les exploits guerriers du Mouton Noir lui permettent d’agréger une communauté de bellicistes, d’épées-louées et de chiens de guerre. Kurohitsuji fonde l’organisation Kyōbō na Dōbutsu (狂暴な動物, litt : Bête Folle) et participe à l’effort de guerre en traquant les pupilles vermillons. La chasse aux sorcières diligentées par les différentes Nations n’est qu’un prétexte :  le groupuscule sème la mort dans les villages. Les foyers sont brûlés, les Uchiha traqués et les collaborateurs exterminés. L’organisation plonge très vite dans la criminalité. Elle se fait connaître pour sa barbarie et ses missions suicides. Aujourd'hui encore, des rumeurs lient Yaban Riku à Kyōbō na Dōbutsu, mais aucun élément concret n'a été confirmé.

136 à 148 — Usuzumi Chojiro établit le Bingo Book. Le journaliste y retranscrit l’identité, les méfaits et les capacités de nombreux criminels du Continent. A l’instar des chefs de clan, le Mouton Noir figure parmi les premiers primés du Monde Shinobi. Chōwa use ce levier pour mettre sur pied un bataillon continental en vue de faire tomber la bête. En cela, l’Harmonie compte faire du groupuscule un exemple. Après une traque longue de plusieurs mois, et une série de rixes, la police militaire de Naruhito Isshin défère le seigneur de guerre devant la Cour de Justice Internationale. Kurohitsuji y comparait pour crime de guerre, crime contre l’Humanité et utilisation du Chakra à des fins ignominieuses. Dans l’attente de son jugement, le prévenu est enfermé dans les geôles du Palais Judiciaire. Les pulsions refoulées par sa barbarie irradient son anima. Le régime en place tire profit du limier chitineux : il est déclaré mort. Le Prétoire se sert de l’inhumain pour abattre, dans le secret le plus total, certains criminels déportés. Quelques rumeurs naissent parmi les rangs de voyoucrates : leurs consorts seraient jetés en pâture à un monstre fait de mains, de crocs, de cris et de plaques. La présence de ce qu'ils nomment Enma Daiō (閻魔大王, litt : le Juge Psychopompe), sévissant dans les profondeurs de la prison de Chōwa, effraie une frange de la pègre continentale.

149 — La bête faite de mains, de crocs, de cris et de plaques s'évade. L’incident est frappé du sceau de l’oubli. Kurohitsuji reprend ses esprits et ne reconnaît plus ce corps émaillé par les ravages de la captivité. Pour autant, ces douze années d’enfermement contribuent à son souhait de domination : il sera l’Empereur-Roi ; il sera vénéré par les peuples inférieurs. L’échec de la dynastie Toyotomi à dominer la région du Chakra et l'avènement de Garan fondent, à ses yeux, l’illégitimité du pouvoir en place. Le Mouton Noir revient en Kaminari et ne reconnaît plus ce pays où Aburame et Inuzuka se sont établis. Il voit dans cette présence étrangère une forme de passivité due à Noroi Kiyohira. Le fils de Noroi Hanbeï , petit-fils de Noroi Kakugyō, arrière petit-fils de Noroi Yuugen, arrière arrière petit-fils de Noroi Mikoto ne reconnaît pas en elle son ancêtre. La bête du septième cercle, infusée de pulsions mortifères, tente de revendiquer la Couronne Boréale. Hélas, les forces cosmopolites de la Seigneurie oblitèrent ses vaines offensives. Du seul fait de son sang pur, la créature n’est pas exécutée sur le champ : elle est confiée à Noroi Kiyohira. L’éminence grise châtie le simili-Mikoto : elle laisse ses consorts se repaître du chakra et de la vitalité de Kurohitsuji. Le corps sans vie de la Brebis Noire est jeté des hauteurs de Hokkan : nul ne pourrait survivre à cette chute. Ses rides s'effacent, sa taille rapetisse, ses muscles fondent, ses forces l'abandonnent et son hirsute toison ébène dévore l'albinisme imposé par son défunt père... Le rituel rajeunissant porte ses fruits : le quinquagénaire redevient la chose de l'an 99.

Il aurait dû mourir de la chute...