Dans les profondeurs des ruelles manufacturées du pays du Fer se terrait un concurrent de Musashi KK. Le mercantiliste avait fait fortune dans le commerce d’opiacés, d’armes et de saké. Pourtant, rien ne le prédestinait à trôner au sommet de cet empire d’or, d’associés et de complots. Okou Gnakouri avait fondé Gnakouri Godo Kaisha (GK) : une petite usine en bordure de la Forge du Monde. Elle avait pour objet social le traitement des déchets métalliques. Le commerçant avait découvert une façon de recycler le métal usé et était capable de lui offrir une seconde vie.

Il connaissait le succès trois mois seulement après le lancement de ce nouveau marché. Tous les forgerons de Tetsu se précipitaient auprès de GGK pour chasser la rouille de leurs artefacts. En plus d’être propulsé sur le devant de la scène, l’ère du recyclage entraînait une nouvelle dynamique profitable : les ateliers voyaient leur chiffre d'affaires doublé. Okou Gnakouri ne s’arrêta pas à cette première réussite. Sur la dizaine de sociétés qu’il lança, toutes furent des succès, si bien qu’il fut appelé « Monsieur Godo ».

Pour tutoyer les sommets du Consortium, l’homme d’affaires se lia à la pègre continentale. Il profita de ces hommes de l’ombre pour consolider son autorité sur les entrepreneurs moins chanceux. Après trois années de communication intensive, de recherches et développement, de corruptions et autres jeux d’alliance, il mit sur pieds Gnakouri Kabushiki Kaisha (KK). Partant, un nouveau marché s’offrait à lui : l’armement des grandes Nations guerrières.

L’Homme étant ce qu’il est, le ploutocrate en voulait toujours plus. Il souhaitait séquestrer le pouvoir, devenir Shogun, fonder la seconde Banque du Continent, mettre sur pied une constellation de cliniques, inventer une nouvelle façon d’informer les peuples du Continent. En somme, son intérêt se portait sur le Monde et non plus sur sa Forge. GKK incarnait une force de frappe économique capable de mettre à mal le Consortium.

L’argent n’arrêtait pas les armes. Au mieux, elle était capable de les retourner contre son concurrent. Excédés face à l’hégémonie grandissante du magnat, certaines idées sombres trouvèrent une réponse en la personne du Maître du Marché Noir. Afin de répondre aux souhaits de ses clients, Bo Takeshi confia la mission à deux de ses officiers : Sen no Shoukin Hanzō et le Maudit. Les renseignements acquis sur le Marché Noir mettaient en lumière la réunion du Conseil d’Administration de la Société Anonyme. Selon toute vraisemblance, le Directeur souhaitait exposer à ses associés le plan pour prendre le contrôle de Tetsu.

L’index de l’opalescent releva le jingasa en osier. En contrebas, la fourmilière s’agitait, ballottée par les flux de forgerons, de clients et de marchandises. Les deux effaceurs se trouvaient au sommet d’un simili gratte-ciel. Ils étaient aux premières loges pour voir le manteau crépusculaire chasser l’astre solaire. Une première fêlure marqua l’empyrée ébène : le feu céleste zébrait la toile céleste. Bientôt, les deux assassins agiraient.

La nature d’un homme est complexe, mais simple aussi à la fois. La tienne ne prévaut pas sur la règle. Tu avais plein de compétence, mais tu ne les mettaient au service que d’objectif qui selon toi pouvaient être bon. Le regard perdu dans le vide, au sommet de ce building, tu regardais la fourmilière en contre-bas s’agiter. La missive, tu l’avais reçue de la part de ton « ami » Takeshi Bo. Il voulait la mort de ce Gnakouri et en bon homme de main, tu te devais de lui apporter sa tête. Après tout, il a quand même fait honneur à votre relation en acceptant une partie des Senju que tu lui avais envoyé. Il t’avait demandé ce service et que serait un grand leader s’il ne respectait pas sa parole ? Même si ta vie de tueur à gage, tu préférais la voir derrière toi depuis ta désertion de Hi, tu ne pouvais refuser ce genre de missive, sinon les tiens à Âme en subirait les conséquences. Et tu le savais. Le regard noir, tu regardais donc en contre-bas. Il t’avait donné un équipier pour cette mission spéciale. L’équipier en question était bien connu, enfin connu, c’est une façon de parler. Dans l’entourage de Bo Takeshi, il y avait quelques hommes dont le nom revenait parfois. Tu en étais un sous le surnom du « maudit ». L’autre, c’était Sen no Shoukin Hanzô. Et c’était lui ton équipier du jour.

Pas un mot, pas un seul pour lui. Tu savais pertinemment ce qui te restait à faire. Surtout que dans les missions comme celles-ci, la mort pouvait vite arrivée, qu’elle arrive de tes adversaires ou de tes équipiers. Tu savais pertinemment que la confiance ne s’acquiert pas facilement, surtout pas envers les hommes comme ce Hanzô. Ce chasseur de tête qui pouvait faire ce dont il voulait, quand il le voulait et avec qui il le voulait. Ta confiance, jamais tu ne lui donnerais à ce genre de type. Parce qu’au final, tu étais peut-être comme lui ? Si tu pensais qu’il pouvait rapidement trahir, c’est que tu t’imaginais sûrement au fond, que tu pouvais trahir aussi non ? Sinon, cette hypothèse ne te viendrait jamais en tête.

« Je pense qu’on sait ce qu’on a affaire. J’ai pas besoin de parler plus que ça, tes capacités je m’en contre balance. Y’a des gens qui vont mourir ce soir » Dis-tu d’une voix sérieuse avant de te tourner vers cet homme qui t’accompagnait. « Leurs noms je m’en contre balance aussi. Et si tu dois crever avec eux, je m’en contre balance aussi. Tentes quelques choses à mon encontre et il n’y aura pas d’autre avertissement ».

Dis-tu d’une froideur sans nom tout en plongeant tes iris dans les siens. Quand tu étais « le maudit », ton coeur n’était plus irrigué. Il était froid, diforme, dégueulasse. Tu n’avais aucune empathie pour qui que ce soit. Et honnêtement, c’était mieux comme ça. Le poids des responsabilité clanique faisait que les décisions à prendre se doivent d’être assumer. Si la mineure partie de ton clan qui avait décider de te suivre avait un endroit où vivre sereinement a Âme, c’était parce que tu faisais les choses sans jamais poser de question. Tu ne comptais pas changer ta façon de faire.

« Qui s’occupe de la diversion ? Shi Fu Mi ? Sauf si tu veux foncer dans le tas directement. »

Les tumulus ébènes explosèrent dans un fracas tonitruant. L’éclair illumina le visage du Rubis, tandis que le Maudit jouait au macaque. Le crachin salvateur - en temps normal - se fracassait avec force contre l’océan de béton. Un amateur. Voilà la facette qu’offrait l’ancien combattant des forces de la Flamme. Jadis, il était considéré par ses proches comme le futur de son clan. Aujourd’hui, il n’était qu’un clown dont le burlesque laissait l’Oi-nin de marbre.  

▬ Pas de diversion. Homme de peu de mots, l’ancien Capitaine-Corsaire laissait au pitre ses monologues ; il ne le regardait même pas dans les yeux. Son attention était subjuguée par l'édifice qui leur faisait face : le siège social de GKK. Au loin, à plusieurs centaines de mètres, la tour de fer, de métal et de soudure déchirait l’empyrée. Au sommet, le Conseil d’Administration prendrait place.

Kurenai no Hanzō colla ses paumes, laissant ses doigts se croiser. Une réplique miniature de la Tour Godo, haute de trente centimètres, se forma devant lui. Une seconde fut conjurée, marquant la position du binôme. Les deux assassins devaient se rendre à l’opposé de la ville, pénétrer le siège, pourfendre les gardes, ne laisser aucun corps, atteindre la réunion et conclure la mission.

▬ Là. Son index se posa au sommet de sa création, laissant ainsi comprendre que les associés seraient réunis ici. Discrétion. Aucune diversion. Le Consortium eut été clair : Okou Gnakouri devait être emporté par les ombres, effacé de l’Histoire. Aucun corps, aucune goutte de sang. Un travail d’orfèvre ; Tetsu ne devait pas succomber à la crise politique consécutive au décès d'un de ses magnats

Une entreprise difficile lorsque l’on connaissait la propension du Maudit à se mettre en lumière. L’assassin des dynasties de Kome, le déserteur de la Volonté du Feu, n’était pas connu pour son sens de la subtilité. Il était un animal sanguin singeant le sang-froid. Les deux ombres étaient différentes. L’une en retrait, l’autre en avant. Le Maître du Marché Noir les avait réunis pour une raison ; le sbire faisait confiance dans la capacité de son employeur à concevoir des plans effroyables.

▬ Je prends la tête de Gnakouri et ses associés. Les pupilles de l’opalescent croisaient enfin le regard du singe des bois. Je te laisse les gardes et autres caniches. Sans attendre la confirmation de son compagnon de fortune, un claquement de doigts transforma les deux tours en poussières - il ne fallait jamais laisser de traces. D’une impulsion de sa paume contre le toit, le shinobi bondit dans les airs pour s’immerger dans l’obscurité de la nuit et atteindre, plusieurs dizaines de mètres plus bas, les rues ensevelies sous la bruine.

Les caniches ? Okay te dis-tu intérieurement, l’homme en face de toi avait un sacré goût pour le mutisme et les ordres. Mais cela fait bien longtemps que tu ne répondais plus aux ordres. Pas les siens, ni ceux de Ieyatsu. Le maudit, comme on t’appelait si bien, ne répondait qu’au pulsion animales qui montraient, de temps à autre, le bout de leurs têtes. Il voulait la jouer comme ça, pas de problème te disais-tu intérieurement. Tu n’avais besoin de personne pour réussir cette mission. Ni de lui, ni de quelqu’un d’autre. Quelques secondes après lui, tu t’élança dans les airs pour atterrir en contre-bas dans une ruelle opposée à la sienne. C’était une chasse dangereuse, mais en plus de ça, c’était une course contre la montre. Qui des deux éffaceurs de Bo takeshi aura la tête de Gnakouri en premier ? Hanzô ou Kaï ?

Te déplaçant rapidement dans la ruelle, tu arrivas rapidement sur une avenue beaucoup plus bondée. Oui, tu étais de ceux qui aimaient la lumière. Le sens du leadership, le courage, les actes qui suivent les paroles, mais c’était seulement parce qu’il n’y a pas plus efficace cachette que la lumière. Dans l’obscurité que celle-ci crée, c’est là que tu aimais te terrer. Main dans les poches, tu te dirigeais rapidement vers le lieu de rendez-vous du conseil d’administration. Qui viendrait tuer des hommes en passant par la porte de devant après tout ? Personne, pas même toi. Repartant sur ta droite, tu fis mine d’entrer dans un immeuble non loin pour au final atterri sur ton toit. De là, la vision de tout le secteur caressait tes iris. Tu décides donc de passer par derrière. Une petite allée avec une porte qui s’ouvrait et se fermer latéralement. C’était une conception faite pour accueillir les livraisons. Deux gardes gardaient la porte. Simplement deux gardes te disais-tu intérieurement au moment même ou tes deux katanas transpercèrent leurs coeurs. Et avant même que le sang ne puisse toucher le sol, une « liane » de bois vint s’occuper de faire disparaitre ces deux derniers.

Il fallait de la discrétion ? Tu savais aussi en user. L’assassin de Kome, on le rappel. Et c’est d’ailleurs ce souvenir qui te revenu, lorsque tu utilisais une technique similaire dans les locaux. Après avoir terminer une série de signe incantatoires, une vague de pollen remplie totalement les lieux, faisant tousser tout ceux s’y trouvant. Quelqu’un pris par une toux insatiable ne pouvait se concentrer sur autre chose, comme surveiller convenablement, n’est-ce pas ? L’ombre des Senju que tu étais traversais donc assez facilement les différentes pièces du bâtiment, ne laissant rien derrière elle, pas même des cadavre, ni goutte de sang. La mort rodait, elle faisait trembler les hommes présent dans ce lieu et son nom était maudit. Toi.

Puis, tu arrivais devant une pièce différente de celle d’avant. Un homme debout t’attendais. Le pollen avait l’air de ne pas avoir d’effet sur lui. Il te regardait dans son costume sur mesure, comme pour te signifier qu’il t’attendais depuis quelques minutes déjà. Un shinobi d’élite ? Pensas-tu directement. Cela allait être sportif. La mission prenait une toute autre tournure. Tu te dis que l’autre type avec toi avait sans doute dût croiser le même type de personne. Sans un mot, un duel de signe incantatoire s’élança. Une technique Katon surpuissante fondue sur toi, tu dûs contrer avec une sorte de création de cube boisé qui t’avais entouré de toute part. Malgré ça, le bois prenait feu autour de toi.

La suite ? Au prochain numéro.

La relève du clan Senju rongeait son frein. Le potentiel chef de clan n’était qu’un enfant-soldat qui laissait ses émotions parler pour lui. Le singe n’avait pas la carrure d’un nettoyeur. Il manquait de subtilité, de raffinement : c’était une arme affûtée pour la guerre, et non pour les sombres desseins de la pègre. Il allait s’occuper de la basse besogne - qu’il le voulait ou non.

L’adulescent se fonda dans la marée humaine que charriait les artères de Sekaitan, la Forge du Monde. Plutôt que de gagner l’opalescent, il préféra suivre ses propres lois, créer sa propre voie. Risible. Il vivait pour la lumière, un trouble qui trouvait sa source dans une enfance sous l’ombre-portée de Ieyasu. Le Maudit n’intéressait aucunement le belluaire ; trop fade, il ne le stimulait pas.

L’effaceur suivit dans l’ombre le boisé. Un nouvel flash de lumière séquestrait la vue des mercantilistes ; le tueur de dynastie scella la vie de deux gardes. La lame perfora leur cœur, la dextre maintenu leur cri. L’adepte du Mokuton incanta une racine dont l’objet visant à dissimuler les corps. En cela, le shinobi se fourvoyait : faire disparaître un corps ne signifiait pas le cacher.

Une série de signes incantatoires, une senestre qui caressait les macchabés et deux tombes cristallines. Hanzō ne laissait aucune place à l’amateurisme. Les doigts se courbèrent pour mimer le rat zodiacal ; le signe incantatoire transforma les deux cristaux mortuaires en poussière, aussitôt happée par les éléments déchainés. Le Rubis en profita pour conjurer une seconde peau, sa technique signature.

A défaut d’entrer discrètement, Senju Kai avait déjà libéré ses spores depuis quelques instants. Le personnel de la réception fut pris d’une violente quinte de toux : la technique des spores n’était pas invisible par nature. L’alerte muerte résonnait dans toutes les strates des cent-trente-trois étages de la Tour Godo. Les deux hommes ne le savaient pas encore, mais le belliciste venait d’héler toutes les forces du siège vers sa position.

▬ C’est donc ça ta conception de la discrétion. Le chasseur émergea après la confrontation des flammes et du bois. Je te laisse le menu fretin. Une centaine d’hommes armés venaient de poindre devant eux. Les forces à la botte de la GKK. Parmi eux, seul une minorité de gardes du corps ne maîtrisait pas le Chakra ; tous les autres étaient des shinobi ayant su faire leur preuve dans le microcosme de la pègre continental.

La carrure d’un nettoyeur, mais pourquoi faire ? Lorsqu’on est une arme de destruction massive affutée par et pour la guerre, pourquoi faire preuve de subtilité et de raffinement ? Alors que l’alerte fut donnée, tu te demandais si ton équipier saurait esquiver petit à petit le nombre de piège qui seraient sans doute inséminer un peu partout dans les étages jusqu’a venir prendre la tête de la cible. Toi, tu n’avais aucun doute, tu allais y parvenir. Le regard noir, les madras encore actif dans ton cocon de bois entrain de doucement brûler, des lianes passèrent à travers le sol pour réapparaitre derrière ton ennemi en face pour le transpercer de toute part. Un vrai Ninja c’est celui qui frappe et bouge pour ne pas se prendre une contre attaque. Surtout qu’en l’espèce, tu étais dans un cocon, donc pas de vision possible. Lui, il avait préférer attaquer et rester au même endroit, signe d’une faiblesse d’esprit ou d’une assurance déconcertante concernant la réussite ou non de son attaque.

« C’est donc ça ta conception de la discrétion » Prononça une voix que tu avais reconnue au moment de sortir de ton cocon de bois. Ton regard ne se porta même pas sur lui. Tu l’avais reconnu, c’était ton « équipier » du jour. « Je te laisse le menu fretin » dit-il au même moment qu’une centaine d’homme de main bien décider à faire preuve de violence apparurent en face de vous. Alors comme ça te disais-tu, le menu fretin était pour moi ? Qu’il en soit ainsi pensas-tu. Le regard ne s’est en aucun cas posé sur lui, tu fis quelques pas en arrière avant de t’asseoir sur une chaise qui se trouvait non loin. Tu croisais les jambes.

« Non » Disais-tu avant de reprendre la parole. « On échange, j’ai la flemme »

Dis-tu avant de sourire du coin des lèvres. La relation entre vous n’était pas au beau fixe et la preuve étant, tu préférais largement mourir ici que de suivre ses ordres. S’il voulait, lui, survivre, il allait devoir se bouger et vite. 100 adversaires ? Il ne fallait pas trainer pour survivre à ça. On va voir comment un homme de sa trempe pouvait survivre à cela.

« Tu ferais mieux de te dépêcher, je pense pas qu’ils vont attendre que tu sois prêt pour attaquer … »

Dis-tu avant de créer un cure-dent de bois et de te le foutre dans ta bouche. Les 100 adversaires commencèrent rapidement, ils s’élancèrent toutes et tous dans la direction de l’homme. Et dans ta direction aussi, cela va de soit. Mais il fallait d’abord qu’ils passent ton équipier avant d’arriver vers toi, non ?