Pour pouvoir voyager en sécurité, l’argent était souvent une nécessité, plus que ne croyait en quittant sa forêt. Dormir avec un toit sur la tête nécessitait de l’argent, comme se nourrir quand chasser n’était pas une solution viable. Très vite, Seika avait compris que pour continuer sa quête, la demoiselle allait devoir se servir de ses talents et de son temps en accédant à des requêtes de tout genre. Congédier des indésirables, apporter un brin de sécurité ou bien labourer les champs pour obtenir le temps d’un soir l’hospitalité de paysages ; toutes ces choses la demoiselle s’y était attelée au moins une fois. Néanmoins, un travail lui était bien plus profitable que les autres : celui de guide.

Cela permettait à cette dernière de se mouvoir dans tout Hi no Kuni en partie sous les frais d’un commanditaire en échange de ses connaissances du pays et de ses dangers, évitant certaines dépenses bien que parfois, cela nécessite parfois de supporter la présence d’une personne en plus. Non pas qu’elle soit une marginale qui n’apprécie que peu les étrangers, mais son itinéraire ne dépend plus d’elle-même, mais aussi d’une autre personne.

Cette fois-ci, le demandeur fut un étranger du Nord désireux de connaître le continent du Feu. Un drôle de commerçant se disant “Entrepreneur” et aux ambitions grandes voulait voguer chaque recoin de ce pays vaste qu’était Hi no Kuni. Un débat sur l’itinéraire avait été organisé plusieurs jours auparavant afin de définir le parcours qu’ils allaient mener. Si la durée - en jours voire semaines - n’était guère un problème pour une femme dont le temps n’avait que peu d’importance, Seika avait relevé un point qui la mettait dans l’embarras. Cet homme souhaitait se rendre aux Bois Maudits. L’argentée avait mis en garde que malgré toutes les précautions qu’ils pourraient prendre, se rendre dans ces terres troubles du pays du Feu ne serait en rien une promenade. Cela aurait été certainement le plus houleux des débats en matière de préparatifs. Si l’argentée acceptait sans broncher de servir de protecteur et de guide pour le compte du Tetsujin, l’itinérante prévenait qu’elle ne pouvait en rien garantir totalement la sécurité de celui-ci dans ces lieux. Des goujats de tous types dont elle aimerait se trouvent là-bas et la nature avait tendance à se montrer capricieuse.

***

Les derniers préparatifs terminés, ce jour étaient celui du voyage. Pour cela, Seika avait réussi aux termes de négociation à obtenir une charrette et un cheval. Ils n’auraient pas pour l’entièreté de ce voyage ce moyen de locomotion, mais permettraient aux deux voyageurs de traverser le pays sans martyriser leurs pieds. Une première moitié de la somme avait été payée, tandis que la seconde moitié devait être reversée à celui qui récupérera leur moyen de transport avec une lettre à donner. L’étranger du Pays du Fer récupéré, l’aube prend fin quand ce duo quitte le village pour bénéficier au mieux de la lumière du jour. Hors de question après tout de voyager la nuit.

- J’espère que le voyage vous plaira.

Seika dirigeait le cheval, une brave bête au pelage foncé qui avait marché toute sa vie. Le début du voyage ne serait certainement pas de tout repos avec le nombre réduit de sentier, mais cette région du nord du pays malgré les tensions entre la nation de la flamme et de la roche restait pour le moment paisible, tandis que les conditions de voyages seront plus propices à mesure qu’ils s'approcheront de la capitale et de ses principales routes commerciales.

– Une fois que nous irons à la capitale du Feu, nous devrons certainement continuer à pied, à moins que vous soyez prêt à mettre la main à la pâte pour que l’on puisse obtenir un cheval. Quand j’ai expliqué que nous comptions passer par les Bois Maudits, on m’a “gentiment” fait comprendre que personne ne serait prêt à prendre le risque de perdre une bête à cause des brigands et renégats. Mais je suppose que vous n’en verrez pas d’inconvénient à cela. On devrait arriver à la capitale en fin de journée si on ne fait pas de mauvaises rencontres.

Hi no Kuni : Trajet:

Cette certaine insouciance du danger ne semble guère rassurer l’argentée. Néanmoins, cet étranger clame pouvoir se protéger avec un pantin pas plus grand qu’un jouet pour enfant. Bien qu’ayant l’air un tant soit peu plus sophistiqué que de l’habituel, il paraissait difficile pour l’enfant du feu de ne pas être sceptique.

– Il m’arrive de conduire des paysans désireux de vendre leurs produits d’un village à un autre. Certains profitent de la guerre avec Tsuchi no Kuni pour semer la zizanie et de tendre des embuscades afin de piller leurs ressources, et ce en faisant passer ça pour un acte de barbarie de nos ennemis. Cependant, il est rare de croiser des étrangers voulant voyager, surtout avec les temps qui courent.

En sachant que l’itinérant était issu du pays du Fer, la volonté de ce dernier à voguer à travers les linceuls d’Hi no Kuni pouvait paraître suspecte à la demoiselle. Après tout, les samouraïs furent liés par la guerre avec les belligérants de la Terre. L’idée qu’il soit un collaborateur désirant en savoir plus sur son ennemi était probable. Mais tout cela semblait de toute façon secondaire pour l’argentée. Elle ne se sentait ni liée à sa nation pour faire la police, ni paranoïaque pour songer sérieusement à un espion de l’ouest. Si le sujet de la Police de la pensée n’avait pas été une source de dispute, l’idée ne lui serait même pas parvenue à l’esprit.

- Du moment que l’on ne perturbe pas l’ordre des choses, nous n’avions pas à nous inquiéter de ces derniers.

Des histoires plutôt sordides avaient-elle entendu parler de la part de ces fanatiques, dont la demoiselle souhaitait bien s’épargner les détails. Si ses terres natales brillaient pour bien des choses, la confiance en chacun ne faisait cependant pas partie des qualités de ce pays. Mais Seika ne s’inquiétait en rien de tout cela. Celle-ci n’avait rien à se reprocher après tout.

- Vous êtes originaire des contrées de l’Harmonie ? J’entends beaucoup parler en bien et en mal de ce pays. Ils accueillent apparemment tous les délinquants et marginaux de ce monde sous la prétention de vouloir instaurer la liberté d’expression.

Une drôle de manière de voir les choses, dont un léger sourire prend place en s’entendant parler.

– Au moins, on peut avoir grâce à eux un espoir de voir ce monde vivre en paix et en “Harmonie”, même si je doute que cela ne soit pour aujourd’hui le jour où chacun pour tendre sa main à l’autre.

Cela restait de l’ordre de l’utopie, de la fantaisie. Mais pourquoi pas n’y croire au moins une fois ? Seika aimerait bien voir cette réalité aussi idyllique soit-elle se réaliser.

– À cette allure, nous devrions arriver bien plus rapidement que j’avais imaginé. Vous comptez faire quelque chose à la Capitale du Feu ?

Les sentiers leur permettant de traverser les forêts de la Flamme dévoilent une certaine gentillesse aujourd’hui. Sûrement est-ce la Nature souhaitant que leur voyage se déroule sans accroc.

Hi no Kuni : Trajet:

- Je serai une menteuse si je disais croire pleinement à la paix dans le monde. Cependant, j’ai espoir en un futur paisible, même si je n’en serai qu’une spectatrice. Seuls les plus grands pourront réussir à mettre fin à cette gangrène qu’est la guerre.

Une réponse sobre avec une certaine humilité - ou réalité - dans ses propos. Loin d’être utopiste, la demoiselle reste cependant convaincue que cela se produira un jour, dans les années, les décennies ou siècles à venir. Mais pour réussir à cela, la volonté des plus grands doit converger vers cette optique. Malheureusement, tous n’étaient pas dans cette optique, et Seika se savait pour le moment faible et méconnue pour se hisser vers les sommets. Alors en attendant, elle se voyait aider de temps à autres sur son chemin comme cet homme désireux de connaître Hi no Kuni.

- Ah ?

Se serait-elle trompée ? Pourtant, elle aurait juré entendre dire de certains provenant de l’Ouest dire de telles paroles. Comme quoi, écouter des paysans soûls n'était en rien une bonne idée. L’argentée se sentira bien stupide alors, presque gênée après avoir dit des telles choses. De toute évidence, Seika n’en savait pas grand chose du monde en dehors de ses terres natales que sont les horizons verdoyants du Pays du Feu.

- Eh bien, vous vendez ce pays comme s’il s’agissait du meilleur, s’amusera-t-elle à répondre. Une fois que ce voyage sera terminé, je m’y rendrai peut-être de mes propres moyens.


La discussion tourne désormais autour de la capitale du feu, cette cité assise sur les restes d’un démon à queue draconique pour fleurir. Certains disent qu’il s’agit là d’une manière de démontrer la puissance du pays face aux démons qui hantent le continent en vivant sur les restes de l’un d’entre eux.

- Dans ce cas là, j’en profiterai pour déposer la charrette et préparer ce qu’il s’en suivra.

Mais alors qu’elle parlait de ses quelques besognes qu’elle fera à la capitale, un avertissement réveillera sa garde baissée, et ce à ses dépends. Leur moyen de transport tombe à la renverse, Seika perd prise sur leur animal  et l’agitation provoquée par le visiteur incongru fait que le cheval détale tel un lapin pour s’éloigner du danger. À peine se relevant de sa chute, la voilà obligée de devoir rouler sur le côté pour ne pas finir écrasée sous le poids de cette bête aux proportions démesurées.

Ayant tout juste assez d’appuis sur ses pieds et quelques instants pour faire des signes incantatoires, elle appelle à la nature pour faire face à leur ursidae trop curieux. Des ronces s’enroulent alors au niveau des pattes arrière pour par la suite s’étendre sur son corps. La bête se débat naturellement à cela malgré le sang qui coule de ces gestes brusques, et sa force semble lentement forcé les obstacles de la femme à se déraciner.

- Ks…

De ses ronces, désormais des pétales se dévoilent pour laisser un pollen s’infiltrer dans l’air ambiant. Au vu de la réaction de la bête qui ne semblait que peu appréciée ce cadeau de Mère Nature, il en va sans dire que cette offrande devait être empoisonnée.

- M’sieur Nurarihyon, éloignez-vous et couvrez-vous les voies respiratoires pour ne pas en respirer.

Cela n’était en rien mortel, mais le corps de la bête avait tendance à se raidir à mesure que le temps laissait l’ursidé exprimer sa colère et respirer cette chose. D’ici peu, il ne serait plus qu’un prisonnier qui devra se faire à l’idée d’être la proie.

- Est-ce que tout va bien… ?

Une foulure sur un faux mouvement, elle ressent une certaine douleur à sa cheville. Rien de dramatique, mais cela restait quelque peu embêtant. Heureusement qu’ils avaient un moyen de transport leur épargnant la marche.

Le même qui était à l’heure actuelle à la renverse avec des fêlures et dont le cheval avait alors décidé de prendre son envol.

Résumé: