Essouflé, le combat avait été rude face au Kaijuu mais les éveillés au chakra avaient décidé de s'allier afin de vaincre. Bien leur en avait fait puisqu'ils en étaient sortis victorieux. Des pertes étaient malheureusement à déplorer, cependant Shin ne pensait qu'à une chose : Nara Elin. Cette personne avait fait des choses que... Shin ne pouvait clairement pas supporter. Bien qu'il n'était clairement pas tout blanc, parfois tuant de sang-froid, le Sarutobi détestait les personnes qui se battaient contre lui. La manipulatrice des ombres avait fait des choses impardonnables, mais elle avait été libre de repartir.

Découvrant le paysage ravagé, Shin soupira, l'Harmonie allait devoir travailler dur pour réparer tout cela malheureusement. Shin avait décidé de ne pas y participer, bien que sa relation était grandissante au sein même du pays. Que pouvait-il faire ? Il était évident que sa maîtrise des élements pouvait être un atout pour l'Harmonie, mais Shin avait d'autres chats à fouetter.

Alors qu'il gambadait dans un village devasté, près du rivage, il retrouva une personne qui avait combattu à ses côtés. Son nom était Nihon, Shin possédait une mémoire assez intéressante et une bonne physionomie. « Je constate que tu n'es pas mort, » lui déclara-t-il pour attirer son attention. « Comme une autre personne... Mais, pour combien de temps ? » Il soupira, Nihon pouvait savoir de qui il parlait puisqu'il l'avait attaqué également.

« Que comptes-tu faire désormais ? » lui demanda-t-il. « Malgré notre victoire et les pertes, je ne peux rester sur cette défaite... », lui avoua-t-il.

La chair brûlée par le feu céleste d’Ido-shima, Nihon refusa la proposition de séjourner quelques jours à l’hôpital Uzumaki. Il portait ses stigmates et son bras arraché avec fierté. Ces marques de guerre illustraient la détermination sans faille du Nurarihyon - ainsi que la folie des Hommes lorsque les sirènes du Chakra obscur leur murmuraient de céder à l’anarchie. Dans les entrailles d’un village dévasté par l’apparition du titan saurien, la main gauche du commerçant servait de gobelet. Après s’être désaltéré, l’eau aspergea son visage, chassant la fatigue accumulée.

▬ Que veux-tu.

L’Ibris barra le chemin à l’homme masqué. Sa patte velue s’ouvrit, libérant plusieurs mini-éclairs noirs.

— Laisse Hanzo, il ne nous veut pas de mal.

L’âme-liée quitta sa position accroupie pour s’asseoir sur une dalle de pierre, les restes d’une colonne, qui formait anciennement une imposante bâtisse. Certes, l’engeance du Clan Uzumaki avait prodigué les premiers soins, chassant l’ombre de la faucheuse. Toutefois, l’état physique du grand brûlé était déplorable.

— Toi aussi tu es vivant, et en meilleure forme visiblement. Sacrée expérience de combattre un Bijuu aussi grand qu’une montagne…

Pensif, suite à la perche tendue, la crinière fauve se retourna vers son Kuchiyose.

▬ Il parle de la manipulatrice des ombres. Celle que j’ai affrontée, alors que tu étais frappé par les hallucinations du Chakra obscur.

— Ah.

▬ Que proposes-tu, Sarutobi ? Tu veux la traquer et récupérer sa tête ?

— Que penses-tu de nous rejoindre ?

▬ Tu veux qu’il rejoigne le Ni-...

— Je suis sur le point de fonder le plus grand empire commercial du Continent. Le projet est encore au stade embryonnaire. Notre prochaine destination sera Toji, après une halte à Tetsu. Je pense que tes compétences pourront nous être utiles. Le Désert a soif, vois-tu ?

L’Ibris, après la surprise, laissa un sourire poindre sur sa gueule.

— Cessons cette vie de mercenaire à la solde du plus offrant, et devenons maîtres de nos destinées. Qu’en penses-tu, Héros de Chowa ? Tôt ou tard, tu auras ta revanche… En attendant… tu peux collaborer et participer à la constitution du premier Sekai bōeki chūshin, voire des Kinu no michi.

En tout état de cause, Shin avait prouvé sa valeur. Ensemble, ils avaient réussi l’exploit de sauver une partie du Rivage, après un échec évident. Cette réalité suffisait à Nihon : à bien des égards, ils étaient tous deux des frères d’armes, bien qu’ils ne se connaissaient pas encore.

▬ C’est ton jour de chance...

Malgré la fatigue, autant physique que mentale, Shin se tenait debout face à Nihon et sa créature. Sacrée bestiole, et ayant vu de quoi elle était capable, le Sarutobi espérait ne jamais s'y frotter. Puis, mieux valait avoir quelques amis dans sa liste si le vent venait à tourner pour le masqué. Ce-dernier avait des objectifs bien dessinés, sachant parfaitement ce qu'il souhaitai faire : prendre le pays des Monastères et son clan. L'homme qu'il rencontrait donc était bien plus mal en point que ce que n'était le Sarutobi, mais il avait été présent lors de cet événement majeur du Continent. « Le plus important est notre victoire, » préférait conclure le Sarutobi sur toute cette histoire, c'était ce qu'il préférait retenir.

Néanmoins, il repensait à cette femme qui avait détruit l'élaboration de stratégie du petit groupes d'apatrides qui s'était formé. L'Harmonie l'avait libéré, mais il ne comprenait pas encore les raisons de cela. Traqué. Elle devait être traquée. « Je veux sa tête, évidemment. Et j'en profiterai pour récupérer la prime, si nous nous aidons, je la partagerai, » lui expliqua-t-il, estimant et pensant surtout que Nihon aurait à coeur (ou peut-être Hanzo) de se venger. Nihon proposait au masqué de le rejoindre, arquant un sourcil, il se fit curieux et tout ouïe, laissant l'orateur s'expliquer.

« Un Empire commercial, tu dis... » L'offre était alléchante, néanmoins, pouvait-il se permettre de laisser son clan aux mains de cet homme ? « Quel y serait mon rôle ? Je doute être le plus apte à être commercial, » avoua-t-il, bien qu'il savait parler, il n'avait jamais vendu des choses grâce à cela. « Je compte me rendre à Hametsu, Toji et Tetsu ne font pas parti de mes trajets de route, vois-tu... » Il soupira. « J'imagine que je la traquerai seul, mais ce n'est pas un problème, après tout ce n'est qu'une femme. »

« On peut évidemment discuter de tout cela, je ne suis pas fermé à vous rejoindre... » déclara le Sarutobi, désireux de s'entourer correctement. « Outre la Nara, j'ai un objectif premier à atteindre. Si vous connaissez ma réputation, vous vous doutez de quoi il s'agit ? » Sacré Soryo.

Les deux versants d'une même pièce se regardèrent. De toute évidence, ils ne connaissaient pas la renommée de l'homme masqué devant eux. Nihon n'avait jamais possédé de Bingo Book entre ses mains, et la transition du shinobi en animal avait gommé quelques fragments de sa mémoire - dont cette question des primes. En outre, les récents événements l'empêchèrent de continuer sa quête de réhabilitation auprès de Bo Takeshi.

▬ Il y a des poissons bien plus importants que cette femme. Un shinobi qui s’entête est un shinobi mort.

Pour le Kuchiyose, la Maîtresse des Ombres n'était pas digne d'être qualifiée de proie. Nonobstant sa folie et ses actions impulsives, elle ne présentait aucun danger. Certes, ses actions compliquèrent leur tâche, sur les berges de l'Anarchie, mais ils parvinrent à survivre, malgré sa présence. Le Continent recelait de Nara Elin : il suffisait de s'intéresser au monde de la pègre pour s'en persuader.

— La constitution d’un empire commercial ne nécessite pas que tous ses acteurs partagent le commerce comme trait commun. Je m’occupe de la partie administrative, comptable, financière et juridique.

La réponse du Sarutobi fut jugée insatisfaisante. Aux yeux du grand brûlé, il n'avait pas compris ce que représentait la possibilité d'intégrer la constitution de ce projet, à ses débuts.

— La constitution d’un tel projet appelle l’implication de nombreux associés, d’origines et d’horizons variés. Il me faut des gardiens qui veilleront sur les Routes de la Soie, des émissaires qui iront s’entretenir avec les pays pour autoriser un tel passage sur leur terre, des âmes farouches qui créeront les centres de commerce dans de nouveaux territoires, des mercenaires capables de faire pression ou de lancer des offensives surprises contre les concurrents.

Il existait autant de possibilité de se greffer aux Sekai bōeki chūshin qu’il n’existait d’être humain foulant le sol du continent.

— Hametsu Sekai Bōeki Chūshin, la HSBC, est le prochain centre sur la liste. Cet endroit relancera l’économie du Bidonville-Pays. Réfléchis-y Sarutobi, tu pourras être connu comme l’un des premiers hommes à avoir participé à une telle conquête. L’instauration des nombreux SBC est un moyen détourné de prendre le contrôle de ces territoires.

Nihon décida de jouer la carte de l'honnêteté.

— Pour être franc, nous ne connaissons pas ton objectif. Toutefois, qu’importe sa teneur, se construire une identité et agréger des associés te permettra d’être connu dans le Continent. Grâce à ça, tes objectifs seront plus facilement atteignables. Au regard de ta présence, tu n’es pas un shinobi qui se contente du minimum. Je sens que tu n’es pas là pour récupérer les chats des grands-mères, ni pour jouer au chevalier servant. Nous avons été Apatride trop longtemps, à nous d’inverser la tendance et de récupérer ce qui nous est dû.

Un sourire macabre barra le faciès dévoré par le feu céleste.

— Lorsque le Continent sera unifié sous une bannière unique, tu seras le daimyo de la contrée de ton choix.

« J’en suis bien conscient, il est vrai… » repondit l’encagoulé dans un long soupir. Malheureusement, Shin était un entêté. « Nous verrons bien en temps voulu, je ne compte pas non plus risquer ma vie pour cette personne, » préféra conclure le Sarutobi sur le sujet. Le cœur de la discussion arrivait sur le projet à long terme de Nihon. Dire que Shin n’était pas intéressé par cette idée serait un mensonge, néanmoins ses projets à lui étaient tout aussi important. Il se l’était promis : il tuerait Soryō Kobayashi et reprendrait la tête de son clan mais également du pays.

Cependant, bien que maniant la parole assez bien, Shin ne se sentait pas l’âme d’un commercial. Nihon lui expliqua qu’il n’était pas nécessaire de posséder cette fibre pour rejoindre le grand projet des Sekai Bōeki Chūshin. Des gardiens, des émissaires, des mercenaires, le projet en était à ses débuts et Nihon avait besoin de bras. Pouvait-il compter sur le maître des éléments qui lui avait déjà démontré toute l’étendue de ses capacités ? L’invocateur prouvait bien là son talent, précisant d’ailleurs que l’empire commercial était un sous-marin pour contrôler le Continent.

Restant silencieux, l’élémentaire écoutait les paroles de son interlocuteur. « Étant donné que tu as joué franc-jeu avec moi, je le serai également, » lui dit-il de prime abord. « Je compte défaire Soryō Kobayashi, ce felon a pris la tête de mon clan sans pour autant être un Sarutobi suite à la défaite de feû mon père. Et prendre les Monastères de ses mains d’assassin. » Cela pouvait ainsi rejoindre son idée où le Sarutobi deviendrait le Damyo des Monastères. « Être errant comme je le suis depuis lors ne m’intéresse pas. J’aime la stabilité. »

Il n’y avait plus besoin de réfléchir. « Je te rejoins, Nihon. Moi, Sarutobi Shin, je serai ta lame, » lui dit-il solennellement. « Sache néanmoins que si la possibilité de tuer Kobayashi m’ait octroyé, je le ferai. » Shin continuait de jouer l’honnêteté, même s’il se doutait que l’occasion ne se présenterait pas de si tôt. « Je vais me rendre à Hametsu et dès que j’en aurai fini, je te rejoindrai. Écris moi pour me prévenir de ta localisation, Nihon. » conclut l’encagoulé.

Nul n’avait forcé le masqué à révéler ses desseins les plus obscurs. Pourtant, il le fit. Cette hardiesse plut aux deux versants d’une même pièce. Seul un fou pouvait dévoiler un projet si macabre, au premier venu. D’aucuns en auraient profité pour retourner cet élan de franchise contre le maître des éléments. Pas Nihon. Encore moins Hanzo.

— Sarutobi Shin....

Invocateur et Kuchiyose se regardèrent un long moment. Ils partageaient un fragment d’âme commun, ce qui leur permettait de se comprendre assez vite, sans même devoir poser des mots sur ce qu’ils ressentaient.

▬ C’est un Destin bien intéressant que tu t’offres.

Sarutobi Shin figurait, pour eux, parmi les vaillants. Ceux dont l’ambition dévorante changerait le Continent à jamais. Ce type de joyau brut, si rare dans la nature, devait être gardé précieusement et poli, de sorte à le transformer en diamant.

— Pourfendre le Primat, prendre le contrôle de ton clan et récupérer Garan…

▬ J’ai jadis tenté de détruire la Banque Shugyoku pour fragiliser son contrôle sur le Continent.

Sa lipe s’anima pour dévoiler un sourire carnassier.

▬ Il te faudra un plan pour faire tomber ta proie.

— J’aime ton ambition. Je comprends ton désir de vengeance. Étendons les Routes de la Soie jusqu’aux monastères de ton pays. Il sera plus simple de retourner le pays contre le Primat que d’affronter Kobayashi et son peuple. Apportons leur la richesse et les plaisirs mondains de ce monde. Une fois le peuple derrière nous, il te sera beaucoup plus aisé de décapiter ta cible, Shin.

▬ Nihon dit vrai. Sans aide qui provient de l’intérieur, il ne sera pas possible de briser le cercle de la vengeance. Ce n’est pas qu’une question de manipulation de la foule, c’est plus profond que ça. Le peuple de Garan doit te voir comme leur Champion, celui qui vient déraciner le mal et rétablir l’ordre.

Les deux Gardiens de l’Anarchie se complétaient pleinement ; ces réponses, les unes à la suite des autres, illustraient à merveille la connexion profonde qui les animait.

— Je comprends que tu ne puisses pas partager cette vision pragmatique. Nos émotions sont parfois nos ennemis les plus fidèles. Cela n’aurait aucun intérêt de mourir après avoir obtenu la tête de Kobayashi, si tant est que les légions de Soryo te le permettent. Il faut savoir être astucieux et frapper le moment venu. Notre lutte sur ce rivage nous l’a démontré, l’effort commun ravage même les pires fléaux. Pour le malheur qu’il a fait subir à ton clan, détruisons le Primat en s’attaquant à ce qu’il chérit le plus.

▬ Tu auras obtenu une triple victoire. La mort de Kobayashi. La libération des Sarutobi. La récupération du titre de Primat, si le peuple te suit.

Nihon quitta sa station assise pour se relever. Les deux shinobi avaient perdu assez de temps en palabres et planification. Désormais, il fallait chasser l’entente tacite pour laisser les actes parler. L’ambition du Sarutobi sera testée lorsque sa consoeur réclamera sa présence pour constituer le plus grand Empire du Continent.

— Sarutobi Shin, le Nisshoku accepte ta lame. Ma plus fidèle alliée, Yoake, te contactera pour que tu nous rejoignes, une fois que nous aurons assis notre influence. Nous nous reverrons vite haha !

Une brève poignée de main scella leur union. Tous les trois reprirent leur chemin respectif, le premier en direction de Tetsu, le second en direction d'Hametsu.

▬ En attendant, ne meurs pas. J’ai bien envie de tester la solidité de tes os, vois-tu ?

Au loin, cette phrase résonna comme une ultime exhortation, celle pour un combat confraternel.

Jusqu'à présent, Shin avait gardé secret ses objectifs. Mais, il avait senti que Nihon et Hanzo étaient capable de l'entendre et surtout de le comprendre. Apatride comme lui, leurs objectifs pouvaient se mélanger pour ne faire plus qu'un. Qu'allait-il se passer désormais que le Sarutobi avait avoué que son objectif était d'ôter la vie de Soryo Kobayashi et reprendre son clan et le pays, par extension ?

Malgré le bon pressentiment, le masqué restait en alerte de la situation car il n'était pas à l'abri de les avoir offensé. Il les laissèrent s'exprimer, mais Shin comprit que les deux êtres étaient probablement de son côté. Le Sarutobi avait su se faire apprécier, visiblement. D'ailleurs, ils lui firent comprendre que "juste" tuer le Primat n'était pas une idée. Shin n'avait pas eu cette vision des choses, et elle était intéressante pour lui.

Se mettre la population garanjine de son côté, affaiblir le Primat, c'était ce qu'il devait faire donc. Mais seul, il le savait, il n'irait guère loin. « Je n'étais pas allé aussi loin dans ma réflexion » avoua le Sarutobi, s'étant contenté d'augmenter sa puissance uniquement. Il allait devoir pousser sa réflexion à son paroxysme jusqu'au bout.

Le pacte fut scellé entre les trois parties. Shin allait rejoindre Nihon dans sa quête, y trouvant également quelques intérêts. « Je ne mourrai pas, sois en sûr, j'ai moi-même hâte de voir ce que tu vaux et ce qu'il y a sous cette fourrure », répondit-il, souriant sous son masque avant de quitter les lieux en direction des terres en Ruines.