La vie. Comme quoi, ça tient toujours à un fil, peu importe ce que l'on essaie de faire, la personne que l'on essaie de devenir, les compétences que l'on tente de prouver. Il y a toujours un moment où les décisions des uns et des autres nous poussent à l'erreur, et on passe du statut de futur ingénieur de génie sous le feu des projecteurs à paria en fuite, recherché par l'ensemble de son pays, obligé de fuir sa propre famille et ses amis, vivre dans la misère et se faire casser la gueule au premier coin de rue du Pays de la Pluie. J'ai seulement trente printemps, mais j'ai déjà vécu pas mal de trucs. J'ai été corsaire, navigateur, constructeur de vaisseau d'exception, ingénieur en projet mobile, et j'ai même été à l'origine de certains engrenages de la Capitale-Mobile de Kome no Kuni. Tout ça pour quoi au final ? Pour me retrouver à tenter de rallier mon ancien pays d'accueil à la recherche d'une raison d'exister : Tetsu no Kuni, le Pays du Fer. Il n'y avait pas à dire, finalement, c'était peut-être au milieu de ses mines et de ses gigantesques colonnes de fumées que je me sentais le plus à l'aise. Bien que je préférais l'air maritime, la vie à Tetsu n'était pas si mal, et je n'allais clairement pas cracher dans la soupe alors que seulement quelques mois auparavant je vivais sans le sou, à presque réfléchir à manger mon petit compagnon champignonnesque.

« Hey oh, je t'entends ! »

Ah, oups. Bon, bref, tout ça pour vous dire que ça me faisait plaisir d'enfin pouvoir, littéralement, dégommer un bon repas chaud ainsi qu'enchaîner quelques chopines de bières, pas vraiment fraîches, mais j'ai appris à arrêter de me plaindre. J'enchaînais les plats à une cadence vertigineuse, l'appétit des Akimichi n'avait d'égal que notre capacité à tout engloutir sans jamais s'arrêter. Je sentais bien les regards se poser sur moi, il faut dire que mon physique, en plus de mon appétit, ne passait pas inaperçu. Un colosse, gigantesque, traînant torse nu la majorité du temps, doté d'une musculature à faire pâlir les dieux. Mes errances au Pays de la Pluie m'avaient aussi valu cette énorme cicatrice sur le visage, qui me donnait ce petit côté sauvage, qui n'avait pas l'air de déplaire à la gent féminine. Et mon rire, un rire gras, la gorge déployée, les morceaux d'aliments prémâchés tombant quelques fois à quelques mètres de moi. Et des rires, il y en avait ce soir, dans cette taverne qui puait la dépression et la mort au travail. Les rires venaient quasiment tous de ma table, où depuis plusieurs heures maintenant je découvrais le personnage haut en couleurs qu'était Usuzumi Kaito.

J'avais déjà entendu parler de lui auparavant, pour tout un tas de choses, mais je n'avais jamais pu rencontrer le véritable artiste qui se cachait derrière tout ça. C'était un homme d'humour, sa longue pipe pour alliée lorsqu'il contait ses histoires. Il fallait le dire, j'étais friand de ce genre d'histoire, et très bon public. Il aurait pu continuer ainsi pendant des heures, du moment qu'il y avait de la bouffe et de la bière, j'aurais été là pour l'écouter. J'avais également un peu parlé de mes péripéties, sans vraiment entrer dans le pourquoi du comment, c'était plutôt pas mal s'il gardait de moi cette image d'ingénieur de renom. Puis subitement, il changeait de discussion, abordant notre futur périple dans les profondeurs que nous avions prévu d'effectuer peu de temps après. C'était d'ailleurs pour ça que je prenais toutes les forces que les calories m'offraient. Qui sait si j'allais pouvoir trouver de quoi m'en mettre sous la dent pendant notre aventure dans ce dédale ténébreux.

« Tu parles d'un échauffement ? Je suis chaud bouillant. Laisse-moi juste le temps de... »

Me mettant sur mes deux jambes, mon corps titanesque captant les regards de la foule quelque peu inquisitrice de ce qu'il allait se passer maintenant. J'enchaînais les rotations au niveau de mes épaules, craquant mon cou de gauche à droite, avant de resserrer le chignon sur ma tête. Je venais attraper une énorme cuisse de dinde qui traînait dans l'assiette du voisin, la calant de ce pas entre mes dents.

« Hors crunch-crunch de ques... crunch-crunchtion que buuuuurp.... »

« On comprend rien, enfoiré d'abruti. »

Bānādo venait interrompre ma tirade qui s'annonçait pourtant épique.

« Je voulais dire ! Hors de question qu'on se batte le ventre vide ! C'est parti ! »

Hop, petit tour de bras droit, petit craquage de nuque, échauffement des doigts, on craque les coudes. Bon, et bien je crois que je suis prêt, ça fait un bon moment que je n'avais plus usé de mes talents en combat. Disons que le manque de nourriture m'avait complètement réduit à l'état végétatif, arpente le Continent telle une âme esseulée à la recherche d'une repentance. Heureusement pour moi, Imono Tetsumaru avait été cette lueur d'espoir dans les ténèbres, m'accordant une confiance particulière, me faisant parvenir un échantillon de ce Matériau-Organique si particulier, semblant être le futur de toute construction prodigieuse. Encore fallait-il en trouver son origine et son fonctionnement. Mais il était clair que grâce à elle et au Pays du Fer, je disposais, entre mes gigantesques mains, de quelque chose de puissant.

Mais bref, là n'était pas le sujet. Je me préparais à foncer en direction de l'Usuzumi, en plein milieu de cette taverne, même si j'allais sûrement faire voler en éclats la table et autre mobilier face à moi. Mais, je me stoppais un instant, voyant le cracheur de fumée prendre la direction de la sortie. Ah bah oui, il a raison, on n'allait quand même pas faire ça en plein milieu de cette bâtisse.

« T'es vraiment con, mon pauvre. »

Banado, sale petite bestiole de merde, je te jure que quand on retourne au Pays du Riz, je te renvoie dans ton Calice à grands coups de pied dans la face. Hmmhmm. Bon, donc oui, effectivement, l'homme élégant et espiègle avait fait le bon choix de se tourner vers l'extérieur. Je ne voulais clairement pas causer de tort dans ce pays, et encore moins dépenser toutes mes maigres économies dans la réparation de ce vieil endroit. Une petite foule de curieux semblait nous avoir suivis, ce qui me faisait quelque peu rougir. Je n'avais pas l'habitude de me donner en spectacle. Mais on ne va pas se mentir, j'étais chaud bouillant !

« Aahahahah, je suis heureux de partager ce moment avec toi, Usuzumi Kaito ! J'ai encore plus hâte de descendre dans les profondeurs du Continent, mais c'est l'échauffement rêvé ! »

D'ordinaire, j'aurais sûrement foncé tête baissée pour lui décrocher la mâchoire d'un uppercut puissant. Mais là, c'était un entraînement, il fallait que je le garde en tête. Puis la foule semblait s'être rassemblée pour admirer un spectacle, comme une chorégraphie, plutôt qu'une mise à mort pure et dure. Je me redressais alors de tout mon long, bombant mon torse faramineux et haranguant la foule.

« Vas-y Kaito, je te laisse commencer les hostilités ! »

Un léger moment de calme s'était installé, comme le dernier silence avant le déclenchement d'une tempête. J'avais vu des silences semblables lors de ma vie de corsaire, et je pouvais déjà prédire ce qui allait se passer ; la scène se figeait avant que la chorégraphie aux pouvoirs envoûtants ne se mette en place. La petite foule qui nous avait suivis ici prenait quelques pas de recul ; visiblement, tout le monde comprenait que malgré le statut amical, il y allait avoir un affrontement en ce lieu, et que certains pouvoirs allaient être utilisés et montrés aux yeux du monde. Je connaissais le clan Usuzumi de nom, bon nombre d'entre eux étant réputés sur tout le Continent, mais je n'avais jamais vu les manieurs d'Encre à l'œuvre. Un mélange d'excitation et de léger stress commençait à caresser ma colonne vertébrale.


« C'est parti ! »

Ma voix tonitruante venait soulever le cœur du public, et la petite foule commençait également à donner de la voix ; visiblement, le manque d'activité et de divertissement dans les forges et sous les colonnes de fumées n'était pas une légende. Mon adversaire du jour n'avait pas tergiversé, commençant son prodigieux ballet d'encre et de signes incantatoires. C'était d'une beauté qui, pour un artiste comme moi, me laissait sans voix. Même si nos deux styles d'arts étaient bien différents, le mien passant par la construction et le sien par le dessin, j'avais plus de facilité à comprendre l'énergie créative qui débordait de toute part derrière Kaito. J'étais heureux de partager ce moment ainsi, mais je ne comptais clairement pas le laisser gagner !

Deux premières créations d'encre venaient foncer dans ma direction, de féroces félins aux contours précis et au style particulier ; chaque Usuzumi disposait de sa touche personnelle, j'imagine. Mes deux paumes se tournèrent alors vers l'avant, en direction des fauves, mes appuis s'ancrant sur le sol, préparant l'impact imminent.

« Par ici les matoux ! »

Alors que mes coudes reculaient vers l'arrière pour donner une impulsion vers l'avant à mes deux paumes, celles-ci venaient doubler, voire tripler de taille, dépassant l'entendement pour certains, telles les mains d'un demi-dieu. Mes coudes se mirent en action, mes deux paumes frappant les fauves arrivant dans ma direction, sans pour autant outrepasser les crocs et les griffes qui avaient fait leur affaire en tailladant mes gigantesques doigts. Mais ce n'était rien ; les Akimichi sont robustes, et mon corps l'était plus que la normale. Sans perdre un instant, je vins redonner à mes mains leur taille d'origine, tout en prenant appui derrière moi avec mon pied droit. Il était temps de réduire la distance qui nous séparait. Propulsant mon poids vers l'avant et gonflant mon pied un court laps de temps pour booster mon élan, je vins combler la distance entre nous à grande vitesse. Malgré les légers mètres qui nous séparaient encore, cela n'était clairement pas un handicap étant donné mon pouvoir clanique. Ma main droite ainsi que tout le bras qui la soutenait reprirent une taille gigantesque, bien supérieure à nos deux frêles corps, me permettant de combler le dernier espace entre moi, lui, et ses corbeaux d'encre. La main allait s'abattre sur tout le petit groupe, pas le temps de m'occuper de chaque bestiole. Arrivant de manière latérale, rasante le sol et soulevant la poussière sur son passage, j'espérais toucher chaque individu présent dans la zone de fauche.

Résumé:

Visiblement, l'artiste n'était pas un débutant en combat ; il avait réussi à outrepasser ma vitesse et le fait que je n'avais pas besoin d'user de signes incantatoires par son intelligence et son anticipation. Les frissons d'excitation qui parcouraient lentement mon échine redoublaient de vigueur à la vision d'un homme capable de se défendre en plus de maîtriser son pouvoir avec grâce et précision. Ma technique d'envergure avait simplement fauché deux de ses petits oisillons, une bien maigre récompense. De plus, l'artiste avait décidé de prendre son envol un peu plus haut, sur une nouvelle création ailée, plus grande que les autres, capable de le transporter sur son dos. Je marquais un temps d'arrêt, mon bras droit reprenant sa forme initiale. Le pouvoir de l'encre était redoutable à bien des égards, tant je me confrontais déjà à sa polyvalence. Attaquer, fuir, voler, non mais vraiment là j'étais mal embarqué. Je le contemplais prendre son envol, tandis que mes compétences martiales s'arrêtaient à des techniques plus frontales, restant la plupart du temps sur le plancher des vaches.

« Banado, comment je fais dans cette situation ? T'as pas une idée, parce que je suis dans la merde là ? »

Oui, quand j'étais en panne d'inspiration, je prenais parfois l'avis de mon champignonnesque acolyte. C'est vrai qu'il est aigri, ronchon, insultant et pas vraiment fait pour les interactions sociales, mais il avait quand même vécu pas mal de choses dans sa vie et s'y connaissait plutôt bien en technique de survie.

Mais le manieur d'encre ne me laissait pas gagner du temps en tentant d'élaborer une stratégie. De sa position préférentielle, dansant avec les cieux, il venait composer une nouvelle série de mudrās, une légion de serpents prenant vie de son dessin, coulant tel le lit d'une rivière, coulant des cieux dans un ballet triomphal de couleur et d'encre. La foule émettait quelques bruits d'émerveillement ; c'est vrai que c'était assez joli à regarder et semblait presque faire partie d'un spectacle. Les créations reptiliennes venaient s'échouer sur le sol, survivant à la chute de manière plutôt étonnante en vue de leur constitution fragile. Ils venaient d'ores et déjà ramper en ma direction. Bon, bah on repartait. Je venais allonger mes jambes de plusieurs mètres, les réduisant dans la seconde qui suivait pour me retrouver en hauteur, au-dessus de l'armée reptilienne. N'ayant pas les compétences pour pouvoir voler comme mon adversaire, je profitais de la chute pour une nouvelle fois faire prendre à ma dextre et son bras une taille gargantuesque, la paume en direction du sol afin d'écraser complètement le groupe de serpents. Visiblement, j'avais réussi mon coup, les tâches d'encre éclaboussant sous l'impact de ma paume avec le sol témoignant de ma réussite.

« Bon, donc maintenant, l'artiste... Aïe ! »

Alors que je pensais déjà à mon prochain mouvement, la gigantesque taille de mon bras me maintenant en l'air, une douleur venait me saisir le poignet, quelques reptiles ayant réussi à se faufiler entre les interstices de mes gigantesques doigts afin de me mordre de concert. Putain, ça fait un mal de chien ! Je venais réduire la taille de mon bras, reprenant ainsi ma chute mais me débarrassant des parasites reptiliens. Je retrouvais de nouveau le sol. Les quelques survivants continuaient de ramper en ma direction. Bon, là, je commençais à me mettre en colère. J'aime pas avoir mal, j'aime pas les serpents et j'aime pas qu'on fuit le combat comme ça !

« Tu vas quand même pas détruire une partie de la rue ? »

Banado avait ce don pour lire dans mon regard comme dans un livre. Bien que certaines fois, il arrivait à me raisonner, en d'autres circonstances, mon esprit préférait ne plus réellement réfléchir et foncer tout droit. Je venais alors, cette fois, grandir de tout mon être, ma taille dépassant de loin celle de la foule de civils, puis bientôt de certaines bâtisses. Je culminais désormais à plusieurs mètres de haut, les regards émerveillés se tournant maintenant en ma direction. D'un énorme pas vers l'avant, je venais décimer la dernière partie du groupe de serpent sous la semelle de ma chaussure, appuyant avec force mon coup afin de créer un énorme impact, faisant s'élever une plaque de terre qui, autrefois, appartenait au sol. De mes deux mains, je venais saisir l'énorme morceau tellurique que je venais projeter avec force en direction de l'artiste et de son volatile. Bon, je m'étais peut-être un peu emballé et j'allais sûrement devoir claquer une partie de mes économies là-dedans, mais au moins, les gens profitaient du spectacle !

Résumé:

Fiou. On dirait bien que je n'ai pas arraché le pavé pour rien. Même si je reprenais peu à peu conscience et surtout, connaissance du morceau de terrain que je venais d'arracher et de lancer au visage de l'artiste. Merde. J'aime bien le Pays du Fer, j'espère qu'ils ne m'en voudront pas trop, mais le truc, c'est que je ne suis vraiment pas sûr d'avoir assez d'économies pour payer les réparations. Bon, visiblement, on verra ça plus tard, l'essentiel c'est que ça ait plu à la foule, qui commence à s'extasier de joie face au spectacle haut en forme et couleur qu'on propose avec l'Usuzumi. Le morceau de sol préalablement arraché venait s'écraser au sol, formant un nouvel impact. Merde. Tandis que Kaito semblait faire de même, usant d'une dernière stratégie d'urgence pour éviter de s'écraser sur le sol après la destruction de son volatile d'encre.

« Et baaaaaam, touché, coulé ! »

Je venais lever le poing en signe de triomphe, mes gigantesques pieds trépignant quelque peu dans ce qui semblait être une petite danse de la victoire.

« Ce n'est pas censé être un match amical, votre truc ? Il saigne, je te signale, ducon. »

Merde. Banado avait raison, je m'étais un peu trop laissé emballer et avait presque oublié que j'affrontais mon futur partenaire d'exploration des entrailles du Continent, c'était clairement pas le moment de fanfaronner sur le fait de l'avoir eu plein vol. Et en plus, je l'aimais bien ce Kaito, il était drôle et sympa, ça me rappelait mon frère adoptif, malgré son caractère bien trempé, c'était sûrement le mec le plus drôle que je connaissais. Il me manque. Snif. J'irais le retrouver un jour, le sortir des griffes du Pays du Riz. Et visiblement, j'avais crié victoire un peu trop vite, à en croire la gargantuesque masse de sang et d'encre qui commençait à prendre forme face à moi. Et bah, faut dire qu'il ne rigolait pas, l'artiste ; sa création, en plus d'être majestueuse, dépassait ma taille. Le public restait sans voix, comme moi, un léger instant. Le colosse de chair contre le colosse de sang. Si Kaito voulait peindre une pièce de ce tableau qui se dessinait, c'était clairement celle-ci.

Mais visiblement, l'idée n'était pas de se mettre au dessin, mais bien de me tabasser avec son golem. L'attaque était double, à en croire les quatre nouveaux volatiles qui avaient dépassé la masse carmin pour foncer en ma direction. Je n'eus le temps que de partiellement réagir, la surprise et ma taille gigantesque m'octroyaient qu'une légère fenêtre d'action sur les volatiles. D'un revers de main, je réussis à contrer la salve gauche, tandis que la droite venait frapper mes côtes, emportant avec elle un gémissement de douleur me pliant légèrement en deux. Mais le véritable danger était de fuir le plus vite possible ce colosse qui avait l'air d'avoir aussi une envie de m'en mettre plein la vue.

Sans plus attendre, et sans avoir recours au moindre mudra, je venais adopter la stratégie inverse, réduisant mon corps à sa taille initiale, puis bientôt encore plus petit, atteignant une taille en-dessous du mètre. Je n'allais clairement pas contrer le golem dans un concours de force brute, qui laisserait bien trop d'espace à l'Usuzumi pour m'assaillir de ses créations. L'idée était tout autre, bien que je ne voyais pas l'artiste, visiblement caché par la masse gigantesque, il fallait que je le contourne, ou mieux encore.

« Hey le dessin géant, pense à fermer les jambes ! »

Mes mollets se gonflèrent l'espace d'une demi-seconde, permettant à mes appuis de s'ancrer dans le sol, couplés à la légèreté de mon, maintenant, petit corps, je venais me propulser vers l'avant avec fracas visant les jambes du colosse. Pour le faire chuter ? Non, bien trop risqué, je visais le grand écart entre les deux masses, serrant les dents par la douleur lancinante dans mes côtes. Passant entre les deux masses, je venais me retrouver à l'arrière du géant de sang et d'encre, retrouvant la vision sur mon artistique acolyte. Gardant ma petite taille mais grossissant l'entièreté de mon bras droit, ainsi que la main, je venais tenter de le saisir en coupant la distance. Je voulais l'enfermer dans la paume de ma main, le forcer à résorber ce golem.

Résumé:

Cours, cours, cours. Malgré ma petite taille, le grossissement spontané de mes mollets m'avait fait démarrer en flèche, contournant la masse du golem d'encre par ma vitesse et ma fougue. Je connaissais que trop bien les faiblesses de faire plusieurs mètres de haut : la masse augmentait et parallèlement, la vitesse s'en trouvait réduite. Plus de force, mais au détriment de l'agilité, c'était le point faible de notre technique clanique. Et c'était également pour cette raison que je n'usais que peu souvent du décuplement complet, préférant, comme montré durant ce combat d'exhibition, allier mon corps naturel à des grossissements plus rapides et surprenants. En tout cas, il était clair que le colosse d'encre souffrait des mêmes lacunes que mon pouvoir, sinon, la jalousie m'aurait fortement envahi d'être plus lent qu'un dessin fait d'encre et de sang.

Je venais passer entre les jambes du colosse, retrouvant une vision éclairée sur la position de Kaito ; ma fougue et, sûrement, la surprise due à mon plan d'attaque venait stopper Kaito un instant. Ce micro temps mort du côté de l'artiste me profitait, mon bras grossissant déjà plus que de raison afin d'attraper l'Usuzumi au creux de ma paume. Le tout était de ne surtout pas trop forcer, par peur de lui casser les côtes ou lui briser un bras. Ce qui, rappelons-le, n'était clairement dans mon intérêt au vu de notre future descente dans les profondeurs d'un Calice.

« Alors l'artiste, on abandonne ? »

Sourire aux lèvres, tentant de masquer la douleur lancinante dans mes côtes, j'affichais cependant un souffle court. L'utilisation de techniques répétées et alternant entre grossissement et diminution, bien que n'ayant besoin d'aucun mudra, commençait à jouer sur mon physique. Les différents coups que les créations d'encres m'avaient infligés commençaient également à morceler partiellement ma condition physique. Je restais un colosse même à ma taille naturelle, il me fallait beaucoup d'énergie pour déplacer ce corps, de base.

Le dernier petit volatile d'encre venait se poser sur mon colossale index, tapotant de son bec afin de me faire lâcher prise. Un rire m'envahit, qu'il était mignon de voir l'oiseau tout donner pour sauver son créateur. Je le laissais faire, bien que m'infligeant quelques petites coupures avec son bec, il m'en aurait fallu bien plus pour lâcher mon emprise sur l'artiste maintenant que je le tenais entre mes mains.

« Ahahahaha, continue mon petit tu vas y a-..... »

« Derrière-toi, ducon. »

Le concert de voix entre l'artiste et Banado venait me faire tourner la tête, alors que je sentais une terrifiante présence dans mon dos. Oui. Je suis bête, vous pouvez le dire. Encore une fois, l'excitation d'avoir réussi mon coup m'avait fait oublier la menace, et quelle menace pour le coup. Le poing du colosse d'encre et de sang se rapprochait de moi, ne me laissant aucune issue pour esquiver le coup, j'allais devoir l'encaisser. Mais il était hors de question que j'en sois la seule victime. Au dernier instant, je plaçais la main qui tenait l'artiste face à moi, le bras du colosse nous balayant tous les deux. Je fus forcé de lâcher prise, alors que mon corps rebondissait plusieurs fois sur le sol avant d'échouer quelques mètres plus loin, au pied de la foule, bouche-bée. Sur mon corps apparaissaient déjà les ecchymoses et autres éraflures dues au choc et mes différents rebonds sur le sol. Je venais poser une main sur mes genoux, me relevant tant bien que mal.

Ma respiration était longue et saccadée, mon corps tremblotait de douleurs, tandis que quelques gouttes du liquide carmin venaient finir leur course sur le sol. Cependant, je gardais un léger sourire, celui qui me caractérise tant, regardant en direction de l'artiste.

« Toujours vivant l'Usuzumi ? On dirait qu'on arrive dans le dernier round ahahah. »

Résumé:

Bouche-bée. La foule s'était arrêtée un instant, marquant de leur silence la reprise d'appui des deux chorégraphes. Visiblement, l'Usuzumi avait également pris son dû dans la frappe de sa propre création. Bien que mes muscles commençaient à s'atrophier, aux dires de l'Usuzumi et à sa respiration, je pouvais affirmer que je n'étais pas le seul à arriver au bout de mes forces.

Un large sourire prenait naissance au creux de mes lèvres, se terminant au niveau de mes oreilles. Une petite larme de joie vint perler le long de ma joue, finissant sa course sur le sol abîmé. L'Usuzumi avait décidé de continuer notre combat, pour mon plus grand plaisir. Il avait ce sens du spectacle que je respectais au plus profond de moi.

« T'es vraiment en train de chialer de joie, pour ça ? »

Banado, tu ne peux pas comprendre. T'es qu'un putain de champignon qui parle, avec aucun goût artistique ! Je t'ai déjà vu essayer de dessiner sur mon carnet, c'est de la merde, c'est nul, ça ressemble à rien ! Bon. Trêve de bavardages incessants, l'artiste avait repris son entreprise, tandis que le colosse était toujours plein d'entrain à venir me faire mordre la poussière. Cette fois, ce ne furent pas des oiseaux qui vinrent contourner le colosse, mais bien des reptiles, comme ceux qui m'étaient tombés dessus auparavant. Je tentais en vain de les écraser après avoir amplifié la taille de mon pied droit, mais visiblement, ceux-ci avaient un autre projet que simplement me mordre. Se faufilant le long de ma cheville, ils venaient se saisir de mon corps, entamant une véritable constriction sur mon corps. Le colosse continuait de sang et d'encre continuait son avancée vers ma position.

« D'accord, si tu veux jouer à ça alors. »

Les dernières forces dans la bataille, n'ayant besoin d'aucun mudra, je venais grandir, grossir, encore et encore, mais non pas seulement en taille cette fois, mais aussi en largeur. Mes abdominaux se résorbaient pour laisser place à un ventre bien plus proéminent. Les serpents explosaient sous la pression imposée par le grossissement de mon corps. Je devenais un véritable ballon, de plusieurs mètres de haut. Bien que je n'aimais pas vraiment prendre cette forme, déformant complètement mon visage, je n'avais d'autres possibilités. Rapidité, puissance, percussion, tels les boulets de l'Épave Hurlante lors des guerres maritimes.

Mon corps venait tourner sur lui-même, à une vitesse prodigieuse, ne permettant plus de différencier mon corps d'un boulet lancé à pleine vitesse, vers l'avant, en ligne droite, visant le colosse ainsi que son créateur.

Résumé:

Tourne, fonce, détruis. Ma nouvelle forme de boulet humain venait fracasser un peu plus le sol à chaque rotation, gravant les marques de mon passage. Un premier rempart s'offrait à ma joyeuse attaque signature : le golem d'encre venait se faire avaler par la force de pénétration de cette attaque. Après tout, il n'était qu'encre et sang, pas d'une constitution assez solide pour permettre d'arrêter une balle perforante de plusieurs mètres de haut et de large, faite de muscles et d'os.

Bien qu'il m'ait ralenti quelque peu, laissant sûrement l'occasion à l'artiste d'établir une stratégie rapide avec cette courte marge de manœuvre, j'étais lancé et fatigué. Je n'avais aucune raison de m'arrêter, et prendre le risque de tenter un changement de direction pour attaquer par le haut pourrait s'avérer trop énergivore. Non, cette fois-ci, c'était un tout droit, et le spectacle en serait que plus beau pour la foule. La création d'encre venait s'effondrer de tout son long, transpercée par mon attaque, tandis que le mélange d'encre et de sang se répandait dans la tranchée que je creusais sur mon passage. Les couleurs venaient compléter les trous béants, donnant un regain de vie à ce tableau si majestueux qui se dépeignait face à eux.

« Encore plus viiiiiiiiite ! »

Mes dernières forces dans la bataille, tandis que Banado avait rejoint la foule, détestant se faire malmener de la sorte quand j'utilisais cette technique. J'accélérais une nouvelle fois le rythme. Ayant passé le colosse, il ne me restait plus que la dernière cible à toucher. Je sentais mes muscles se contracter. Heureusement, mon expertise du combat rapproché avait endurci mon corps, sinon, je me serais effondré avant la fin de mon attaque.

Je venais heurter brusquement un deuxième obstacle, une création géométrique dans laquelle se terrait l'Usuzumi. Je devais m'avouer surpris. Tenter d'arrêter un obus humain de plusieurs mètres par une création composée, non pas d'un matériau consistant, mais d'encre ? La fatigue avait peut-être gagné la tête de l'artiste, ou bien le spectacle avait eu raison de sa façon de penser. Ou alors, c'était un autre paramètre, qui venait me frapper dans tout mon corps : le manque d'énergie ? Mon obus ralentissait, bien qu'il venait balayer le cube défensif de Kaito, éclaboussant encore un peu de son liquide sur une partie du champ de bataille. J'arrivais à sa hauteur quand finalement, mes muscles s'atrophiaient. Je perdais en rotation, en taille et en largeur, je venais reprendre ma forme initiale, aux pieds du dessinateur, mes muscles tétanisés par la fatigue. Je venais me retrouver sur mes deux pieds, face à face avec mon adversaire du jour.

« Héhé, je crois qu'on a terminé. »

Grand sourire sur l'entièreté du visage, mon corps pris de spasmes et le liquide carmin coulant le long de mes bras, je venais simplement poser mon poing sur le torse d'Usuzumi Kaito. Le combat était fini, la danse s'était clôturée sur une synchronisation parfaite. Le tableau avait été signé.

Résumé: