Depuis ce jour-là, Tenma était revenu plusieurs fois aux Bambous Envoûtés. Il n’avait que très peu d’espoirs de croiser à nouveau l’homme en guenilles noires, et pourtant cela lui suffisait. Les pupilles vermillon, ainsi que la pièce de chakra laissée derrière lui, avaient fortement intrigué le jeune homme. À plusieurs reprises déjà, il avait voulu enquêter dessus mais le bar miteux était son seul indice. Il ne savait pas à qui s’adresser, ni à qui il pouvait accorder sa confiance, pour faire examiner la pièce alors le shinobi avait préféré se concentrer sur le lieu de rencontre.
Au bout d’un temps, il avait fini par abandonner tout espoir de le croiser à nouveau mais il s’était pris d’affection pour le bistrot. Le patron était aussi propre que son établissement et la serveuse, sa fille, avait la douceur d’un ours, mais ils étaient particulièrement attentionnés avec leurs clients. D’autant plus que Tenma était devenu un client habitué au cours des derniers mois.

Comme à son habitude, il s’installa à la même table et commanda la même boisson avant de sortir son set de dés. Quand il le pouvait, le Fujimi aimait jouer avec d’autres clients du bar. Il aimait particulièrement le hasard des lancés de dés, une forme de liberté sur laquelle on n’avait pas d’emprise. À moins de tricher et d’utiliser des dés pipés, ce qu’il détestait, il était impossible de prédire les résultats. Les stratégies et les complots n’avaient donc pas le moindre intérêt avant que les joueurs n’aient lancé leurs trois dés.
D’autant plus qu’il pouvait également jouer seul quand il n’y avait personne à affronter, ce qui ne le dérangeait pas le moins du monde. Il pouvait ainsi profiter de sa boisson ainsi que de la solitude pour réfléchir à d’autres choses.

Toutefois, alors qu’il lançait les dés pour la première fois de la soirée, Tenma sentit que quelque chose était différent. S’il n’y avait toujours pas la moindre trace du mystérieux homme, le jeune homme avait la sensation que l’air ondulait. Comme si le destin préparait quelque chose. C’était comme une boule au creux de son ventre dont il n’arrivait pas à se débarrasser.
Soudainement, un inconnu passa le pas de la porte. Il ne l’avait jamais vu auparavant et vu l’expression qu’il affichait, c’était la première fois qu’il venait. Instinctivement, il su que son sentiment était lié à cette personne. Alors, comme le fantôme du passé quelques mois plus tôt, il proposa au nouveau venu une partie de Saikoromeijin. Peut-être qu’en discutant avec lui, il découvrirait de nouvelles informations.

Alors que le nouveau venu s’approchait de la table, Tenma le détailla quelques secondes avant de lui tendre quatre dés. Il existait de nombreuses façons de jouer à ce jeu de hasard, et la plupart incluait un croupier. Le Fujimi proposa alors une variante qui permettait de se défaire, du moins partiellement, de cette contrainte.

— Exactement. Quoi de plus passionnant que la liberté du hasard ? Impossible à prédire, et cela nous surprend toujours. Il marqua une légère pause avant de reprendre. Je propose qu’on lance nos trois dés, puis un chacun pour le croupier fictif et on relance ensuite les dés qui ne nous arrangent pas ? Qu’en dis-tu ?

Le jeune homme patienta quelques instants avant d’empoigner ses dés. Il voulait voir si son adversaire avait des remarques ou voulait ajouter des règles. Dans le cas contraire, il lança ses trois dés personnels qui atterrirent respectivement sur les chiffres 5, 2 et 1. Quant au dé du croupier qu’il avait lancé, il obtint également un 5. Le joueur écarta immédiatement ce dernier pour éviter de le confondre avec les siens.
Il releva ensuite les yeux, et planta son regard dans celui de son adversaire. Il voulait autant le jauger que l’observer. Il voulait savoir à qui il avait à faire, et surtout s’il pouvait lui être utile dans sa quête de l’homme aux yeux vermillon.

— Au fait, quel est ton nom ? J’apprécie toujours savoir qui j’affronte…

Tandis qu’il réfléchissait à la suite des opérations, le nombre de dés qu’il allait relancer, il manipula instinctivement la pièce dans sa poche. La situation était fortement similaire à cette soirée-là, et il ne pouvait s’empêcher d’être nerveux.