Tu ouvres les yeux et tu constates que tu es dans un hôpital. Ce genre d’endroit que tu détestes. L’odeur nauséabonde, les lits inconfortables, les draps trop fins et enfin le personnel soignant qui viennent te réveiller très tôt pour ouvrir les fenêtres et faire quelques examens complémentaires. Bien que considéré comme un endroit de repos, il n’en est rien. Cela fait maintenant quelques jours que tu es conscient, et où l’ambiance de l’établissement commence à te peser. Plus les personnes en charge des soins entrent dans la chambre, plus l’envie de tout détruire devient palpable.

Une infirmière pénètre la chambre, tout sourire. Elle tend un biscuit avec gentillesse dans l’unique but de te faire plaisir, mais ton avant-bras rejette le présent d’un revers. La gourmandise heurte le sol, puis le mur et se casse en deux. Son regard en dit long, mais tu t’en contre fiche. Tu tentes de relever ton buste sous un gémissement de douleur tandis que ton bras se positionne au niveau de ton abdomen. Tu es affaibli par ce combat avec Orochi. Tu te laisses glisser et tu atterris sur tes deux pieds. Tu étends ton corps et quelques craquement résonnent dans la chambre.

Ta main se pose sur la porte et tu pousses celle-ci dans un grincement sourd et qui ne manque pas de t’irriter. Tes pas se suivent et se ressemblent et tu arrives finalement dans un hall d’accueil avec de nombreux malades. Ton regard se porte sur chacun d’entre eux. Certains avaient l’air tellement faible et que les tuer ne serait même pas un délice. D’autres avaient l’air moins faibles mais pas suffisamment forts pour te donner ce sentiment que tu as eu contre Orochi… Et en y réfléchissant, qui serait capable de te donner ce même sentiment ?

C’est à ce moment, plongé dans le plus profond de tes pensées, que quelqu’un arrive dans ce fameux hall, un panier en osier dont la anse se repose sur un avant-bras chétif. Dans ce panier, des pommes. Sa voix d’enfant écorche ton tympan mais ce jeune annonce ramener des pommes pour les malades… Ça tombe bien, tu commences à regretter d’avoir refusé ce biscuit et ton ventre commence à faire du bruit.

Tu te lèves, et tu arrives face au bienfaiteur. Dans ta tête, tu as un plan bien défini pour la suite des événements. Mais à l’heure actuelle, il est évident que le personnel soignant ne te porte pas dans leur cœur, néanmoins tu dois te montrer un minimum civilisé pour éviter d’avoir trop de problème - dont le retour d’Orochi qui serait à l’heure actuelle, prématuré.

“Je peux ?” Dis-tu tout en prenant une pomme verte. “Merci.”

Tes dents se plantent dans la pomme et un craquement plus tard, tu commences à mâcher le fruit. L’acidité de la pomme verte te fait saliver, et tu as une impression de revivre tant elle est savoureuse.

Il fait le tour des estropiés puis revient vers toi, le panier vide de toute denrée. Tant pis, tu finiras ta pomme, la seule que tu auras. Cela ne t’aurait pas fait de mal d’en manger une deuxième et tu te dis que tu aurais dû être plus gourmand en te servant dans le récipient. Ce que tu n’imaginais pas par contre, c’est que le gamin te raconte sa vie sur un pommier et tout ce qui en découle. Ton regard monte au ciel avant de se poser à nouveau sur lui - tu montrais clairement ton désintéressement.

Toutefois, la suite était bien plus intéressante. Il te demanda pourquoi tu étais si faible. Ton regard, tantôt au ciel, tantôt sur tes avant-bras, tu observais l’infâme résultat d’un combat à mort contre le plus dangereux Shinobi du monde. Des cicatrices sont encore visibles ça et là, et tu ne peux t’empêcher de ressasser cet excès de confiance que tu as eu - un excès qui te caractérise et tu sais pertinemment que tu ne pourras t’en défaire. Pour toi, c’était clair dans ton esprit : si Orochi était le Shinobi le plus fort du monde, tu étais le second. Un excès qui te coûtera la vie, et tu le sais inconsciemment.

“La faiblesse est un état d’esprit. Connais-tu l’histoire de la dame dont l’enfant s’est retrouvé pris au piège sous des débris ? Elle est simple. La dame s’est retrouvée complètement hors d’elle, et l’adrénaline lui a donné la force nécessaire pour soulever l’obstacle, et récupérer son enfant qui a pu être soigné.”

Dès lors, on peut imaginer qu’une force cachée en nous, rend chacun plus redoutable les uns que les autres. Et…. Finalement, c’est celui qui sait se servir de cette capacité qui aura l’ascendant sur son adversaire. Tu soupires en repensant à ta défaite. Tu n’auras même pas pu toucher Orochi. Celui-ci a dévoilé toute sa puissance si rapidement, que le combat fut rapide - peut-être même un peu trop.

“Ton ami t’a menti. Je n’ai malheureusement pas de longues années devant moi. Ma vie ne tient qu’à un fil… Même si ce fil est solide, il peut lâcher à tout moment.” Dis-tu pour imager un peu le parcours que tu as suivi.

Toutefois, lorsqu’il s’arrêta pour se présenter, cela t’interpella. Ton regard se pose immédiatement sur le jeune garçon. Que voulait-il dire ? Qui était son ami ? Qu’avait-il dit ? Tu restais méfiant. Après tout, c' était probablement un espion, ou un tueur à gage ? Il était jeune, c’était un enfant… Mais le Continent cachait bien ses secrets.

“Je suis Kossetsu. Ton ami t’a dit quoi d’autre ?”

Tu étais comme ça. Tu allais droit au but et tu ne rechignes pas. Si tu avais un doute, une question ou quelque chose qui te rebute, tu étais du genre à foncer tête baissée… Lorsque tu as eu l’idée de te mesurer à Orochi, c’est exactement ce que tu as fait… Imagines si tu réitères cela maintenant ?

“D’ailleurs, où est ton ami ? Qui est-il ? On pourrait aller le voir ?”

Le temps s’arrête lorsque tu ressens une sorte de chaleur au niveau de ton torse : le jeune garçon venait de te faire ressentir une émotion que tu n’avais jusqu’à présent jamais ressenti. Une sensation que tout enfant est censé rencontrer mais que le Continent a privé. Tes sourcils s’élèvent, et tes yeux se posent sur l’endroit où est censé être situé ton cœur. Ta main vient alors se poser sur cet endroit et tu t’arrêtes quelques instants. Une sensation aussi douce que du chocolat. Tu reprends cependant rapidement tes esprits lorsque le petit garçon parle du Vestige. Intéressant. Cet enfant écoute donc une voix dans sa tête qui - sent clairement te le dire - te demande de faire de même. Puis il finit par te demander pourquoi tu es si brisé. Comment pourrais-tu lui expliquer ? Lui, qui fait aussi partie du même clan que toi. Tu ne pouvais fracturer la jeunesse par de tels propos. Il était un Kaguya - et avait probablement déjà beaucoup vécu - mais tu as une certaine pudeur à ne pas heurter la sensibilité du jeune garçon… Et pourtant, d’habitude tu n’aurais pas hésité à simplement lui arraché la tête par la simple raison qu’il t’a adressé la parole.

Tu croques encore une fois dans la pomme qu’il avait ramené, et tu aperçois un côté déjà oxydé par l’air ambiant. Tes sourcils se froncent à nouveau et tu prends tout de même le temps de réfléchir tout en observant les autres malades jeter leur fruit dans une corbeille prévue à cet effet. Ton avant-bras se plie, et d’un geste vif et précis, tu jettes à ton tour la pomme dans la même poubelle. C’est net et sans bavure que l’aliment atterrit sans même toucher les bords.

“C’est normal de croire ton ami. Mais tu devrais plutôt croire ce que je te dis : je n’ai pas une longue vie devant moi. Des choses se préparent. Des choses sombres, teintées de sang.”

Le sang de qui ? De quoi ? Finalement, ni toi ni les autres ne pouvaient le savoir. Parfois, on avait la possibilité de sentir les choses mais visuellement, tout est flou. Tu savais que tu allais mourir, mais tu ne savais ni quand, ni comment. Juste que ça allait arriver très prochainement. Le Vestige a tout de même attiré ton attention, et tu n’hésites pas à questionner l’individu sur cet ami imaginaire.

“Qui est Le Vestige ? Ce n’est qu’une voix dans ta tête. A une certaine époque, on brûlait les gens pour cette raison.”

Des histoires. Oui. Une femme avait déjà été brûlé sur un bûché acclamé par toute une population juste pour avoir supposé la même idée que ce jeune garçon. Heureusement ou non, les temps ont changé.

“Ce qui est brisé plus haut, ce n’est rien d’autre que l’égo.” Dis-tu en toute honnêteté. “S’il y a une chose que je te conseille, c’est de ne jamais te mentir à toi-même.” La pointe de ton index se pose sur ta tête. “Tu penses avoir des voix dans ta tête. Dis toi que le jour où la vérité éclatera au grand jour et que tu apprendras que ce n’était qu’une invention de ton esprit, tu risques de tomber de haut.”

Tu laisses quelques secondes pour qu’il appréhende ce que tu as dit. Tu réfléchissais aussi à quoi dire à un enfant de cet âge… Il te jugeait de ses yeux juvéniles, mais savait-il seulement qui il était, et ce qu’il voulait ?

“Mais toi alors ? Sais-tu seulement qui tu es et pourquoi tu existes ? Qu’as-tu comme objectif ?”