Derrière le talus qui les cachaient de la vue des miradors improvisés par la tribu Yaban, Issei et Masaaki partageaient la fin d’un gâteau de riz un peu sec. Depuis le départ des Bois Maudits, ils avaient connu beaucoup de privations et d’errance. Mais, cela ne semblait rien comparé aux personnes qu’ils croisaient depuis leur arrivée à Hametsu. Les haillons en guise de vêtements, les enfants en malnutrition traînant dans des ruelles boueuses, les réfugiés qui consommaient des substances psychotropes pour oublier leur réalité, et les mendiants qui se jetaient sur le moindre inconnu avec des habits sans trou semblaient être la norme ici.

L’Aburame et son ami des îles ne faisaient que passer, eux. Le contrat de mercenariat avait été promptement négocié par Issei. Si la réticence du commanditaire s’était faite ressentir un moment, il avait fini par céder, se disant que si ces deux drôles de zigotos mourraient, il n’aurait qu’à le remettre sur le marché. Avec l’argent, ils allaient pouvoir préparer leur voyage vers Kaze avec plus de sérénité et trouver une piste afin de soigner le bras toujours immobile de Masaaki.

La nuit tomba et avec elle, le froid. Hametsu était un territoire sans grande montagne qui empêchait le vent de frapper ses habitants. Ici, les rafales glaciales fouettaient la peau et transportaient la puanteur qui régnait généralement dans les bidonvilles environnants.

Collés l’un contre l’autre, les deux voyageurs attendaient le retour des éclaireuses pour leur rapport sur la situation.

- Tu crois qu’il mange de la viande humaine ? Demanda Masaaki alors qu’une douce odeur de barbecue parvenait jusqu’à leurs narines.


1830 virevolte entre les ruines et les carcasses de prédateurs en train de sécher au soleil. L’odeur est très forte et a attiré des centaines de mouches qui semblent se battre pour savoir qui pondra les œufs la première dans la chair encore rouge. Les mouches ne sont pas un danger. Si 1830 est une luciole, c’est une luciole soldate Aburame, et ses mandibules ont bien été aiguisées par les ouvriers du foyer des lumières. Si l'une d'elles s'approche, elle sera coupée en deux en un claquement.

Mais, pour le moment, la présence des insectes pondeurs est appréciable. Dans ce ballet incessant d’insectes, 1830 est presque invisible. Elle peut donc se poser ici et là, observer les environs et engranger le maximum d'informations pour la ruche et son ami.

Le soleil est en train de se coucher. 1830 se dit qu’elle ferait mieux de rentrer, même si l’odeur de la viande grillée est appétissante.


Les rapports des éclaireuses n'indiquaient rien de très encourageant. La tribu n’était pas très grande, certes, mais un ou deux guerriers suffisaient pour rendre le vol presque impossible.

- Il ne faut pas qu’on se jette dans la gueule du loup. On va tenter de faire ça discrètement.

Mettre en place un plan d’action, et surtout, un itinéraire de fuite au cas où cela tournait au vinaigre. Voilà ce qui était les priorités.

Masaaki, à l’aide d’un petit bout de bois, dessinait le camp selon les phéromones des éclaireuses. Le plan n’était pas encore au point. Pourtant, les vivres commençaient à manquer et d’ici une nuit ou deux, ils n’allaient pas avoir d’autre choix que de voler la dague, ou repartir pour dépenser les derniers ryos qui leur restait pour un gâteau de riz un peu trop sec.

Cette seule pensée motiva Masaaki et mit le temple des lanternes en ébullition. Dans les méandres de la cité humaine, soldates, ouvrières et nourrices s'affairaient toutes en vue de la mission qui les attendait.

Avant qu'il ne parte, L’Aburame demanda de l’aide à son ami pour faire de mudras. Avec son aide, malgré le temps infini que cela prenait, il pouvait lancer des techniques de ninjutsu. de petites ailes poussèrent sur les omoplates du jeune homme qui éclaira le sourire de son masque.

- C’est un petit plus pour fuir au cas où ! Dit-il d’un air enjoué avant de lui demander de recommencer pour une autre technique.

Bien plus agile que Masaaki, Issei disparut bien vite entre les ruines qui entouraient le camp des Yaban.

Masaaki laissa une partie de la ruche partir avec son ami, tandis qu’une autre prenait place à différents endroits, bien éteintes pour ne pas attirer l’attention. Au moment venu, elles allaient s’illuminer.

Handicapé par son bras, le shinobi ne pouvait pas faire grand chose d'autre que préparer leur fuite. Et c’est exactement ce qu’il fit.

Entre le camp et le talus, il trouva un trous recouvert par plusieurs matelas très épais qui formait une sorte de pont. Plaçant la main entre les matelas et la parois du trou, le jeune homme y déposa deux parchemins explosifs et continua à miner le terrain pour couvrir leur arrière.


1586 aurait voulu avoir l’honneur de servir pour le bataillon de feu, qui transporte des parchemins explosifs un peu partout dans le camp. Mais, de par sa caste de combat dans le foyer des lumières, son rôle sera primordial en cas de problème. La luciole semble presque deux fois plus grosse que ses congénères. Son jabot social anormalement grand est bourré de chakra. Un chakra qui permet de produire une lumière extrêmement puissante au moment pendant un seconde avant d’exploser. Bien au chaud dans une des mèches de l’enfant, elle laisse ses grandes antennes tourner à toutes vitesses pour capter la moindre anomalie. Et si cela arrive, elle connaît son rôle. Foncer vers les adversaires et exploser. La seule chose qui la dérange un peu, c’est qu’aucune de ses sœurs ne sera là pour voir son sacrifice parsemé de phéromones criant “Soyez témoins !”.

1830, elle, est bien de la partie pour le transport des parchemins explosifs. Il faut un bataillon pour une fumigène mais deux bataillons entiers et parfaitement syntonisés pour porter ces rouleaux de papiers. En survolant une cabane qui semble éclairée, la luciole resserre son étreinte. Il ne faudrait pas que le camp explose. Tout cela n’est qu’une diversion pour laisser l’enfant four sain et sauf en cas de problème, pas question de faire une seule victime.

Le parchemin bien calé dans la faille d’un mur éloignés des habitations, 1830 reprend le contrôle de son bataillon et s’en va éclairer les Yaban pour les amuser et les distraire. Dans son vol lumineux, elle espère qu’ils seront un peu moins violents et précis qu’avec les mouches un peu plus tôt.


Anxieux, Masaaki avait l'œil collé contre le trou du mur contre lequel il se tenait. D’ici, il pouvait voir le feu central du camp et deux Yaban qui discutaient, une brochette à la main. Le souffle haletant, il tentait de récupérer de sa grande dépense de chakra.

Car, quand le camp s’éclaira de milliers de petites lumières, le spectacle ne fut enchanteur. Au moindre signe d’agitation, le temple des lanternes pouvait lancer un genjutsu au travers des insectes. Ceux regardant leur bioluminescence verte allaient alors se sentir désorienté, perdre légèrement l’équilibre. Une petite aide de plus pour Issei en cas de fuite précipitée.

Masaaki regarda ses sœurs avec une certaine fierté. Les entraînements dans l’art de l’illusion commençaient à se voir.

Soudain, l’Aburame cru voir une ombre derrière eux qui passait furtivement. Son cœur sembla s’arrêter une seconde, mais heureusement, les deux guerriers continuèrent leur discussion comme si de rien n’était. L’un deux commença même à jouer avec une luciole qui se posait sur sa main.

Tout allait bien. Issei allait réussir et ils allaient rentrer tranquillement empocher le pactole. Après Seirei et leur voyage au pays du Riz, ils avaient eu leur quota de malchance et de problèmes. Il fallait bien que cela se termine quelque part. Malheureusement pour le foyer de lumières et son acolyte. Ce qu’ils ignoraient, ce que l'infortune n’en avait pas fini avec eux.

Le temps passait et Issei n’était toujours pas visible. Malgré l’heure avancée dans la nuit, bon nombre de Yaban semblaient ne pas vouloir dormir du tout. Ce clan était, après tout, connu pour un certain penchant pour la liberté et une absence de hiérarchie rigide. Chacun devait donc dormir quand bon lui semblait, ce qui n’arrangeait pas du tout leur plan.

Masaaki regarda longuement quelques Yaban jouer avec ses lucioles. Ces petites bêtes n’avaient pas l’air aggressive. Qui donc pouvait bien se méfier de ce genre d’insectes ? Surtout pas un guerrier Yaban qui avait sans doute connu plus de bataille que l’Aburame n’avait connu de jours dans sa vie.

Les lucioles du temple des lanternes parvinrent donc à pénétrer tout le camp sans problème, se plaçant à des endroits stratégiques afin de toucher le plus de monde possible quand le foyer des lumières allait en donner l’ordre.

Une série de bruits précipités attira soudain son attention. A une cinquantaine de mètres de sa position, une bande de Yaban probablement bien éméché marchait bruyamment dans la direction où la petite ombre était furtivement apparue.

Sans attendre, le foyer des lumières envoya un de ses escadrons d’élite pour tenter de détourner l’attention des Yaban.

Il ne fallait absolument pas qu’ils se dirigent vers les petites allées du camp.


2474 est réputée pour son art de voler. Même lorsqu’elle n’était qu’une nymphe, elle gagnait régulièrement les courses organisées dans les grands boulevards du temple des lumières. La plus célèbre part du quartier du “talon”, dans le pied droit pour arriver dans la tête de Masaaki. “La traversée du foyer” est une course sans merci. Ce qui n’empêche pas la petite luciole de préserver son titre à chaque fois.

Au vu de l'urgence de la situation, elle mène l’escadron le plus rapide de la ruche en direction des immenses humains qui semblent émettre des phéromones acides à la forte odeur d’alcool.

Éteintes pour ne pas attirer l'attention avant le moment voulu, elles survolent les têtes massives des Yaban avant de se placer sur un toit à proximité qui croise leur route.

Dans un balai dont elles seules ont le secret, les petites lucioles se placent pour former la silhouette parfaite d’un homme encore plus massif et menaçant.

D’un coup, les lucioles s’allument toutes en même temps, attirant naturellement le regard des Yaban qui tombent alors dans le genjutsu de l’Aburame.

La silhouette prend forme et une des visions d’horreur vécues par la ruche à la frontière de Seirei apparaît. L’être semble humanoïde dans sa corpulence comme dans sa posture. Pour autant, il est bien plus grand et massif. Sur sa tête d’une couleur grise violacée, il n'y a pas de cheveux, mais une excroissance en forme de chapeau, à la manière des champignons. Sous la lueur de la lune, les yaban tombés sous l’illusion peuvent apercevoir d’autres traits en commun avec les taxons. La peau de la créature semble molle et tachetée, comme s’il était une amanite venimeuse.


Masaaki regarda les Yaban entourer la maison sur laquelle la créature imaginaire était placée. Il avait réussi à détourner leur attention, c’est vrai, et les Yaban, trop saouls pour saisir quoi que ce soit, semblaient pour le moment vouloir le combattre à tout prix. Mais, si un plus malin ou moins alcoolisé que les autres se rendait compte de la supercherie, l’alerte allait être donnée et Issei allait alors avoir un des clans les plus redoutés du Continent aux fesses.

Expirant longuement, Masaaki fit une prière à un dieu auquel il ne croyait pas pour que 1586 soit toujours avec Issei. Sa petite arme secrète allait donner à l’enfant quelques secondes pour fuir en cas de rencontre, mais cela ne pouvait pas arriver avant qu’il n’ait trouvé cette satanée dague. Et, pour le moment, aucun indice ne semblait confirmer cette bonne nouvelle.

1586 agite ses antennes à toute vitesse. La luciole, qui s’est trouvé une place de choix entre deux mèches de cheveux de l’enfant, a les élytres déjà grande ouverte, prêtes à stabiliser son vol.

Soudain, elle perçoit les phéromones fétides et humides transportée par l’haleine du chef Yaban alors qu’il interpelle Issei. Il ne faut pas plus pour que la luciole débordante de chakra ne s’élance. Elle perçoit le visage gris de son ennemi et se met à briller de toutes ses forces, concentrant tout le chakra accumulé dans sa bioluminescence d’un vert vif.

Sous la pression, la luciole explose, libérant un flash lumineux qui parvient à aveugler le chef Yaban pendant quelques secondes.

Assez pour qu’Issei puisse s’enfuir ? 1586 n’a pas eu le temps d’y penser.


Masaaki observait toujours les Yaban saoul quand un cri strident retentit. A l’attitude des Yaban qui s'arrêtèrent soudainement pour se regarder entre eux, cela ne présageait rien de bon.

Une seconde plus tard, le petit groupe se lança dans une ruelle. C’est le moment que choisit Issei pour apparaître au loin sortant d’une petite allée perpendiculaire à celle que venait de traverser les Yaban.

Masaaki ordonna à l’escadron de stopper l'illusion de silhouette pour se diriger vers l’enfant. Celui-ci courait à une ivresse admirable pour ses petites jambes. Ce garçon ne cessait pas d‘étonner le foyer des lumières.

Dans la clarté de la lune qui éclairait ce passage à découvert, Masaaki, horrifié, put voir une véritable horde de Yaban se précipiter à la poursuite de son ami. L’un deux, immense, semblait plus enragé encore que les autres qu’il dépassait avec aisance.

Toujours caché, Masaaaki envoya son escadron de lucioles au devant de la course d’Issei. Une fois à quelques mètres devant lui, les lucioles se mirent au sol, faisant confiance à leur ami Chinoike pour sauter au-dessus d’elles.

Ce n’est qu’après qu’elles s’illuminèrent, pour tenter de tromper les sens de la tribu autochtone.

Quelques secondes plus tard, il put constater que son piège avait partiellement marché. Les premiers poursuivants Yaban venaient de s'arrêter en catastrophe, soulevant un nuage de poussière en écrasant le sol de le lourd pas pour freiner.

Devant eux, un précipice rond d’une bonne dizaine de mètres de diamètres leur faisait face.
Les plus dégourdis ne cherchèrent pas à comprendre et commencèrent le contournement de cette étrange obstacle qui venait d'apparaître sous leurs yeux. Le rajout de distance, cependant, faisait gagner de précieux mètres à l’enfant voleur.

Agglutinés devant le trou qui venait de les arrêter, les autres membres de la tribu attendaient un ordre de leur chef, celui qui les dépassait d’une tête. Celui-ci attrapa une jeune femme qu’il jeta dnas le trou béant dans un silence de plomb. Mais, au lieu de tomber et de disparaître dans le gouffre qui paraissait sans fin, elle s'écrase contre le sol, révélant la supercherie.

- C’est une illusion, il n’est pas seul ! s'écria le chef avec force alors que les Yaban reprennaient leur chasse en écrasant l’escadron de lucioles au passage.

Le foyer des lumières intima l’ordre à des éclaireuses de retrouver les escadrons avec des parchemins explosifs pour leur intimer l’ordre de les faire sauter.

Si certains groupes étaient sur le chemin d’Issei, d’autres se trouvaient plus éloignés aux abords du village.
Alors que l’enfant courait, les premières explosions retentirent, rejetant des débris partout sur le chemin de l’enfant qui devait les éviter. Heureusement, il était petit et agile, alors que les Yaban étaient plus massifs.

Voir l’enfant courir, une dague impressionnante dans la main, derrière une horde sauvage, des débris volants et des explosions avait quelque chose de grandiose. Si Masaaki ne savait pas qu’Issei était d’ascendance noble, il en fut persuadé ce jour-là.

Même pour un simple méfait, le Chinoike se transformait en Prince des Voleurs.