Dans les sombres et lugubres ruelles d’Ame no Kuni, je me frayais un chemin à travers les passages tortueux des différents quartiers. À cette heure-ci, peu de personnes respectables osaient s'aventurer à l'extérieur, et les rares émerguments croisés ne sentaient que l’alcool à plein nez. Alors que je progressais, je m'enfonçais dans un recoin obscur, à peine éclairé par les lueurs des torches. Dans cette impasse se cachait un passage connu uniquement des Tora Chikai, que j'empruntais pour atteindre mon objectif.

Cela avait pris plusieurs semaines à mon groupe pour réussir ce coup de maître. De nombreux jours furent nécessaires pour négocier des informations glanées au prix de l’or et de fournitures de Tetsu. Encore d'autres pour localiser cet être et élaborer un plan pour sa capture. Et enfin, quelques-uns de plus pour que mes hommes parviennent à le ramener dans notre territoire.

Cet être, ainsi que je le désignais, n'était autre qu'un Kuchiyose égaré dans les terres d’Hametsu. Une créature dont la carapace noire aux reflets olivâtres pouvait résister à n’importe quel assaut. Une bête dont les ailes fendait l'air dans un bruissement capable de réveiller les morts. Un organisme unique, arborant une arme mortelle sur son visage : Kabuto, le scarabée damné.

Mes hommes l'avaient pris en tenaille alors qu'il s'était retranché dans ses grottes. Attiré par une création sigillaire de ma conception, une odeur mêlant chair et plantation avait réussi à le faire sortir de son antre.

J’avançais lentement entre les murs du couloir, l’odeur âcre des sous-sols remplissait ma gorge nouée. Devant moi, à une centaine de pas, des bruits sourds s’écrasaient contre les parois des murs. C’était évidemment Kabuto qui tentait de se libérer de ses chaînes tandis que j’ouvrais l’immense portail d’acier qui nous séparait.

« Toi ! Je reconnais cette odeur… Tu es celle qui m’a piégé. » grognait l’esclave créature.

Alors que je m’avançais vers lui, un sourire étira mes lèvres. Aussi imposant qu'un homme, Kabuto était tout ce que j’attendais depuis longtemps. La force de ce Kuchiyose allait permettre aux Tora Chikai, et à moi-même, de grimper dans les strates de la cité noire, où la puissance était aussi cruciale que l’argent et l’information.

«  Comme un bleu ! Tu peux le dire. » rétorquais-je avec une pointe de fierté. «  Pour un tueur né, une dizaine de mes gars a suffi à te prendre vivant. Si ta réputation n’était pas déjà faite, j’aurais pu choisir un autre individu que toi… Mais bon, je vais faire avec ce que j’ai. »

Un hurlement résonnait dans l'immense pièce, faisant écho entre ses quatre coins.

«  Rien ne sert de t’énerver. Tu sais pourquoi tu es là et je sais également ce que je dois faire pour t’avoir à mes côtés. Ne perdons pas de temps… »

Kabuto était une créature à part. Le Kuchiyose avait une réputation cupide et c'était ce que j’allais lui apporter. Sortant un parchemin vierge de mon dos, je lui présentais les termes du contrat avec des calligraphies fuinjutsu. Sans dire un mot, la bête se savait condamnée, impuissante.

Un de mes hommes sortit un katana de son fourreau pour le poser sur mon épaule. Alors que nos regards se croisaient, la lame d’acier trancha net mon épaule, faisant chuter mon bras avant que celui-ci ne le transfère dans un sceau.

«  Avec ce bras, je suis à toi… »

Un autre de mes hommes vint entailler une articulation de la bête, laissant son sang se répandre sur le parchemin.

«  …avec ce sang, tu es mien. »