Milieu de journée, dans une bourgade délaissée de la Ruine. Deux hommes aux costumes modestes s’adonnent à leur besoin primaire, urinant contre la paroi d’une bâtisse qui menaçait de s’écrouler d’une seconde à l’autre. Les traits tirés et usés des deux gros bras témoignaient de leur fatigue, la saleté mêlée à la poussière des environs ayant commencé la contamination de leurs vêtements. Un tissu qui, aussi médiocre soit-il, avait déjà indirectement absorbé leur misérable salaire pour les autoriser à accompagner leur boss dans ses affaires. L’espoir de gravir l’échelle voyoucrate, en tentant de jouer sur la subtilité de la forme pour masquer l’inconsistance du fond. Bref, tout ce ressentiment alors que les deux bonhommes pissaient contre le mur.

« À quoi pense le patron, nous envoyer dans un coin aussi merdique… » crache à côté l’un d’entre eux, manquant de peu d’imbiber de son liquide corporel les pompes de son collaborateur dans son mouvement. Grognant légèrement, le second reste droit sur ses appuis et se concentre dans sa tâche, tentant visiblement de terminer d’inscrire son nom contre la pierre en jouant habilement de ses hanches. « Contente-toi de casser la gueule des pouilleux qui se cachent, on ne fait que jouer notre rôle de chien de garde et marquer notre territoire. »

« En parlant de chien… » ajoute le premier, adressant une œillade discrète par-dessus son épaule, espérant secrètement que l’origine de son anxiété ne soit pas présente. Aucune silhouette à l’horizon, il soupire profondément alors que le besoin naturel se retrouve contenté pour l’instant. « J’ai vraiment pas envie de traîner plus longtemps avec ce sale gosse. Les aînés le favorisent parce qu’il obéit au doigt et à l’oeil, mais j’sais pas… Y’a un truc pas net avec ses yeux. » Haussement d’épaules, le bruit du jet qui coule contre le mur s’arrête, alors que le second se secoue les mains nonchalamment. « Pas le choix, récemment un p’tit con arrête pas de tabasser nos gars à droite et à gauche. Il se rapproche dangereusement de nos planques, alors le boss a décidé de demander service à l’un de ses Sen'yuu de l’époque. Et il nous a sortis… l’autre. »

« Il est où d’ailleurs ? Depuis qu’on s’est enfoncé dans Hametsu, j’entends dire qu’il disparaît une heure ou deux tous les jours. » ; « Aucune idée, et franchement je m’en fous. De toute façon, même sans lui on est quoi, une dizaine ? C’est pas comme s’il pouvait nous arriver grand-chose en moins d’une heu-... »

Craquements dans la paroi en face d’eux, les yeux des chiens de garde s’écarquillent alors que la pierre vole en éclats sous leur nez. Les débris les cognent sur le coin du visage et contre leur corps, avant qu’une patte animale et un poing vert humanoïde ne traverse le mur pour leur couper le souffle en frappant leur abdomen. Dans leur chute, les deux gros bras ne peuvent voir que la silhouette d’un adolescent accompagné d’une tortue, s’approchant dangereusement de leur planque…


Les pierres tombent et glissent parmi les débris, alors que je fixe les criminels en face de moi. Cette dizaine d’hommes qui, malgré les fêlures et le sang qui coule de leur bouche, sont mis à genoux devant Kaida et moi, le front plaqué contre le sol. Certains sont encore dans les vapes, mais le reste grogne de douleur en se serrant les côtes, le coin de leur oeil me fixant avec un mix de haine et de colère, mais également une pointe de crainte. Car quoi qu’ils disent, ils venaient de se faire rétamer par un jeunot deux fois plus jeune qu’eux, et sans difficulté.

Kaida observe avec dédain les humains prosternés, avant de tourner le regard dans les alentours pour surveiller. « C’est la quatrième fois que je croise des bandits comme vous dans la semaine, vous êtes combien au juste ? » Le regard lourd s’impose à eux alors qu’ils grincent des dents. Je ne m’attendais pas à ce que Hametsu, un pays en ruine, soit autant gangrené par la corruption et le vice. C’était une chose que les défavorisés se battent entre eux pour un morceau de pain, c’en était une autre quand des inconnus mieux habillés volaient la miette de pain sous les yeux des pauvres hametsujin.



Note : jeune Jotaro était un peu plus énervé que sa version actuelle…

Moulinet de poignet, le tsuka de ma lame fissurée se fraie un chemin vers la dentition du mercenaire. Des météores calciques zèbrent l’air ambiant, les derniers restes de ses dents. Le petit con a pensé pouvoir me mettre un coup de pression. A moi ? Il a vu un petit de Hametsu, sans bras, avec une tenue de souillon - comme dirait Vieux Père - et a pensé pouvoir mettre la main sur mon arme. Inconscient, au sol, la tête rouge de sang, mon pied continue à écraser ses joues. Après une demi-douzaine de coups, le doux son d’une nuque qui se brise m’incite à arrêter mon entreprise.

Je ne m’arrête pas pour autant. Mon talon oblitère les derniers restes du tissu qui lui sert de visage. De ma seule main, je chasse la sueur qui dégouline le long de mon front, et la remplace par inadvertance par le sang du vaincu. Je suis une bombe à retardement. Un regard de travers ? Tu ne connaîtras pas la nuit mon bon ami. J’ai la dalle. J’ai atomisé l’aile de l’orphelinat il y a deux ans, et depuis, je erre dans les ruelles du Pays-Bidonville avec un seul objectif : asseoir l’hégémonie de mon patron.

Un enfant à torturer ? Je me charge de toute sa famille. Un papy à racketter ? Je lui retire également ses dents en or. Un homme à détrousser ? Il ne sortira plus jamais dehors sans craindre pour sa vie. J’aime la violence. J’aime faire du mal. J’ai cette colère en moi qui m’anime et que je n’arrive pas à contenter. J’ai ce besoin irrépressible de brutaliser, de dominer et de détruire. Les âmes fêlées de la Ruine me connaissent sous le nom de Chien-Fou. L’espace d’une heure, tous les jours, j’ai le droit d’expurger la folie qui m’habite. Cela ne gène pas Patron. Au contraire, il est plus que satisfait. Aucun partenaire commercial - comme il aime dire - ne tentera de le doubler.

Au début, il doutait. Il pensait que le tortionnaire du nom de Chien-Fou était un adulte. Un vétéran de la Guerre de Kusa qui laissait ses troubles post-traumatiques parler pour lui. Pas besoin de guerre pour être un putain de molosse. J’lui ai fait comprendre rapidement. Je lui ai demandé de me donner l’une de ses cibles. Quelques heures après, au prix d’une terrible bataille, sa tête roulait à ses pieds. Tant qu’il me paye, et que Kazu-zu et Vieux Père ont un toit au-dessus d’eux et à manger sur la table… En ce moment, je dois gérer la sécurité d’une place forte. Faut que j’y retourne, d’ailleurs, ma pause cassage de gueule va bientôt se terminer.

Lorsque je reviens sur mes pas, je croise les gars avec qui je bosse au sol, prosternés, face à un petit mec et sa tortue. Un rictus barre les bas-reliefs de mon faciès. A quoi jouent-ils ? J’avais déjà compris que je bossais avec des damoiseaux - j’aime beaucoup ce mot, je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire. Pour moi, c’est une façon de dire un homme-femme. Une colère sourde résonne en moi et m’invite à en prendre un pour taper l’autre. Je libère ma soif de sang, qui se répand tout autour de moi comme une onde affamée.


Ma lame raye le parterre sédimentaire. Ils se sont écrasés devant un gnome et sa tortue de compagnie ? Réellement ? J’en attendais bien plus d’une unité comme celle-ci. A croire que les chiens ne font pas des chats. Je le savais. Ce n’est qu’une bande de lopettes qui roulent pour le premier venu. Je m’occuperai de les punir, personnellement, une fois qu’on aura réglé le cas de ce clown avec son animal de compagnie.

Je plante ma lame dans le sol, plonge mon index et mon pouce dans ma gueule et claque le plus gros sifflement de ma vie. En l’espace d’une poignée de secondes, des truands de toutes tailles et de toutes catégories rappliquent à mes côtés. Des colosses géants aux hachoirs, des longilignes passés maître dans l’art de lancer des dagues et des athlètes de l’assassinat gagnent mes côtés.  

« Cassons la gueule à ce petit rigolo et à cette équipe de poules mouillées. »

Risk:

Si la loi du plus fort était la seule chose qui leur faisait comprendre les bonnes manières, alors j’étais plutôt satisfait d’être capable de leur foutre une sacrée rouste ! Mais bon, j’imagine qu’ils apprendront de leur erreur, se repentiront pour leurs pêchés et iront… je sais pas, planter des patates quelque part ? Ou des choux, Kaida aime bien manger du choux de temps en temps. Mais, que vois-je ?? Je vois une silhouette pas plus haute que moi attraper un bandit, pour un frapper un autre avec. Est-ce que les Yaban entrent dans la scène ?

Non ! Juste un gamin manchot psychopathe qui semble beaucoup trop assoiffé de sang ! C’est qu’il ferait presque peur le boug’... mais pas à moi bien sûr ! Hahaha ! Jamais ha ha ! « Le blanc bec est pas venu tout seul gamin, on passe au plan B. » Sourire narquois sur les lèvres, j’inspire profondément avant de pousser une gueulante : « J’AI TROUVÉ LEUR PLANQUE ! JE VOIS LEUR ARGENT ! » Rien de mieux pour appeler les âmes en peine du coin.

Les goons que je venais de tabasser décampent en voyant les hommes de main du gamanchot (gamin-manchot), mais ils se firent rapidement maîtrisé par les nombreuses silhouettes prenant position autour de moi et faisant face aux gangsters trop habitués à prendre aux autres, et incapables de supporter la perte ! A mes côtes ce ne sont peut-être bien que des survivants de la Ruine, mais ensemble nous sommes bien plus forts que n’importe quel gros bras !


Ainsi, au milieu de nulle part, avec des totals inconnus, la première bataille commence…

Résumé :

Le gamin-tortue est venue avec son équipe aussi. Un, deux, trois… onze crasseux qui vivent dans les bidonvilles ambulants. Par-fait. Non, vraiment par-fait. J’ai trop hâte de casser des chicots à ce genre de vieux ploucs. C’est vraiment mon dada d’entendre les mâchoires se casser, les os se briser, les dents voler et les pleurs couler. Pas d’bol pour notre petite tortue ninja du coin ; il est tombé sur Chien-Fou, le seul, l’unique, en chair et en crocs.

Je récupère ma lame du sol, mes boyz se ramènent à mes côtés. Chacun sait ce qu’il a à faire, et contrairement aux petites natures qui se sont mangés une pression par la tortue ninja, cette petite équipe va leur montrer ce que c’est la voyoucratie. Je jette un petit regard derrière moi, mes lanceurs de dague se sont postés à côté de caisses d’armes. Ils sont malins les bougre, avec cette position, ils pourront libérer des grosses attaques furtives et surprises. Cette position stratégique est confortée par la présence d’un colosse devant eux.

« Bon, les mecs, vous savez ce que vous avez à faire. Pas de quartier, j’veux pas de prisonniers ou quoi. Fumez-les moi tous. On enverra leurs phalanges et leurs oreilles à leurs proches bahahahahahahah. Imaginez la tête de leur femme ou de leur mère quand elles verront ça. J’ai trop hâte putain. »

A mes côtés, une rangée de tueurs s’alignent. L’idée est simple, on va fondre sur la masse qui nous fait face et déclencher une mêlée générale comme t’en as jamais vue. Ouais, ouais, ouais. Exactement. Pas de stratégie ici, c’est pour ceux qui doutent de leurs forces. Le plan est SIM-PLE. Je mène les troupes et m’occupe de déclencher la WAAAAAAGH.

De notre côté, on a l’avantage d’avoir un léger promontoire, une sorte de rampe rocheuse, un mélange indescriptible de débris, de tôle en fer et d’amas de maison détruite - bref Hametsu quoi, hein. A l’opposé, quelques baraquements permettent à mes loyaux soldats de pouvoir se cacher et de gagner du temps en cas d’opposition trop forte. Bon, fini de penser à tout ça, maintenant on se fout sur la gueule. J’ai faim en plus. Je me ferai bien une petite tortue à dîner, voire un morceau de bras de tortue ninja, j’ai cru comprendre que c’était comme les cuisses de grenouille.

Risk:

Chacun trouve sa place de notre côté, les vétérans de Kusa se chargeant de couvrir un maximum les plus fragiles d’entre nous, mais qui agiront comme de véritables supports. L’idée était de ne pas les laisser s’isoler face à des meurtriers assoiffés de sang qui pourraient les éliminer sans leur laisser la moindre chance. La petite tête face à nous semble se baser uniquement sur les muscles de ses gros bras (en tout cas de ceux qui ont une vraie paire, contrairement à lui).

Je ne peux m’empêcher d’avoir un sourire espiègle sur les lèvres alors que je me dis que c’est bien notre jour de chance de tomber face à ce genre d’adversaires, complètement aveuglés par leur sentiment de supériorité alors qu’ils ne font que s’en prendre à plus faible qu’eux depuis des années.

Mais aujourd’hui, la masse se rebelle. Que dis-je ! Le peuple se rebiffe, et il était temps de montrer l’un des avantages que nous avions contre eux. Alors qu’ils s’organisent de leur côté pour sécuriser leurs moyens, des petites têtes difficiles à apercevoir se déplacaient dans les décombres du champ de bataille à en devenir. Une fois assez proches des structures autour desquelles l’ennemi s’était positionné, les enfants mettent en commun leurs petites mains pour déplacer les pierres qui soutenaient le tout, avant de rapidement s’enfuir lorsque les parois artificielles s’effondrent sous les yeux des bandits.

Les tremblements ont ça de bons de mettre en avant nos propres défenses artificielles faites de tôles et de débris, alors que nous nous frottions les mains en anticipant d’avance les premiers mouvements de nos ennemis…

« Vous avez bien compris le plan ? Pas de quartier ! On se taille une route dans leur planque et on y fout le feu ! »

Résumé :

Devant moi, je ne vois qu’une équipe de bras cassés : des vieillards dont le dos a été brisé par la Guerre de Kusa ; des handicapés et des mutilés par la barbarie et la pauvreté qui frappent la Ruine. En bref, des petites merdes à écraser, dominer, puis recruter. J’vais les faire bosser pour moi, ils iront terroriser leurs congénères, et m’offriront leur vie. C’est ainsi que le monde tourne à Hametsu : soit tu es utilisé, soit tu utilises. Le regard injecté de sang, mes pupilles argentées balayent mon équipe.

Je joins mon index et mon pouce dans ma bouche ; l’air qui s’agglutine dans ce goulot d’étranglement charnel propage un son strident. De mon côté, je sens les poils s’hérisser, les lèvres s’étirer et les dents se montrer. Mes hommes sont à l’image de moi : cruel, barbare et casse-cou. Les poings percutent les torses ; l'excitation est à son paroxysme. On va fondre sur eux pour les dévorer. Une équipe de quatre bonhommes s’élancent et prennent exemple sur moi. Récupérer le centre du champ de bataille urbain est notre première stratégie.

Le pays-Bidonville est une mer d’ordures : l’horizon est un amoncellement de déchets. Pour autant, les détritus cachent de nombreux avantages. Le sol renferme son lot de trésors, et très vite, mes deux sprinters fous récupèrent des avantages tactiques : armes rouillées, tôle de fer protectrice, restes d’armes de sièges… De façon concomitante, la tortue-ninja réplique et ne se décompose pas devant cette charge tribale. Je ne peux m’empêcher de sourire. Mon corps tremble. J’ai envie de croquer dans la carapace humaine du type pour me nourrir de sa force.

J’aime ce genre de bonhomme, ceux qui se lancent dans la guerre, et qui n’ont peur de rien. Quel dommage qu’il tente de détruire la planque de mon patron. Je l'aurais bien recruté. A deux, on aurait pu transformer Hametsu en… Colisée à l’air libre ? On aurait donné de la nourriture aux combattants qui se sacrifient sur le sable gorgé de sang des pauvres de Kusa. Une zone de non-droit où la mort trie le bon grain de l’ivraie. Hélas la petite tortue préfère jouer le héros du peuple, à essayer de sauver la veuve et l’orphelin.

Fichue débile, ce type a été bercé trop près du mur. Cette percée en avant permet à mes pro de la gâchette de préparer les défenses de notre base. Une bonne chose de– Quoi ? Bordel ! Pourquoi cet idiot s’est trop avancé, j’avais dis de garder la position. C’est ça le problème d’être un requin-humain ; la moindre goutte de sang et l’on se lance tête baissée vers la proie. Ce chien, ou plutôt cette tortue de mort, a compris comment on marchait. Je dois m’occuper de le fumer.

Risk: