S’il n’avait jamais été un très bon orateur, Kōhei était assez doué pour motiver ses troupes. Cela faisait de nombreuses années qu’il était le capitaine d’un navire de corsaire, et il connaissait particulièrement bien ses hommes. Il savait quels mots employer pour les pousser au maximum de leurs capacités. Il arrivait toujours à tirer le meilleur d’eux-mêmes peu importe la situation. Toutefois, cette situation particulière était largement différente. Il n’aurait pas uniquement ses corsaires à diriger, mais aussi des troupes fidèles à la Brume. L’organisation gagnait en importance sur l’île de Yajiri, bientôt elle la contrôlerait totalement, mais un point en particulier résistait. Le pont qui reliait Mizu à Shimo.
Les troupes du Givre étaient positionnées à la frontière du pays. Les soldats de Shiki étaient stationnés à la limite du pont, près à envahir les territoires de Kiri à la première occasion. En fait, un affrontement direct avait déjà eu lieu entre les deux armées terrestres et il s’était soldé par une défaite cuisante de la part de l’archipel. Certes ils n’avaient perdu qu’une bataille, mais cela les rapprochait un peu plus de la débandade.

Cependant, s’ils étaient amenés à perdre ce front cela pourrait avoir de lourdes conséquences pour Junte comme pour le groupuscule. En effet, l’accès au pont était un point stratégique pour les deux partis : il permettait d’accéder au territoire de l’autre avec une facilité déconcertante. En arrivant à pied, il était bien plus aisé d’attaquer mais aussi de se défendre. Ainsi il était vital pour les habitants de l’Eau de revendiquer cet emplacement et d’y poster ses propres troupes.

L’Inuzuka était donc déterminer à remporter cette bataille pour Mizu. Pour Tachibana. Il refusait que ceux-ci perdent la face contre des renégats qui avaient abandonnés leur nation. Ces barbares qui se battaient pour un roi de glace.
Accompagné de ses propres hommes, il se rendit sur place dès l’aube. Un camp militaire s’était développé autour de la lisière de la passerelle tandis qu’un no man’s land séparait les deux groupes. D’une certaine façon, ils se regardaient en chien de faillance même s’il n’était pas certains que les soldats du Givre en étaient capables. Ils ressemblaient plus à des chiens enragés que l’on tenait fermement à l’aide d’une laisse. À tout instant, ils pouvaient être lâchés dans le champ de bataille et, s’ils ne restaient pas sur le qui-vive, ils risquaient de se faire massacrer. À cause de ça, une tension malsaine régnait en permanence à l’intérieur du camp. Les soldats de Mizu n’arrivaient pas à se reposer suffisamment. Ils ne le pouvaient tout simplement pas.

D’un pas déterminé, le squale se glissa jusqu’à la tente du général de ces troupes. C’était avec lui qu’il devait discute. C’était avec lui qu’il devait mettre en place les manœuvres. Cela dura plusieurs heures, mais ils finirent par tomber d’accord sur une tactique principale et des mouvements de replis. S’ils voulaient en finir rapidement, ils ne pouvaient tout de même pas envoyer toutes leurs troupes et risquer de les perdre en une seule fois. Cela aurait été de la folie ! Un sourire carnassier sur les lèvres, Kōhei avait pris une apparence hybride pour s’adresser aux troupes. Il croisa également les bras, et déclara d’une voix forte.

— Soldats de l’Eau ! Aujourd’hui que vous apparteniez à un clan ou un autre, cela n’aura pas d’importance. Vous vous battrez tous pour une seule et même raison : vaincre les envahisseurs venus de Shimo. Pour l’honneur de Tachibana Ōjin et pour le nôtre, nous devons les repousser. À partir de maintenant, l’échec ne fera plus partie de notre vocabulaire. Nous gagnerons, il n’y a pas d’autres possibilités !