Les rats… il n'existe pas pire vermine. Impossible de s'en débarrasser, nuisibles et envahissants, ils sont si nombreux, tapis dans l'ombre, guettant le moindre fait et geste pour en tirer avantage. Quelques miettes à se mettre sous la dent par-ci par-là, ce n'est que lorsqu'ils s'attaquent à plus gros qu'eux que survient le problème. Une fois identifiés, ils courent le risque de se voir débusquer. Alors, en guise de reflexe naturel, la fuite s'impose comme la solution évidente.


La peste d'Ame s'infiltre même dans les plus obscurs des recoins. Sans doute attirée par les constants va et viens des fidèles, il est naturel qu'elle commençait à s'intéresser à cette ancienne papèterie, du quartier des rituels. Après tout, tel est le rôle qu'on lui a confié, aller glaner des informations sur ce qui se passe dans la cité faisait parti de ses tâches... Mais elle apprendrait bien vite qu'il vaut parfois mieux écouter son instinct.

Tout le lui déconseillait. L'étrange démarche de ces zélotes, les sinistres hurlements qui provenaient du fond de l'entrepôt, les aller sans retour des indigents, les signes s'accumulaient. Et pourtant. Portée par la volonté de s'élever, ou simplement celle de ravir ses maîtres, elle s'enfonçait dans les abysses. Quand la lune fut masquée par les nuages, quand l'obscurité totale envahit le pays de l'abondance c'est alors qu'elle tente sa chance.

D'un pas discret, elle s'infiltre dans la bâtisse. Le dos plaqué aux murs, progressant un pas après l'autre, sans émettre aucun son. Elle à l'habitude, son pas léger démontre de son habileté à se faufiler dans ce genre d'endroit... alors pourquoi ressent-elle ce froid glacial qui lui gèle l'échine ? C'est bien la première fois qu'elle ressent une telle crainte à l'approche du cœur du bâtiment.

Sa progression s'arrête face à une porte, qu'elle ouvre sans un bruit. un Laboratoire ? Son intérêt se renouvelle, la pousse à braver le danger qui la guette. Ses mains se baladent parmi les flasques, bocaux et autres. Des insectes fossilisés, des liquides inconnus et un spécimen plutôt étrange... Dans un bocal, le seul portant une étiquette où sont inscrit les kanjis "改善", gît un étrange insecte... certes, elle n'était pas la plus spécialisée, lorsqu'il s'agissait de faune, mais elle aurait pu jurer qu'elle n'avait rien vu de tel.  

Un cocon colossal, qui semblait fourmiller de l'intérieur, pulsant à vive allure comme s'il était sur le point d'éclore, sans pour autant parvenir jusqu'au bout des choses. Ce bocal l'obsèdes, sa nature particulière attire son regard comme le miel attire les abeilles. C'est suffisant pour qu'elle décide de l'embarquer. Son échappatoire est assurée, après tout, elle n'avait rencontré aucune encombre sur son chemin. Il semblerait que même les fanatiques ressentent le besoin de dormir, mais quand elle retraverse le hall principal, qui donne sur la sortie...


Soudainement, son corps tout entier se raidis, à l'entente de cette voix qui lui glace le sang. Par reflexe, elle se tourne dans la direction d'où provient la mise en garde. Et c'est là qu'elle le voit. Éclairé par une bougie singulière, au milieu de l'entrepôt désert, le maître du cercle rouge d'Ame lui fait face. Ses yeux percent profondément, détaillent son physique de bas en haut sans la quitter ne serait-ce qu'un instant. Est-ce qu'il mesure la taille de sa proie ?! Elle n'en avait aucune idée, mais cette fois, elle ne pouvait plus ignorer les signaux que son corps lui envoyait, tandis que sa main se levait dans sa direction. Marquant un pas de recul, la peste se met en position défensive en prenant ses appuis. « Tu as quelque chose qui m'appartiens... » lui lâche le roi des insectes, qui prenant appui sur ses genoux, entame sa relevée. « ... je souhaites la récupérer. » sa voix est calme, mais tout ce qui émane de cet homme n'est qu'une gigantesque mise en garde, même pour quelqu'un comme elle.

Peut être était ce l'instinct de survie qui lui avait fait prendre cette décision, ou bien s'était elle résolue à mourir ce jour là, car elle prit ses jambes à son cou... non sans laisser une surprise derrière elle. Un kunai lesté d'un parchemin explosif aurait sans doute raison de ses poursuivants... pas vrai ?


Je dois la récupérer... Ses dents ses serrent, grincent légèrement alors que son faciès se déconstruit à mesure que la lumière refait à nouveau irruption. Emmitouflé dans un manteau grouillant, il réapparaît au milieu des décombres de l'atelier de papèterie, indemne. Enjambant pierre et décombres, le Yozora guette la moindre ruelle, ses yeux virevoltent à toute allure, à la recherche de la piste qui lui permettrait de remonter jusqu'au rat...

Ses onyx s'arrêtent sur un détail particulier. D'étranges traces remontent la ruelle... Il semblerait que la vermine se soit blessée durant sa fuite... sans doute un morceau de verre volant. Un sourire se dessine finement sur le visage du Yozora, alors qu'il se met à suivre la trace. Le Yozora avance d'un pas lent, mais assuré, ses yeux ne quittent pas l'empreinte ensanglantée et remonte pas à pas le quartier des rituels jusqu'à la place centrale.

Ici, les traces s'arrêtent, peu avant un tunnel d'évacuation d'eaux usées. Quand bien même la pègre d'Ame ne reculait devant rien pour obtenir ce qui lui était dû, même elle ne saurait ignorer l'avertissement concernant les égouts d'Ame. Si les rumeurs concernant ces lieux ne cessaient de remonter jusqu'aux oreilles des habitants de la ville, c'est qu'il y avait matière à craindre ce que l'on pourrait trouver sous nos pas...


Éclairé par les discrètes apparitions de la lune...

Et dans un bruissement d’air, le poing mécanique d’Ena vient traverser le miroir devant lui. La couleur de sa peau était parfaite, ses cheveux étaient élégants et éclatants, ses traits fins. Mais il restait encore les résidus de ce corps putride et imparfait en lui. A chaque fois qu’il regardait dans son miroir, il le savait.

Ses yeux, d’un bleu profond comme la mer, se posèrent sur son bras. C’était sa paire de bras de confort, et ils étaient maintenant endommagés par diverses coupures. Et Ena ne pouvait pas contenir sa colère cette nuit. Alors, il marcha vers son armoire, que beaucoup pourrait qualifier comme “armoire des horreurs”, et l’ouvrit. Des dizaines de paires de bras, de jambes, de mâchoires, toutes mécaniques. Il en choisit une paire de bras et de jambes en particulier, et se les attacha sur son corps.

C’était son attirail de chasse, de combat. Il vient finalement échanger sa bouche actuelle avec celle la plus appropriée, avant de détacher sa chevelure pour venir la brosser plus facilement. Il réfléchissait à vive allure, utilisant son cerveau organique pour essayer de trouver la solution pour calmer cette rage bouillonnante au sein de son corps mécanique. Puis, une idée vient à point. La même que d’habitude. Allons à la chasse.

Enfilant une longue veste noire à capuche, déconotant avec sa longue chevelure blanche, l'artificiel vient tranquillement sortir de sa planque pour venir arpenter les ruelles d’Ame. Il avait une pensée assez mixte sur ces rues : à la fois elles lui permettaient d’être discret, mais elles avaient la fâcheuse tendance à donner une impression d'être coincé et enfermé.



Et le jeune homme décida d’aller dans un endroit puant, malodorant et sale, mais où il n’était jamais allé : les égouts de la ville-pègre. Les gens savaient qu’il chassait certaines personnes, alors quel endroit de mieux que les égouts labyrinthiques de cette cité pour se cacher de lui ? Mais comment faire pour y entrer sans être vu ni remarqué ? En y travaillant dans son esprit, celui dont le corps n’avait plus grand chose d’humain trouva. Pourquoi aurait-il besoin de se cacher, alors qu’il ne le faisait jamais. Il avait juste à ne pas faire grand bruit. Il vient simplement trouver une sortie d'égouts, écarte l’un des barreaux métalliques, et s’y engouffre.

Son pas, mécanique, résonne comme une mélodie sinistres, se résorbant dans le dédale des tunnels métalliques d’Ame. Le traître, l’artificiel arrive, à la recherche de sa future proie.

Que faire de ceux qui choisissent volontairement de s'isoler des hommes ? Qu'ils l'aient choisi où non, ceux qui se terrent sous le sol de la pluie ne sont que le reliquat de cette prétendue "abondance". L'on y croise de tout, principalement des hommes d'âges murs, sans valeur pour ceux qui se trouvent en haut, fuyant au moindre bruit suspect, effrayés par leur propres ombres. Rares sont ceux qui pénètrent dans les entrailles d'Ame, d'autant plus ceux qui transpirent une telle aura.

Chacun de ses pas résonnent dans les égouts, à chaque fois que le talon de sa chaussure frappe la pierre humide, l'écho se fait entendre au travers des myriades d'embranchements qui se présentent à mesure qu'il avance.

Cette silhouette de mauvais augure terrifie les cafards autant qu'elle les intéresse. Voilà longtemps que personne ne s'était aventuré ici bas, du moins, pas jusqu'ici. Tel un phare malfaisant, au milieu d'un océan putride, il pousse même les plus discrets à risquer un coup d'œil. Dans un renfoncement, d'où il ne laisse dépasser que la moitié de son visage, qui présentais pustules et autres maladies de peau, le misérable scelle son destin d'un lancer de pièce, comme le veut les coutumes de l'abondance, il tente une nouvelle fois sa chance..


Un hurlement inaudible, il trébuche en voulant reculer dans son terrier, exposant ainsi toute sa disgrâce. L'homme était malformé de toute part, sans doute la conséquence de cette vie, dans la crasse des égouts, Un bras plus petit que l'autre, l'autre moitié du visage semblait normale, bien qu'absente de peau à certains endroits. Ce qui lui sert de bras gauche se lève du mieux qu'il peut, alors qu'il balance son index en direction d'un insigne brodé en fil d'or sur le manteau du Yozora. Comment ne pas le connaître ? Nombre de ces clans sont la raison principale de leur déchéance dans les égouts. Mais comment faire fi des Shugyoku ? La simple vue de ce blason suffisait à faire ressortir en lui des souvenirs enfouis. Ils ne l'ont jamais aidé ! Quand il était au bord de du gouffre, c'est les Shugyoku qui lui ont ôté sa maison, c'est les Shugyoku et leur maudite banque qui l'a contraint à mettre la clé sous la porte, réduisant à néant son foyer et sa famille. Krkkkk..... ses dents se resserrent, sa main chétive se met à gratter frénétiquement la partie "saine" de son visage, jusqu'au sang. « C-Comment osez vous vous montrer ici ?! Vous nous avez déjà tout pris, que voulez vous de plus ?! »



Cette croix inversée est la seule image qu'il obtient en guise de réponse, il semblerait que l'homme ne lui ait même pas prêté la moindre attention... comme s'il n'était qu'un animal appuré de plus, qui s'agitait à la vue d'un dangereux prédateur. Comme s'il n'était qu'un moins que rien... Pourquoi sont-ils tous pareils ?! Leur existence n'a-t-elle donc que si peu de valeurs pour qu'on les condamne à l'oubli toute leur vie ? Alors que les pas du Yozora s'éloignent de plus en plus, sa voix lui revient petit à petit. « Argh... P-Pourquoi ?! » de manière plus frénétique, il se gratte, enfonce ses ongles crochus encore plus profondément dans sa peau déjà meurtrie. Et quand enfin, le roi des insectes disparait de sa vicinité, résonne alors d'une voix meurtrie les échos d'une supplication désespérée  


Le problème des rats, c'est qu'ils sont tenaces. On a beau tout tenter pour s'en débarrasser, ils s'adaptent en permanence. s'imprègnent de leur environnement, ne font qu'un avec les murs, avec les ombres. Quand bien même un moyen est déployé pour tenter d'éradiquer la vermine, elle revient sans cesse, comme si elle n'était qu'une bête conséquence de la présence de l'homme.

Celui-là ne lui échappera pas. Il semble s'être assez investi dans la tâche pour ne plus avoir à faire demi tour. Sa démarche nonchalante, alors qu'il descendait au cœur des ténèbres, suivant les traces de sang qui se faisaient de plus en plus mince, à mesure qu'il progressait. Les lumières étaient une denrée d'autant plus rare, depuis peu, rares étaient les flambeaux encore allumés dans l'obscurité des tunnels infinis.


Tu les entends qui grouillent dans les ténèbres, ces cafards que même la lumière ne daigne éclairer. Caché dans les imperfections et autres embranchements des murs. Ceux là n'ont que peut d'intérêt dans la quête de Momo, tu le sais très bien. Toi, tu n'en as qu'après les rats. Une bonne idée que cette torche empruntée plus tôt, la lumière permet à tes yeux de te déposer sur la moindre trace qui te rapprocherais du nuisible. Aucun supplice, aucun bruit ne t'inquiètes pas même lorsque tes onyx quittent momentanément ton objectif pour se déposer sur une énième carcasse. Il ne t'es d'aucune importance, passes ton chemin.

Les traces mènent finalement face à un gouffre. A la croisée des embranchements, où tout les tunnels des égouts convergent finalement. Au milieu, un gouffre où se déversent les eaux usées venant des quatre coins du royaume de l'abondance. Ainsi le rat avait choisi de se terrer plus profond dans son trou.

Sans hésiter, de manière presque désinvolte, il s'avançait jusqu'aux abords du gouffre avant de finalement lancer ses iris en contrebas. Rien, si ce n'est l'obscurité et le son tonitruant des eaux qui s'écoulent sans cesse. Toujours dans le même esprit, sa jambe droite s'élance dans le vide, alors qu'une impulsion de la gauche le propulse doucement à l'intérieur du trou béant.

Franchissant les barreaux massifs, le jeune homme rentrait dans une des entrées des dessous d’Ame. La pluie, digne symbole de la ville du crime, se voyait d’une façon bien différente ici. Lorsque les chutes torrentielles s’effondraient sur la tôle des maisons, elles ruissellaient jusqu’aux égouts, se rejoignant dans un flot monstrueux. Dès lors, il ne restait qu’un résidus crasse et sale, répandant une puanteur maladive au sein de ces gigantesques tubes d’acier et de gré.

Dans ce lieu d’infâmie, empli de regrets et de pleurs, un inconnu s'avançait. L’artificiel était d’un blanc immaculé, tant sa chevlure tombant en cascade sur ses épaules, la blancheur digne de la soie de sa peau, ou ses vêtements traditionnels du continent, d’une couleur similaire au nâcre. Alors que les ordures jonchaient le sol, lui était propre comme un sou neuf, ses souliers ne semblant pas se faire avoir par la crasse du sol. Le gagnant du jeu du Daimyon avançait, tel un filet de lumière dans un antre de noirceur.





Suivi par l’un des Pestiférés des bas-étages depuis quelques minutes, le Monzaemon n’était pas des plus inquiétés. Et quand cette pauvre créature se jetta dessus, dans l’espoir d'aplatir ses mains sur la gorge de l’artificiel… Un cri déchirant parcourut les dédales métalliques et rouillés. L’attaquant retomba sur le sol, regardant ses mains… Dépourvues de phalanges, ces dernières tombant sur le sol quelques instants après. Le coupable ? Une lame, dont le fil était recouvert de perles sanguines, qui étaient sortit de la nuque d’Ena.

Sans aucun remords, il n’avait même pas offert un seul regard au meurtri. La seule chose qu’il fit ? Enfermer une de ses mèches blanches dans le creux d’une de ses mains, pour en retirer un filet rubis dégoulinant, avant de le remettre à sa place. Ses yeux bleutés comme la mer se posèrent sur l’intersection dans laquelle il arrivait.


Son regard perçant s’abbatit sur le trou bouché par une grille à ses pieds. Par vraiment plus large que les épaules d’un être humain, il était cependant le premier et seul moyen de descendre dans les méandres de ces égouts puants. Alors, il frappa la grille de son poing… Qui ne fit rien à part un grand bruit… Avant que son coude rentre de quelques centimètres dans son avant-bras, et qu’un son bien plus grand fracassa le silence. D’une puissante libération de force mécanique, son poing avait traversé le grillage épais, puis en l’enlevant, il retira l’obstacle au même moment.

Attachant sa main gauche au rebord, il descendit d’un petit saut agile dans le petit trou. Son avant-bras se détacha dans un assemblage de fils de plusieurs dizaines de mètres, pour pouvoir remonter si le bas s’avérait dangereux… Ou ennuyeux.

Le bruissement métallique scinde le silence terrible qui règne dans certaines rues peu fréquentées de l’Abondance. Celles-là même en banlieue, proche d’atteindre les frontières désolées de la Ruine. Le tissu rencontre la chair d’un homme, le creux de la paume de sa main, le long des coutures, une bourse se dessine, aussi classique que ses sœurs. Un enfant observe, tenant dans sa main une torche de fortune alors qu’il veille à ce que tout se passe sans embûches.  Si au-dessus d’eux, les escaliers mènent dans les hauteurs, là où la ville de l’abondance règne, derrière eux, une structure se dessine. La pierre taillée témoigne du travail humain, et le cours d’eau qui s’écoule afin de se poursuivre dans les ruisseaux alentours, les eaux usées s’écoulent, transformant l’habituelle eau claire en une eau encrassée, que tous sont obligés d’utiliser, de se contenter.

Les trafics sont communs, dans les terres de la voyoucratie de Bo Takeshi. Mais tous sont régulés d’une certaine manière, sous l’égide des clans qui contrôlent la ville. Mais un détail n’avait pas échappé à l’agent à la solde du clan Chogoro : celui de l’existence de concurrents discrets. Les mystérieuses pertes, des pistes qui ne mènent à rien : devancés par des individus qui ne sont pas du monde supérieur. Qui sont-ils ? Des parias endettés ? Des orphelins exploités ? Que veulent-ils ? Le pouvoir ? L’argent ? L’anarchie ? Des myriades de questions sans réponses.

Les trois individus sont différents en tout point, taille, poids, âge, mais une seule similarité demeure : la pauvreté. Les haillons qui servent de tenue, la pâleur de leur peau et l’état avancé de maladie diverses et variées. C’est les yeux gorgés de sang de l’enfant qui sonnent l’alerte. Car l’échange n’est pas discret, les yeux hétérochromes observent et voient la transaction, aussi malicieuse soit elle. A visage découvert, la femme toise depuis l’ombre, et se fait remarquer lorsque l’enfant, par peur, lâche le porte-flamme et disparait dans les profondeurs des égoûts qui se dessine sous la ville. Les adultes eux, réagissent, celui ayant reçu les kobans s’éclipse, tandis que le dernier n’a malheureusement pas le temps de tenter une fuite qu’une lame se pose sous sa gorge, tandis qu’un sifflement caresse son tympan. La chevelure ébène de la femme caresse les épaules de l’homme alors que la proximité avait été réduite en quelques secondes.

— T’es tu déjà demandé qui pouvait être pire qu’un rat ? Une goutte carmine s’échappe du cou de l’homme. Je pense que ce sont les hommes qui se comportent comme tel. Et comme les rats, ils possèdent tous… une niche ?

L’homme prend une inspiration terrifiée, et pointe de son doigt tremblant l’intérieur des égouts. Aucun son ne sort de sa gorge, comme si la lame qui menaçait sa vie avait ôté toute corde vocale de son organisme, mais son regard exorbité témoignait de sa franchise - en cet état, il ne pouvait pas réellement se risquer à mentir. La lame est ôtée, et l’homme demeure libre, bien que tétanisé contre le mur de pierre de l’entrée de l’endroit ténébreux. Il hésite un instant, sous le regard vif de la sylvestre, avant de disparaître dans les ruelles adjacentes, fuyant l’endroit miteux. La dague est rangée, et les pas se dirigent vers l’intérieur de l’endroit aussi repoussant qu’il soit. L’eau s’écoule, laissant un unique son se dégager de l’endroit, tandis que l’odeur embaume rapidement, forçant la jeune femme à couvrir son long châle de ses propres créations, des spores qui se déversent sur le tissus et dégagent une odeur agréable pour couvrir la putréfaction et la moisissure qui se dégage de l’endroit.

— Certains ne sont que des fouineurs, leur seul objectif est de trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Ceux là sont des sous-fifres.

Dans les ténèbres, le regard de la femme toise les différentes branches qui se forment dans le dédale. L’eau continue de s’écouler, des nombreuses fuites sont à déclarer. Ses yeux suivent le chemin d’insectes divers, puis celui des rongeurs qui s’échappent et s’engouffrent dans les grilles fines qui sont censées laisser passer quelques courants d’air.

— D’autres dirigent, se terrent dans les combles en attendant que le monde brûle pour asseoir son autorité. Lorsque la maison s’effondre, chassant ses occupants, les rats peuvent l’envahir..

Tandis que sa voix brisait le silence morbide du long couloir humide et ténébreux, une petite silhouette, d’à peine un mètre trente s’enfonce soudainement dans Senju Kanzen, qui avec un léger mouvement de recul, rattrape cette dernière, déposant ses mains délicates pour éviter une chute conjointe des deux individus. La figure qui se révèle être celle d’un enfant se recule soudainement, alors qu’elle se tient le visage, son regard horrifié toise la femme à la chevelure d’obsidienne. Comme les autres, ses yeux injectés de sang, sa maigreur, sa peau blanche, il était d’ici et n’avait vraisemblablement jamais vu le soleil .

— D’autres sont des nourrissons, forcés de suivre les traces des aînés, aussi souillées soient-elles..

Kanzen ploie le genou pour s’accroupir au niveau de l’enfant, lui offrant un faible sourire. Le jeune garçon retire sa main et montre des mutilations qui couvrent son visage, et à la vivacité du sang qui s’écoule, ces dernières paraissent fraîches. Tremblant, il ne connait pas ces manifestations presque affectueuse, alors que les mains nues de la femme s’étaient posées contre ses épaules pour observer les blessures. L'enfant lui, toise la femme, les coutures qui marque sa tenue sombre, derrière les fins tissus de son écharpes. Mais la naïveté, poussant à croire en la totale innocence d’un enfant aura raison de Kanzen un instant, lorsqu’un rat s’échappe des haillons de l’enfant pour mordre le doigt de la femme et s’enfuir aussitôt, accompagné de l’enfant une fois que la femme eut retirés ses mains par réflexes.

Le sang s'écoule, les rats sont agressifs, les humains craintifs. Et les enfants eux, sont victimes et outils de toute cette mascarade. Tous se dirigent vers un même endroit, celui où la chaleur continue d'augmenter, où l'odeur infâme dépasse l'entendement, et où la mort semble régner en maître. Nul ne foule les étages supérieurs, l'abîme qui se dessine indique l'existence de niveaux inférieurs, accessible par des embouchures peu fiable. De la vie réside dans les profondeurs, elle en est certaine, car elle le perçoit, et elle perçoit de nombreuses entités qui foulent ces lieux, alors Kanzen sait comment les éviter, se terrant dans l'ombre à nouveau alors qu'elle trouve un premier passage vers la fosse : après quelques minutes de marches, un pont offre une traversée, mais surtout un accès, aussi peu fiable soit-il.

Nous traversions à nouveau la frontière qui séparait le crime du dessus aux supplices du dessous ; nous retrouvions la bouche à la grille édentée que nous avions déjà traversée au côté du fils Shinnin.  Les longs tunnels aux briques infestées de moisissures et l'odeur immonde qui stagnait au-dessus des eaux saturées nous décrochèrent un dégoût connu.  Les raisons qui nous poussaient toutefois à nous aventurer dans les immondices n'étaient pas celles qui nous y avaient aventurés autrefois ; nul besoin de secourir nos anciennes employées, seulement temps de revenir de réimplanter en Ame, pour la survie de ce rôle que le Nisshoku nous avait fourni, avant de perdre des plumes.  Sans ses chefs pour nous diriger, les astres encore en orbite se devaient d'explorer de nouvelles possibilités.  Notre nation d'éveillés verrait le jour, mais peut-être devrions-nous déplacer notre quartier général ?  Jeter en pâtures aux insectes les dissidents et se carapater dans les entrailles de l'Abondance ?  Une cercle parfait dans notre voyage...

Car le jeu des pouvoirs en Ame, nous parvenions à nous y confondre sans mal.  Ici, notre excentricité importait peu — elle pouvait même être applaudie !  D'aucuns ne pouvaient accuser Bō Takeshi de ne pas promouvoir une voyoucratie inclusive !  Nous étions que de passage en la Capitale des Vices, pour cette fois, sans toutefois ignorer ce désir de trouver une nouvelle source de procrastination.  

Le couinement des bêtes souterraines nous expulsa de nos songes, alors que nous enjambions la fange pour escalader les murs de la citerne, point de rattachement des différents canaux et qui promettait une aventure dans les niveaux abyssaux des égoûts...  Ne racontait point que les racines d'un arbre plongeait aussi creux que s'élevait sa cime ; était-ce la même situation pour les tréfonds sous les gratte-ciel de la Citée Noire, qui s'élevait toujours plus haute selon les caprices de ses occupants.  Une Citée vivante, qui n'avait rien à envier à la vivacité des murs d'Hakugaku, si vous nous permettiez la comparaison...

Nous ignorions que seulement quelques temps avant notre arrivée vers le gouffre qui faisait s'échoir les eaux usées vers les étages inférieurs, un exterminateur s'y était déjà plongé.  Nous observions le visage découvert les fécalomes disparaitre dans les chutes, sans que l'ambiance scatophile n'émoustille la moindre émotion.  Le Territoire des Oubliés, là où les déchets de la société s'associait en cabale obscure pour partager des envies que même les petites mains ne sauraient manipuler.  On croyait l'Abondance pervertie, mais jamais elle ne pourrait se comparer aux sombres entités qui en polluaient ses égouts...
Et bien que nous jouions aux salvateurs personnages, cette part d'ombre nous était également inhérente.  Si nos pas avaient éclaboussés de merde notre petit chemin vers les entrailles d'Ame, c'était que nous avions en tête cette sombre idée ; garnir notre Pierre Philosophale de nouvelles charges obscures !  Il ne nous fallait qu'une cible que cette société individualisée ne manquerait pas d'oublier, des orphelins de la loi, de viles personnes que nul ne plaindrait la disparition.

Le flux des eaux usées vrombissait en écho dans l'espace dégagé.  Après un moment à attendre et s'assurer être seul, nous étions fin prêt à s'enfoncer d'avantage dans les tréfonds d'Ame.  Mais Prudence était mère de Sûreté et nous avions ce don respecté dans les limites de la Citée Noire ; d'une longue série de mudras, nous recouvrîmes l'embouchure d'une chape aigue-marine épaisse, de forts piliers d'émeraude tordue qui s'accumulait en un escalier solide en colimaçon pour descendre en toute tranquillité.  Les exterminateurs qui pourraient se trouver à l'étage inférieur ne manqueraient pas de remarquer le sublime de notre art, car convaincus d'être seuls dans cette partie des égoûts, nous ne manquions point d'extravagance à en faire exploser notre chakra !
Puis, à descendre dans la noirceur, le Shingetsu sortit un petit rouleau qu'il activa : un parchemin-garde-robe, qui le recouvrit d'un épais manteau de fourrure d'hermine, une cape portée sur la tête rappelant la silhouette d'une nonne.  Un rictus pervers animait les traits de la Nouvelle Lune, alors qu'elle plongeait dans les Ténèbres qui l'avait vu naître.  Ici seulement, Seijaku se sentait réellement chez lui, bien qu'il se le cachait toujours ; nous étions une mascarade, un reflet d'inconfort créé de toute pièce par le petit garçon meurtri.
La lourde fourrure dégringola de nos épaules, exposant notre dos marqué des esquisses de douleur.  Une étrange sensation mielleuse enrobait notre esprit, un plaisir littéralement pervers, celle que savoir que le Mal nous habitait et que nous étions fièrement son escorte !

Spoiler: