Les peuples du Continent sont divisibles en quatre castes : les guerriers, les politiciens, les scientifiques et les paysans. Il n’existe aucun autre ordonnancement que cette division quadripartite. Shinobi, Seijika et Renkinjutsushi se partagent le Monde, sous le regard incrédule et docile du tiers-état. Si Meiun est un hermétiste accompli, dont l’essai sur le Chakra Yin a stimulé une communauté d’intellectuels trop apeurée à l’idée de fouler le sable chaud du Grand Désert, il n’en reste pas moins profondément séduit par le concept du Ō Monatai Bijū.

Cette figure de proue du monde des arts martiaux - le murim des contes continentaux - s’est élevée au rang de surhomme et a atteint l’une des nombreuses facettes de la Liberté Absolue. Cette notion de Shinobi dont la force ne connaît aucune limite est plus que séduisante pour notre aventurier. Dans un univers comme le sien, Meiun est conscient que la quête de puissance est une étape préalable obligatoire, car seuls les faibles sont mis sous fers. Pour répondre à ce besoin, l’Arène Légendaire fut construite par Yaban Atsukage. Cette bulle, coupée du monde, met en scène des monstres provenant des quatre coins du Continent.

Avant la crise diplomatique qui entraîna la destruction de l’île, l’Underground se situait à l’Extrême-Orient. Après qu’elle ait rejoint les abysses, les Shinobi se coalisèrent autour d’un magnat, qui érigea une nouvelle chapelle pour les gladiateurs zélés. Cet endroit secret, interdit pour les non-initiés, échappait - au grand dam de Meiun - à ses connaissances. Inuzuka Jotaro, l’Ambassadeur de Hametsu, le Champion-Lige et Héros de l'Harmonie, troqua la localisation du haut lieu de la barbarie contre une prothèse fonctionnelle.

Hélas, l’attraction de la Nécropole Stygienne eut raison de sa soif de découverte, le Berceau englouti passant avant le pré carré des mirmillons. Ce qui était vrai hier, ne l’est plus aujourd’hui. Meiun profite de son escapade dans les contrées du Couchant pour réaliser ce rêve quasi-enfantin, celui de fouler l’Arène Légendaire où les os et les dents se mêlent au sable sablonneux du Cube de Chakra. Notre bohémien respecte à la lettre les consignes de son mécène ; il traverse les ruelles façonnées par les pas des orphelins, traverse une série de chaumières en tôle, de portes dégondées et de trappes douteuses pour aboutir à un autel en pierre cylindrique : le puits. Un lycoris aura été incanté pour que ses pétales puissent être semées, à l’image du petit poucet.

— Incroyable.

La crinière carmin se cramponne à la corde et laisse son corps flavescent percer l’obscurité. Une société parallèle, le monde des arts martiaux est contenu derrière les battants d’une porte collosséenne. Deux gardes, deux molosses, deux golems dont la fonction consiste uniquement à trier le bon grain de l’ivraie arrête le Kazejin. Ces primates à la mine patibulaire et aux crocs qui bordent leur lèvre supérieure attendent une invitation que Meiun ne possède pas. Fort heureusement, la scène ne tourne pas au drame. Un farfadet gagne les galbes du non-initié. Chapeau melon posé sur le haut du crâne, le petit homme invite notre explorateur à le suivre pour passer une épreuve.

Mutation:

Paupières fermées, bras tendus, les phalanges distales de Meiun effleurent les parois rocailleuses du corridor qui mène à l’Arène. Les plus grands combattants de l’Histoire sont passés par ce tunnel. Midas, Mouton Noir et Terreur Pâle ont gagné le coeur de la foule, ici, à la force de leurs métacarpes. L’imaginaire de notre explorateur prend le pas sur la réalité. Les frissons se propagent et ses poils se hérissent. Il entend les spectateurs imaginaires scander son nom.

— Mei-un… Mei-un… Mei-un…

Les dents métalliques de la herse sont tractées hors du sol. Les bronches de Meiun accueillent une profonde bouffée d’oxygène. Le Clown a la peau diaphane ouvre ses yeux. Le Cube de Chakra, symbole emblématique de l’Underground, le subjugue. La frénésie l’emporte et bientôt c’est tout le microcosme du Sépulcre des Héros qui tourne autour de lui.



Les lèvres de Meiun dessinent un croissant de lune où trente deux étoiles tentent d’éblouir les œillades curieuses. Une poignée de spectateurs, en plus du farfadet au chapeau melon, sont assis dans les différentes sections des gradins. La plupart sont des chasseurs de talent à la solde des sponsors. Combler les attentes de ces gourmets du Monde des Arts Martiaux est une étape obligatoire pour faire du Sanctuaire des Shinobi l’avant-poste de son institution.

Mouvement d’index. Les bandes de tissus se déroulent pour finalement joncher le sol composé de sables, d’os et de dents. Mouvement d’auriculaire. Les trois pantins greffés à son dos prennent vie, après qu'une dizaine de fils de Chakra iridescents se soient liés à eux. La malice est chassée au profit d’un autre masque ; l’adepte du Kugutsu sait qu’il n’a qu’une chance pour éblouir les jurés. Son sort est entre les mains de tiers, donc du Hasard ou de la Destinée. Or, il n’existe aucune situation qui stimule autant son courroux.


Meiun tend sa main droite devant lui, puis enroule ses doigts sur eux-même pour que son poing se referme. Les fils iridescents suivent la course de ses phalanges, ce qui entraîne la transfiguration de Numéro 1, Numéro 2 et Numéro 3 en Numéro 0, la Marionnette Ultime [I]. La paume gauche s’écrase sur le dessus de son poing et, à l’instar d’un archer, le Kazejin bande un arc imaginaire.

La corde virtuelle tendue au maximum, les doigts de sa main gauche se tendent puis se détendent à plusieurs reprises, comme s’ils caressaient une harpe. Numéro 0 répond à l’ordre de son Créateur et implose en une infinité de morceaux tricomposites qui assaillent l’éther [II]. De façon concomitante, la corde est relâchée : un fin rayon électrique s’échappe de son poing pour rebondir sur tous les fragments de ses marionnettes.


Chaque rebond permet à la technique d’amplifier sa dangerosité, d’accroître sa célérité et d’élargir son épaisseur. Le fin faisceau se charge de plus en plus en Chakra Raiton, ce qui laisse planer l’illusion que l’action se nourrit des chocs avec la matière nivéenne. Le degré d'ingéniosité qu'appelle la maîtrise de cette réaction en chaîne n’est rien en comparaison au clou du spectacle…  


Meiun ouvre son poing droit sur la dernière itinérance qui frappe un doigt nivéen dans le creux de sa paume. La puissance accumulée se décharge en une fois. L'onde électrisante se change en vague déferlante aussi haute que le ciel et aussi large que l’horizon. Bien qu’il ne s’agisse point de Ranton, nombreux sont les spectateurs qui placent leurs mains en barrage, de sorte à atténuer l’explosion photonique [III].


Affamé, le déluge pulvérise à l’échelle moléculaire la matière qui ose se dresser sur sa route. La colonne horizontale percute avec une force inouïe l'emblème de l’Underground. Le Cube aux Mille Fuinjutsu tremble tellement qu’il semble sur le point de rompre devant l’assaut de l’Alchimiste d'État. Après que l’offensive se soit naturellement oblitérée dans le vide, une crevasse de plusieurs dizaines de mètres, qui prend sa source à ses pieds, déchire l’Arène en deux. La suite ? Elle appartient à l’Histoire.