124 ~ Naissance des Jumeaux  Usuzumi Momotsuki aimait sincèrement cette femme très secrète, la surnommée Kurutta Shojo no Sora, aussi il ne la questionna point sur sa grossesse miraculeuse après que son ventre se soit gonflé en une nuit.  Si Sora répondait à son affection avec tendresse, alors il serait un bon père pour l'enfant et s'en occuperait comme s'il était de son sang.  Bon avec les chiffres, il espérait un jour se dénicher une place au Consortium, surtout s'il devait accueillir une nouvelle âme en ce monde.  Momostuki ne s'était jamais éveillé au chakra et ne partageait avec ses lointains cousins du pays des Monastères que le nom.
Pour celle qui deviendrait bientôt sa femme, le mystère entourant sa grossesse était partiellement résolu.  Une fois atterrie dans la Maison de Fumée, elle mit à profit toutes ses connaissances, prête à se sacrifier afin de ne jamais accueillir en ces lieux sordides le fruit de son amour pour son défunt mari : elle cristallisa en son sein l'enfant à naître.  Sora d'alors ignorait cependant qu'elle portait deux âmes désormais prisonnières, ni du temps qu'elle aurait à donner pour les protéger ; elle pleura chaque soir dans l'espoir de mettre au monde sa descendance.
Sora d'alaors ignorait également qu'elle éprouverait à nouveau des sentiments pour un autre homme que le père biologique des Jumeaux.  La route reprise pour le marchand fier d'avoir à son bras une aussi jolie femme, par une nuit de tempête la sage-femme éprouva une douleur cruelle qui la fit saigner d'importants caillots transpercés de cristaux.  Puis son ventre doubla, tripla, quadrupla de volume alors qu'elle sentait à nouveau la vie au fond de ses entrailles.  Puis la peur, celle de la réaction qu'aurait Momotsuki lorsqu'il la confronterait...  Mais le brave homme n'accueillit la nouvelle que dans la joie, sa présence rassurante finissant par chasser les derniers souvenirs que Sora gardait de son défunt mari.

126 ~ Des rêves partagés  Après la naissance du premier enfant, une fièvre terrible avait plongé sa mère dans un état délirant où elle ne poussait que gémissements et cris douloureux.  Son ventre ne dégonflant point, elle resta alité ainsi trois jours, sans que son nouvel époux ne sache comment l'en soulager.  Au troisième jour, il fit venir une sage-femme afin de la faire examiner.  Une seconde guérisseuse fut également appelée pour son fils, qui depuis sa naissance, n'avait point pousser le moindre son ni versé la moindre larme, refusant même de s'abreuver.  La seconde  ne trouva cependant rien de grave au nouveau-né, si ce n'était qu'il était plongé dans un état d'abnégation profond pour sa mère en souffrance, hypothétisa-t-elle ; la première sage-femme diagnostiqua une autre naissance à venir et s'appliqua dans un traitement pour activer la naissance.  Momotsuki aida du mieux qu'il put pour accueillir la petite soeur de son fils.  Comparé à son grand frère, la seconde-née fit savoir rapidement que ses cordes vocales étaient bien formées.  Alors qu'elle s'époumonait, le premier-né à son tour s'éveilla de sa torpeur et rejoignit sa soeur dans un choeur assourdissant.
Pour son calme surnaturel à sa naissance, leur fils fut nommé 静寂 — Seijaku, tandis que sa petite soeur, pour avoir fait subir l'enfer à leur mère et leur avoir avoir cassé les oreilles à sa naissance, elle fut nommée 竜巻 — Tatsumaki.
Pourtant, après cette épreuve, les Jumeaux ne pleuraient que lorsqu'ils étaient séparés l'un de l'autre.  De plus, on ne pouvait les distinguer que par la couleur distincte de leurs chevelures : Seijaku avait un teint rouge, tandis que Tatsumaki les avait bleu.
En l'an 124, ils composaient leurs premières phrases et informèrent leurs parents à leur annonçant qu'ils partageaient leurs rêves.  Mais cela ne surprenaient pas Sora et Momotsuki, qui les avaient vus grandir en inséparables, les appelant pour la première fois d'une voix unie.  Jamais ils n'acceptaient d'être à l'écart l'un de l'autre.  Tous deux démontraient d'ailleurs un éveil précoce pour les chiffres et enseigné par leur père, ils développèrent rapidement la capacité à faire des additions avec un boulier.
Ce fut à la même époque que leur seconde distinction se fit savoir, par la crise d'asthme que provoqua l'hiver chez Tatsumaki.  La faiblesse de sa petite soeur a supporter le froid n'était pas un mal inconnu de leur mère et Sora traiterait sa fille à chacune de ses crises.

132 ~ Toute vérité n'est point bonne à partager Usuzumi Momotsuki était un marchand au sens des affaires redoutables, secondé par ses marmots qui savaient tirer les bonnes ficelles du business familial.  Quelques années plus tôt, Shugyoku Sora était morte suite à une infection grave et la petite famille s'était d'avantage resserrée.  Déterminé à faire profiter ses gamins des privilèges de la richesse, tous les moyens étaient bons pour augmenter le profit du marchand spécialisé dans le revente d'objets volés pour le Marché Noir.  Son truc : avec un ami installé à Tōji qui le fournissait en vases, il y planquait les objets achetés auprès de receleurs.  Son sens de squale pour les affaires avait d'ailleurs teintés les caractères des jumeaux, qui ne jouait jamais avec les autres gamins s'il n'y avait rien à y gagner.  Après tout, les frangins n'avaient nul besoin des autres, puisqu'ils avaient l'un l'autre et leur père.
Dans la même année, Seijaku s'éveilla à son don génétique et parvenait à produire des émeraudes de tailles modestes.  Ignorant jusqu'à ce jour l'appartenance de Sora au clan Shugyoku, Momotsuki remerciait le ciel de lui avoir donné des enfants aussi merveilleux.  Pourtant, Tatsumaki ne parvint jamais à exprimer le moindre talent pour le chakra.  C'était là leur troisième distinction.
Rongé par la honte de demander à ses enfants de produire des émeraudes pour les rendre riches, ce fut eux qui proposèrent le projet.  Ainsi, la compagnie de Momotsuki se développa d'avantage, car pour une poignée de pierres précieuses produite par son fils, il pouvait s'acheter de nouveaux amis, ou faire concurrence à ses rivaux.  Par la même occasion, en augmentant ses richesses, il put approfondir son lien avec le Marché Noir.  Usuzumi Momotsuki était loin d'être idiot, il prenait bien soin de cacher les dons de son fils et très peu connaissaient le secret de la montée de sa renommée, qui lui promettrait bientôt une place au Consortium.  Malheureusement, parmi les rares élus en à connaitre son secret, un rival s'était infiltré.

140 ~ La dernière Distinction  Les partisans de Shugyoku Yei finirent par ouïr des rumeurs sur la source de la nouvelle richesse de l'un des consorts du Shogun, que laissa filtrer le rival d'Usuzumi Momotsuki.  Dans l'ombre, la nouvelle baronne de la future Banque Continentale Shugyoku ordonna que lui soit ramener ce voleur de don.  Les meurtriers s'infiltrèrent dans la nuit, passant sans mal les différents gardes qui étaient employés par la famille.  Dans la cohue, leur père y perdit une main.
Ils quittèrent Tetsu dans la même nuit, laissant derrière eux leur commerce acquis à la sueur du front de Seijaku.  Le rival de Momotsuki finirait par acquérir complètement leur business, effaçant avec l'aide de l'influence du Marché Noir et la nouvelle nomination du Shogun Musashi quelques années plus tard, toute trace des registres du consort Usuzumi.
De retour à Ame, les jumeaux ne connaissaient rien des contrées qui avaient vu grandir leur mère, car jamais Sora ne leur avait appris quoique ce soit à ce sujet.  Pourtant, peut-être était-ce dû à l'infection ou à la nostalgie, mais sur le chemin, leur père leur partagea tous de sa rencontre avec leur mère, et des défis qu'elle avait dû endurer.  Il se garda cependant bien de leur annoncer que leur véritable père lui était inconnu.
Une fois ramené aux pieds de la nouvelle cheffe du clan, les jumeaux apprirent qu'ils n'étaient pas Usuzumi comme ils l'avaient toujours pensés, mais bien descendants de fameux clan des Usuriers, ce qui expliquait le don unique du grand frère.  Séparé de leur père, qui avait signé un contrat auprès de Yei pour qu'on lui épargne la vie, ils furent accueillis au sein du clan comme des recrues prometteuses pour le renouvellement de la Banque de Yei.  Pourtant, les autres adolescents n'appréciaient aucunement leur façon de communiquer à l'unisson, et pour la première fois dans les rues surveillées par la pègre, les jumeaux durent se battre pour rester en vie.
Avec leur arrivée dans ces contrées où la pluie aimait se précipiter, les crises d'asthmes de Tatsumaki se firent plus régulières.  Elle avait beau prendre son médicament tous les jours, elle dormait très mal la nuit, si bien que cela commença à inquiéter son grand frère.  Si les jumeaux s'exprimaient toujours en choeur devant les autres, une fois seuls, ils pouvaient entrer en discussion.  Souvent, lorsqu'ils le faisaient, il se mettaient face à face les paumes rejointes et comme deux pans d'un même miroir, ils s'exprimaient alors distinctement.  Leur père les avait surpris un matin dans ce rituel étrange à partager leur rêve de la veille et déconcerté par leurs allures androgynes similaires (ignorant la couleur de leurs cheveux), il s'était persuadé d'y avoir rêvé, puisqu'il était certain d'avoir vu ses enfants se refléter l'un l'autre devant une glace invisible...
Aussi, Seijaku décida un soir de la confronter et bien qu'elle lui jura ne manquer aucune dose, de fils en aiguilles, elle lui avoua ne plus partager leurs rêves depuis plusieurs années déjà, remontant au jour où il s'était éveillé à leur sang.  Pour la première, les jumeaux se disputèrent, suite à la rage intense que l'aveu de sa soeur avait fait monter en lui !  Puis une violente quinte de toux de Tatsumaki mit fin à leur engueulade.  Son état s'aggrava d'heure en heure.
Shugyoku Seijaku revit son père pour la dernière fois lorsqu'il lui fut exceptionnellement autorisé à assister à la mise en cercueil de cristal de sa fille.  Il avait affreusement maigri et le manchon qui lui servait de bras avec la peau toute tordue autour de sa cicatrice.  Le père étraigna longuement son fils, mais Seijaku n'était plus qu'une coquille vide à la dérive.

144 ~ Le Premier rêve  Son âme était brisée, et pour oublier tout le chagrin qui lui incombait, Seijaku avait rejoint la Maison de Fumée qui avait autrefois recueillit sa mère, d'un hasard qui s'expliquait par l'opium à bas prix et les plaisirs de la chaire pour alléger ses souffrances : malgré tous ses efforts, il ne parvenait plus à s'imaginer le visage de sa soeur.  Mais sa détresse l'avait poussé à s'endetter pour fumer et bientôt, ceux qui contrôlaient la Maison lui tombèrent dessus, le menaçant pour un remboursement immédiat, s'il souhaitait garder ses yeux.  Les techniques pour amadouer ses ennemies, transmises par Usuzumi Momotsuki, lui permirent de s'en tirer à moindre coût ; à la place, il vendrait son corps pour garder la vue.  Il deviendrait une maiko de bas rang, trop pauvre pour espérer à mieux...
Cela faisait plusieurs mois déjà qu'il enfermait les réminiscences des assauts de ses clients dans des nuages d'opium, puis une nuit on lui refusa de lui en vendre.  Symptomatique de son sevrage et écoeuré par le système injuste dans lequel il avait atteri, il crut devenir fou lorsque les hallucinations assaillirent sa vision.
Halluciné et oublié dans une ruelle d'Ame, Seijaku attendait la mort avec impatience lorsque son regard croisa la flaque laissée par la dernière ondée.  Dans son reflet, le Shugyoku abandonné y revit pour la première fois ce visage dont il se languissait toujours, son reflet aux cheveux bleus.  Alors il pleura toute sa colère et se vida de toute sa rancoeur.  Seijaku ne toucherait plus jamais aux drogues et comme leur mère à l'époque, il garderait désormais sa dignité.  Après tout, ils s'étaient retrouvés : chaque nuit il l'embrassait dans ses songes et chaque jour, son reflet était celui de Tatsumaki.

149 ~ En quête d'indépendance Seijaku était Tatsumaki et Tatsumaki était désormais Seijaku.  Sans qu'ils ne peuvent réellement comprendre, leur âme était de nouveau pleine et Seijaku n'était plus seul dans son corps androgyne.  Ils étaient Eux, un être possédant deux âmes, aux deux corps n'étant plus qu'un.  Ils ne pouvaient s'exprimer indépendamment l'un l'autre que lorsque leur corps principal s'endormait, afin qu'ils puissent se retrouver dans leurs rêves où ils s'asseyaient en lotus les paumes rejointes.  Tantôt Seijaku, tantôt Tatsumaki, des identités partagées entre Eux afin de se présenter au monde ; ensemble, ils avaient usés de leur talent en comptabilité pour rembourser les dettes de chacune des courtisanes de la Maison et s'émanciper de la pègre locale.  Le monde interlope était d'ailleurs en pleine éphervescence, car il se racontait que l'Oyabun se préparait à faire naître des entrailles Marché Noir une nouvelle nation.  Tous souhaitaient avoir une part du gâteau, mais s'était également le moment idéal pour fuir ces terres qui leur causaient des souffrances : depuis leur fusion, leur corps principal qui n'avait jamais été malade souffrait des mêmes crises d'asthme qui avaient emportées celui de la cadette.
Après la mort de l'ancienne Oiran, Eux reprirent les reines de la Maison pendant trois ans avant d'en fermer les portes quelques semaines seulement avant la fondation d'Ame.  Sous leur règne, la prostitution des maiko et geisha de la Maison cessa et chaque femme était nourrie, lavée et protégée.  La nouvelle Oiran, que tous appelaient Oiran-kunshu, un titre étrange autoproclamé par Eux, leur valait une certaine notoriété au sein du monde interlope de la pègre et beaucoup était près à payer pour dénouer l'obi afin de connaître le sexe de cette geisha filiforme.  Eux se régalaient du mystère que provoquait leur identité unique.
L'Oiran-kunshu avait hérité d'un journal ayant appartenu à leur mère, de l'époque où celle-ci habitait l'endroit, préservé par une jeune maiko au jour où elle avait quitté au bras de l'heureux Momotsuki, devenue aujourd'hui geisha.  Dans ce trésor, Eux découvrirent les secrets de leur naissance et le sacrifice que leur mère avait dû supporté.  Dans son journal, Sora y avait également conservée toutes ses connaissances de renkinjutsushi, ce qui permettait désormais à Eux de se former.
Mais avec les années, la souffrance de partager le même corps pesait sur Eux, si bien qu'ils finirent par fermer leur établissement et fuir Ame, afin de découvrir un remède à leur mal.  Dans les écrits de leur mère, Sora s'interrogeait sur la provenance des âmes avant leur naissance et hypothétisait que le pays des Esprits pouvait renfermer les réponses à ses questionnements.  Aussi, c'était la route qu'ils prendraient, sans toutefois connaître les chemins qui les y mèneraient.