S’il avait fuit direction le pays de la foudre, c’était bien dans le pays du monastère que se trouvait l’Imono après sa rencontre fortuite de quelques partisans du Shogun. Après sa défection, après sa dégringolade, après sa chute, après toutes ses épreuves, il n’était plus le même homme. Assurément plus modeste, il vivait dans ce petit cabanon affleurant à dos de montagnes, comme une sorte de tombeau oublié ou il pouvait se reconstruire. Tout les jours, c’était la même rengaine … Il essayait de sortir de son lit, avait mal, se nourrissait en rationnant ce qu’on lui avait laissé, revoyait et relisait le sceau et la lettre qu’on lui avait confié. Tout ça n’avait que très peu de sens pour l’Imono. Qui le voudrait en vie, finalement ? Il avait commis tant d’exactions, tant de massacres, tant d’exactions au nom du progrès, du bushido et de sa famille, son clan. Il avait commit des choses atroces et aujourd’hui, il regrettait amèrement certaines.

Pas le temps pour les regrets, lui aurait dit son père. Qui veut aller loin, ménage sa monture, lui aurait déclaré sa mère. Il balaya de la main ses deux conseils absurdes, et cette éducation, qui n’avait eut pour conséquence que sa situation actuelle, ses blessures et cet opprobre, ces guenilles dans lesquels il vivait ; Cette bicoque dans laquelle il était le roi sans sujets.

Depuis sa fenêtre, l’on pouvait voir la mer, et sentir ses embruns. Tout les jours était un parcours du combattant différent. Puis un jour, il se trouva avec assez de mobilité pour s’extraire de sa tombe. Grimpant par le sentier escarpé, qui donnait sur une sorte de plateau, zone d’inconfort certain pour qui n’aimait l’altitude, mais qui avait l’avantage d’être large, et de ne pas lui demander des efforts pour avancer, il se posa sur un rocher.

Il ouvrir sa sacoche qui  battait son flanc en lui faisant des douleurs. Il n’était vraiment plus le même. Son visage couturé de cicatrices, ses jambes plus faible que celle qu’il avait à seize ans, Nué avait même peur d’avoir perdu sa fierté la plus honorable, son précieux Ninjutsu. C’est alors qu’un bruit de cailloux dévalant une pente lui fit levé la tête …

- Qui va la ? Annoncez vous, ou vous tâterez de mon …. Il allait dire katana, mais ne portait plus qu’un kunai sur lui … Amertume et de mes compétences ! Lâcha-t-il en se trouvant ridicule, sous ses bandages et dans ses lourdes bottes qu’il peinait à déplacer.

Qui pouvait bien parcourir ses lieux désolés et vides de vie habituellement ? Et qui pouvait bien être assez fou pour s’approcher de lui ?  Il avait toujours cette aura. Celle d’un tueur, celle d’un guerrier ; Sa démarche féline était guindée, mais ses habits propres et dans des tons bleus foncés faisaient comme une défense, un paravent, comme s’il n’était pas aussi diminué qu’il était réellement.

Pour une personne vivant dans les Bois Maudits, le pays des Monastères était une véritable bouffée d'oxygène. Le ciel, loin d’être couvert par les cadavres des immenses pins qui avaient dominé les Bois Maudits, resplendissait de pureté. Masaaki venait de raccompagner une troupe de malheureux marchands qui s’était perdue dans la forêt brumeuse à la frontière avec Garan. Profitant de cette longue marche salvatrice pour les égarés, il se dirigeait maintenant vers le marché le plus proche afin d’acheter quelques fournitures pour garnir le tronc dans lequel il vivait.

Les pas dans la montagne étaient naturellement moins assurés que parmi les arbres pour L’Aburame. Pourtant, il ne manquait jamais une occasion de grimper pour pouvoir y admirer la vue. S’il y avait bien une chose qui différenciait cet environnement du sien, c’était cela. Dans la forêt brumeuse, le champ de vision était restreint à quelques mètres. Ici, Masaaki avait l’impression de pouvoir voir le bout du monde.

Le casque tourné vers le haut pour mieux observer ce ciel si exotique à ses yeux, le jeune homme grimpait, guidé par les lucioles qui voletaient joyeusement autour de lui. Il faisait bon, il faisait beau. Rien ne pouvait gâcher ce moment.  

C’est au moment précis où cette pensée traversait son esprit que l’Aburame entendit des bruits de pas en contrebas.

En général, il n’y avait personne dans les parages. Le jeune homme fut soudain inquiet pour le groupe qu’il venait de ramener à la frontière. Et si des bandits attendaient les égarés épuisés pour les détrousser ? Garan était supposément un lieu plus sûr que Hi, notamment grâce à ces nombreux monastères qui offraient l'hospitalité aux voyageurs. Alors qui pouvait donc bien traîner dans ces montagnes ? SI ce n'est pas des bandits ou des contrebandiers ?

Curieux, les lucioles et leur foyer s’avancèrent vers le précipice. En contrebas, un homme semblait légèrement claudiquer. Sa présence ici était étrange. Pourquoi un homme seul se baladait-il au milieu de nulle part ?

Masaaki suivit l’étranger un moment jusqu’à ce que celui-ci ne se pose, non sans difficultés, sur un gros rocher. Pour pouvoir observer en toute tranquillité, le jeune homme voulut se placer derrière un rocher. Imprudent, il posa le pieds sur un caillou peu stable qui entama une course particulièrement bruyante en dévalant la pente ardue de la montagne.

- Qui va la ? Annoncez vous, ou vous tâterez de mon ….Amertume et de mes compétences !

Surpris, Masaaki se releva avec hâte en faisant trembler encore un peu plus le sol déjà bine fragilisé par la disparition de ce rocher.

En quelques secondes à peine, l’immense rocher derrière lequel se cachait l’Aburame céda, emportant le sol qui le maintenait au passage.

Le bruit et le nuage de poussière furent d’une telle ampleur que l’issu de ce malheureux accident fut indistinct pendant plusieurs seconde. ENfin, quand le feu d’artifices de gravats et de poussière retomba, l’étranger pu apercevoir un jeune homme encapuchonné, accroché par une main à une des seuls pierres qui avait tenu le choc.

A plusieurs dizaines de mètres de hauteur, le jeune homme pencha sa tête vers le bas pour saluer celui qu’il suivait depuis quelques minutes.

- Bien le bonjour ! Désolé de cette entrée en matière un peu…grandiloquente. Nous sommes Aburame Masaaki, un simple guide des Bois Maudits. Dit-il, entourés de centaines de lucioles qui virevoltaient toujours joyeusement autour de lui, comme si leur foyer ne risquait pas de s'écraser sur la pierre dure d’un moment à l'autre.

La douleur était lancinante. Elle l’accompagnait dans tous les aspects de sa vie, la marche, le repas, et même le sommeil. La douleur et une colère persistante. Sourde, comme une lame de fond, elle l’entraîne dans une spirale, dans un tourbillon, il était comme siphonné, en pleine implosion. Pierre et fumée. Ca lui rappelait de mauvais souvenir. Une chute. Encore plus. Il leva la tête avec toute l’indifférence dont il était capable, remarquant l’aburame ainsi perché. Si sa chitine ne le dégoutait pas vu d’ici, il serait gênant de découvrir si son sang avait la même couleur que ceux de ses insectes. Surtout que sa cape était la dernière qu’il lui restait. Alors il ignora la douleur, il ignora la colère, après tout … Il aimait sauver les gens non ? Il était un gars bien maintenant ? Il espérait tout du moins, être du bon côté de la ligne.

Son code de conduite. Un truc pas définit. Un truc écrit nulle part. Pas fixé encore. Mais qui le poussa à prendre une longue inspiration.

- Masaaki, tu m’as l’air dans le pétrin mon petit … Il lâcha la branche noueuse qui lui servait d’appuyer pour se lever, et d’un bond, se retrouva à la hauteur de l’aburame après quelques appuis sur le mur de roche.

A se demander comment on éduquait les ninjas de nos jours … Bon après, personne n’était égaux devant la nature, et les compétences de tous étaient à faire valoir. Il attrapa le jeune homme par le bras, la douleur de sa côte flottante droite se reveilla. Arghfff… Pfiou … Tu pèse ton poids, jeune aburame … Fit-il en aidant le jeune homme à descendre la pente, son chakra adhérant le mur de roche comme s’il était une araignée.

Les derniers mètres furent les plus difficiles, et il lâcha de manière assez peu gracieuse, voir même carrément grotesque, le jeune homme qu’il venait de sauver… Enfin, sans lui demander son avis, après tout, peut être que celui là ne tenait pas particulièrement à ce qu’on le sauve, ou bien avait-il son propre plan, qui sait …

Une idée lumineuse naquit dans son esprit.

- Dis moi jeune homme, que dirais-tu de nos entre aider ? L’idée est simple, entraînons nous ensemble ….Il montra ses bandages et sa canne … Comme tu peux le voir, je suis un peu rouillé, et tu me semble toi aussi avoir besoin d’un peu d’exercice…  Je te propose ça… On ne se connaît pas mais bon, tu peux m’appeler Nué. Imono Nué. Il espérait que ce n’était pas un ennemi. Ni un sympathisant ni du fer, ni de la pluie, ni de tout ceux qui en avaient après lui … Mais s’il venait des bois maudits, a peine eut-il entendu son nom, et encore …

- Faisons une course, le premier arrivé aura gagné. Tu pars avec un avantage, vu que je suis blessé … Laisse moi un tour d’avance… Je te laisse définir le point d’arrivée… Chacun son privilège comme ça.

Il sourit sous ses bandages, l’air badaud et bonhomme de Masaaki lui rappelait de bon souvenir. Il était… rafraichissant. Un vent qui aérait et faisait s’évaporer toute cette haine en lui … Parfois il y’avait des êtres comme ça, ils savaient souffler sur les problèmes, les faire s’évanouir, sans rien faire de particulier …

Amusé par la situation, Masaaki se laissa porter sans opposer de résistance. Si le bon samaritain voulait lui épargner un effort, il n’allait pas dire non.

Quand son pied toucha terre, le jeune homme remercia le bienfaiteur en le saluant respectueusement.

- Wouah ! Trop cool ! Comment vous faites ça ? Demanda Masaaki en pointant du doigts ses propres pieds. Marcher sur des parois aussi raides, faut le faire ! C’est pratique pour monter. Nous on ne peut que descendre. Dit-il.

A ces mots, l’Aburame composa quelques brefs mudras. Son masque s’illumina encore plus intensément de l’intérieur et de petites ailes fragiles poussèrent dans son dos.

- Bon, je peux que planer avec ça, et ça améliore légèrement la vitesse si je porte des choses, mais c’est tout. Je travaille pour améliorer mon exécution et voler comme mon père le faisait !

L’homme lui proposa alors un entraînement, malgré son état quelque peu amoché.

- On veut bien apprendre comment marcher sur les parois verticales ! S’exclama Masaaki avec joie.

L’homme se présenta. C'était la première fois que l’Aburame rencontrait un Imono en personne. Le kinton, légendaire pouvoir héréditaire du clan du pays du Fer, portait de nombreux faits-d'armes et de fantasmes dans l’imaginaire populaire. On racontait que ces guerriers, héritiers des samouraïs, pouvaient tordre le métal à leur guise et transformer un objet en plomb, fer, chrome ou titane.

Nué avait le physique exact d’un Imono comme Masaaki se les étaient imaginés.

Une mâchoire carrée, des pommettes saillantes, un regard dur mais franc, une coupe courte, privilégiant la pratique à l’apparat. Si le guerrier n’avait pas été si mal en point, il aurait sans doute eu un charisme intimidant, voire effrayant. Masaaki avait envie de soulager sa curiosité et demander pourquoi un membre de cet imminent clan était aussi loin de ses terres, mais il n’osa évidemment pas.

- Faisons une course, le premier arrivé aura gagné. Tu pars avec un avantage, vu que je suis blessé … Laisse moi un tour d’avance… Je te laisse définir le point d’arrivée…

- Vous pensez pas que c’est pas terrible de se dépenser avec un corps en lambeaux ? Pourquoi pas plutôt nous apprendre à marcher sur les parois ?

Masaaki n’avait pas une immense appétence pour la course. De plus, au vu de la carrure de l’Imono, il allait perdre, même si celui-ci paraissait fortement diminué. et S’il y avait bien une chose que l’Aburame aimait encore moins que l'effort physique, c’était bien la défaite.

S’asseyant sur le rocher comme l’avait fait Nué avant de le sauver, il sortit une outre et deux verres.

- Une fois que nous maîtriserons la marche ninja, on pourra faire une course. Dit-il en tendant le verre d’eau de bouleau qu’il avait récolté au cœur de la forêt de Hi.