« Je vais chercher de la nourriture » ; une simple phrase, certainement tournée différemment avait permis à Miyabi de s'éclipser de la compagnie de son nouveau compagnon de route, un ami cher à son coeur. Mais les relations sociales n'étaient pas son fort, pas encore, Miyabi avait besoin de cet instant de solitude, même si la fuite ne permettait pas tant de pause, la jeune femme s'était aventurée non loin d'une grande rizière, où normalement le monde est inexistant - ou si il l'est, il ne la reconnaîtrait pas forcément.

Miyabi s'était assise dans l'herbe, à l'orée de cette rizière, elle attrape avec délicatesse une cicadelle brune qui s'aventurait vers les plants de riz.

— Désirer ce qui appartient aux autres, c'est un mauvais défaut mais c'est finalement la nature de tout être.

La cicadelle tente de fuir, elle parcours les mains de l'Uzumaki qui la fait tourner sur sa peau. Les insectes l'avaient toujours fascinés, peut-être devrait-elle se tourner vers le clan Aburame un jour - dans un idéal où les clans ne la repoussent pas. Un moment de calme, le vent soufflant le long de sa chevelure, et poussant d'ailleurs l'insecte à écarter ses ailes et fuir de ces mains géantes qui l'entravaient.

En observant la cicadelle s'envoler vers le champ de riz, Miyabi tourne son attention non loin d'elle. Quelqu'un l'observait, en bien ou en mal. Elle se relève, dépoussiérant ses mains alors qu'elle reste calme, malgré la sueur froide qui naît dans son dos :

— Le prédateur traque la proie, mais lorsque la proie le remarque, elle fuit. Es-tu le prédateur ?

Miyabi rabat sa cape contre son visage, cachant notamment la chevelure rouge qui marquait un point marquant de son nom. Elle cherche du regard de l'intru, sans pour autant se montrer hostile - elle sait ne pas pouvoir lutter si quelqu'un l'attaque par riposte.

La faim. Pensée lancinante tant dans mon esprit que dans mon estomac, qui criait à qui voulait bien l'entendre qu'il mourait à petit feu. Mais je ne pouvais m'arrêter trop longtemps, la présence des forces vives du Pays du Riz s'était lancée à ma poursuite. Putain. J'ai juste voulu bien faire. Imaginez juste si j'avais réussi à changer ces foutus engrenages pour faire de la Capitale-Mobile la première cité capable de courir. Je serais devenu un héros, un génie reconnu pour son intelligence au-delà du réel, comparé aux Anciens Architectes, et propulsé sur le devant de la scène internationale comme génie de l'ingénierie mobile. Mais non. Au lieu de tout ça, je devais sûrement être accusé de terrorisme, et vu mon expérience avec la prison de Kome, je préférais mettre les voiles plutôt que d'y retourner. Je faisais également ça pour mon petit frère. Je préférais assumer la faute seule plutôt qu'il soit également vu comme un paria par les nôtres.

Tant pis, la chasse avait commencé. Bon gré malgré, j'avais réussi à cacher ma carrure colossale sous une cape onyx, arpentant les rizières perdues des confins du Pays. À la frontière avec le Pays du Feu, longeant l'orée de la forêt afin de pouvoir fuir rapidement en cas de déconvenue. Aujourd'hui, le temps était clément, le vent dansant un ballet captivant avec mes longs cheveux tombant sur mes épaules. Je venais d'effectuer un pas, mon genou tressaillant un instant sous la fatigue, mon corps s'écroulant de tout son poids vers l'avant, mon visage rejoignant la terre molle. Fait chier. L'inanition avait gagné l'entièreté de ma musculature, je pouvais à peine supporter mon propre poids.

« Enfoiré de feignant, on n'a pas le temps de s'arrêter, tu veux qu'on retourne en prison c'est ça ? Ça sera sans moi, je te le dis tout de suite ! »

Mon acolyte champignonnesque ne connaissait ni la faim ni la fatigue. La chance. Mais sans moi, il ne pouvait quitter le pays seul. Aucune chance qu'un champignon parlant finisse entre de gentilles mains s'il se baladait seul sur ce dangereux Continent. Il était mon seul allié pour ne pas sombrer dans la folie. Folie, qui semblait pourtant frapper à la porte de mon esprit, lorsque mes yeux aperçurent cette silhouette encapuchonnée, non loin, semblant communier avec les insectes environnants. Je me relevais avec difficulté, entamant une marche lente vers sa position. Je m'arrêtais un instant pour la scruter, ce qu'elle venait de remarquer sans aucune contrainte, au vu de ma discrétion légendaire.

Tentant de ne pas la brusquer, je m'approchais lentement d'elle, avant que mon corps ne s'effondre à nouveau, entamant une glissade sur le dos vers celle qui se trouvait légèrement en contrebas. Ma masse venait se stopper à ses pieds, mon visage tourné vers les cieux, le sien se positionnant face à mon regard. Elle venait me dire quelque chose, comme une sorte d'énigme. J'en étais convaincu maintenant :

« Vous êtes une déesse, c'est ça ? Je savais que les dieux ne m'abandonneraient pas, j'ai toujours été un gentil gars ! Ô Déesse des rizières, je vous en supplie, donnez-moi à manger. »

Je pouvais déjà entendre Banado, mon compagnon végétal, se frapper le front avec sa petite main.

C'est lui Banado:

Quiconque aurait tenté d'attenter à sa vie n'aurait pas adopté ce comportement, Miyabi observait les mouvements de l'individu ; dans un premier temps perplexe, puis compréhensive, elle se rendait petit à petit compte de la nature de celui qui s'approchait d'elle, et d'autant plus lorsqu'il s'effondra devant elle.

— Non.... c'est une proie.

Miyabi retire sa capuche, ses yeux croisent ceux de l'homme qui la vénère. Son regard se plisse, elle perçoit quelque chose, et les paroles de l'homme le confirme : il a faim, son corps souffre terriblement de ce manque d'énergie et peine à faire tenir ses jambes debout.

— Pauvre créature... la faim t'entrave et tu ne peux être libre.

Miyabi dépose ses genoux au sol, devant le corps du jeune homme qu'elle zieute avec attention, comme si elle tentait de l'analyser, observant chaque trait de son visage. Sa main se tend vers lui et l'invite à se relever, sa seconde tire de sa sacoche ce qui ressemble à un ensemble de baies, plutôt séchées ce qui signifie qu'il s'agit de son propre stock. Il ne s'agit pas de grand chose, mais il avait demandé, alors pourquoi refuser ?

Avec une légère hésitation, Miyabi frôle le visage de l'homme alors qu'il semble bien trop fatigué pour tenter quoi que ce soit. Elle ne le touche pas, elle se contente de ressentir ce qu'il dégage - au figuré. L'épuisement était une des causes les plus fréquentes de trépas dans la vie d'errance, liée à la fatigue, la faim, la soif ; vient ensuite le climat, le froid ou le chaud ; puis les mots non-naturelle, assassinat, animal sauvage, chute ; et finalement, la folie.

Miyabi oriente son regard autour d'elle, s'assurant qu'ils n'étaient pas observé avant de poursuivre, son regard scrute le corps de l'homme, de haut en bas, elle observe son accoutrement, l'état de sa peau si elle est visible, l'état de sa chevelure, un oeil minutieux qui s'assure de la santé de cet homme qu'elle ne connait pas. Elle ne ressent rien, elle ne fait que son devoir et elle l'aide, gardant sa main remplie de baies à disposition de l'homme.

— Le cheval est grand et majestueux, il galope où bon lui semble, erre, seul ou en troupeau - et même si l'on peut le dresser, il gardera sa puissance et se libèrera. Le boeuf lui, ne peut vivre sans l'Homme, il est attaché à servir ce dernier, sans connaître la liberté. Es-tu un cheval ou un boeuf ?

Les dieux. La religion et les croyances envers les différents kami ou autres modes de pensée qui cloisonnaient le Continent n'étaient pas le genre de choses qui m'intéressaient réellement. Comme on pouvait s'y attendre, j'étais plutôt terre à terre et ne croyais qu'en ce que je voyais. Et là, je pouvais l'assurer, j'étais en présence d'une déesse, celle des rizières et des cascades. Hallucination due à la faim, vu la réaction de Banado qui m'aurait insulté de tous les noms si jamais je m'égarais à parler dans le vide, elle n'en était pas une. Elle retira sa capuche, laissant apparaître sa chevelure de feu et son regard si spécial. Avec douceur, elle venait m'aider à me relever, ce que je fis le plus rapidement possible, restant sur mes deux genoux, je ne pouvais rester affalé sur le dos en présence des dieux.

Avant même que je ne pusse m'empresser de me goinfrer des baies séchées qu'elle venait de sortir de sa poche, sa main se stoppa à quelques centimètres de mon visage. Je ne savais vraiment pas ce qu'elle était en train de faire, bien qu'elle semblât tenter de capter mon énergie. C'était sûrement un pouvoir divin, celui de comprendre les maux et les pensées des Hommes juste en approchant sa dextre. Je ne bougeais plus, par peur de m'attirer les courroux des dieux, tandis qu'un filet de bave venait naître au creux de mes lèvres, lorgnant sur les baies.

Sa main fut tendue, je tentais d'attraper le maximum de baies avec ma délicatesse légendaire. Je m'empiffrais, comme un glouton, sans perdre une seule miette, levant les yeux vers le ciel, une larme perlant sur ma joue droite.

« Merci Ô Déesse des Rizières, vous m'avez sauvé de la famine ! Je vous serai éternellement reconnaissant ! »

Je venais plaquer mon crâne sur le sol avec force. Je ne savais pas vraiment comment m'adresser aux dieux, mais plier mon gigantesque corps face à la déité semblait être une bonne option pour montrer mon respect. Puis, elle reprit ses phrases mystiques, visiblement, la parole des dieux était structurée en énigmes et autres comparaisons animales.

« Alors moi, à la base, je suis plutôt un humain. Une autre de vos créations. Mais j'adore les chevaux ! Ils sont beaux et utiles à plein de choses ! »

Une réponse sincère, la larme continuant de couler le long de ma joue. Une larme de tristesse, non. Une goutte de bonheur dans cet océan de mauvais choix qui m'avaient amené ici, à m'expliquer face aux dieux.

« Qu'est-ce que je peux faire pour vous remercier Ô Grande Déesse ? Je ne possède presque rien, si ce n'est ce bout de Yukikoseki. »

Mettant la main à ma poche, je venais sortir le petit morceau de matériau-organique, le lui tendant entre mes deux paumes.

« Je ne sais pas vraiment à quoi ça sert ni comment l'utiliser, mais peut-être que vos connaissances infinies pourront m'aiguiller ! »

C'est lui Banado: