Uhen était retourné au Pays des Monastères pour terminer sa tâche. Sa première virée incognito avait certes porté ses fruits, mais pas suffisamment pour embraser le territoire. Les deux alliés qu'il s'était fait, respectivement Oda Arihisa et Sarutobi Yorimori, deux Éveillés de moindre puissance, n'étaient pas assez capables pour l'urgence de la campagne. Et c'était bien normal. Par chance, Chōwa avait trouvé bon de requérir à nouveau les services de l'enfant de l'os, tout en lui autorisant une carte blanche (toute relative, attention) pour agir sur la région des pagodes. Le Mizujin posa une liste de pours et de contres, avant d'accepter le marché, et de porter secours à Garan. Une lettre officielle n'empêchait pas un zélé d'agir à son compte pour se venger...

À défaut d'un garde de la Shiroi Ehei, il fut accompagné par un proche des élites de la Paix, dont les liens familiaux l'approchaient de cette intrigue. Ayant la confiance des Ambassade, Nara Renpei se proposa volontaire pour emboiter le pas du terroriste Uhen à l'autre bout du Continent. C'est ainsi que les deux Éveillés purent apprendre à se connaître, sur le trajet, en attendant d'arriver à la frontière de Garan.

De là, ils retrouvèrent en quelques jours leurs deux contacts prévenus, qui disposaient d'informations croustillantes. Malgré leur manque flagrant de puissance, Arihisa et Yorimori avaient enquêté dans la campagne profonde d'entre les cinq points d'intérêt, et étaient tombés, par chance, sur une drôle de procession.

Des itinérants, aux allures de marchands, dont l'accoutrement rappelait fortement celle des bandits rencontrés au hameau du Sarutobi, qui se dirigèrent vers la Pagode Yamakawa (山川 ; litt. : montagne et rivière) pour vendre leurs produits, et y passer la nuit. Le lendemain, ces voyageurs quittèrent le refuge sans possession.

Naturellement, les deux alliés de la Paix conduisirent les émissaires suppléants à l'emplacement de cette Pagode officielle. Pour survivre aux danger de ce pays jonché de créatures chakratiques, les moines avaient très vite dupliqué le principe de ces refuges verticaux – des monastères abritant civils et moines. S'attaquer à l'une de ces structures était synonyme de blasphème, et d'acte terroriste. Et pourtant, les mystères des enlèvements des membres du clan Sarutobi menaient Uhen et Renpei au cœur de cette ruche bourdonnante.

— À quel point les élites de cette Pagode sont au courant des magouilles ?

Par défaut, Uhen avait conservé son apparence secondaire, illusoire. Il avait plus d'aisance à demeurer calme et sérieux sous l'effigie de Seiran – ce qui était plus pertinent dans ce genre d'affaire d'ombres évasives.

— Essayons de garder profil bas. Une dernière chose à faire avant d'entrer ?

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Cette proposition était plus que douteuse, et sonnait presque comme un odieux chantage. Aider un inconnu, un criminel en échange d’une promesse de reconnaissance. Bien entendu, l’ancien idéaliste se serait rué sur cette opportunité, voulant à tout prix intégrer cette glorieuse Institution. Toutefois, aujourd’hui, son esprit était plein de doute. Pas seulement à cause des murmures de l’obscur, mais aussi parce qu’il avait été témoin de l’impuissance de l’Harmonie. Néanmoins, il fit le choix de faire un pas en avant. Depuis le sombre éveil d’Ido-Shima, son regard sur le monde avait changé. Il avait désespérément besoin de puissances et d’alliés. Surtout s’il désirait toujours apaiser ce Continent belliqueux.

Après un trajet cordial, les deux âmes arrivèrent à destination. Par chance, les Ambassades avaient joué leur rôle, informant le pays des Monastères de la venue de l’un de leurs ennemis. Ainsi, le Kaguya n’était plus obligé de se cacher, la mission prévalant sur tout le reste. De plus, celui-ci se montra particulièrement efficace. Malgré la peur qu’il inspirait, il s’était fait deux alliés de choix. Ainsi, ces informateurs firent gagner au duo de précieuses heures de recherches, indiquant une cible à abattre. Renpei eut le sentiment que tout s’enchaînait avec une facilité déconcertante, comme si tout était déjà écrit.

C’est un piège… Fuis… La Mort plane sur ces terres…

Tout au long des étapes de ce périple, l’écrivain se montra particulièrement discret. Bien entendu, il partageait son avis, ses connaissances et la nature de ses pouvoirs à son partenaire du jour. Cependant, c’était comme s’il demeurait ailleurs, pris dans une autre conversation. Ses yeux usés témoignaient du mal silencieux qui rongeait son esprit. Pourtant, par fierté, jamais il n’avoua ses tourments. Il préférait affronter la tempête seul.

Si la corruption s’est emparée de cette contrée, les responsables se dissimulent en hauteur. Les Garanjin lambda sont fidèles au clan Sarutobi. Après tout, ils sont les descendants directs des grands Apôtres. C’est une chance pour nous. Jamais nos adversaires trahiront leur secret en public. Ils préféreront nous attendre dans leur quartier, plutôt que d’impliquer des civils. Il nous suffit donc de trouver l’idiot utile. Celui qui ne pourra pas tenir sa langue et qui nous mènera aux véritables penseurs de cette infâme opération.

Un court silence vint ponctuer cette réflexion. Pour le Chōwajin d’adoption, la situation devenait intéressante. Lui qui arborait les combats, se retrouvait mêler à un contexte nécessitant doigté et diplomatie. Sa spécialité en somme.

Vu notre allure, rentrer à quatre dans cette pagode n’est pas une bonne idée. Je propose donc de partir en éclaireur, je ferai diversion. Il me suffira de me présenter, j’ai quelques admirateurs sur ces terres. Profitez de mon entrée pour repérer des individus au comportement suspect.

Alors qu’il était sur le point de quitter le groupe, l’écrivain se figea et fit quelques pas en arrière. Il sortit alors deux rouleaux de sa besace.

Uhen, je te les confie. Si tu te trouves à portée d’une cible, libère ce sceau. Il contient une part de mon ombre et aura pour seul objectif d’immobiliser l’adversaire en se mêlant à la sienne. Une entrave éphémère, mais je pense qu’elle te sera utile. Prends garde à toi, même si Chōwa s’est porté garante de toi, les moines peuvent se montrer rancunier. Un combat mal engagé, et nous voilà cernés par des religieux et des mafieux.


Sans perdre plus de temps, le jeune homme se mit en marche vers la somptueuse bâtisse. Après avoir ajusté ses vêtements et sa chevelure, le jeune homme vint à la rencontre de son public. Étonnamment, il n’eut même pas besoin de prononcer le moindre mot que déjà des fanatiques se mirent à hurler et à courir vers lui. Très vite, la rumeur se répand, l’auteur de la saga « Le Buffet des Orgres » est là, devant eux. Les mains se tendent pour le toucher, les questions fusent, des papiers sont arrachés à leur sommeil, bref un chaos sans précédent secoue le rez-de-chaussée du bâtiment.

Du calme ! Du calme ! Je ne suis là qu’en touriste, voyons ! Promis, je vais tous vous répondre. Laissez-moi juste le temps de sortir ma plume.

En entrouvrant sa veste, Renpei fit « malencontreusement » tomber une dizaine de feuillets. Très vite, son visage se déforma pour mimer la peur, la panique et la surprise.

Oh non ! Pas mes ébauches pour le quatrième tome ! Vite, aidez-moi à les récupérer ! Non, ne les lisez pas, je vous en prie !

La foule s’anima d’une énergie démentielle, tous voulaient avoir la chance de lire ses brouillons. Avec un peu de recul, cette scène était ridicule, mais elle avait au moins le mérite de bousculer les habitudes de ce hall d’entrée. Rien de mieux qu’un peu d’imprévu pour déceler les individus rongés par la culpabilité ou l’angoisse.

Uhen ne connaissait pas ce pan de la personnalité de Nara Renpei. Après tout, il n'y avait pas eu l’opportunité de parler de son identité d’auteur. Pourtant, devant le fait accompli, ça ne le choquait pas.

Le balafré rangea ainsi les deux rouleaux de technique dans ses affaires, avant de profiter de la diversion ô combien réussie pour rejoindre l’enceinte de la Pagode. Sur place, le chaos était de mise : la plupart des civils avaient été attirés par l’évènement – qu’ils furent des fidèles de l’art littéraire de l’étranger, ou de simples profanes distraits par le dérangement ponctuel. « Seiran » et ses deux alliés se faufilèrent ainsi dans la foule pour se balader au rez-de-chaussée (1.), et promener leurs regards çà et là.

— Faites le tour sans attirer l’attention.

Les deux Garanjin hochèrent de la tête en chœur, puis se séparèrent pour couvrir un maximum de terrain. Le Sarutobi, notamment, tomba très vite sur le passage menant à l’étage supérieur (2.) (a.n. : raccourci du coup critique utilisé). Il fit un signe discret à ses deux compères, avant de se poster non loin des escaliers, prêt à grimper. Le Mizujin, quant à lui, profita des lieux pour se mêler au mieux à la culture du Pays des Pagodes. Il analysa les différents étals, et remarqua la sobriété des produits locaux. Peu de marchands se déplaçaient jusqu’ici ; et l’extérieur était trop dangereux pour autoriser de nombreuses fermes et élevages. L’eudémonisme (dédicace à Nihon) des moines débordait sur le quotidien des autochtones, préférant le bonheur de l’âme aux plaisirs des papilles. Même leurs atours étaient sobres, aux teintes naturelles – loin des mille couleurs de Tôji.


Alors que le Kaguya inspectait les environs, il fit la découverte d’une chose étrange. L’un des murs, près d’un des angles de l’étage, vrombissait d’une énergie étrange. Sa sensorialité passive lui permettait de mieux ressentir les énergies environnantes, et ce pan de décor aiguillonnait son instinct, hérissait ses bras. Profitant de sa quasi invisibilité grâce au spectacle de son allié, Uhen s’approcha du nœud du problème, et y passa sa main.


Quels secrets dissimules-tu…

Avant de signaler sa découverte à ses compagnons d’idéal, l’enfant de l’os s’enquit de passer le mur illusoire. Il tomba sur une version alternative de la Pagode, inversée, aux allures de cave. Mais pourquoi dissimuler d’un sceau de Fuinjutsu – et/ou d’une illusion de Genjutsu – le passage vers l’entrepôt (a.) ?


La chance nous sourit.

Aucun son ne perçait le mur chakratique. L’anti-tour semblait être complètement séparée de la Pagode en surface. Ce fut donc d’une chance incroyable que l’escouade de la Paix avait brûlé les étapes pour dénicher le cœur battant du réseau d’enlèvements. Avant de parcourir le dédale souterrain – se doutant qu’il y avait plus que de simples caisses, tonneaux, et autres produits périssables – Uhen rebroussa chemin pour avertir ses deux alliés. Ceux-ci, curieux, excités, mais aussi craintifs, communiquèrent l’information à leur tour à l’auteur. Et, s’il fallait faire diversion, nul doute que les deux Garanjin – parfaitement en droit de se trouver dans cette Pagode, d’ailleurs – pouvaient mettre la main à la pâte.

Règles de jeu (Aide-Contrat) :

Quel succès ! Renpei fut le premier surpris, il ne s’attendait pas à pareille cohue. Un peu décontenancé par sa soudaine célébrité, l’auteur se laissa séduire. Durant un court instant, il prit plaisir à échanger, complimenter et charmer les passionnés. Ces feuillets n’étaient alors plus que des offrandes, des cadeaux fais au fidèle. Bien sûr, à mesure que la foule se berçait dans la violence, l’écrivain songea à se mettre en retrait. Une mission l’attendait, et cette distraction ne devait pas devenir sa propre prison. Ainsi, il cultiva le chaos en pointant l’un de ses brouillons, ou en interpellant un anonyme. Nourrir une foule est une tâche difficile, surtout lorsque vous souhaitez en garder le contrôle. Tout n’est que ruse et prudence, ne jamais brusquer tout en empêcher le calme de s’instaurer. Bientôt, les bousculades se firent plus intenses, la frénésie populaire gagna en virulence et des cris de douleur se firent entendre. Malheureusement, ces derniers n’eurent pour réponse que des insultes. L’escalade de la violence était lancée, et l’éphèbe en était satisfait. À ses yeux, il avait accompli son rôle à la perfection.

Lucide, le Nara gardait toujours un œil rivé sur ses partenaires. Chacun de leur mouvement était soigneusement mémorisé. Après tout, il comptait sur eux pour éclairer la voie à suivre. À travers leurs actions, l’éphèbe déduisait la marche à suivre, l’itinéraire futur. Toutefois, alors qu’il voyait le Sarutobi s’élancer dans l’escalier, il perdit de vue le Kaguya. Paniqué, il se mit à le chercher, sans jamais trahir sa couverture. Ses yeux balayèrent la pièce, encore et encore, avec minutie. Ce n’est qu’après de longues minutes, qu’Uhen refit son apparition. Le soulagement était total. Néanmoins, comment avait-il réussi pareil miracle ? La curiosité du savant était piquée à vif, il voulait en savoir plus. Quitter cette nasse était de plus en plus pressant. Par la suite, le groupe usa de signes et de murmures pour partager l’information : un sous-sol les attendait. Face à cette nouvelle, le Chōwajin d’adoption mit en place une stratégie osée : celle du chaos. Pour parvenir à ses fins, il fallait amplifier le désordre, en jouer pour mieux s’en libérer.



Usant de ses talents de comédien, l’homme « chuta » malencontreusement, bousculé par un badaud. Et tandis qu’il parait chaque coup, il feignait de souffrir. Si certains se jetèrent pour l’aider, d’autres ignorèrent sa détresse, trop concentré à attraper les fameux feuillets. Ses râles étaient étouffés, discrets même. Il ne fallait pas rompre l’effet de foule, seulement l’entretenir. Sans plus attendre, les deux alliés se mirent en mouvement. Le Maître élémentaire fendit la masse pour en extirper son camarade. Quant à Oda Arihisa, il se chargea de mobiliser les moines présents, de réduire leur action au rétablissement de l’ordre. Si bien qu’avec une coordination rare, les deux enfants de Garan parvinrent à couvrir la fuite du Nara. Le Sarutobi et lui suivirent le criminel dans la cache, pendant qu’Arihisa s’assurait que tous les regards étaient braqués sur la horde de fanatiques.

Derrière le mur factice, une cave aux allures rudimentaires les attendait. Renpei parcourait la pièce de son regard curieux, cherchant un indice ou une menace. Jamais il n’avait entendu parler de pagodes souterraines. Même s’il comprenait l’utilité de préserver un tel secret, il ne pouvait pas accepter que des moines agissent ainsi. Pour lui, cette salle était le fruit du vice. Ils étaient donc sur la bonne piste. Toutefois, si son intuition était la bonne, les ennuis ne faisaient que commencer. Dans un léger murmure, il adressa un dernier conseil à ses camarades présents.

Arihisa, nous rejoindra plus tard. Nous devrions avancer. Cependant, agissons avec la plus grande prudence. Des pièges nous attendent.


Fort de son expérience dans les Donjons Calices, le Nara adopta une posture basse. Ses pas étaient lents et feutrés, ses yeux analysaient la moindre irrégularité. Une fissure était tout aussi suspecte qu’une dalle mal encastrée. Si dans son esprit, ses manœuvres étaient placées sous le signe du bon sens, pour les autres éveillés… Disons qu’il frôlait le ridicule. Fouiller ainsi une pièce n’était pas très efficace et pire, cela pouvait leur attirer des ennuis. Se sentant jugé, Renpei reprit une posture plus digne et ajusta sa tenue. Le visage rougit par une légère honte, il fit le choix du déni.

Néanmoins, sa discrétion eut au moins pour effet de mettre en exergue un brouhaha lointain. Cet étage était immense, un véritable dédale fait de tonneaux et de caisses en tout genre. Mais du fait de son agencement, les échos de certaines discussions parvenaient jusqu’au trio. Des gardes peut-être ? Ou simplement des marchands peu scrupuleux désirant rejoindre les étages supérieurs ? Comme pour s’assurer que ses collègues aient l’information, Renpei se tourna vers eux et mima, du mieux qu’il pouvait, ces déductions. Une humiliation supplémentaire.

Uhen avança à son tour sous la Pagode Yamakawa. Malgré la tentative de discrétion vaine – et assez drôle – de son homologue de la Paix, l’enfant de l’os n’en tint aucune rigueur. L’urgence de la mission était suffisamment appuyée pour l’empêcher de sourire, ou de plaisanter. Une chance qu’il avait gardé les traits de son alter ego.

Après quelques secondes d’avancée en direction du brouhaha sourd, confus, deux voix se firent plus cristallines, et intelligibles. Deux personnes semblaient discuter en privé, dans l’intimité la plus totale, mais d’un ton parfaitement décomplexé. Le signe qu’ils étaient seuls ici bas.

— Je ne peux pas m’empêcher de me dire que les moines sont stupides. Ça fait combien de temps qu’on exploite cette planque ? Des mois ? Des marchands vont et viennent dans la Pagode, mais personne ne branche ses neurones pour comprendre le pot-aux-roses.
— La pagode-aux-roses.
— Ouais !
— Ou alors, les moines sont volontairement mis de côté. Tu ne penses pas ?
— Wah… Attends, tu n’accuserais pas Mr. le Pagodier en chef, si ?
— Tout ce que je dis, c’est que cette affaire pue les magouilles. Voilà.
— Tant qu’il y a des pièces sonnantes et trébuchantes à la clé…

Le balafré sous couverture jeta un œil à ses compagnons, Nara Renpei et Sarutobi Yorimori. Le mystère venait de perdre une couche d'épaisseur. Le « pagodier en chef » ? Le jeu de mots mis à part, cela révélait la potentialité d'un complot des hautes sphères du refuge. Pareille construction souterraine ne pouvait exister sans l'aval du superviseur, après tout. Un moine de mèche avec ces séquestrateurs, considérant le sang des Sarutobi comme une ressource assez précieuse pour risquer sa place.


L'enfant de l'os essaya de s'avancer, mais ne trouva aucune cachette pour contourner les deux sentinelles. Ni réussite, ni échec ; il s'était arrêté en arrière, à l'abri des regards, assez loin des deux cibles, mais néanmoins assez près pour remarquer la difficulté de son entreprise. Il allait falloir trouver un autre plan pour poursuivre leur route. Une diversion, peut-être ? Ou un assassinat. Dans tous les cas, cette opération allait risquer de dévoiler leur présence dans cette anti-tour.

Le Mizujin jeta un regard insistant à ses alliés. Le Sarutobi, décidé, hocha la tête d'un signe net, prêt à sauver ses pairs. Ses mains étaient déjà jointes, son chakra se malaxant signe après signe. Sans un mot, Uhen mima l'inconscience à son partenaire, fermant les yeux, tirant la langue, et couchant sa tête sur le côté. Le Sarutobi comprit son message crypté, et se désigna, avant de pointer du doigt le garde de droite. À son tour, le Mizujin hocha la tête, et composa des signes incantatoires.  


Au moment où leurs deux arcanes fusèrent dans les ténèbres, les deux gardes suspendirent leur conversation. Ils avaient senti le danger. L'un d'eux sortit son sabre, prêt à bondir sur ses assaillants ! ... Mais un projectile d'os menaçait déjà sa vie. La sentinelle arriva tout juste à dévier l'attaque, sacrifiant son bras droit, à défaut de perdre de précieux organes. Son camarade alerté arriva à discerner le Sarutobi dans les ténèbres, et à accueillir son attaque. La gerbe de boue, que le maître des éléments venait de cracher, vint tapisser le mur en bois de l'étage. Son esquive avait été exécutée avec brio. Alors, les gardes essayèrent d'appeler à l'aide.


— Merde, mais qu'est-ce qu'ils foutent ?!

L'infortune jouait dans les deux camps. La voix tremblotante du garde gauche, entre peur et souffrance, se perdit dans les tréfonds de la pagode. Personne ne répondit. Et, après ce constat, ce fut au tour de Nara Renpei de rejoindre le combat, afin de condamner leurs deux cibles à la ruine...

— Vous avez choisi le mauvais camp.

Le Kaguya s'affairait déjà à incanter la modélisation d'une forêt d'épines calciques devant lui.

Règles de jeu (Aide-Contrat) :

Aux aguets, le fils de l’Ambassadeur ne laissa aucune information lui échapper. L’oreille tendue vers ses futurs adversaires, il tentait d’en déduire leur nombre et leur état psychologique. La voix était souvent porteuse d’un nombre varié de données, elle pouvait même trahir son propriétaire. Tout comme ses partenaires du jour, il arriva aux mêmes conclusions. Il fallait éliminer la menace au plus vite. Ou alors…

Oui… C’est ça… Punis les. Ils ne méritent que cela.

Devait-il jouer les justiciers ? Après tout, il était le représentant de l’Harmonie, le défenseur de la loi. Peut-être, pouvait-il faire de ses ombres les bras de la Justice ? Ce serait si simple, si facile de les blesser. Quelques incises ici ou là, des membres fracturés… Ce n’étaient pas les moyens qui manquaient pour parvenir à de telles fins.

Ils sont ridicules. Ils se rient de toi. Ils te provoquent. Fais-les souffrir. Maintenant !

Par chance, le ton impérieux d’Hécate secoua le jeune homme. Il ne devait pas céder à ses appels, se raccrocher à son humanité était son seul salut. Alors pour chasser ses pensées impures, il tourna toute son attention vers ses collègues éveillés. Malheureusement, il les connaissait trop peu et avait du mal à les comprendre. Or, ce n’était pas le moment de faillir. Même si la communication se voulait difficile, Renpei devait rester prompt à l’action. Le temps de retrouver ses moyens, il vit le Sarutobi et le Kaguya se ruer vers leur cible. Ni une, ni deux, il libéra l’un de ses sceaux dormants, libérant ainsi une partie de son épaule. Du néant, naquit un double ténébreux. Muet, il se mit à suivre son maître et à le copier. Pas après pas, ce dernier profita de son léger retrait pour examiner avec soin la scène qui se déroulait sous ses yeux.

La danse des deux combattants était impressionnante. Sans dire un mot, les deux compères se partagèrent les tâches et tentèrent d’occire les deux ennemis. Avec attention, il découvrit les talents de chacun, les mémorisa et tenta d’en découvrir les atouts et les failles. S’il devait devenir leur soutien offensif, il devait au mieux les analyser. Toutefois, pressentant que les efforts communs n’allaient pas être suffisants, il prit part à l’assaut. Comme un accord, la copie et l’original enchaînèrent les signes incantatoires. Vives et agiles, leurs mains profitèrent de la distraction offerte par les deux éveillés pour donner vie. Les créations prirent la forme d’une myriade de paumes, toutes se ruant vers les deux malfrats. Leur mission était simple, plaquer les deux individus contre le mur et couvrir leur bouche à tout prix.


Cependant, l’homme de droite, le plus âgé des deux, fit preuve d’une agilité déconcertante. Après avoir esquivé le projectile élémentaire, il continua sur sa lancée et défia les ombres avec facilité. Ses pas et ses sauts successifs étaient le témoin de son expérience. Il allait falloir faire plus pour le mettre hors de combat. À cette pensée, le reliquat de la Dimension Yang, susurra de nouveau ses idées perfides au Nara. Le sang, les cris, les larmes, tous résonnaient avec son âme. La corruption était un vil poison, elle se faufilait toujours en silence, toujours prête à frapper.


Dans le même temps, le garde apeuré et blessé tentait d’avertir les siens. Cette simple action, eut des conséquences désastreuses pour lui. Les mains obscures se déchaînèrent contre lui, frappant sans relâche son buste et son visage. Le souffle court, il perdit peu à peu conscience et se laissa emporter par les ténèbres. Par chance, il n’était pas mort, seulement à l’agonie.


Frustré de n’avoir pas pu interrompre le ballet du vieillard, Renpei usa de nouveau de quelques mudra pour le contraindre. Se glissant dans la pénombre, l’assaut se voulut silencieux et quelque peu traître. Ainsi, sans prévenir, l’ombre du Nara se glissa sur le corps du criminel. Avec rapidité, elle diminua sa mobilité et lui couvrit la bouche. L’entrave était certes précaire, mais cela devrait suffire pour un interrogatoire.

Il est à toi. J’imagine que tu sauras le faire parler. Nous avons besoin d’un maximum d’informations, sans pour autant alerter ses collègues. Je te fais confiance.

Toujours en maintenant son emprise, l’écrivain observait la pièce. Le temps leur était compté, des renforts pourraient arriver à tout moment. Il fallait faire vite.

Lâche !

La salve de techniques du Nara était magistrale. Mélangeant maîtrise des sceaux et des signes incantatoires, l’Éveillé se présentait comme un allié de taille, l’emportant sur les deux cibles pour achever l’une, et entraver l’autre. Aussitôt, les yeux du Sarutobi brillèrent de colère et de rage, prompt à venger les siens en faisant couler le sang de ce sbire... mais il se contenta néanmoins de serrer le poing, en retrait, pour ne pas faire de bêtise.

En silence, Seiran avança vers leur otage, et se mit à sa hauteur. Il n’avait jamais torturé quelqu’un. Ce n’était pas son genre. Pas son « délire ». Pas son but. Pas son fantasme. En revanche, il savait comment faire mal. Son ostéogenèse, et de surcroît l’expulsion innée de ses os, lui donnaient une bonne idée des endroits utiles, ou sacrifiables du corps humain.


En enchaînant les signes incantatoires, Uhen prolongea ses côtes hors de sa cage thoracique, avant de les morceler en de multiples excroissances osseuses. Ces filins d’ivoires, souples, fins, et durcis, se rapprochaient de la peau nue de leur otage, prêts à s’enfoncer dans la chair, et à percer les os. Dès les premiers signes de douleur, le mercenaire abandonna tout semblant de loyauté pour survivre.

— Combien d’alliés se terrent plus bas ? Combien d’étages ?
— Je sais qu’il y a quatre étages, comme aux niveaux supérieurs de la pagode. Nous sommes deux par étage… mais je n’ai jamais eu le droit d’accéder au dernier. C’est le quartier du commanditaire...

Deux par étage. Trois étages, puis le dernier. Au moins quatre cibles à abattre avant d’atteindre le dernier sous-sol : les quartiers privés du responsable de cette affaire macabre.


— Qu’est-ce qui se passe, en bas ?
— Des Sarutobi y sont prisonniers…
— Vivants ?
— Vivants. Ce sont des réserves de sang ambulants. Ils sont tout juste maintenus en vie par des sceaux, mais sont trop faibles pour être conscients.
— Il faut vite les aider !
— Attends un peu, Yori…

L’enfant de l’os n’avait pas terminé avec cette torture. Son interlocuteur disposait-il de davantage d’informations sur les étages suivants ? Se rapprochant de lui, le dévisageant de son oeil borgne, il s’enquit à continuer.


— Et à l’étage d’encore en-dessous ?
— Ce sont des quartiers expérimentaux. Le sang des Sarutobi y est stocké, et analysé en permanence, depuis des mois. De ce que j’ai compris, les deux types qui s’y trouvent essayent d’extraire le potentiel élémentaire… Leur dernière idée est de ce servir de cet agent alchimique pour transmuter les éléments.
— Sont-ils dangereux ?
— Pas si vous les prenez par surprise. Mais méfiez-vous de celui qui tire les ficelles.

L’organisation était horrible, mais ingénieuse. Un commerce profitable, dans l’ombre des refuges en place, au nez et à la barbe du public. Nul doute que les résultats de ces expériences clandestines étaient destinés au Marché Noir d’Ame. Ce jour-là, la vision du monde d’Uhen s’obscurcit…


— Qui est-il ?
— Je ne sais pas. Je vous le jure. Je ne l’ai jamais vu…
— A-t-il un lien avec le gérant de la Pagode ?
— Je n’en ai aucune idée. Nous ne sommes que des pions…

Uhen acquiesça en silence. Il avait « arraché » suffisamment de réponses à l’otage, plutôt conciliant, en fin de compte. Méritait-il de survivre ? Tant d’atrocités avaient été commises pour permettre à ce réseau criminel d’exister. Les petites mains étaient-elles exemptes de toute responsabilité ?

— Il est à toi, Yorimori. Tu décides de son sort.
— Je…

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Pas après pas, le Nara reculait, laissant la scène à son camarade Kaguya. Derrière ce geste anodin, se cachait en vérité un mal-être. Piégé entre sa morale et l’obscur, il n’arrivait plus à distinguer la réalité du fantasme. Une part de lui était horrifiée, dégoûtée et apeurée par la scène de torture. Une autre, au contraire, y trouvait du plaisir, de la satisfaction. Ce voyou payait enfin, sa souffrance était l’incarnation de ses remords. La justice, y trouvait-elle son compte ? Jadis, le savant aurait refusé une telle conclusion, mais désormais, ses pensées n’étaient plus aussi claires. Hécate s’en assurait constamment.

Ainsi, comme pour conjurer la présence du mal, le fils de l’Ambassadeur finit par détourner le regard, un peu honteux. Son attention se figea alors sur Yorimori. La rage le faisant trembler. Ses poings et sa mâchoire fermée, il fixait avec obsession son ennemi. Son ire était légitime, et pourtant, il devait se contenir. Tuer n’était pas un acte anodin. Ce n’était même pas une solution à dire vrai. Quand l’interrogatoire prit fin, Renpei devança son allié et lui offrit une autre vision, une alternative.


Ne cède pas à ta colère. La mort est trop douce pour ce genre d’immondice. La prison de l’Harmonie, ou celle des Monastères, feront regretter à ce sot ses choix. Être captif dans un enfer éternel est la meilleure des punitions. Persuade-les que la mort, est plus enviable que la vie elle-même.

Malgré les mots avisés de l’écrivain, le Sarutobi ne put se retenir plus longtemps. Ses sentiments l’aveuglaient, le poussaient à transgresser tous ses interdits. Par chance, il garda suffisamment de lucidité pour éviter un meurtre. Il voulait seulement faire payer l’inconnue. Lui faire ressentir la même douleur que celles des prisonniers au sang sacré. Ainsi, dans un silence sifflant, il laissa ses mains danser et prépara sa vengeance. En un souffle, il propulsa l’entravé contre le plafond et le fit chuter misérablement au sol. Bien évidemment, au vu de sa faible constitution, ce dernier perdit conscience dans un râle sourd.

Quelque peu surpris par cette initiative, l’éphèbe préféra garder le silence et s’attela à cacher les deux corps. Grâce à son clone, il put les disposer tranquillement derrière un énorme fût. L’objectif était seulement de retarder l’arrivée de potentiel renfort. De plus, toujours en prévision du pire, il écrivit sur un bout de papier les informations qu’ils avaient récoltées. Cette note était à destination d'Oda Arihisa. S’il parvenait jusqu’à cette pièce, il était nécessaire qu’il ait une vision globale des choses.


Par la suite, l’auteur à succès se dirigea vers les corridors menant aux étages inférieurs. Tout au long de son trajet, il constata l’ampleur du dédale qui se dessinait sous la Pagode. Une pareille construction lui rappelait l’Académie. Tant d’étapes pour seulement atteindre leur but, c’était étrange comme architecture. La seule hypothèse qui lui vint fut que ce dispositif existait en cas d’évasion. Un être diminué serait bien incapable de traverser tous ses escaliers et couloirs. Une fois arrivée en bas, le groupe fit face à l’horreur.


Devant eux, un nombre incalculable de cages se dévoilaient. Baignant dans la pénombre, il fallut attendre quelques secondes pour voir les morts-vivants. Ses hommes et ses femmes étaient décharnée, amoindries, incapable de se tenir assis ou debout. Leurs corps semblaient s’être résolus à ramper dans les déjections et au côté des morts. L’agonie qui les saisissait dépassait toutes les limites humaines. Quant à l’odeur, elle était si amère que le simple fait de la respirer était douloureux. Ce spectacle macabre rappela à Renpei son séjour dans les Calices et dans la dimension Yang. Impassible, muet, il eut une révélation. Ses voyages successifs en enfer, l’avaient privé d’une part de son empathie. L’ignominie avait beau crier son horreur, le Nara demeurait de marbre.


Grâce à cette étrange lucidité, le savant eut l’intelligence d’user une nouvelle fois de ses dons. Sans prévenir l’un ou l’autre, il érigea un mur d’ombre. Bien qu’intangible, cette barrière empêchait les deux compères d’assister au drame. À dire vrai, cette précaution existait avant tout pour le Sarutobi. Le choc pouvait être si violent, il fallait l’aider à résister aux sirènes de la folie et du désespoir.

Je sais, c’est affreux. Mais on peut encore les sauver. Tu peux les sauver. Fais nous confiance, on arrivera à punir les responsables. Reste ici, avec eux. Prends soin de tes compères. Nous, nous allons continuer. Ils payeront pour leur crime, je le promets.

Conscient qu’à tout moment, les deux gardes responsables de l’étage pouvaient surgir, l’alchimiste lança un regard inquiet au Kaguya. Continuer dans de telles conditions devenait dangereux.

Par chance, Uhen était naturellement plus résistant à ces horreurs, du fait de ses propres exactions. Il en avait vu, des gerbes de sang, et de la chair interne mise à nu. Mais ce spectacle macabre le choqua néanmoins. Surtout : il ne comprenait pas. Il ne comprenait pas comment l’homme pouvait être si cruel. Lui n’était pas aussi sadique. Il avait tué, et tuait encore, certes ; et s’amusait à le faire, de surcroît ; mais jamais cela ne lui avait passé à l’esprit de torturer, et maintenir en vie ses cibles pour faire durer le plaisir.

— Les Forts exploitent les Faibles. Voici ce que cette Ère légitime.

L’enfant de l’os serra le poing, mais resta concentré. En un signe incantatoire, il ouvrit ses sens à la sensorialité, traquant les deux signatures chakratiques de l’étage, ainsi que leurs squelettes (B/Kanchi+Kaguya). Il les trouva rapidement, à plusieurs dizaines de mètres de leur position, réunies. Aussitôt, le Mizujin invoqua un double parfait de lui à ses côtés (B/Ninjutsu+Kaguya), ne signalant qu’une chose : il voulait se battre.

— Je vais tenter de les prendre à revers.

Tandis que le clone répandait son ossature de manière constante (B/Ninjutsu+Kaguya), Uhen s’en servait pour la modéliser avec précision, et souplesse. Le réseau de rhizomes calciques serpentait ainsi sur les murs du sous-sol (B/Ninjutsu+Kaguya), esquivant les « morts-vivants » sur le chemin – pour se rapprocher au plus près.


Hélas, les gardes entendirent, à un moment inopportun, le bois craquer. Pas le temps de réfléchir. Uhen, profitant de sa double-vue toujours activée, lança amorça aussitôt les hostilités, prolongeant rapidement son parterre de racines en de longs pieux d’ivoire (B/Kanchi+Kaguya).


Mais les deux cibles ne se laissèrent pas faire pour autant. Bien que le Mizujin avait leur position sensorielle, il ne les voyait pas directement, ce qui ajoutait une marge d’erreur certaine. Aussi, il n’avait aucune information sur comment ils avaient fait pour résister à l’assaut, sinon en utilisant du Chakra.

— Ils arrivent…

Les deux sentinelles arrivèrent, en effet. Plus coriaces que leurs deux homologues de l’étage supérieur. Voyant les deux intrus au milieu des réserves de sang inconscients, leur but premier était clair : protéger leurs précieuses ressources. Le garde B, sur la droite, n’avait aucune arme. Le garde A, quant à lui, dégaina un katana, qu’il pointa directement sur les deux fauteurs de troubles.


— Tiens donc, des rats ! Vous vous êtes perdus dans la cave ? Dommage pour vous. Nous allons devoir vous supprimer. Maman ne vous a jamais dit de ne pas fouiner dans les affaires des autres ?

Le garde B composa aussitôt une série de signes incantatoires, avant de cracher de l’eau devant lui, sur une large zone (B/Ninjutsu+Suiton). Les pieds des deux gardiens de la Paix pataugeaient dans la flaque artificielle. Soudain, le garde B posa un sceau à l’orée du piège : une décharge de Raiton (B/Fuin+Raiton) – boostée par le Suiton préparé en amont – fusa en direction de Renpei et Uhen.



Uhen, voyant le coup arriver au dernier moment, joua sur la rapidité. Il invoqua Kiribukai, d’un sceau, pour qu’il encaisse le coup (E/Fuin+Pacte). Le serpent géant apparut ainsi dans un épais nuage de fumée, bloquant la trajectoire du Raiton, mais se retrouva paralysé, incapable de prononcer le moindre mot – ni de se plaindre. Renpei et l’enfant de l’os avaient toujours les pieds trempés, mais ils avaient néanmoins l’occasion d’agir.

— Dès que tu peux, Kiribukai, protège-toi !

Pendant ce temps, le clone d’Uhen se fondit dans les rhizomes muraux modélisés en amont (B/Kanchi+Kaguya). Le but était clair : profiter de l’escarmouche pour prendre les deux Éveillés à revers.

Règles de jeu (Aide-Contrat) :

Confronté à la tourmente de son partenaire, Renpei cherchait les bons mots, les bons gestes. Attentif, il s’ajustait sans cesse à ses émois. Tantôt, il faisait prévaloir la raison, tandis qu’à d’autres instants, il mettait en valeur l’humanité du Sarutobi. Il s’agissait d’une véritable épreuve, un vrai défi d’équilibriste. Toutefois, l’imaginaire du savant semblait pollué, diminué. Bien sûr, il arrivait encore à se montrer compatissant, à paraître bienveillant, mais ses ténèbres l’empêchaient de percevoir la réelle solution. Alors, toujours à l’abri derrière son rideau obscur, il fit le choix de l’escalade. D’un geste vif, il frappa le visage de son allié et lui ordonna de se ressaisir. Dans le même temps, le Kaguya s’était éloigné, privilégiant une autre bataille.

Tu perds ton temps. Il est trop faible. Il ne te mérite pas.


Étonnamment, le choc provoqué par la gifle brisa la tétanie du Garanjin. Durant une brève seconde, ce dernier voulut répondre à l’assaut, oubliant les morts et les blessés. Cette intense émotion parasita toutes les autres et s’imposa avec force. Après cela, Yorimori témoigna sa reconnaissance et assura à son sauveur qu’il était de nouveau prêt à lutter contre cet infâme réseau.

Les deux hommes refirent alors face à la salle des damnés, et furent surpris de voir leur ami donner vie à un double à la perfection inégalée. Une telle initiative ne pouvait être que le résultat d’une certitude : Uhen avait repéré l’ennemi. L’enchaînement qui suivit captiva le Nara, il n’avait jamais été témoin d’un pareil pouvoir. Confiant, notamment après avoir vu la faiblesse des précédents gardes, il se contenta d’admirer la puissance de l’attaque, tout en critiquant silencieusement son esthétique. Manipuler les os était une pratique, quelque peu dérangeante. Devant ce spectacle, un léger malaise se diffusa dans le cœur de l’écrivain.

Cependant, les réactions du Mizujin indiquèrent aux deux éveillés, qu’il avait échoué. Ses serpents osseux, se prolongeaient sans cesse, comme s’ils n’arrivaient pas à atteindre leur cible. Rapidement, le manieur d’ombre se résolut à entrer lui aussi dans la bataille. Mais comment agir à une telle distance ? Une attaque frontale allait forcément échouer, il fallait donc choisir la ruse. Ainsi, la copie et son maître, s’avancèrent côte à côte et jouèrent avec le zodiaque dans une synchronicité totale. Le regard impassible, les appuis solides, les deux êtres débutaient leur œuvre commune : deux ombres identiques, parcourant cieux et terre en parfaite opposition. Chacune profitait des espaces ténébreux formés par les os, les flammes et les corps. [B – Nin – Kagemane] x2

Prépare-toi, Yorimori. Tu es le plus polyvalent d’entre nous. Ton rôle est de les frapper sans retenue et de les mettre au tapis le plus rapidement possible. Nous, nous allons les épuiser et les distraire. Dès que tu as une ouverture, fonce.


Malheureusement, à vouloir se nourrir de toutes leurs consœurs, les deux ombres prirent du retard. Elles n’étaient pas assez vives pour concurrencer les réflexes des deux gardes. C’est pourquoi, au lieu de les attaquer, elles patientèrent, à l’abri de leurs regards aiguisés. Renpei se contenta de cette avancée et fit le choix de laisser ses adversaires se dévoiler d’eux-mêmes.

Sans tarder, ils répondirent aux attentes du stratège. En effet, les deux guerriers accomplis firent leur apparition sans la moindre prudence. Si en premier lieu, le fils de l’Ambassadeur se moqua d’une telle témérité, il comprit très vite pourquoi ils avaient agi ainsi. Eux aussi pouvaient manipuler le chakra. Cette nouvelle arracha tout sourire à l’alchimiste. Surtout lorsque l’assaillant de droite révéla sa vraie nature, un Sarutobi exploitant ses propres frères et sœurs. Jamais, il n’aurait pu penser à un pareil scénario.

Quant à l’attaque foudroyante, le Nara était bien trop concentré à maintenir son assaut. Sans défense, il ne put faire qu’un seul pas en arrière avant l’arrivée du serpent salvateur. Ébahi devant une telle créature, le savant laissa échapper un cri d’admiration. Était-ce donc ça un Kuchyose ? Incroyable ! Mille idées s’imposèrent dans son esprit, entre expérimentation et dialogue. Néanmoins, la stupéfaction ne fut que de courte durée. L’ennemi était toujours debout, et il fallait les arrêter au plus vite.


Grâce à une nouvelle incantation, l’éphèbe mit en place une rapide contre-attaque. Les deux ombres tapies dans les ténèbres se ruèrent vers leur proie. La première, accrochée au plafond se transforma en une paume géante, tombant sur les criminels avec violence. La seconde, profita alors de la distraction pour les paralyser momentanément. [B – Nin – Kagemane] x2. Cependant, ses deux vermines étaient tenaces. L’étau avait beau se resserrer sur eux, ils arrivaient à lui résister. Pourtant, ils n’avaient que pour seule défense une épée enflammée et des bras rocheux. [C – Buki – Katon] [B – Tai – Doton]

C’est ton moment, ils sont à ta merci ! Venge-les !


Malheureusement, l’appel du Nara ne parvint pas jusqu’à son compère. Ce dernier était de nouveau esclave de ses émotions. Apprendre la traîtrise de l’un des siens était la goutte de trop. Enragé et plein de haine, il quitta sa position en retrait pour mieux les apercevoir. Dépassant le reptile, sans lui accorder le moindre regard, il enchaîna avec fermeté les mudra. Toutefois, sa colère guidait ses mains, plus que sa raison.


Brisant le court silence né de la bataille, le Sarutobi se mit à hurler sa rage, menaçant, insultant les deux sentinelles. Peu à peu, la vengeance prit possession de lui et lui intima de libérer toute sa puissance. Incapable de résister à cet élan, il donna vie à un dragon de flamme, dévorant tout ce qui se trouvait devant lui pour mieux s’abattre sur le duo. Et tandis que le déluge infernal progressait, Yorimori s’effondra les poings serrés. Il aurait tellement voulu faire plus, mais il avait atteint ses limites. L’inconscience le prit alors dans ses bras, et lui offrit un sommeil sans cauchemars.
 

Les gardes de l’étage -3 avaient bel et bien entendu l’esclandre d’en-haut. Sans perdre de temps face à cette invasion surprise, les deux sentinelles suivirent leur plan d’action imposé, et se séparèrent. Tandis que l’un rejoignait les escaliers pour voir ce qui était en train de se passer, l’autre descendait vers les tréfonds de l’anti-tour pour prévenir le commanditaire de cette machinerie bien huilée.

— Nous avons été trop brusques. Les renforts arrivent. Kiribukai, tu vas devoir servir d’appât. Prépare ta plus belle armure. Je ne veux pas te voir perdre de belles écailles.
— Je ne ssssuis donc qu’un sssac de frappe… ?
— Arrête de te plaindre, blanc-bec.

Le serpent géant, tenant difficilement sur place, à moitié enroulé autour de lui-même pour subsister entre les quatre murs, accusa néanmoins le coup. Malgré sa blessure paralysante, dont les efforts se résorbaient peu à peu, il habilla ses écailles d’une épaisse couche calcique (B/Taijutsu+Kaguya).

— Renpei, reste à mes côtés pour le moment.

L’enfant de l’os se mit aux côtés de la dépouille inconsciente de Yorimori. Il se tint immobile, et composa le signe du Tigre (B/Kanchi). Alors, les signatures sensorielles des cinq entités – celles des deux clones compris – s’étouffèrent dans les ténèbres, dissimulées aux limiers alentours.

— Tout va bien ? Yorimori a été exemplaire. Ça ne doit pas être facile pour lui. J’espère que tu tiens le coup, toi aussi. Ce n’est pas le moment de lâcher... même si je te comprendrais.

Un garde arriva enfin. Il tenait une lampe à huile dans sa main. Au vu de son accoutrement, il semblait suivre l’archétype d’un sage, d’un scientifique – ou d’un alchimiste.

— Un serpent ?
— Oh cccciel, mon mari !

La sentinelle comprit que quelque chose clochait. Il ouvrit avec hâte, et d'un mudrā de sa main libre, son troisième œil (B/Kanchi), mais ne vit que l’essence flamboyante de Kiribukai qui le narguait. Pourtant, ses collègues avaient bien été incinérés, à quelques pas de lui…

— Je ne te laisserais pas-
— Je ssssuis tout chaud tout flamme.

Le serpent géant déroula soudainement son corps (B/Taijutsu).


La ruée surprit l’Éveillé qui lui servait de cible, incapable de réagir à temps. Le heurt, en l’état de ce boulet de canon qu’était le crâne renforcé de Kiribukai, la sonna (B/Taijutsu+Kaguya). Son corps se fit violemment projeté contre le mur de l’étage, avant d'être plaqué par le poids du serpent, servant d’entrave naturelle. Pendant l’assaut, le garde avait essayé de placer son bras en avant, par réflexe, pour arrêter la bête. Celui-ci décantait déjà dans le système digestif du compagnon animal…

— Ça ne sert à rien… Il arrive… J’ai suffisamment gagné du temps…
— « Il » ?

Le garde manchot lâcha un léger rire, en zieutant vers les ténèbres, là où la voix de l’enfant de l’os était apparue. Ses yeux témoignaient déjà de son acceptation de la mort, voilés d’un fin manteau opaque.

— ... Sōryo Kanemune, responsable de Yamakawa.
— Où est-il ?!
— Vous le saurez bientôt. Tic, tac, tic, tac…
— Achève-le, Kiribukai.

Le serpent fit pousser des épines sur sa double-gueule osseuse, empalant l’otage (B/Taijutsu+Kaguya). Son corps, libéré, retomba violemment sur le sol, dans une gerbe de sang et de bave.

— Le temps nous est compté, Renpei. Il faut absolument faire un choix. 1. Nous pouvons attendre ici et se préparer au mieux à un combat terrible, qui pourrait inclure des civils trompés. 2. Nous pouvons nous précipiter vers l’étage inférieur pour récupérer un maximum de preuves, et les soumettre au Consistoire. 3. Nous pouvons rebrousser chemin et remonter avec les Sarutobi blessés, pour les mettre à l’abri.

Trois choix, trois options, trois chemins. Quelle était la meilleure solution ?

— Il est possible que ce Sōryo arrive depuis la surface, et que nous pourrions bientôt ne plus pouvoir fuir, le chemin barré. Que le compagnon de ce scientifique pourrait être en train d’activer un sceau-signal, au dernier sous-sol – complètement vide. Je ne peux que craindre le niveau d’un tel haut fonctionnaire. Nous sommes forts, certes, mais à quel point le sera-t-il ? Et surtout : qui seront ses alliés ?

Règles de jeu (Aide-Contrat) :

Suivant les directives de son acolyte, le fils de l’ambassadeur se fit discret. Dissimulé dans les écailles d’albâtre, il tentait de chasser ses angoisses. La situation lui échappait encore une fois, et il détestait cela. Impuissant, il devait se résoudre à obéir. Comme ce fut le cas dans le Donjon Calice, il plaça toute sa confiance dans l’inconnu. Avait-il seulement le choix ? Ses pouvoirs étaient limités, et ses possibles aussi. Alors, en silence, il attendit patiemment le dénouement de cette excursion. Une de ses mains s’aventura sur le corps du reptile, une légère caresse à mi-chemin entre la fascination et la curiosité. Il avait déjà ressenti cela, lorsqu’il avait fait la rencontre du champignon parlant. Son instinct de savant lui susurrait mille expériences, tandis que son âme d’esthète admirait la beauté de ce kuchyose.

Ne t’inquiète pas pour moi. J’ai déjà connu l’enfer, et tout ceci n’est rien en comparaison. Quant à Yorimori, mon double se charge de lui. Cela devrait nous permettre d’agir plus librement.

Peu de temps après ses mots, celui qu’on nommait Kiribukai, fit une démonstration de sa toute-puissance. Se jouant des sens altérés du garde, il fondit en un éclair sur lui. Le coup fut si violent, que le téméraire perdit un bras. Devant cet atroce spectacle, Renpei demeura impassible. Les seules pensées qui se manifestaient en lui, étaient des compliments. La stratégie était admirable, impressionnante même. Les deux êtres devaient bien se connaître pour parvenir à tel résultat. Le Nara se demanda alors si lui aussi, un jour, allait partager un lien avec l’une de ses créatures. Cela serait un atout non-négligeable, se disait-il.

Quand la mort survint, l’éphèbe fut de nouveau surpris par son manque d’empathie. Était-il trop habitué à ce genre de drame ? Peu importait finalement. Ils étaient dans une situation complexe et les sentiments n’y avaient pas leur place. Les faits, voilà tout ce qui importait. Après un court mouvement de tête, comme pour adresser une prière à ses hommes déchus, l’écrivain se tourna vers le Kaguya. L’inquiétude pouvait se lire sur son visage. Si la tour elle-même était corrompue, leur mission était compromise. Doutant de leur force, il tenta de trouver un plan, une échappatoire à la bataille qui s’annonçait inexorablement.

Un Soryo, et un ou plusieurs Sarutobi qui font alliance pour servir de si vils desseins… Je ne sais pas si nous pouvons rivaliser devant une telle force…

Un léger silence retentit. Et malgré cette courte seconde, l’esprit du Nara fit jaillir de multiples idées. Fouillant dans sa mémoire, il tentait de trouver la meilleure voie. Celle qui pouvait leur assurer une survie à tous.

Je suis d’avis que ma copie et ton familier restent ici. Ils veilleront sur les cobayes et Yorimori. S’ils ont le temps, ils pourront même les mettre à l’abri de tout assaut. Ce sera temporaire, bien sûr, mais il faut se montrer prudent. Quant à nous…


À partir de cet instant, le double, aidé du serpent, tenta d’ouvrir les cages. Malheureusement, à leur grande surprise, les cadenas étaient dotés d’une grande résistance. La force brute n’était pas suffisante, ils allaient devoir convoquer les ombres et les os. Le chakra était le seul à pouvoir libérer les prisonniers amoindris. Toutefois, la prudence était de mise. Déchaîner les arts obscurs n’était pas possible, la précision devait être la priorité. Car une seule blessure pouvait causer la mort de ses êtres à l’agonie. Durant les minutes qui suivirent, les deux alliés déplacèrent les blessés et les inconscients, l’idée était de les rassembler en un même endroit. Bien entendu, un tel ouvrage ne passa pas inaperçu et les fracas de leur coup résonnèrent dans le sous-sol maudit.

Il va falloir se montrer à la hauteur des événements. Peut-être, est-il préférable que nous rendions visite à leur laboratoire. Mon double et Kiribukai pourront garder ses lieux. Et puis, faisons confiance à Arihisa. Il doit avoir eu le temps de préparer quelque chose. Du moins, je l’espère.

Et tandis qu’il allait initier le mouvement pour rejoindre l’étage inférieur, Renpei se figea. Une pensée venait de le traverser, de bouleverser ses certitudes et de la condamner à l’inaction. La peur et le doute s’immiscèrent dans son cœur.

Fuis, pauvre fou !

Les yeux tournés vers ses compères bruyants, il céda à la panique et fut la proie d’une certitude trompeuse : le temps allait leur manquer. S’engager dans un couloir ou dans un escalier était suicidaire. L’ennemi devait déjà être à portée, il valait donc mieux changer de vision et se préparer au pire. Il fallait absolument se défendre, tout de suite et maintenant.

Fuis !

Trop tard. Je vais nous faire gagner du temps. Mon ombre et moi allons ériger des rideaux ténébreux. Ces barrières plongeront nos poursuivants dans l’obscurité. Bien sûr, nous subirons le même sort, mais avec tes dons de sensorialité, cela ne devrait pas t’affecter. Il va falloir frapper vite et fort. Quitte à condamner les étages inférieurs. Nous retrouver en tenaille serait la pire des situations.


Aussitôt, le savant se saisit de huit kunai et en fit des réceptacles de son pouvoir. Ses prolongements de sa volonté devaient leur permettre de gagner quelques secondes. Par la suite, il en donna la moitié à sa création. Tels deux reflets d’un même pouvoir cette dernière et son maître lancèrent les balises aux deux extrémités de la salle. Les barrières obscures naquirent du néant et apportèrent une zone sans lumière. Voir au travers était impossible, seuls des dons en Kanchijutsu pouvait percer ce voile. Malheureusement, la structure de la pièce était si solide que les projectiles eurent du mal à s’ancrer. Un choc suffirait à rompre les deux rideaux.

Un piège, donc. C’était là tout le saoul qui se déversait de l’instinct de survie du Nara. Pris en tenaille dans les entrailles de la pagode, le petit groupe – avec son lot d’exsangues en route pour Yami – attendait le coup de glas. Et pour cause, d’après la sentinelle qu’avait abattu Kiribukai, les renforts arrivaient. Mais d’où ? Des étages inférieurs, ou supérieurs ? Uhen activa, par curiosité, son troisième œil…


… mais ne vit rien de salvateur, sinon leurs propres signatures spirituelles.

— Les murs sont trop épais. Je ne vois rien au-delà de cet étage…

Le fragile piège d’ombre, qui tenait de par huit épingles instables dans les différents recoins de l’étage, peinait à subsister. La peur avait insufflé cette œuvre pour la fragiliser dans l’os. Par chance, le Mizujin n’était pas dans la peau de son homologue, et n’était pas frappé par les mêmes démons. Il avait confiance en son compagnon d’idéal. Ce piège allait fonctionner. Ce piège devait fonctionner.

— Avant d’effleurer la Fin, tu dois savoir quelque chose.

En silence, Uhen se permit de s’ouvrir à son homologue, avec qui il risquait littéralement sa vie. Cette escapade n’avait rien d’anodin. Elle piquait au vif les complots du Continent pour essayer de mettre la lumière dessus, et de faire le Bien. Ça n’était pas une mission de mercenariat comme les autres. Il ne s’agissait pas d’une vulgaire chasse aux bandits, d’une protection de convoi, ou d’une enquête sur des larcins de ghetto. Les quatre Éveillés s’étaient jetés dans la gueule du loup, et avaient plongé leurs mains dans la merde et le sang, jusqu’aux coudes, pour interrompre des enlèvements systémiques.

— La Paix de Chōwa n’est pas mon Idéal. Il y aura toujours des Forts pour imposer leur volonté sur les Faibles. La vision que propose actuellement l’Harmonie… est trop belle pour ce monde. Utopique.

Le Vestige parlait au travers de l’enfant de l’os. Ce dernier moment de calme et d’incertitude justifiait cette complicité intimiste, déraisonnée. Et pourtant, l’esprit aux mille et une vies pesait bien ses mots, en partageant de la sorte.

— J’aide ce Projet car il a vocation d’unir l’Humanité. Les Pays n’accepteront jamais de céder de l’influence. Il faut une organisation neutre servant d’intermédiaire entre tous. Je souhaite devenir l’un de ces intermédiaires neutres. À mes yeux, le statut d’émissaire que je cherche à atteindre fera foi de partenariat.


Les minutes passèrent. « Seiran », aux aguets, concentrait son sixième sens sur les deux accès à cet étage, à la recherche de la moindre signature spirituelle qui allait apparaître. Pourtant, jusqu’à maintenant, il n’y avait rien. Seulement les ténèbres des Nara, et du silence…


Rien. Pas de signatures, ni de bruits de pas. Seulement le néant. Et puis…

Bling.

Le tintement du métal coïncida avec la rupture du rideau de ténèbres. L’escouade de Sōryo Kanemune avait vu clair dans le jeu des intrus, et avait accompli deux prouesses : celle de se cacher avec brio du radar humain ; et celle de déjouer le piège du Nara. Ainsi, quatre personnes apparurent devant la troupe d’agents de la Paix, menées par le gestionnaire du refuge en surface – en avant.

— Rendez-vous.

Et après ? Embrasser le fil de la guillotine ? Ça n’était pas vraiment une solution. Se rendre auprès d’autorités légales n’avait pas la même valeur qu’auprès d’esprits malins.

Aussitôt, Uhen calcula les chances de victoire d’un conflit pouvant éclater d’un moment à l’autre. Il soupesa les forces de son camp, et estima celles de l’autre bord. Yorimori avait rejoint ses frères et soeurs claniques dans la torpeur, incapable de continuer à se battre. Oda Arihisa avait clairement peur, mais était toujours en état. Enfin, il restait Kiribukai, Nara Renpei, et leurs deux clones. Six contre quatre – sur le papier. Mais combien en restait-il à l’étage supérieur ? Combien de sentinelles étaient encore dans la confidence ? Car il était impossible, et impensable, que toute une pagode connaisse l’existence de ces sombres sous-sols dissimulés.

— Je vois. Ces cadavres ne nous empêcheront pas de -...


Tout un mur avait été infesté des rhizomes calciques du Mizujin. Uhen, investi de son rôle de Fort, décida d’engager les hostilités avant ses adversaires. D’une série de signes incantatoires, il érigea de nombreux pieux d’ivoire sur tout le flanc de l’étage – sauf sur leur position –, menaçant aussitôt l’escouade criminelle. Deux compagnons du Sōryo se firent prendre par surprise, protégeant malgré eux l’intégrité de leur maître.

— Kiribukai, protège-les !

Le serpent géant s’enroula comme il put autour des cadavres exsangues. Cette cosse organique se pourvut soudain d’une épaisse couche osseuse, afin d’encaisser les prochaines techniques d’ampleur qui allaient bientôt foudroyer la salle.

— Uhen, continue de les occuper.

Le clone de l’enfant de l’os se retourna à l’entente de son nom. Il acquiesça, et composa très vite, à son tour, ses propres signes de main. Les pieux d’ivoire commencèrent à gagner en taille pour s’imposer sur le décor, impactant la vue directe des Garanjin.

Ceux-ci décidèrent enfin de riposter. Ensemble, ils canalisèrent de puissantes techniques élémentaires. Une déferlante de feu, de roche et de foudre parcourut l’étage pour venir briser les excroissances osseuses, et percuter la fragile résistance des Éveillés.


Et le Sōryo, lui, gardait ses bras croisés. À ses yeux, le combat était déjà gagné d’avance. Ou alors attendait-il la bonne fenêtre pour renverser la tendance… ?

Règles de jeu (Aide-Contrat) :

Au cœur du territoire garanjin, une confession se fit entendre. Ne pouvant plus taire ses ambitions, le serviteur du Despote libéra sa parole et avoua ses sentiments les plus profond. Une telle approche surprit le savant, il ne le savait pas si bavard. Toutefois, il l’écouta avec attention, sans jamais l’interrompre ou émettre le moindre jugement. Patient, il mémorisa cette imprudence et se laissa charmer par elle. Lui aussi se sentait prêt à admettre ses divergences avec l’Harmonie.

Le Ninshu n’est pas une finalité, ce n’est qu’un moyen parmi d’autres afin d’instaurer une nouvelle ère. À mes yeux, il s’agit de la plus noble des voies. Celle qui permet à tous de découvrir le bonheur issu de l’union. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons combattre nos réels ennemis, ceux ayant juré de soumettre l’Humanité. Je le sais, je le sens et je le crains, les Bijuu se délectent de notre discorde. Et bientôt, ils récolteront nos âmes et nos corps sans la moindre pitié. Il nous faut être prêt pour ce jour funeste. Et je suis persuadé, que cela passe par la Paix universelle.

Durant quelques secondes, les yeux du Chowajin se tournèrent vers un horizon absent et se teintèrent d’une certaine mélancolie. Penser au futur, ne faisait que rappeler à Renpei combien il était loin de réaliser ses rêves.

Si tu crois en la force, je crois au savoir. Pour moi, l’avenir n’a de sens que si ce sont nos connaissances qui dirigent le monde. Un groupe éclairé, pour guider un peu d’éveillés. C’est mon idéal, et je crains qu’il soit en danger. Les puissances de ce monde nous cachent trop de choses, empêchant toute émancipation. Tant que nous serons aveugles, nous serons réduits au rang d’esclave.

Tapis dans les ombres, le groupe guettait leurs ennemis. Pourtant, aucun indice ne semblait témoigner de leur arrivée. Le précédent garde, avait-il crié au loup ? Non, ce serait stupide. Les adversaires devaient sûrement dissimuler leur aura, maîtrisant eux aussi le chakra. Une telle nouvelle ne pouvait qu’accentuer les doutes du Nara. La situation dégénérait et il peinait à entrevoir une lueur d’espoir. Même si le groupe de justicier était puissant, leurs adversaires demeuraient une véritable menace. Cette certitude inquiétait le jeune homme, car si un tel groupuscule avait pu apparaître dans le Pays des Monastères, la corruption devait y être importante. La Garde Blanche, était-elle si impuissante ? Si fragile ? Jamais elle n’aurait dû laisser s’installer un tel réseau criminel. Les rumeurs de refontes étaient sûrement la réponse institutionnelle à une telle débâcle.

Puis, deux mots retentirent. Le conflit était à leur porte et dès à présent, il fallait agir pour renverser la situation. Uhen et Renpei devaient absolument protéger les civils et abattre au plus vite les corrompus. Se rassurant en songeant aux périls des Calices, l’écrivain se résolut à compléter l’initiative de son camarade. S’il n’était pas très doué pour les attaques directes, il était capable d’entraver les ennemis. Cette capacité était la clef de leur victoire, pensa-t-il. Se connaissant faible aux attaques directes, il se mêla aux corps immobiles et laissa son double prendre toute la lumière. Afin de l’assister dans sa tâche, il lui offrit un lot conséquent de parchemins explosifs.

L’assaut épineux du Mizujin traça un chemin parsemé d’ombre, un nid idéal pour les créations du Kabbaliste. Et à mesure qu'Uhen et le vestige œuvraient pour blesser le gérant des lieux, le Nara ordonnait à sa copie de créer une myriade de serpents miniatures. Ceux-ci se faufilèrent dans les ténèbres afin de s’approcher au mieux de l’ennemi. Tout n’était qu’une question de prudence et de patience. En eux se trouvaient plusieurs parchemins scellés, prêts à submerger l’adversaire dans un déluge explosif.


Profitant de leur nombre et des aspérités du parcours osseux, les reptiles obscurs n’avaient qu’un seul but, se propager au plus près de leur cible. Malheureusement, les trois gardes n’étaient pas dupes et comprirent rapidement les intentions du Nara. Et sans laisser la moindre chance à ces miniatures, ils firent s’abattre un torrent de flammes et de roche tout autour d’eux. Les os et les ombres se brisèrent sous la violence du coup, et par la même, firent exploser les parchemins dissimulés dans les ténèbres. Une chaîne d’explosion eut alors lieu, couvrant l’entrée d’un brouillard cendreux.


Perçant ce nuage avec une vigueur faisant pâlir les plus grands vents, une gerbe de foudre se rua vers le géant d’albâtre. Par chance, le manque de visibilité atténua grandement sa précision. Les maîtres et leurs clones réchappèrent à l’assaut, sans même avoir à bouger. Quant à Kiribukai, il accueillit la foudre avec un flegme détonant. Bien préparé et enveloppé par son épaisse carapace, il n’eut qu’à endurer la souffrance et à renouveler l’échine brûlée par la technique.

Soudain, une main se posa sur ses écailles, une certaine douceur se fit sentir. Renpei venait d’apposer un sceau sur le corps immaculé. Grâce à celui-ci, il allait pouvoir user de l’ombre du géant comme s’il s’agissait de sa propre possession. Dans un murmure a peine audible, il confia une idée à son protecteur.

Il nous faut les séparer. Si tu arrives à les soumettre comme tu l’as fait avec ce garde, je pourrai renforcer ton emprise avec ma maîtrise des ombres. Je ne sais pas encore si nous devons garder cette attaque conjointe pour le Soryo ou ses employés. Mais sache que je suis prêt à t’épauler.


Comme pour répondre à ce flash ardent, la copie du savant multiplia les signes incantatoires. Peu à peu, son ombre se mit à grossir, s’alimentant de toutes les obscurités environnantes. La figure humaine perdit alors ses traits, devenant une masse informe. Mais cette glaise ténébreuse ne tarda pas à se transformer, à donner vie à un monstre d’une autre dimension. Hécate renaissait, ses bras s’étendirent pour fouetter l’air avec violence, ces têtes s’élevèrent pour condamner du regard tous ses faibles mortels. Et si la copie avait pour intention de frapper les quatre éveillées, la nouvelle incarnée préféra faire une démonstration de sa toute-puissance en martyrisant la salle. La géante entaillait avec frénésie la pierre et brisait les cages osant défier ses assauts aveugles. Plus rien n’avait d’importance à ses yeux, si ce n’est affirmer sa domination totale. Elle était celle qui devait diriger l’Humanité, alors pourquoi ne pliaient-ils pas le genou devant elle ?


Face à la monstruosité et à sa fureur, les voyous perdirent pied. Jamais il n’avait été confronté à une pareille horreur. Voir ses visages déformés par la douleur et ses bras destructeurs réduire le fer en poussière, brisa leur volonté. Ainsi, la peur se développait en eux, étouffant leur logique et leur raison. Ils n’étaient plus qu’instincts primaires. Et sans en prendre réellement conscience, les trois élémentalistes se mirent en position. Il fallait combiner leur art et détruire l’abomination. Dans un même souffle, ils tournèrent toutes leurs attentions vers elle et convoquèrent leur courage. Défier un tel être demandait beaucoup d’effort, mais ils n’oubliaient pas leur mission : protéger leur patron coûte que coûte.

Les pieds ancrés dans le sol, le trio fit danser ses mains et engendra un souffle destructeur. Les trois éléments étaient alors contraints de cohabiter, générant un chaos indicible. Fusant tel un éclair, il ne tarda pas à percuter l’immensité obscure. Le choc fut si violent qu’il lui arracha une part de son être, déformant momentanément l’incarnation infernale. Pourtant, malgré la violence, l’ombre reprit sa forme sans faiblir. Ils avaient échoué à abattre le colosse aux cent bras. L’avait-il au moins ralenti ?


Tandis que les hommes de main luttaient contre la chimère, Renpei, toujours caché derrière Kiribukai, ordonna à son ombre d’attaquer le Soryo. Se faufilant à travers le décor, cette dernière tentait de profiter de la diversion offerte par Hécate, afin d’atteindre le cerveau du réseau criminel. Toutefois, sans réellement comprendre pourquoi et comment, l’ombre du Nara échoua misérablement. Trop loin pour analyser son échec, le savant comprit que ce Kanemune était bien plus dangereux que ses sous-fifres. Il allait falloir se méfier de lui.

Sous les directives de Nara Renpei, Kiribukai accepta d’abandonner son rôle de protecteur pour rejoindre le front. Au même moment, l’enfant de l’os recula de quelques pas, frappé de plein fouet par la déferlante élémentaire des trois Éveillés et gros bras du responsable du réseau. Les deux comprirent aussitôt ; et, d’un signe de tête complice, échangèrent leurs rôles.

— Je vais vous ouvrir une fenêtre. Profitez-en.

Le Mizujin appuya ce schisme stratégique en ordonnant à son double parfait de rester en arrière, près des Sarutobi exsangues. Ceux-ci ne pouvaient pas se prendre le moindre dégât collatéral, alors il fallait au moins une double défense entre eux et les renégats. Aussitôt, le doppelgänger se plaça devant les victimes inconscientes, et commença à ériger un grand mur calcique, dense et opaque, sur toute une partie de l’étage – avant de le renforcer d’une deuxième couche, sans relâcher la pression une seule seconde.

Hélas, le Sōryo ne se laissa pas faire impunément. Toute sa carrière était en jeu. Tous ses profits ; toute sa vie. Décidé à éradiquer cette mauvaise herbe – quitte à abattre les gibiers qu’il avait eu tant de mal à subtiliser durant ces dernières semaines –, le moine infusa son chakra de manipulation dans tous les objets alentours, ainsi que dans ceux qui apparaissaient en masse devant lui, par le biais de son système de sceaux personnels. Cette armada volante, permise par la télékinésie n’attendait qu’une chose : fuser de part et d’autre de l’étage pour commettre de lourds dégâts.


La totalité des projectiles contrôlés par le Sōryo traversèrent le champ de bataille pour fragiliser fortement la double barricade préparée du clone, dans le fond de la salle. Par chance, celui-ci tenait encore bon. Pour l’instant… Un sourire de malice habilla le visage fatigué de l’adolescent. Le corps criblé d’impacts et de blessures – ayant subi de plein fouet la salve de projectiles hétéroclites – le Mizujin avait profité du déluge (blessure-avantage) pour commencer une série de signes incantatoires. Son but : braver la pluie et riposter au double.

— C’est maintenant !

Le corps entier de l’adolescent se hérissa d’un nombre incalculable d’os difformes. Du plus petit os jusqu’à la moindre articulation, le squelette entier du balafré fut contraint de se multiplier au décuple, abusant du potentiel de l’ostéogenèse pour se reconstituer, encore et encore. Un véritable déluge d’os, n’ayant d’yeux que pour le lieutenant de cette opération obscure, fusa aussitôt, en chœur avec le bruit caractéristique du vent sifflant sans relâche.


Malgré la défense du Sōryo, ayant érigé in extremis un épais mur de chakra neutre devant lui et ses pairs, l’assaut était tel que des trous apparurent rapidement sur de larges pans de sa défense. Trous qui – plus la technique du Kaguya portait ses fruits – se rejoignaient les uns avec les autres. Nombre de blessures furent ainsi rendues au moine, qui néanmoins ne lâchait rien, d’une confiance absolue portée à ses alliés.


Kiribukai, comme prévu, en profita. Il fusa à toute écaille au travers de l’étage, profitant de l’aspiration des projectiles osseux. Sa carapace d’ivoire percuta les vestiges du mur du chakra neutre, et le traversa sans problème ; alors, comme il l’avait déjà démontré tantôt, le serpent géant s’affaira à entraver le moine, la gueule grande ouverte. Le corps du Sōryo percuta violemment le plafond de l’étage inférieur, tandis que l’ombre du compagnon animal se déformait déjà, sous les commandes du Nara, pour conforter cette soudaine emprise…

— AIDEZ-MOI ! ARGHH-...

Le plafond fuyait du sang. Troublés, mais appelés en renforts, les trois voyous n’eurent aucun autre choix que d’aider leur employeur. À nouveau – et malgré la terreur qui s’était immiscée dans leurs psychés, du fait du spectacle de l’Ombre de Renpei –, ils composèrent une technique commune, tri-élémentaire, afin de renverser le combat.


L’Ombre de l’émissaire en devenir subit de plein fouet la déferlante affinitaire des trois Éveillés au service d’Ame. Elle disparut aussitôt, effacée de la réalité ; aussi, la technique d’ampleur en profita pour se répandre au-delà, mordant la chair d’Uhen, et fragilisant encore un peu la barricade soutenue de son doppelgänger.

Fortement blessé par cette succession de techniques, le Mizujin dut poser un genou à terre, et reprendre son souffle. Il avait encaissé trop de blessures en trop peu de temps. Ses alliés allaient devoir conclure le combat… ou lui laisser suffisamment d’espace pour souffler.

Règles de jeu (Aide-Contrat) :

Si jusqu’alors Renpei privilégiait la prudence, les événements le poussèrent à entrer dans la danse. Sans l’égide que formait le géant d’albâtre, il se savait en danger. Se fondre dans les ténèbres n’était plus possible, du moins plus pour longtemps. Il fallut donc changer d’approche et faire un pari osé, celui de la confiance. Ses alliés allaient devoir créer une ouverture, un chemin vers la victoire. Et en l’attendant, le savant limiterait son art à la distraction. Après tout, c’était le rôle idéal pour sa copie monstrueuse. Cette difformité attirait les regards, cultivait la peur et empêchait les sots de réfléchir. Patient, l’original observait la scène et se préparait à immobiliser l’ennemi. C’était tout ce qu’il pouvait faire à cet instant.

Peu après, l’expérience du Mizujin dévoila toute sa superbe. Les trois entités se relayèrent avec une rare précision. L’éphémère devint le nouveau rempart, le colosse l’embusqué et le mortel, le sacrifié. Ce ballet captiva l’explorateur de Calice et il se demanda si un jour, il allait pouvoir atteindre un tel niveau. Toutefois, l’admiration fut très vite chassée par le danger. Le chef des opposants était un vétéran et les manœuvres des deux éveillés ne semblait pas l’impressionner, bien au contraire.


Sans perdre plus de temps, l’ennemi convoqua une véritable armée. Tout semblait s’animer d’une rage sourde. Les objets étaient tirés de leur sommeil avec violence et étaient contraints d’obéir à ce seul ordre : emporter les justiciers dans leur tombe. Face à la menace, le Nara se savait limité. C’est pourquoi, il ordonna à son double d’intercepter un maximum de projectiles. Ses bras tentaculaires tentaient de briser les assauts, mais la majorité de ses initiatives se soldèrent par un échec. Le Kagemane n’était pas une protection efficace. Pourtant, l’éphèbe se rassura en songeant que cette action avait sûrement soulagé la barrière osseuse. Heureusement, cette dernière était toujours debout. Quant à la créature obscure, sa chair immatérielle était clairsemée. Son noyau était intact, mais sa croissance ralentie.

C’est alors que les yeux de l’écrivain lui dévoilèrent le reste du tableau. Trop concentré à protéger les civils, il n’avait pu vu le sacrifice d’Uhen. Seuls les déplacements habiles du serpent étaient parvenus jusqu’à lui. Par réflexe, il déploya ses dons et paralysa le Soryo. Ils avaient réussi. Enfin pas tout à fait, l’appel à l’aide résonna dans la pièce et réveilla les trois gardes. Et tandis que Renpei s’appliquait à maintenir son entrave, les élémentalistes balayèrent sans la moindre pitié l’ombre et la copie. Malheureusement, ce ne furent pas les seules victimes de ce souffle destructeur.

Une fois le chaos étouffé, le Nara sut qu’il était temps pour lui d’entrer dans la bataille. D’un seul signe, il libéra un nouveau clone. Celui-ci plia le genou et se concentra à maintenir la prison de Kanemune. Quant à son maître, il se rua vers le trio d’amateurs.


Voyant cet homme surgir du tas des inconscients, les idiots utiles se laissèrent surprendre et commencèrent à agiter leurs mains. Sous le coup de la panique, des gerbes de feu et de foudre fusèrent tels des artifices. Le sol se craquela et libéra des lames souterraines. Par chance, Renpei avait suffisamment affronté de pièges pour savoir comment les éviter. Son ombre se matérialisa alors en un lasso, s’extirpant de l’un de ses tatouages inertes, et se raccrocha à l’un des pieux formés par le vestige. Un coup sec, et le voilà hors de portée des assauts. Encore un rebond, et il faisait de nouveau face à ses adversaires.


La fureur pouvait se lire sur son visage. Toutefois, si certains espéraient une énergie flamboyante, ce n’était pas le cas. Calme et lucide, Renpei affichait enfin son vrai visage. Tout en fixant les trois criminels, il ordonna à trois de ses sceaux de se briser. De chacun d’entre eux, naquit un géant obscur. Ces féroces créations hurlèrent leur colère et se précipitèrent vers leur cible. Dans le même temps, le Maître des ombres, enchaînait les mudras. Leur nombre ne pouvait signifier qu’une seule chose, il était prêt à frapper de toutes ses forces.

Alors que les colosses étaient la cible des voyous, se faisant dévorer par les éclats élémentaires, le Nara se figea et laissa son ire éclater. Les silhouettes se mirent à danser, à se fondre et à se confondre. Le sol se teinta d’un noir profond, tel un avertissement des enfers. Puis, une myriade de pieux s’en libérèrent. Chaque lame espérait quitter les ténèbres, et le prix à payer était le sang des ennemis. Une à une, elles transpercèrent la chair humaine, se logeant dans les muscles et perforant les organes sans aucune pitié. L’entrave, jusqu’alors invisible, se mua en une multitude de fils noirs, cherchant sans cesse à pénétrer l’ennemi et à le contraindre à l’abandon.

Cependant, un tel acte porte son lot de conséquences. Si l’immobilisation était pérenne, la conscience du chowajin s’éteignit peu à peu. Même son double ne put garder forme, le repos était nécessaire.

À toi de jouer.

Uhen était toujours en piteux état. Et Nara Renpei venait le rejoindre au tapis. Ne restaient plus que leurs deux clones, affairés à paralyser au mieux la situation, et le serpent albinos géant, qui rivalisait directement avec le responsable de toute cette affaire. L’affrontement avait atteint un statu quo plein d’espoir, mais toutefois dérangeant… jusqu’où cette stagnation pouvait durer ? Quand les criminels de l’anti-tour allaient-ils pouvoir se libérer de leurs chaînes, pour abattre l’Ennemi ? Des renforts pouvaient-ils survenir d’une seconde à l’autre pour faire pencher la balance de l’autre côté ?

L’enfant de l’os regarda tout autour de lui, et vit l’état effroyable des Sarutobi exsangues, comme de ses camarades. Yorimori, après sa surchauffe, peinait à être encore utile, ses deux bras paralysés. Il veillait du mieux qu’il le pouvait sur ses frères et sœurs claniques, impuissant, abrité derrière la barricade calcique du doppelgänger de l’Eau. Par chance, il restait une personne capable de tirer son épingle du jeu. Le premier allié de « Seiran » lors de cette opération dangereuse, tirant sur la théorie complotiste. Oda…

— ... ARIHISA !

Le concerné releva sa tête. Toutes ces fulgurances de chakra l’avaient refroidi. Le jeune homme, bien qu’Éveillé, n’était pas de taille face à ces monstres de puissance. Il avait grandi dans son village, dans la campagne profonde de Garan, et s’était entraîné à sa petite échelle pour défendre les siens. Hélas, devant le fait accompli, il se rendit compte que son niveau était à des années-lumières de celui des acteurs de cette escarmouche. Et pourtant…

— C’est à toi de jouer, maintenant ! Lève-toi, et neutralise-les !

La main tremblante d’Oda Arihisa saisit finalement le manche de son sabre. Il se releva, net, et avança d’un pas. Ses cibles, prisonnières des ombres du Fils de l’Ambassadeur, fusillèrent l’élément disruptif du regard.

— VENGE-NOUS ! beugla Yorimori de tout son saoul.

L’instinct héroïque de l’Éveillé brûla de mille feux. Les cris de ses compagnons d’armes réchauffaient son cœur au point de lui offrir une vérité qu’il s’était forcé d’ignorer : il aimait ça. Depuis tout petit – et depuis l’éveil de son pouvoir affinitaire – Arihisa avait voulu grandir en tant que protecteur des plus faibles.

D’une paume passée sur le fil de son sabre, le métal s’arbora d’une robe incandescente. Cette épée de flammes, pourfendant les ténèbres de l’étage inférieur, s’adressait aux renégats d’Ame en tant que Flambeau de Justice. Il n’y avait plus qu’une seule chose à faire : condamner le Mal.


Oda Arihisa se lança au travers de la salle. Sa course, d’un rythme endiablé, faisait fi de tout obstacle. Ses yeux grands ouverts n’avaient d’intérêt que pour les quatre vecteurs de haine en stase.

D’abord, les trois voyous affinitaires, attaqués par leurs propres ombres. L’épéiste virevolta dans tous les sens, d’une grâce folle pour son humble rang ; il prit appui sur un tonneau, épargné par le déluge du Sōryo, et abattit le pommeau de son arme sur le crâne du malheureux, qui se coucha net. Dans un même mouvement, profitant de la fluidité de son inertie, il fit un tour sur lui-même et enchaîna un revers du poing droit sur le deuxième ; alors, empoignant son sabre à deux mains, il fracassa la conscience du dernier d’un coup de plat de lame dévastateur. Aussitôt, ses yeux enflammés – et sa lame – fustigèrent le dernier homme debout.

— Attends ! cria Sōryo Kanemune. Je peux faire de toi un homme riche et puissant !
— Tout ce que tu possèdes n’est qu’opprobre et éphémère !

L’enfant de l’os resta bouche bée un instant. Malgré son déguisement de « Seiran », neutralisant son âme d’enfant et ses réactions enjouées, ses yeux pétillaient d’admiration. Ce civil, qu’il avait rencontré dans un humble village perdu au milieu du néant, était la personne qui se rapprochait le plus, au cours de son existence, de l’idée de Héros.

— Il est…
— Ce que tu pourrais devenir pour le Continent.

Oda Arihisa escalada les écailles de Kiribukai, qui l’aidait volontairement à atteindre la hauteur de Sōryo Kanemune. Celui-ci pria ses Dieux personnels, mais aucun ne lui répondit, six pieds sous terre. Alors, dans un dernier souffle, recraché dans un râle d’agonie, son ennemi héroïque arriva jusqu’à lui ; et le gestionnaire de la pagode perdit à jamais l’usage de ses deux bras – instantanément cautérisés.

Lorsque le serpent géant lâcha sa proie, le Sōryo s’écrasa net sur le sol. Il n’avait pas pu résister à cette piqûre de douleur. L’inconscience l’avait lové pour protéger son système nerveux.

Ainsi, il gisait au sol, aux pieds d’Oda Arihisa, neutralisé... et en vie.

Esclave des ténèbres, le sacrifié attendait le retour de la lueur. Pourtant, dans ce domaine oublié, seuls des murmures répondaient à son appel. Ses râles sourds appartenaient aux damnés, ceux qui aspirent à dévorer l’Humanité. Leur agonie était lointaine, mais elle résonnait dans la chair du savant. Entre souvenirs et cauchemars, ce dernier errait comme une âme en peine. Durant tout cet exil, il avançait péniblement, bravant les marasmes obscurs et la peur tenace. Son unique phare était une voix familière, celle de l’incarnée, Hécate.

Viens à moi. Vois comment ils t’ont trahi, abandonné, blessé…

L’écho était toujours le même, voilé de haine et de colère. Les mots changeaient, mais l’intention demeurait pérenne. La corruption s’étendait et se renforçait à mesure que le sot progressait. Bientôt, le vice se mua en certitude, chassant l’innocence avec férocité. Et tandis que l’esprit fusionnait avec la bannie, une caresse subtile brisa le rêve.

Avec douleur, les pupilles de l’éveillé s’extirpaient de leur sommeil. La lumière était si agressive, et le repos si réconfortant. Néanmoins, la main posée sur son épaule ne semblait pas vouloir renoncer. La tendresse se transforma en secousse, si bien que par réflexe, Renpei s’en dégagea. Les yeux encore embrumés, il perçut une chevelure écarlate. Ceci ne pouvait donc signifier qu’une seule chose, les renforts étaient arrivés.

Désormais, le fils de l’Ambassadeur faisait face à la Pagode. Autour d’elle, la Garde Blanche veillait au rapatriement des blessés et des criminels. Ils n’étaient pas nombreux, une dizaine sûrement. Toutefois, l’Ordre était rétabli. Au détour d’une discussion, le Nara apprit pour l’assaut majestueux d'Oda Arihisa. S’il fallait une preuve que la volonté des Hommes pouvait tout surmonter, cet héroïsme en était le symbole. Puis, les autorités pressèrent l’éphèbe : sa version, correspondait-elle à celle du Mizujin ? Après tout, il s’agissait d’une mission officielle et le chowajin se devait de surveiller Uhen. Le rapport fut aussi précis que concis, et Renpei insista sur les bonnes actions du repentis. C’était sa façon à lui, de le remercier.

Quand le calme revint, l’écrivain demanda à ses sauveurs comment ils avaient fait ? Car il s’agissait d’une mission restreinte, un test à échelle humaine. Alors comment une dizaine de gardes avaient-ils pu intervenir si vite ? C’est là que la nouvelle tomba. Le héros à l’épée ardente était un jeune émissaire et avait pour mission de prévenir un corps expéditionnaire en cas de danger. L’Harmonie connaissait les risques et avait jugé bon d’envoyer un deuxième groupe en renfort. Se limitant à l’urgence, il ne devait pas briser leur couverture. Le manieur d’os étant un péril en soi, il était convenu qu’au moindre risque, les embusqués l’élimineraient. Fort heureusement, ils n’eurent pas besoin d’exécuter cet ordre. Chowa et Garan étaient même surpris d’une telle efficacité.

Durant tous ses échanges, le Nara cherchait ses compagnons du regard. Cependant, ils semblaient absents. Étaient-ils déjà partis ? Ou bien avaient-ils été chargés d’une autre mission ? La Garde se montra évasive. Peut-être parce que l’auteur n’était toujours pas membre de l’Institution. Un paria utile et toléré selon les circonstances. Quelque peu déçu, il se jura de les revoir et de partager une coupe de saké. Même s’ils n’étaient pas réellement amis, leur expérience n’en demeurait pas fédératrice. Et puis, Renpei était curieux d’en savoir plus sur ce fils de l’Eau.