Pas après pas, le Nara renouait avec son passé. À mesure qu’il redécouvrait la forteresse de son enfance, son cœur s’emplissait d’un bonheur simple. Les échoppes, les pérégrinations de ses collègues alchimistes et l’édifice diplomatique lui apportaient mélancolie et tendresse. Un léger sourire vint même illuminer son visage. Pour la première fois, depuis longtemps, il pouvait fouler ces terres, la tête haute. En effet, aujourd’hui était le jour de sa revanche. Après tant d’échec, un exil forcé et douloureux, l’enfant du Pays pouvait reprendre la place qui lui était due.

Pour cela, il se rendit dans son ancienne demeure, l’Ambassade de l’Érudition. Conscient de ses attaches, l’écrivain se prépara à accueillir rires fantômes, pleurs silencieux et cris lointains. La joie comme la peine hantaient ce bâtiment, et pour s’élever, Renpei allait devoir s’y confronter. Son ascension ne faisait alors que commencer. Pendant ce temps-là, au sommet de ce temple dédié à la politique, un homme attendait patiemment. En silence, le Maître des lieux profitait de son thé préféré.  

Bientôt, le fils se présenta devant son père. Avec ruse, il camoufla son hostilité et mit en avant une politesse excessive. Après tout, il avait une demande officielle à formuler. Bien sûr, l’aîné n’était pas dupe et balaya les us et coutumes pour privilégier l’efficacité, comme à son habitude. D’un revers de main, il invita son hôte à parler.

Je viens, ici et maintenant, prêter serment d'allégeance à l’Ambassade d’Hakugaku. Comme gage de ma volonté inébranlable, je mets en avant deux hauts faits. Le premier concerne une mission commanditée par l’Harmonie, où je devais mettre un terme à un ignoble trafic. Le second, j’ai contribué à la création de Tsubomi no Jintei. Voici les documents et témoignages qui prouvent mes dires.

Humblement, le jeune homme déposa parchemins et rapports sur le bureau de son futur supérieur. Pourtant, malgré les apparences, une haine profonde nourrissait ses actes. Jamais, il n’avait pas pardonné à Kuroda Shun sa lâcheté et ses choix douteux. Sacrifier sa famille, au profit de sa carrière, était pour le Nara une souillure éternelle. Néanmoins, parfois, il fallait savoir se taire et accepter de courber l’échine. La vengeance ne trouve son meilleur éclat qu’à travers la patience.

Ainsi, tu n’as pas oublié ce rêve stupide. Mais que puis-je faire, j’ai les mains liées, n’est-ce pas ?

D’un regard dédaigneux, la figure parentale examina le corps de l’éphèbe. Plus que du mépris, il jugeait son âme ou plutôt, cherchait à quantifier sa valeur.

Pourquoi servir Hakugaku ? Parles en toute franchise.

Pour trois raisons : Jigen Gari, Tsubomi et l’Alliance Septentrionale.

Comme pour appuyer son exposé, le jeune homme tendit trois de ses doigts, un pour chaque argument.

Après m’être confronté à Ido-Shima, j’ai compris que l’Humanité devait mieux connaître ses ennemis. Pour cela, je dois pouvoir rester à Hakugaku et profiter pleinement de ses ressources. Mes recherches nécessitent des moyens qui sont pour le moment hors de ma portée. Il est donc logique d'améliorer mon image et de faire croître mon influence. Et puis, je connais les secrets de cette tour, ne l’oubliez pas.

Ces derniers mots sonnèrent comme un défi, une menace à peine voilée.

La Ruine, quant à elle, mérite qu’on la surveille. Je sais que vous avez investi dans ce projet, et qui de mieux qu’un émissaire membre de la Kabbale pour diriger les travaux dans la bonne direction. Influer sur cette jeune Ambassade, pourrait vous garantir le poste de Gaimu Daijin.

Énoncer une telle ambition à voix haute fit jaillir l’Ambassadeur de son siège. Comment cet ingrat pouvait être au courant ? Tout n’était que rumeur à ce stade, Kuroda s’en était assuré. Serrant les poings avec fermeté, il essaya tant bien que mal de sceller ses lèvres avant d’insulter son fils.

Enfin, maintenant qu’une alliance est forgée entre l’Harmonie et l’Érudition, la coordination devient primordiale. Et il me semble qu'un enfant ayant grandi dans les deux nations, est parfait pour cela. De plus, des menaces planent dans l'ombre. L'union se fait donc de plus en plus pressente, je veux y contribuer.

Cesse donc de jouer les bons samaritains, tu veux ma place, c’est ça ? Tu ne manques pas de toupets, après tout ce que j’ai fait pour toi.

Voyons, Père, je n’oserais pas. Après tout, je suis très reconnaissant des leçons que vous m’avez inculquées.

L’échange se ponctua par un large sourire du côté de Renpei, et un visage rougis par la colère chez son paternel. Toutefois, le savant se savait en position dangereuse. En prétextant servir les intérêts de son parent, il allait devoir mentir, trompé et falsifier la vérité à maintes reprises. Pourtant, à ses yeux, il était important de séduire cet homme vénal. C'était une garantie essentielle pour assurer à Tsubomi, un essor glorieux.

Tue le...

Résumé ::