122 La communauté de martyrs s’est réduite au point où il n’existe plus qu’une seule cellule capable de produire des sacrifiés de haute qualité pour le Sekaiju. Depuis le sacrifice originel, la cassure sociale n’a eu de cesse de se creuser entre l’aristocratie ritualiste et les nomades du Grand Désert. Les premiers sont élevés dans la canopée de l’Arbre-Monde, profitent d’une sève sans impureté et des services publics les plus performants du Khaganat, alors que les seconds se sont entassés dans l’écorce du fossile. Comme ses frères, ses sœurs, ses cousins, ses cousines, ses oncles et ses tantes avant lui, Meiun est un diamant brut qui doit être poli par les précepteurs impériaux. Sa peau est badigeonnée d’onguents pour garder une teinte immaculée, et ses cheveux sont continuellement teint avec une poudre carmin en hommage à Suna. Dans sa tour d’ivoire, il découvre le Continent sous la focale de Kaze.

127 Sous l’ombrage des rameaux du Dragonnier de Socotra, Meiun perçoit une créature géante à l’horizon. La Bête saute par-dessus un erg, navigue entre les dunes et replonge dans l’étendue safran. Dans un premier temps, le sacrifié associe cette vision aux histoires orientales de mers, de pirates et de baleines que lui content ses enseignants. Ce n’est qu’après une lecture plus approfondie du mythe de Gekimetsu Ryūma que l’enfant-martyr comprend que l’animal appartient à la race prédatrice. Celui qui ne devait avoir aucun futur va se construire sur cette révélation pour un jour, lui aussi, pouvoir errer librement.

128 Pour la première fois de sa vie, Meiun pose un pied sur ce que les habitants du Sekaiju appellent le sable. La chaleur du sol aride, les peaux cuivrées par l’astre-roi, le sourire des nomades et l’avancée perpétuelle des dunes volent son cœur. Il veut devenir le sirocco qui accompagne les aventuriers, la dune qui traverse le Grand Désert, et qui ne s’arrête jamais. Hélas, sa disparition est remarquée. Une escouade de Gekimetsu capture l’enfant et le remonte vers la canopée.

132 Les années défilent et les visages de ses oncles, de ses tantes, de ses cousins et de ses cousines ne sont plus que de lointains souvenirs. L’assaut des forces du Roi de Hi a amputé le Khagan de ses fils, et Meiun de sa famille. Avec ses parents et ses frères, ils ne sont plus qu’une infime portion de Sekaiju no Shugo-sha. L’enfant-martyr a profité de l’assaut pour s’échapper de sa geôle fossilisée ; considéré comme mort, le préadolescent arpente les régions impériales sous l'œillade discrète de l’astre-roi. Sa rencontre avec un Superprédateur éveille en lui son pouvoir latent, le Chakra, mais ne lui permet pas de se défendre. Une patrouille de Gekimetsu veillant sur les Pyramides d’Orichalque sauve l’enfant aux cheveux rubicond - caractéristique de sa pureté - et le ramène, une nouvelle fois, au sommet de l’Arbre-Monde.

135 Les attaques répétées de Monzaemon Chikamatsu sur l’Arbre-Monde susurrent à Meiun une folie. La veille de son méfait, il lie son âme à ce Père qui l’a vu naître, qui l’a nourri et qui a veillé sur lui. Un rameau est taillé en souvenir de ce foyer qu’il s’apprête à quitter. Si l’enfant-martyr ne peut se libérer de ses chaînes, alors il les détruira… Toutes. Au lendemain d’un énième assaut terrifiant, mêlant vagues de poussière d’or et déchaînements mécanisés, le peuple du Sekaiju découvre horrifié le crime passionnel. Pour mettre fin à la tradition qui pèse sur sa lignée… Meiun l’a éteinte.

147 L'électron libre est devenu un homme, mais continue à appliquer les rites qui l’ont forgé : sa peau est restée immaculée et ses cheveux sont toujours autant rougis par le carmin. Explorateur, casse-cou et clown à ses heures perdues, Meiun a dévoré des milliers de kilomètres et s’est forgé une solide expérience. La liberté comme seule boussole, ses bottes ont martelé la terre, le sable, la roche et l’eau. Ses yeux ont vu les forêts, les dunes, les montagnes et les vagues. Ses mains ont empoigné celles de toutes les communautés, et son sourire lui a ouvert les portes de toutes les cultures. Hélas, le martyr ressent un profond vide : il n’a jamais pu égaler la liberté du Superprédateur qui voguait entre les dunes. Cette image le hante, le motive, et le comble de bonheur. Il sait qu’un jour, il parviendra à atteindre ce degré d’exaltation, mais pour cela, il doit percer le mystère des Mégastructures.

148 Renkinjutsushi passionné par la Nature, Meiun a fait le pont entre l’érection d’un Berceau du Chakra et la présence des Gardiens-Esprits. Le terme utilisé, choisi initialement par les populations primitives du Continent, intime que ces chimères sont liées à la dévolution du Chakra. En ce sens, un essai a été rédigé et lui a voulu l’accès aux fonctions d’Alchimiste d’Etat. Le document se fonde sur ses nombreuses incursions dans le Grand Désert, durant sa jeunesse, mais aussi sur toute les connaissances accumulées par son tour du monde. Il détaille avec une précision remarquable la façon dont les autochtones des Pyramides d’Orichalque ploient la Nature selon leurs besoins. Il a nommé cette façon d’utiliser l’énergie naturelle, le Chakra Yin. Son hypothèse connaît deux failles : l’absence totale de Créature à Kaminari et la mystérieuse présence qui occupe Seirei.

150. Meiun est persuadé que les profondeurs du pays des Esprits couvent un Berceau. Après deux ans de préparation, il tente une expédition sur le flanc est, mais son embarcation et l’équipage qu’il a financé sont exterminés plusieurs dizaines de mètres avant d’avoir pu poser le pied à terre. Loin de sabrer son aspiration, cette défaite est le début d’une très longue série de découvertes…