La statuette de l’Empereur-Roi, arrachée des griffes de Shihō no Tō (四方の塔, Temple des Quatre Points Cardinaux) est remise au Clan Chogoro. Les voyoucrates derrière la gestion du Marché Noir, le myocarde de l’économie souterraine, convertissent la relique en jetons. Aucune importance n’est donnée à sa valeur historique, culturel ou esthétique ; pour les petites mains de la Capitale du Crime tout artefact est bon à obtenir tant qu’il génère du Koban. Cette absence d’intérêt pour un emblème du Ninshū surprend Meiun, qui n’est pas au bout de ses surprises.

Le baron du crime tend deux bourses en cuir dont le tissu est noyé par les pièces colorées. La mission des deux templonautes ne s’arrête pas là ; ils comprennent que le pays de l’Abondance est une industrie dont il n’est pas aisé de s’arracher. Après avoir joué leur vie à pile ou face, en explorant les entrailles de la Pagode transformée en simili-Calice, les deux apatrides sont chargés de décupler les gains obtenus par la conversion. Ce concours de circonstance amuse l’Alchimiste d'État, qui voit dans cette opportunité un moyen de tisser une relation pérenne avec Ame.

Le Clown et l’Entomologiste sont attendus, à la nuit tombée, lorsque la Mère-Nuit a recouvert l’empyrée de son manteau crépusculaire, devant le Teikoku Kaikan (帝国会館, Club Impérial). Meiun aura profité de cette journée en solitaire - les deux hommes ayant décidé de se séparer pour vaquer à leurs occupations - pour découvrir les mœurs du Micro-Etat. Ses trouvailles les plus passionnantes furent la culture de l’Omerta, qu’il rapproche au Voeu de Silence des communautés moniales de Garan, et la façon dont le peuple libre se détourne avec malice et ruse des lois.


Immergé dans les ténèbres d’une ruelle peu fréquentée, dans les profondeurs du quartier des richesses, les crinières albâtre et carmin ont rallié le point de rendez-vous. L’articulation interphalangienne proximale du Kazejin percute la tôle en fer d’un miteux établissement. Quelques secondes plus tard, une herse horizontale est tirée. Le cerbère des lieux jette une œillade sur Jumpei, puis sur Meiun, et referme le loquet oculaire.

En franchissant la porte discrète du casino clandestin, l'univers change du tout au tout. Les murs sont tapissés de velours pourpre et de boiseries exquises. Les tapis sont ornés de motifs floraux et d'arabesques délicates. Les lampes aux abat-jours en soie diffusent une lumière tamisée, baignant la pièce d'une lueur chaude et dorée. Les tables de jeu, en bois noble et finement ciselé, sont habillées de feutrine verte ou rouge. Autour d'elles, des fauteuils en cuir souple accueillent les joueurs dans un confort luxueux. Les croupiers, habillés de noir et blanc, manient cartes et jetons avec une élégance et une précision qui semblent presque chorégraphiées. L'extérieur délabré et sombre fait place à un intérieur qui semble sorti d'un rêve opulent.

La musique, douce et envoûtante, se mêle aux murmures des conversations et au cliquetis feutré des jetons. Parfois, une exclamation de triomphe ou un rire étouffé traverse la pièce. Des alcôves discrètes, cachées derrière des rideaux de velours épais, offrent des recoins secrets pour des paris à enjeux élevés. Deux gorilles massifs en costume noir s'avancent et verrouillent discrètement la marche du binôme. Sans un mot, ils invitent les nouveaux venus à les suivre, leur désignant la direction de la niche n°13, une table qui semble attendre leur arrivée.

Autour d'elle, sept autres participants sont déjà installés. Le croupier accueille les oiseaux de mauvaise augure avec un sourire énigmatique. « Messieurs » sa voix douce, mais autoritaire coupe à travers le murmure ambiant. « Bienvenue au Teikoku Kaikan. Le jeu auquel nous allons jouer ce soir est le Saikomoreijin. » Il marque une pause, laisse le suspense s'installer, avant de poursuivre. « Chaque joueur lance trois dés. Le Club lance deux dés communs. Le but est de former la meilleure main possible avec cinq dés. » Le croupier poursuit ses explications.

« Une relance de tout ou partie de vos dés est possible, une fois par manche. La mise initiale est de 200 Koban. » Le croupier pose neuf verres en onyx, contenant tous trois dés, sur la table et les distribue aux joueurs. « La partie de ce soir se déroule en six manches. Le joueur qui détient le plus de Koban à l’issue remporte toutes les mises. » Un léger sourire point sur ses lèvres « La triche n’est pas autorisée ». L’information implicite est captée par tous : la triche est tolérée tant qu’elle n’est pas remarquée.

Meiun partage une œillade discrète avec son acolyte de fortune. Ils ont un avantage sur la masse de barons du crime : un troisième homme oeuvre de concert avec eux. Pour l’heure, lui et Jumpei ignorent l’identité de ce malfaiteur. Ils devront découvrir, parmi les sept autres participants, qui est leur allié, et ce, avant que le délai imposé par les manches ou leur solde ne soit écoulé.

Spoiler:

Jumpei suivit Meiun dans le casino clandestin, ses yeux s’écarquillant à mesure qu’il découvrait l’opulence de l’intérieur. Les murs tapissés de velours pourpre, les boiseries exquises, et les tapis ornés de motifs floraux contrastant fortement avec l'extérieur délabré du bâtiment. La lueur chaude et dorée des lampes aux abat-jours en soie baignait la pièce d'une ambiance envoûtante.

Les croupiers, vêtus de noir et blanc, manœuvraient cartes et jetons avec une élégance qui captivait Jumpei. Il observa avec une curiosité presque enfantine, trépignant d’impatience à l’idée de participer à ce jeu intriguant.

Quand le croupier commença à expliquer les règles du Saikomoreijin, Jumpei écouta avec une attention soutenue. Chaque joueur devait lancer trois dés, puis le Club lancerait deux dés communs. Le but était de former la meilleure main possible avec cinq dés, avec une relance possible par manche. La mise initiale était de 200 Koban, et la partie se déroulait en six manches. Jumpei hocha la tête, enregistrant chaque détail.

Malgré son excitation, Jumpei tenta de se contenir, sachant qu’ils avaient une mission à accomplir. Il échangea une œillade discrète avec Meiun, comprenant qu’ils devaient repérer leur allié parmi les sept autres participants avant que le délai ne soit écoulé. Etrangement, une silhouette semblait attirer son œil, semblant y reconnaitre des traits qu'il aurait pu détaillé quelques temps plus tôt.

Il les détestait. Mais il devait coopérer avec la pègre d’Ame, afin d’alimenter ses économies pour financer ses projets et ses expérimentations, d’obtenir les informations qu’il voulait et surveiller s’il n’y avait pas des objets qui passeraient, qui pourraient l’intéresser. Et on lui avait donné une mission afin de conclure un deal : une mission discrète, où il devait aller aider deux gus. Ena n’avait pas eu d’autres choix que de l'accepter pour garder ses relations intactes.

Quelques heures avant la mission, l’Immaculé se préparait. Même s’il n’avait aucune honte de qui il était et comment on pouvait le percevoir, il savait que s’il y allait comme cela, il allait attirer l’attention et menacer l’intégrité et la réussite de la mission. Alors, il allait légèrement modifier son physique. Il enleva ses cheveux habituels et prit une coupe, toujours produite à partir de Yamanakas, mais bien plus court. Il changea aussi sa mâchoire pour l’affiner et son nez pour le recourber légèrement : il se donnait un air bien plus jeune que d’habitude, restant évidemment dans une maturité nécessaire pour ce genre d’endroit. Si bien que seul ceux ayant passé un réel moment avec Ena, à détailler son visage, pourrait avoir un réel et sérieux doute. En effet, n’étant que nouvellement connu dans le Bingo Book et certainement pas l’un des plus recherchés, cela n’éveillera pas les soupçons. Il changea même la couleur de ses yeux pour un argenté nacré, dénotant de son bleu habituel.

Mais comment allait-il rentrer dans un tel endroit ? Pour le bien de sa mission, on lui avait permis d’obtenir un nom différent, capable de se frayer un chemin normalement dans ce genre de casino. Et il put constater l’efficacité de cette identité factice, puisqu’une fois arrivé devant l’établissement, lorsqu’il frappa de sa paume quelques fois sur l’entrée métallique, on lui ouvrit après une brève reconnaissance à travers un judas.



Affublé d’une tenue élégante, le jeune homme sous couverture se fondait à peu près dans la luxure de cet établissement. L'artificiel passait son regard laiteux sur les murs de l’endroit, avant d’être guidé dans la salle numérotée “13”. Il trouva le siège qui lui était attitré, s'asseyant prestement avant d’attendre ses futurs concurrents… Ou alliés de l’ombre.

Lorsqu’on expliquait les règles du Saikoromeijin, Ena hôchait doucement du chef, ayant repéré ses alliés qu’on lui avait décrit. Il en reconnaissait un, avec qui il avait déjà pu discuter dans le passé… Dans un autre pays que celui-ci. Il espérait que son déguisement corporel lui permettrait quand même de le reconnaître, et si oui, qu’il ait l’intelligence de lui faire remarquer discrètement.

Un autre jeu au sein du jeu initial s’installait peu à peu.

Dos droit, le croupier balaye son assemblée du regard. « Messieurs ». Ses mains gantés invitent les escrocs en puissance à se munir de leur verre en onyx. « Il est temps de commencer. Je vous invite, les uns après les autres, pour éviter la cohue, à lancer vos dés sur la table ». Les regards des vautours se braquent sur Meiun, qui est le premier joueur à débuter. L’intensité des œillades qui lui sont jetées lui ordonne d’éviter tout coup de trafalgar. Derrière leurs masques aussi exotiques que loufoques, les barons du crime se sondent tous.

Notre Alchimiste d’Etat se saisit du gobelet devant lui, appose sa paume en barrage et secoue avec vigueur les trois précieux dés. Après quelques secondes, les trois cubes taillés dans l’onyx révèlent leur face à l’assemblée. « Notre premier joueur obtient 6, 6, 2. » La main ganté invite le prochain participant à jouer. « Notre deuxième joueur obtient 3, 5, 3. ». Coude posé contre la table, Meiun tourne sa tête vers la rangée de scélérats. « Notre troisième joueur obtient 6, 6, 2. » Un léger sourire anime ses lèvres, il tend deux doigts en direction de son rival pour le saluer. « Notre quatrième joueur obtient 3, 1, 6 ».

La tension est palpable. Tous se regardent, s’examinent, tentent de déceler des tics ou de dépeindre le portrait de leurs opposants. Dans ce marasme, une seule personne est imperturbable : le croupier. « Notre cinquième joueur obtient 1, 3, 4 ». Tel un monarque, il règne sur son assemblée de gueux. Son sourire est malice et ses iris sont vigies. Il est celui qui capte toutes les microexpressions. « Notre sixième joueur obtient 3, 5, 2 ».

Cette atmosphère est une découverte pour Meiun. Bien qu’il soit un explorateur aguerri, jamais il n’a participé à une séance ludique comme celle-ci. La Capitale du Crime continue à monter dans son estime. Cette ambivalence entre la liberté et le crime est une notion qui lui parle tout particulièrement. Il voit dans cette tentative d’assimiler Ame à une ville dangereuse où la mafia établit son dogme, une façon de combattre le libre-arbitre de l’Humanité. A bien des égards, il serait plus Amejin que Chowajin. « Notre septième joueur obtient 5, 2, 6 ».

Meiun déporte sa tête vers le huitième joueur, son collègue Jumpei. D’un mouvement de tête, presque imperceptible, il l’invite à jouer sans tenter une manœuvre dolosive. Pour l’instant, il est crucial de repérer les forces et faiblesses des autres joueurs. D’une part pour les vaincre, d’autre part pour découvrir le troisième homme, qui se cache parmi eux. Les jetons posés sur les tables ne trahissent aucune appartenance : tous ont 1.200 Koban pour jouer les six manches. Cette piste est mise de côté.

Notre Héros continue à explorer l’alcôve de ses pupilles. Coupé du reste du monde par un drap pourpre, le renforcement accueille neuf sièges formant une courbe qui suit le bois de la table. Cet écosystème est créé pour éviter tout contact avec l’extérieur, et donc renforcer cette lutte anti-corruption. Les initiatives ne peuvent venir que de l’intérieur. Il faut ruser, sans que les autres ne découvrent le pot aux roses. Autrement dit, toute expression du Chakra doit être discrète et rusée, presque invisible.

”Manche 1”:

Règles:

Jumpei observait attentivement chaque lancer de dé, analysant les réactions des autres joueurs tout en gardant son excitation sous contrôle. Il sentait l'adrénaline monter, mais savait qu'il devait rester calme et concentré. Lorsqu'il se saisit enfin de son verre en onyx, il prit une profonde inspiration, apposa sa paume en barrage et secoua vigoureusement les dés.

Le son des dés roulants sur la table semblait résonner dans toute la salle, amplifiant la tension palpable. Les dés s'arrêtèrent et révélèrent leurs faces : 1, 3 et 5. Jumpei retint ses émotions, évitant de trahir le moindre signe de satisfaction. Il savait que dans ce jeu, chaque micro-expression pouvait être utilisée contre lui.

Il tourna doucement la tête vers le prochain lanceur, son visage impassible. Derrière les masques exotiques des barons du crime, il tentait de déceler des indices, cherchant à comprendre leurs stratégies et leurs intentions. Chaque joueur semblait être un puzzle à résoudre, une énigme à déchiffrer.

Lancé::

L’avantage d’avoir un corps mécanique, c’est que contrôler ses expressions faciales devient un jeu d’enfant. Il n’y avait certainement pas plus impassible que lui autour de cette table, puisque son visage gardait la même composition depuis le début de ce jeu. Le seul mouvement perceptible est celui de ses pupilles bleutées qui regardent chaque personne ainsi que le résultat de leurs jets.

Tout le monde était à l’affût de chaque gestes des uns et des autres, obligeant à Ena de jouer normalement pour l’instant. Quand vient son tour, il récupère le récipient noirâtre et les objets devant simuler le hasard. Il lui aurait été simple d’y attacher un fil pour manipuler le chiffre sortant, mais il le ferait quand la fièvre du jeu touchera une majorité absolue des joueurs, pour que ce soit plus simple à dissimuler.

Il secoua doucement les dés dans le gobelet, et soudainement, son regard se releva pour analyser en un rapide instant les expressions de chaque personne, relâchant les cubes d’un geste élégant, qui roulèrent un instant avant de tomber sur une suite : 6, 5 et 4. Cela pouvait lui être très favorable, si le croupier sortait un 3 et un 2, il aurait gagné. Et s’il sortait un 5 ou un 4, puis peu importe l’autre chiffre, il gagnerait.

Mais la chance ne sourit pas toujours à l'Immaculée, malheureusement…

Résultat: