Au loin, les tambours de la guerre annonçaient la venue du chaos et de sa cavalerie mortifère. Et malgré l’Union, la paix tant recherchée se voilait d’illusions macabres. Les hommes et les femmes du Nord n’eurent alors d’autres choix que d’affronter le mal, faire corps et rêver de meilleurs lendemains. Même la volonté de Renpei vacillait devant une telle menace. Bien sûr, il s’était tourné vers les ténèbres, espérant y trouver la puissance nécessaire pour protéger les siens. Mais l’Obscur peinait à lui révéler ses secrets, il devait compter sur une autre force, la sienne. Puisant dans son imaginaire, il balaya les doutes et se mit en quête d’une nouvelle arme.

Les idées étaient aussi nombreuses que les minutes perdues à les trouver. Face à l’échéance fatale, le sermon de l’Empereur, l’érudit renonça aux conflits directs et chercha à prévoir le pire. Car pour cet homme encore accroché à sa tour d’ivoire, le savoir et les informations primaient sur le reste. Explorant les archives de la Pyramide d’ombre et de lumière, convoquant son réseau dans l’hydre chowajin, dupant quelques collègues naïfs, il parvint à mettre la main sur des plans plus qu’intéressant. Un certain Bakushō Ryōken avait, par le passé, créé des mines explosives.

Ce n’était pas cette propriété qui avait attiré le regard du Nara, mais plutôt cette capacité d’agir à distance, en quasi-totale indépendance. S’il pouvait en faire de même avec ses propres dons, son clan maternel allait pouvoir décupler sa puissance et son emprise sur ce conflit. Mais comment faire ? Pour trouver de l’inspiration, il étudia les plans et les étapes de l’ingénieur disparu. Il devait apprendre de ses erreurs, le surpasser et faire de son invention, une révolution.

Cependant, à mesure que le savant découvrait les rouages des mines explosives, il en comprenait les limites. Les réactifs et le système de pression étaient trop restrictifs, pas assez polyvalents. Ils se coordonnaient parfaitement avec l’art Bakuton, mais personne n’en maîtrisait les lois dans l’Union, du moins pas dans l’entourage de l’émissaire. Il fallait donc voir plus loin, revoir les principes de l’arme et l’adapter à ses propres dons.

Sur un papier isolé, l’écrivain commença à dessiner une frontière ordinaire et chercha à déployer ses futures créations de la façon la plus optimale possible. Si par exemple, il décidait d’user de ses dons sensoriels, qu’il les liait à ces mines, quel maillage serait le plus efficace ? Points après points, une courbe faite de pointillés vint se lover le long de la frontière. Chacun représentait une sorte de relais, une balise capable de reproduire les dons des soldats Nara tout en s’affranchissant de leur présence. Un tel ouvrage serait nécessairement un avantage tactique prépondérant, et donc un gain de prestige non-négligeable.

Être capable de détecter l’ennemi, même dans sa forme la plus invisible, serait si novateur. Une telle arme changerait à jamais le visage de l’Union, lui offrant la possibilité de résister aux assauts des ravageurs de l’Ouest. Ainsi, le nom du fils de Kuroda Shun allait pouvoir résonner en ces temps difficiles.

Résumé:

Penché sur son établi, au cœur même du laboratoire de Tsubomi, l’éphèbe égrainait lentement ses pensées. Éliminant l’impossible, et rayant l’absurde, il avançait avec lenteur et détermination. Pas-à-pas, il faisait confiance à son instinct, au bon sens. Reprenant son idée depuis le début, il chercha un système à la fois simple et reproductible à volonté. Pour continuer l’analogie avec les mines, il désirait trouver un nouveau « réactif » et un nouveau procédé « d’activation ».

Comme pour trouver de l’inspiration, par moments, il déclenchait des mines au loin, au cœur des terres arides de la Ruine. Ces explosions mineures résonnaient et lui rappelaient les fêtes de son pays, ses artifices volants et la danse des couleurs. Ce spectacle ne tarda pas à faire effet, hypnotisant les pensées impures et ne laissant prospérer que la créativité. C’est là, au détour d’une énième détonation, qu’il songea à la libération de ses propres techniques.

En tant qu’adepte du fuinjutsu, le savant prépara un test rudimentaire, comme une confirmation de ses connaissances. En effet, il ressentait le besoin de « voir », pas seulement « d’imaginer ». De ses deux mains, il scella deux capacités distinctes, une par rouleau. Ces derniers n’étaient pas de grande envergure. Après tout, ils n’allaient contenir que des ombres moyennes, à la puissance accessible par tous. À condition bien sûr d’être éveillé et de pratiquer régulièrement son art.

Ainsi, à une dizaine de mètres, Renpei déposa ses créations. Il retrouva ensuite l’arbre qu’il avait délaissé, celui-là même qui n’existait que pour défier les lois de la dimension. Issue de l’obscur trésor, la pierre maudite avait convoqué l’abomination miniature et le jeune homme s’y était attaché. Prêt à libérer ses sceaux, celui-ci admira le déclenchement minutieux de ses techniques. Un mudra, et une toile sombre se déversa sur le sol, rongeant toutes particule de lumière. Un second mudra, et il pouvait ressentir la moindre variation, la moindre onde troublant ce miroir d’ébène. Cette combinaison, il allait en faire la base de son arme, il en était convaincu.

Vint ensuite le moment de fusionner les projets, mines et sceaux allaient devoir cohabiter. Pour gagner de la place, il allait falloir optimiser l’espace et donc le placement des sceaux. Des parchemins n’étaient pas adéquats, il fallait viser plus petit. Après quelques essais, il parvint à déposer deux sceaux sur deux parois internes distinctes. Ce n’était peut-être pas le plus pratique, mais les limites du Kagemane imposaient une telle prudence. Sans ombre, aucune perception n’était possible.

Si l’idée était charmante, il allait devoir passer le test du réel. Tout comme les mines, l’édifice devra survivre aux aléas, aux accidents, tout en évitant les attaques opportunes. Les matériaux n’étaient pas un problème, l’emplacement lui… À mi-chemin entre la surface et la terre, la nouvelle arme devait être au contact avec une étendue obscurcie. Dissimulée, elle pourra même agir avec plus d’efficacité et permettre de trahir les imprudents. De plus, pour parfaire le tout, chaque objet devra être équidistant, avec pour repère la zone d’effet de la technique. Tout ceci paraissait encore rudimentaire, mais Renpei sentait qu’il approchait de son but.

Charge négative:

Résumé:

Malheureusement, devoir utiliser des mudras était un frein majeur à son innovation. À quoi bon développer une telle arme, ce serait tout bonnement inutile. Pour plus de simplicité, un unique Juinjutsu pouvait faire l’affaire. Conscient de ceci, le savant chercha une alternative, un moyen d’automatiser la mine sensorielle.

La première idée qu’il eut fut de concevoir deux types de mines différentes. Une considérée comme la mère de toute, celle qui initierait le déploiement de la surveillance. Celle grâce à qui toutes les autres s’activerait. Pour ce faire, il faudrait inventer une sorte de chaînes de balise. La première serait ainsi la seule à avoir un contact direct avec le Nara. Les autres ne seraient là que pour compléter la première impulsion. Dans l’esprit de l’écrivain, tout ceci était semblable à une onde solitaire se propageant sur la surface d’un lac, et qui par son mouvement génèrent d’autres ondes.

Mais si cette poésie était plaisante à imaginer, pour la réaliser, c’était plus difficile. Comment activer une balise sans la moindre intervention humaine ? C’est là qu’il repensa à l’un de ses biens, une chose imprégnée d’énergie, capable de répondre à celle d’un éveillé. Ouvrant la cache située sur son oreille gauche, il délivra une gemme de Sentan qu’il avait obtenu en échange de sueur et de sang.

Cette pierre écarlate, il en fit le deuil et la réduisit en poudre sans la moindre pitié. Il savait qu’il allait pouvoir en récupérer, après tout, les Calices, il voulait en faire sa spécialité. Cette forme asséchée, il la sépara en plusieurs portions. À ses yeux, ce résidu aux origines troubles allait pouvoir se substituer à un mudra. Après tout, il était aussi composé de chakra neutre.

Dans son prototype de mine, il enferma avec précaution la poudre, la mit en contact avec les sceaux emprisonnés. Sans stimuli, tout paraissait inerte, comme endormi. Bien entendu, le problème majeur de cette technique était de trouver le bon dosage. La ressource était rare et en perdre inutilement serait une grave erreur. Alors, Renpei se mit en quête de l’optimisation parfaite.

Toujours sur le territoire de la Ruine, il déploya ses dons et chercha à provoquer une réaction dans sa création. Les premiers essais, avec à peine de quoi couvrir une tête d’épingle, échouèrent. Il fallut enchaîner les allers et retours, les agrégats de matières, les calculs pour trouver le bon équilibre. Et quand vint la révélation, le Nara ne put contenir sa joie. Désormais une seule onde de chakra, une attaque ou une caresse, permettait de déployer les ténèbres. Et si une autre balise se trouvait à proximité, elle rejoignait alors le chant et renforcer la détection. Bientôt, les frontières du Nord seront sûres.

Toutefois, malgré les succès, il demeura des problèmes encore insolubles. Tout ceci était efficace, mais à usage unique. À peine les mines activées, que déjà elles étaient mourantes. Telle l’information délivrée par les sceaux, elles tombaient dans le silence le plus total une fois leur travail achevé. Nécessairement, ce caractère éphémère privait l’invention d’un réel usage militaire. Trop coûteux pour un déploiement massif, elle serait restreinte à un usage anecdotique.

Résumé:

S’il désirait vendre son arme, Renpei allait devoir lui donner plus de substance. Une détection n’est utile que si elle est continue, ou du moins répétable à l’envie. Changer les mines après un seul usage n’était pas viable sur le long terme. Mais comment offrir à ces techniques éphémères, une vie plus prospère ? Le sentan était peut-être la clef, mais le Nara n’en possédait pas assez. Il allait devoir trouver une autre source, quitte à s’éloigner du chakra neutre.

Dans son imaginaire, il balaya de multiples options. Sang et chair d’un humain, animal captif, nouveau sceau à la puissance plus grande, tout était envisagé, mais rien n’était satisfaisant. Et c’est là, au creux du désespoir, qu’il redécouvrit l’obscur et ses créations. L’heure n’était plus à la prudence, mais au risque. Il lui fait un nouveau carburant, une forme d’énergie renouvelable ou du moins durable dans le temps. Il tira alors de sa cachette sa ressource née de sa collaboration avec la kabbale.

De la même façon que précédemment, il écrasa la relique corrompue et en fit un terreau utile. La poudre rougeâtre paraissait en stase, mais grâce à son regard mordoré, le savant en connaissait la faim. S’il commettait l’erreur de la mettre en contact avec le sentan de la mine, elle le dévorerait dans l’instant. Un subterfuge était donc requis. Comment assurer un équilibre parfait entre tous les composants de la mine ? Comment dans un si petit espace, créer un écosystème en paix ?

Peut-être qu’au lieu de fuir cette interaction qui semblait inévitable, l’érudit devait s’en nourrir. Emprisonner cette tension, l’entraver et la soumettre à sa volonté, voilà comment il allait dépasser les limites de ce monde. Ainsi, pour produire ce que l’on peut appeler pile, il déposa dans sa mine un peu d’obscur. Loin de tout contact, elle reposait sous le couvercle de l’arme. Et avec une faible impulsion de la pierre philosophale, le Nara créa une mousse putride. Elle ne suintait pas, résistait même à l’emprise de la gravité. Cette flore, venue du néant, était comme hypnotisée par les effluves du chakra neutre. Ainsi quand la balise s’activait, la plante était prise de spasme et tentait de s’étendre pour atteindre le sentan et les sceaux éveillés. Mais il n’y avait que peu de place, le réseau construit par l’érudit limitait croissance, pire imposait à la verdure de se dévorer elle-même pour atteindre l’ambroisie.

Ce filament obscur, avide et cupide, n’était cependant pas assez puissant pour avaler la poudre éclatante. En plus grande quantité, cette dernière ripostait même à l’attaque en consumant le parasite. Le phénomène comptait sur l’emprise de la Voracité, car même en polluant la nature du sentan, elle répondrait toujours à l’appel de la faim. Faisant de la croissance de la flore, une source d’énergie continue, capable d’alimenter les sceaux dans la durée. Bien sûr, il n’est pas sans risques que tout ceci dégénère, que l’obscur se fasse trop puissant, mais des hommes avisés pourront lui offrir un repos éternel sans aucun souci.

Dans un coin de sa tête, Renpei songea à l’usage des ressources naturelles. Théoriquement, il devrait être possible d’arriver aux mêmes fins avec les forces du Yin.

Résumé:

À mesure que Renpei progressait, un doute s’installait en lui. Ses compétences, même si elles étaient nouvelles, il les connaissait bien. Surveiller un territoire en utilisant les ombres, c’était idéal la nuit, mais le jour cela manquait de discrétion. Bien qu’il soit capable désormais de déployer un manteau aussi sombre que la nuit sur tout un territoire, c’était absurde si l’ennemi en avait conscience. Il fallait alors peut-être changer d’approche. Au lieu de tout faire avec sa mine, peut-être pouvait-il profiter d’un réseau d’ombre déjà existant. En forêt, par exemple, il serait aisé d’en trouver un à moindres frais. Ce qui réduirait le nombre de sceaux utilisé à un, et donc rendrait la mine moins coûteuse à produire. Toutefois, ceci signifiait aussi qu’en l’état actuel des choses, la Ruine serait lésée et peinerait à déployer une barrière sensorielle.

Au détour d'un regard, le Nara revit les plans des mines explosives. Cette vision lui murmura une idée folle. Pourquoi se limiter au kanchijutsu ? En changeant les sceaux, en les spécialisant, en leur donnant un but offensif, ils seraient encore plus polyvalents et donc utiles. Par exemple, une fois réveillé, les mines pourraient imposer l’immobilisme à certaines ombres. Ces pièges pourraient même donner naissance à des automates d’ombres, des monstres à l’esprit creux mais capable d’attaquer une menace. Le champ des possibles était énorme et le potentiel de son arme n’en était que plus grand.

L’esprit encore ébahi par la découverte, le savant rédigea des plans précis, des indications, des conseils. Note après note, il précisa son projet, les dosages et les risques liés à ses mines. Tout devait être parfait, aussi vendeur que possible. Puis, il adressa une missive à son clan, l’informant de ses progrès. Son invention, il voulait lui en faire don au nom de la paix et de leurs intérêts communs. Il précisa aussi la polyvalence de son invention, et comment les Nara allaient pouvoir s’approprier une telle arme. Entre leur main, la guerre allait peut-être changer de visage.

Utilisez les mots de mine n’était peut-être adéquat. Car ses inventions étaient en réalité des relais, des balises, des échos de la puissance d’un éveillé. Elles étaient le reflet de sa créativité, de sa rage et de sa capacité d’adaptation. Elles étaient l'écho de sa volonté, des Koukyou. (交響, écho)

Résumé:

Cependant, l’érudit était trop autocentré. Penser à déployer le Kagemane était malin, mais étendre les balises à tous les dons, était bien meilleur. Et ce qu’en rentrant en contact avec d’autres émissaires que Renpei comprit son erreur. Après tout, il y avait mieux pour détecter un ennemi que les ombres. Grâce à un collègue maniant le Doton, il perçut les limites de son imaginaire et lui demanda assistance. Il devait comprendre le fonctionnement de cet art pour mieux le soumettre à sa volonté.

Très vite, au cours des échanges, le Nara réalisa le potentiel de l’affinité tellurique. D’une seule onde, elle pouvait s’affranchir du décor et du soleil. Rien ne pouvait l’arrêter. Toujours aidé par son partenaire du jour, il arriva à créer une balise sur mesure. Puis, vint une remarque. Bien sûr, pour percevoir les effets des balises, il était nécessaire de posséder des dons sensoriels, mais n’existait-il pas un moyen de rendre tout ceci plus accessible ? Une sorte de cartographie interactive, aussi changeante que solide.

Imaginer un tel ouvrage fut difficile, car les technologies du Continent demeuraient rudimentaires. Et étant un homme de son époque, l’éphèbe peinait à s’émanciper du réel. Ses pensées étaient encore soumises aux lois, aux possibles et aux tabous de l’esprit. À force de travail, de dessins et d’entretien, il perçut une lumière, faible certes, mais présente. Sur une tablette, il représenta la zone surveillée et y planta des aiguilles aux emplacements exacts où se trouvaient les balises. Puis, il immergea le tout dans de l’eau. La solution aqueuse avait peu d’importance, elle pouvait être remplacée sans trop de soucis. Sous la dite tablette, se trouvait la balise mère, celle qui devait initier le mouvement et apporter l’harmonie à l’équipement. Lorsqu’elle était activée, chaque aiguille entrait en résonnance avec une balise, vibrant avec la même intensité. Et si un mouvement était repéré, le proto radar imitait les ondulations et les perturbations. Ainsi, à intervalle régulier, la carte se mettait à jour, témoignant des dynamiques propre à la zone. La lecture demandait de la pratique, mais cela rendait l’usage des balises bien plus accessible.

Cette invention, il la destina aux Ambassades et l'apporta à Hakugaku. L'idée derrière ce choix était d'attirer les faveurs de l'Erudition, de la Kabbale et de son père.

Résumé: