Le Pays du Feu avait été source de rebondissement. Miyabi et Jun'ichiro avaient réussi à s'en tirer, l'un en assouvissant un début de vengeance, l'autre en découvrant sa plus grande peur. Mais le Feu étaient derrière eux, ils avaient un nouvel objectif désormais : le Vent. Mais le chemin à traversé était encore long, quelques semaines, mois si ils s'arrêtaient. La halte de cette semaine était le pays en Ruine, un paysage désolé qu'il fallait traverser avant de retrouver la civilisation, puis de retrouver à nouveau le désert.

— Les insectes tentent de survivre. C'est peut-être pour ça que certains vivent dans le désert sans flancher. Mais la vie vaut-elle d'être vécu en ces lieux ?

La jeune femme s'arrête soudainement, sa main saisit le bras de son ami pour lui faire signe de cesser de marcher alors qu'elle tourne le visage sur les paysages désolés qui se trouvent à coté deux. Son regard se fronce, elle est alarmée par quelque chose, puis un unique son se détache du silence, la gémissement d'un être vivant en souffrance.

Miyabi s'était aussitôt détachée de son ami pour tenter de soulever cette roche, certainement héritage d'une bâtisse. Et même si elle l'avait réussi avec succès, ce n'était pas cette fausse tombe qui avait causé tant de douleur, mais autre chose. Un genou à terre, la ninja-médecin attrape ce petit corps contre elle, mais il était trop tard. Elle savait sauver de la mort, mais pas ramener à la vie. Un enfant, à peine plus de quatre ans certainement, qui a toujours connu ce pays hostile, et qui n'aura connu que lui.

— Lorsque l'Homme touche les oisillons tombés du nid, la Mère consent parfois à l'abandonner à son triste sort. Mais l'homme est égoiste.

Devant eux se dressaient des ruines gigantesques, un pays marqué par les stigmates de la guerre, de la rivalité entre deux grandes forces qui ne soucient que d'eux. Miyabi tire de sa sacoche un long rouleau de bandage, déjà entamé - elle ne compte pas laisser un corps ici, son altruisme l'en empêche. Elle s'efforce alors de l'enrouler dans le tissu, son visage ne laissait rien apparaître mais l'on sentait que ce genre de situation n'était pas des plus plaisantes.

— Faisons halte dans l'un de ces villages, tu veux bien Jun ? Rendons à l'arbre la feuille qu'il a laissé s'égarer... Qui sait, nous trouverons peut-être du savoir sur les Ruines...

Le départ de Hi avait été solennel. Miyabi comme Jun’ichiro avaient accompli des actes marquants pour leur psyché d’époque, et ce fut sans se retourner qu’ils gagnaient l’horizon, en destination du Pays du Vent et de son arbre plurimillénaire. Il était impensable de passer de nouveau par Kome, sous peine d’être traqués par les limiers du Royaume Ambulant, puis abattus ; ainsi, le binôme eut l’idée de prolonger leur voyage de quelques lieues en contournant le Pays du Riz vers celui de la Ruine. Une entreprise pas moins dangereuse...

Historiquement, le Pays de la Ruine était celui de l’Herbe. Une nation prospère – tel qu’elle était décrite dans les ouvrages de Kome – où trois Dynasties avaient fondé un refuge prospère – celui de la Rosée du Matin – grâce à l’exemple de leurs voisins. Puis vinrent les aléas de la civilisation ; l’appétit des souverains, en quête de ressources, des nations limitrophes ; la guerre ; et la fameuse ruine qui caractérisait tant la région.

À bien des égards, Kome et Kusa étaient similaires. Ainsi, en traversant le territoire, l’Ashikase ne pouvait s’empêcher de faire le rapprochement entre ces deux trajectoires, et imaginer son pays natal dans le même état déchu – écrasé par les superpuissances annexes. Ce qui était failli arriver, par la main de Senju Ieyasu.

— Ici aussi, le Feu est responsable du chaos. L’histoire se répète.

Le regard sombre, Jun’ichiro se flagellait du drame des alentours, son estomac se nouant sous le torrent d’idées que son imagination lui soufflait. Il se sentit, malgré lui, responsable du massacre des Kusajin – dans une autre ligne temporelle, Kome aurait assuré bien plus tôt son rôle de défenseur des pays modestes, et se serait ligué contre Hi et Tsuchi. Le balafré aida alors à porter le corps enroulé. Même si l’altruisme de son amie était sans limite, sa force, quant à elle, ne pouvait suivre de tels élans. Ce qui donnait à l’homme l’occasion d’occuper sa tête – laissant s’échapper l’excès d’idées noires.

— Attention à toi, Miya. Un animal blessé aura vite fait de mordre ta main. Lorsqu’on perd tout, il est difficile de redonner confiance aux autres.

L’Ashikase accepta l’objectif de sa partenaire, et se dirigea vers un village « abandonné », à l’horizon. Du moins, c’est ce qu’il pensait. Il n’y avait pas la moindre étincelle de vie, par ici.

« Le garçon est perdu Jo’... » ; « Je dois continuer à chercher, je l’ai promis à Kogono. » répondit calmement Jotaro, alors qu’il traversait les plaines délabrées du pays en ruine pour retrouver un enfant porté disparu. Le regard du jeune Inuzuka s’assombrit alors qu’il repense au point d’origine de toute cette histoire, tout ça à cause de cette « secte » sanglante, et mortifère. S’arrêtant sur un énorme tas de pierres, il gonflait ses poumons avant de faire porter sa voix dans les environs : « MOOOOOMOOOOOOOOOOOOO !!! » un frisson le parcourt alors qu’il constate sa voix être engouffrée dans le vide, le silence reprenant son trône sur cette terre désolée. Toujours aucune réponse… alors il prend appui sur ses pieds, et s’élance de nouveau dans la recherche.

« Kaida, s’il lui est arrivé quoi que ce soit à cause d’eux, je te jure que… » ; « Je sais Jo’, mais notre job pour l’instant c’est de retrouver le gamin. N’oublie pas : une chose à la fois. » Jotaro répète les derniers mots de la tortue, dans un murmure. Il s’arrête brusquement lorsqu’il entend un bruit distinct au loin, résonnant facilement dans ce coin de la région : la cloche d’alerte de Tsubomi se fait entendre. Le poing serré, Jotaro ne prend qu’une demi seconde pour prendre la décision de retourner en direction du village, le signal pouvant vouloir dire beaucoup choses, mais il était certain que la présence de l’Inuzuka était requise. C’est au bout de quelques minutes que le duo arrive à voir le village en vue, ne pouvant voir au loin qu’une foule de personnes rassemblées aux portes.

Jotaro atterrit brusquement devant la foule, la plupart des villageois détournant leur regard ou cachant la douleur qui les affectait. La cloche cesse de sonner une fois l’Inuzuka arrivé, et seuls les échos de pleurs et de cri en peine de Kogono, la grande sœur du garçon porté disparu, se font entendre alors qu’elle tient dans ses bras le corps de Momotaro à moitié couvert dans du tissu. Le visage de Jotaro se fige alors qu’intérieurement, c’est une véritable chute, et l’atterrissage fait mal. La tortue accrochée à son dos pousse un long soupir, peinée, tandis qu’un homme s’approche de Jotaron pointant du doigt les deux étrangers qui faisaient duo à part de la foule.« Jo’, ce sont eux qui ont trouvé Momotaro sous les débris, et qui nous l’ont ramené… » dit-il alors que l’Inuzuka suit lentement la direction de son doigt, voyant l’homme et la femme qu’il ne reconnaît pas. Il pourrait faire des rapprochements quant à la couleur singulière des cheveux de la demoiselle, mais son cerveau était déjà en train de traiter toutes les informations à la fois. « Offrons-leur le gîte, la nuit ne va pas tarder… »

L’homme hoche la tête avant de se diriger vers le balafré et la rousse, tandis que Jotaro, après une grande inspiration, s’approche de Kogomo et du petit. Il tente de réconforter la jeune fille qui n’a plus de famille, sa mère ayant disparu depuis plusieurs semaines. Elle s’accroche à ses vêtements tout en serrant fort contre elle un Momotaro glacé, tandis que l’Inuzuka ne peut que les garder contre lui, dans un mutisme affligeant. Il ressent le contraste de chaleur entre leur deux corps, et avec un noeud à l’estomac et au coeur, il ne peut que s’excuser : « Pardonne-moi, si seulement j’avais été plus rapide… »


La nuit tombée, alors que les différents feux crépitaient dans le village pour l’éclairer, Jotaro rejoint le salon dans lequel ont été invités les deux étrangers. La maison était loin des standards que l’on pouvait voir dans les autres pays, mais la succession d’années avait permis à l’Inuzuka et aux habitants de Hametsu de davantage perfectionner les logements afin de survivre aux saisons. Même si cela restait très rudimentaire… Jotaro gardait toujours dans un coin de l’esprit qu’il allait falloir reconstruire le pays tout entier, et qu’il était inacceptable de se contenter de tôle et de pierres fractionnées. Un jour, ce pays retrouvera sa verdure, et les villages leur stature. S’asseyant en tailleur devant eux, une table basse aménagée les séparant, il leur affiche un petit sourire, légèrement gêné.

« Désolé pour l’attente, je me présente : Inuzuka Jotaro, je suis le fondateur de ce village, Tsubomi. Même si j’aurais souhaité vous rencontrer dans de meilleures circonstances, je tenais à vous remercier personnellement de nous avoir ramené le petit Momotaro. Nous vous sommes redevables. »

Kaida la tortue, descendant délicatement du dos de Jotaro pour se placer à côté de lui, mimer l’Inuzuka alors qu’il penchait le haut de son corps vers l’avant, en signe de salut pour ses invités. Jotaro n’était pas du tout sur ses gardes, après tout il connaissait bien les profils dangereux qu’on peut croiser dans ce pays, et ramener le cadavre d’un enfant n’est pas du tout dans leurs cordes. « Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je serai ravi de pouvoir vous aider. »

Le gîte leur avait été gracieusement offert. Un cadeau fait la main sur le coeur – surtout lorsqu’on jetait un oeil dehors, et voyait l’état des rues délabrées qui jonchaient le pays dans son entièreté, aux pièges certainement mortels. Par cette simple proposition, le maître de céans avait probablement sauvé la vie des deux voyageurs.

— Ce que mon amie veut vous dire, c’est que la vie de cet enfant persiste après sa mort, et qu’il était crucial qu’il retrouve son foyer.

Jun’ichiro hocha la tête en direction de la cryptique Uzumaki pour confirmer son message.

— Je vous remercie pour le gîte. C’est tout ce que nous espérions. Si, dans la soirée, votre emploi de temps vous le permet, peut-être pourrions-nous échanger sur l’état de votre pays ? Mon nom est Jun’ichiro Ashikase – j’ai quitté le Royaume Ambulant de Kome. Je compatis à la douleur du Pays de l’Herbe.

Le balafré s’était installé devant la table basse de la chaumière, aux côtés de sa partenaire de voyage. Lorsque le Gardien de Tsubomi zieuta, naturellement, la complicité de ses deux invités, l’Ashikase ne dît mot.

— Buvons ensemble, en hommage à cet enfant. Je serai ravi d’en savoir plus sur cette drôle de tortue, d’ailleurs. Et peut-être pourriez-vous nous partager vos informations sur le Calice de Hametsu ? Nous voyageons, en partie, pour la recherche de ces Temples. Je ne sais guère si des vestiges ont été repérés, par ici.

Le balafré se sentait en sécurité, par ici. Leur offrande désintéressée lui avait donné ce sentiment. Ainsi, il n'était pas nécessaire de dissimuler les cartes de leur main ; mais, à l'inverse, de faire fonctionner les rouages de l'intelligence collective. Le jeune homme se servit de la boisson proposée par les Hametsujin, et la goûta.

— Aussi, nous avons pour projet de rejoindre le Pays du Vent. Une carte à jour de la région pourrait nous être utile. Ou alors... un guide expérimenté.

Servant un thé chaud, réalisé avec des feuilles venues directement du pays de l’harmonie, Jotaro souriait et acceptait la forme de condoléances avancée par le duo de voyageurs. « Enchanté de faire votre rencontre, Jun’ichiro et… ? Vous venez de loin, j’espère que vous pourrez amplement vous reposer ici haha ! » son rire ne sonne pas faux, malgré les bords de ses yeux légèrement étirés dûs à la fatigue. Il remplit également une petite coupe pour Kaida, qu’il fait glisser devant lui avant de tendre son verre vers le ciel et de boire d’une traite la boisson chaude, réconfortante. Pour Momotaro, parti trop tôt…

« Comment ça “drôle de tortue” ??? » exprimait Kaida à travers un regard en biais à l’attention du balafré, ce qui fit rire l’Inuzuka qui tapotait la tête de l’animal. « Kaida est mon compagnon animal, il est avec moi depuis que je suis tout petit et nous sommes partis de Kaminari ensemble. Ça remonte à… quoi ? 8 ans déjà ? J’ai l’impression que ça fait une éternité… » ; « Je me souviens encore du gamin avec la peau sur les os, qui essayait de me soulever ho ho ho ! » la tortue s’exclaffait à sa façon, agitant sa tête avant d’attraper la coupe avec sa gueule et de commencer à la soulever pour boire la boisson. Jotaro n’a jamais su par quelle sorcellerie la créature faisait pour ne pas mettre une seule goutte par terre…

« … Un Calice ? Ici, à Hametsu ? C’est la première fois que j’entends parler d’une telle chose… » l’Inuzuka s’attrape le menton et réfléchit intensément, essayant de creuser sa mémoire pour trouver la moindre bribe d’information à ce sujet. Il connaissait bien entendu l’existence de ces étranges « donjons », de véritables objets de convoitises pour les pays. La découverte d’un est souvent synonyme de développements. Si une telle chose existait réellement à Hametsu… alors peut-être que… « Ça va faire plus de 5 ans que je vis dans ce pays, je ne me souviens pas avoir encore trouvé de réelles traces de ruines… enfin, de ruines qui sortent de l’ordinaire. Même si je dois avouer que j’ai remarqué la présence d’étrangers dans les environs. Je connais bien les différents groupes locaux, et ceux qui cherchent à grignoter de plus en plus de ces terres, mais ces mercenaires… ont l’air de chercher quelque chose en particulier. »

Grâce aux renseignements de l’Harmonie, Jotaro s’est appliqué à être attentif quant aux mouvements réalisés par la Pluie. Mais le pays est si grand et il n’est qu’un seul homme… surtout qu’il ne peut pas se risquer à mettre la vie des villageois en dangers, la majorité n’étant pas initié aux arts du Chakra. Surtout avec la mort du petit Momo… Kaida sent la frustration grandissante de Jotaro, alors que l’Inuzuka regarde le fond de son verre, avec une certaine intensité. Si seulement il était plus fort… s’il pouvait égaler ne serait-ce la puissance du chef du clan Yaban, ou de son propre clan… « Jo’, nos invités auraient bien besoin d’un guide. » La voix de la tortue fait l’effet d’un seau d’eau froide, alors qu’il redresse la tête avec son sourire habituel et se tapote le torse, confiant.

« Je ne suis pas très bon dessinateur, mais si vous avez besoin de quelqu’un pour vous montrer le chemin dans le coin, je suis votre homme ! De plus, moi à vos côtés, rares seront ceux qui viendront vous causer des ennuis. » ; servant une nouvelle fois le thé à ses invités, le garçon enchaîne sans réelles transitions « Quant à l’état d’Hametsu, c’est compliqué. Le pays n’a pas de réel gouvernement ou de structure mise en place, sauf le régime de Terreur instauré par Yaban Riku, le chef du clan barbare. Un brave homme, pour peu qu’on apprenne à le connaître. Sinon il y a la présence de criminels qui fuient leur pays respectif pour se cacher ici, puisque c’est une zone de non-droit. Depuis 5 ans j’essaye de rassembler les habitants, pour reconstruire le pays de ses cendres, mais c’est une longue entreprise ha ha ha… »