Offrir un nouveau refuge aux siens. Ces paroles n’ont de cesse de tourmenter l’esprit, car même s'il s’agissait là encore une fois d’une volonté transmise par un tiers, son ami, Reimu se l’était appropriée, au fond d’elle. En vérité, après quelques semaines, elle avait totalement réorganisé l’héritage de son très cher, pour faire quelque chose qui s’adapterait mieux à ses volontés à elle. Elle n’était pas Nihon, et elle ne le serait jamais, alors prétendre pouvoir poursuivre ses plans était un mensonge qu’elle avait percé à jour. Non, les ambitions de Kaguya Reimu s’étaient tournées vers quelque chose de plus audacieux, expérimental : la division de son propre clan. À la fois pour se constituer une force armée, mais aussi pour offrir de quoi se défendre aux civils, l'émergence de l’idée des Kaguya du Soleil était née, dans le même courant de pensée que la constitution de l’Empire du Soleil Levant. La tête pensante de l’Éclipse n’avait pas perdu de temps, en rédigeant des projets de conquêtes en prévision de la conquête du désert, ses idées étaient claires : avoir la confiance des peuples des montagnes et les réunir pour former un seul et unique clan.

Mais un nom ou une famille n’était pas suffisant. Elle le savait. Sa maîtrise de l’ostéogénèse était propre à elle même et ses frères de l’archipel, et mis à part en attendant suffisamment d’année en concevant à ce jour, elle n’avait pas de chance de transmettre naturellement son don, seule en tout cas.

Dans la pénombre des ténèbres, la Reine avait fait venir son chevalier servant, celui qui représentait par son nom toute l’étendue opaque et ébène de la nuit. Il lui avait promis un peuple, alors elle venait le lui réclamer. Certainement à l'écart, et profitant du calme que la nuit apportait au Nome : personne pour déranger, personne pour observer avec curiosité. Elle n'avait d'ailleurs même pas prit la peine d'illuminer complètement le lieu, ne se contentant que d'une lanterne à la lueur affaiblie, faisant grandir les zones d'ombres dans la bâtisse de terre cuite. Reimu observe sa main, alors qu’elle semble contempler os de cette dernière traverser sa chair, puis retrouver leur place d’origine, comme un jeu. Elle savait que celui qu'elle désirait la trouverait, peut-être même était-il là, dans l'ombre à l'attendre. Elle le savait, car elle n'attendit pas bien longtemps avant de commencer son discours :

— Ton clan comme le mien transmet son don par le sang, l’hérédité génétique. Nous forçant à constamment devoir nous reproduire pour perpétuer la lignée, et ne pas éteindre à jamais nos pairs.

Reimu se met à débuter un monologue, certainement pour expliquer les raisons de sa venue et de sa requête. Elle reste debout et se met à marcher sans but, les mains liées entre elles, pivotant parfois pour rester dans les environs du vampire, alors qu’elle ne l’observe même pas, concentrée sur ce qu’elle dit.

— J’aimerais y remédier. Et créer ma propre lignée, à travers mon sang. Éveiller mes fidèles au chakra et leur transmettre mon pouvoir pour faire d’eux des véritables pairs, un renouveau du clan Kaguya. Ils seront les Kaguya du Soleil, le clan fondateur de l’Empire du Soleil Levant.

Elle s’arrête, puis relève son minois, qui jusqu’à lors était baissé, concentré sur le sol. Un fin sourire se dessine sur ses lèvres.

— Je sais que ce n’est pas impossible. Ton clan l’a prouvé par le passé, que l’on pouvait arracher les secrets héréditaires. On dit que Chinoike Botan a réussi à éveiller les pupilles illusoires du clan Uchiha, après tout.

Elle se met à caresser le long de son bras, remontant sa manche alors qu'elle y observe les cicatrices qui y règnent, récente. La paume de sa main était encore marquée du serment, quand son avant bras témoignait de l'extraction de son sang.

— Je t’ai fourni des échantillons de mon sang Yoru. Et à moins de m’en extraire un tonneau, j’en ai encore à disposition. J’avais en tête l’idée.. d’expérimenter, à travers nos dons communs.

Valse écarlate entre les iris des deux protagonistes, un échange silencieux, la reine faisait face à son Nostradamus, pourvu qu’il ne conte pas de prophéties trop sombres. La voix de l’homme la guide, la pousse à suivre le magicien dans les méandres des ténèbres, où il avait trouvé refuge pour accomplir les tâches qu’elle demandait. L’antre du médecin fou se révélait doucement aux yeux de la reine, le regard oscillant sur chacun des détails qu’elle pouvait découvrir. La nuit était énigmatique, et ses secrets trop bien gardés, tant bien qu’effleurer l’idée de les découvrir ne pouvait même pas parvenir dans l’esprit de quiconque. La frêle jeunesse de femme se heurte à l’ancienneté presque surnaturelle de son partenaire, mélange de fascination et de sombres souvenirs terassant son esprit. Était-ce là son destin que de s’offrir en pâture aux scientifiques ?

Reimu chassa les pensées parasites de son esprit. Les chiens ne font pas des chats, et s’amuser à reproduire le passé n’était finalement pas quelque chose d’inévitable, quoi que bien que les débuts soient similaires, elle gardait toujours un contrôle sur l’application de son grand projet.

— Tu connais la nature de mon patrimoine génétique, tout autant que moi. Il n’est donc pas impossible de parvenir à une telle prouesse, mais en s’assurant de la compatibilité des sujets.

Mais elle oubliait peut-être l’instabilité de son cas. Ou alors elle en était pleinement consciente : si elle avait survécu dix-huit ans sans le moindre souci, c’était un temps suffisant pour obtenir ce qu’elle voulait, et faire ployer le clan Kaguya de Mizu à ses pieds. Elle préférait pour l'heure offrir les connaissances que son cas peut apporter à Yoru plutôt que de servir de cobaye à des institutions ; la Junte avait assez travaillé sur elle pour qu'elle ait envie de rejoindre les rangs d'Hakugaku maintenant. Cependant, si Yoru et elle parviennent à réussir le processus de transfert, il serait alors question d'une découverte majeure, unique même - si l'on oublie les voleurs de pupilles.

— Hakugaku a réussi à instruire ceux qui n’étaient rien. Il n’est pas impossible de reproduire le même processus dans ce cadre là. Et de chasser la pourriture de leur être, pour la remplacer par quelque chose de pur. En renforçant le système des sujets, le problème de la contamination devrait être balayé, non ?

Tout en parlant de l’idée de préparer les cobayes à s’éveiller à la maîtrise du chakra, Reimu défait les tissus qui couvrent son corps, pour en offrir le maximum à son interlocuteur, notamment car deux poches de sang extrait depuis des jours ne valaient rien face à du sang ardent encore en circulation. La reine s’installe sur son trône, ou plutôt la chaise presque digne des pires laboratoires de torture, alors qu’elle contemplait les systèmes installés dans cette pièce, pour collecter du sang notamment. En s’y asseyant, elle attrape le mécanisme de sangsue installé ici par le savant noir avant de l’apposer directement au niveau de son bras, perçant sa peau pour atteindre l’ensemble du système sanguin qui traversait cette partie ci, puis pour en boire le sang qui s’échappait des vaisseaux de la Kaguya.

— Tu auras du sang chaud, encore porteur de mon chakra.