Les rues pavées du Concile Blanc, capitale du pays des Monastères, grouillaient de vie alors que Jumpei, sous l'identité du docteur Cho, déambulait discrètement parmi les habitants. La ville était réputée pour ses monastères et ses traditions anciennes. Jumpei, déguisé en humble médecin itinérant, avait décidé de mettre à profit ses compétences pour améliorer son train de vie.

Depuis quelques jours, il avait cherché des malades, offrant ses services gratuitement pour gagner leur confiance. Ses soins méticuleux et sa discrétion lui avaient rapidement valu une réputation de bienfaiteur. La famille du gérant de l'auberge où il avait élu domicile avait été parmi ses premiers patients, reconnaissants de ses services. En échange, ils lui avaient offert un petit espace dans une succursale de l'auberge pour établir un semblant de cabinet médical.

Assis derrière une modeste table en bois, Jumpei recevait ses patients, leur prodiguant des soins avec un mélange de remèdes traditionnels et de techniques médicales avancées qu'il avait perfectionnées au fil des ans. Les patients, reconnaissants, commençaient à payer pour ses services, bien qu'il veillât à ne jamais demander des sommes exorbitantes.

Un matin, alors que les premiers rayons de soleil perçaient à travers les volets, une femme âgée entra dans son cabinet. « Docteur Cho, j'ai entendu parler de vos compétences. Mon fils est gravement malade, pourriez-vous venir le voir ? »

Jumpei acquiesça, empaquetant rapidement ses outils médicaux. Accompagné de la femme, il se rendit dans une petite maison aux abords de la ville. Là, il découvrit un jeune homme fiévreux, son état critique. Après un examen minutieux, Jumpei diagnostiqua une infection sévère et commença immédiatement le traitement.

Les heures passèrent, marquées par les soins attentifs de Jumpei. Grâce à ses connaissances et à sa détermination, le jeune homme commença à montrer des signes de rétablissement. La famille, profondément reconnaissante, offrit à Jumpei une petite bourse en guise de paiement.

De retour à l'auberge, au pied de la porte, Jumpei réfléchissait à sa double vie. Chaque jour passé à aider les autres sous l'identité du docteur Cho renforçait sa détermination à devenir plus fort pour soutenir ses compagnons rebelles. Il savait que chaque pièce gagnée, chaque vie sauvée, était un pas de plus vers la préparation nécessaire pour renverser Sesshomaru et ces plans plus personnelles.

Un vieil adage, transmis par notre mère, disait : n'accordez point votre confiance à celui qui vous soigne sans la moindre récompense. Un dicton que nous avions tôt fait de suivre, car si nos services de sage-femme ne se monnayait point sonnant, le troc de bons procédés était toujours une source de revenus équivalente ; nous demandions le gîte et le couvert, en échange de nos soins. Mais à se promener ainsi de pays en pays, alors que le temps était aux conflits, n'aidait en rien notre quête vers le Royaume d'Ehmon.

L'idée saugrenue d'ouvrir une clinique nous était parvenue un soir de services, alors que nos mains ternies par l'expulsion placentaire s'agitaient pour trouver les linges nécessaires afin d'emmitoufler le nouveau-né. Nous observions la reptation de l'enfant derrière notre masque impassible, notre esprit d'avantage porté les promesses de l'avenir que sur le moment présent, qui emplissait les nouveaux parents de joie. Nous décrottions nous ongles, lorsque l'idée germa enfin, celle d'ouvrir une clinique dans un pays afin d'y débuter nos expérimentations selon les notes de la Kurutta Shojo, le Vierge Folle, notre mère. Un lieu qui permettrait d'y acheminer nos ressources, plus pratique que le simplet sac bandoulière qui comportait nos instruments.

Décidés, après nos félicitations ternes livrées à la petite famille, nous rejoignions le couvert de la nuit. Bientôt, nous emprunterions le nom de l'astre renouvelé qui plongeait le Concile Blanc dans la pénombre d'une nouvelle lune, à notre promesse de rejoindre le Nisshoku. Mais la fraicheur de la nuit nous permettait d'ignorer ces projets, afin d'élaborer un plan en accord avec nos souhaits apparus dans les déjections de la parturiente. Heureusement pour nous, les rumeurs d'un médecin itinérant nous octroyaient une première piste à explorer. Bien que nous avions accès au laboratoire de l'Escouade des Voyageurs Dimensionnels, pour mener les sombres expériences de feu notre mère, il nous fallait un endroit oublié, une façade qui nous permettrait d'attirer à nous bon nombres de patients innocents ; peu se porteraient volontaires pour l'insémination artificielle de pouvoirs...

Le docteur Cho était de sorti, que nous informa l'aubergiste, alors nous prîmes place sur l'un des grands bancs qui encadraient les tables longues de la pièce principale, afin de l'y attendre sagement. Immobiles, cachés derrière notre masque noh d'oiran, la poupée au sourire effacé, nous nous confondrions au décor jusqu'au retour du maître des décoctions...

« Cho-sensei ! lancions-nous pour nous arracher de notre torpeur ; l'homme avait un physique d'un preux de Kaminari ! Pourriez-vous nous accorder de votre temps ? Nous ne venons point comme malades, mais avons une proposition pour les services que vous offrez. On dit que vous êtes de passage, mais ne seriez-vous point intéresser d'élire domicile en Garan ? Non pas que nous souhaitons vous subtiliser au reste du monde, mais entre vos voyages, un endroit où déposer votre sac et vous reposer ne sonne-t-il pas comme un atout à votre carrière ? Timbre mielleux, nous utilisions le charme de la prostituée. Oh ! Mais qu'advient-il de nos manières ? Oiran-kunshu no Seijaku, sage-femme. Vous l'aurez compris, c'est un partenariat que nous vous proposons... Nous avons, derrière notre masque, plusieurs années d'expérience en matière de gestion ! Votre clinique serait entre de bonnes mains, nous vous l'assurons ! »

Claquement de paume, afin de conclure notre argumentaire. Profiter de la couverture d'un médecin, afin de mener nos expériences, nous serait sans doute profitable ; lorsque notre supercherie viendrait à être découverte, nous n'aurions qu'à tout lui mettre sur le dos !

Jumpei venait de terminer une longue consultation de soins lorsqu'il entra dans l'auberge, son sac de cuir usé par le temps et les voyages. La pièce principale était animée, des rires et des conversations emplit l'air, mais une silhouette immobile attira son attention. Assise sur l'un des grands bancs, cachée derrière un masque noh d'oiran, la figure mystérieuse semblait attendre.

« Cho-sensei ! » lança la voix mielleuse de la femme masquée, l'arrachant à ses pensées. Qu'est-ce qu'il aimait qu'on l'appeler ainsi. Intrigué, Jumpei s'approcha, son regard scrutant le masque inexpressif. La femme poursuivit, sa voix douce et persuasive, parlant de la condition du médecin et enjôlant ses paroles pour lui faire miroiter une place pérenne dans la société .

Elle marqua une pause avant de se présenter. « Oiran-kunshu no Seijaku, sage-femme.»  Poursuivant par une idée de partenariat, parlant de plusieurs années d'expérience, semblant finalement gérer la clinique par elle-même si on lisait entre les lignes.

Jumpei observa la femme, son esprit en alerte. La proposition était séduisante, mais il sentait une intention cachée derrière ces paroles mielleuses. Sans un mot, l'invitant à rejoindre la pièce lui servant de cabiné, il signa au tenancier de retenir les possibles malades quelques instants. Arrivant dans son espace, invitant la sage-femme à s'asseoir, puis prenant place devant elle, il s'exprima alors : « Vous proposez un partenariat, mais dans quel but ? » demanda-t-il prudemment. « Qu'espérez-vous obtenir en retour ? Et surtout, si cela vous tiens tant à cœur, pourquoi ne pas l'ouvrir par vous même, vous qui prétendez avoir tant d'expérience ? » Poursuit-il avec prudence légèreté, quand bien même suspectait-il là une possible envoyé de Kaminari pour lui faire la peau et étant prêt à faire usage de ses précieux papillons pour ce sortir d'une mauvaise situation.

Jumpei écoutait attentivement, dissimulant son appréhension derrière une expression calme et réfléchie. La proposition de l'Oiran-kunshu, aussi séduisante soit-elle, éveillait en lui une méfiance naturelle. Il ne pouvait ignorer les implications de travailler avec quelqu'un qui parlait d'eux-mêmes à la première personne du pluriel, un signe potentiel de trouble. Le lien possible avec le pays de Kaminari, avec qui il avait des contentieux, ne faisait qu'accentuer ses doutes. Ce masque cachait bien des choses.

S'installant plus confortablement, Jumpei répondit avec une voix mesurée. « Votre offre est intrigante, je l'admets. Une clinique établie pourrait offrir un certain confort et une stabilité nécessaire. Cependant, je dois comprendre les détails de vos projets personnels avant de prendre une décision. Vous avez mentionné des 'petits projets' que vous espérez voir avancer en parallèle à notre partenariat. Pourriez-vous me donner plus de précisions ? »

L'homme ne se laissait pas charmé. Posé tel un prince, il nous renvoyait la balle sans se tremper pour le moins du monde. Les plus couards cachaient bien des mystères, ou peut-être que nos allures n'inspiraient en rien sa confiance ; un argument de plus pour décrocher la persona de l'Oiran-kunshu de la Nouvelle Lune, dans un futur proche. Cho-sensei n'avait sans doute encore jamais mis les pieds en Ame, ou peut-être était-ce nous qui étions trop loin des nôtres...
« Votre retenue nous attriste, ô docteur ! Nous qui pensions pouvoir vous convaincre en vous promettant richesse et discrétion, vous souhaitez dérober nos secrets intimes — nos charmes se sont-ils autant flétris ? Rire et gestuelle de la dame gênée. Mais vous possédez ces traits divins qui savent nous faire craquer... Juste pour vous, juste pour vous... Rire et gestuelle de la dame intéressée. Vous qui pratiquez la médecine depuis, nous supposons, bien des années, savez reconnaitre les dommages du chakra au corps, n'est-ce pas ? Mais qu'en est-il de ses bien-faits ? Croyiez-vous qu'il serait possible de développer l'éveil dès la naissance ? Ce sont les mystères que nous cherchons à percer... »

L'Oiran-kunshu se cambrait vers l'arrière, ses mains fines parcourant le bois du bureau du médecin ; de la pulpe de nos doigts, de fines rayures aigues-marines émergeaient, puis nous joignîmes les doigts en deux signes distincts : dans le creux d'une paume nouvellement tendue vers Cho-sensei, un bijou d'émeraude était offert en pot-de-vin évident ! « Étions-nous sur le point d'ignorer notre argument le plus évident de notre association commerciale ? »

Jumpei écouta les propos de l'Oiran-kunshu, ses yeux observant chaque geste, chaque nuance dans la voix de son interlocutrice. Le masque impassible de celle-ci cachait peut-être plus que des secrets. Ses paroles, mielleuses et charmeuses, ne faisaient qu'accentuer sa méfiance.

« Vos charmes, madame, n'ont aucune place dans ce genre d'histoire, » répondit-il d'une voix posée, mais ferme. « La flatterie n'est qu'un poison destiné à adoucir la vigilance. Vous devez comprendre que, bien que vos questions résonnent avec mes propres interrogations, je ne puis faire confiance à ce qui se cache derrière un masque. » Dit-il, même si ce n'était pas en soit le masque qui le gênait vraiment, mais un ressentiment.

L'éclat de l'émeraude dans la main tendue de l'Oiran-kunshu ne fit qu'accentuer ses doutes. Jumpei se redressa, refusant poliment mais fermement l'offre avec un geste de la main. « Un pot-de-vin, aussi somptueux soit-il, ne peut acheter ma confiance. La médecine que je pratique est basée sur la transparence et la confiance mutuelle. Si vous souhaitez vraiment un partenariat, il faudra vous dévoiler et faire preuve de sincérité. » Parlant de transparence alors qu'il n'était pas le médecin le plus clair, pouvait sembler ironique, mais le sentiment qui l'animait le troublait.

Pointant son index et le tapotant sur la table, il reprit « Les apparences peuvent être trompeuse.  » . Sur ces mots, les murs de la pièces furent comme prit d'un oscillation, une vague parcourant le tour de la pièce, multiple battement d'ailes comme un cœur en action. Chaque pulsation était un écho aux paroles du médecin, changeant l'espace ou du moins le ressentit que celui-ci pourrait donner, donnant dans un premier temps l'illusion que tout deux ce trouvaient maintenant dans une verte prairie, assit devant leur table. « Voyez-vous, j'apprécies mes petits secrets, mais bien moins ceux des autres. Vous entendre me fait clairement penser que votre expertise médical est avéré, mais votre sincérité l'est d'autant moins. Que voulez-vous vraiment ? Qui que vous soyez ?  »