Les frasques de l’ancien Bijuu avait fait mal. Le repos avait été plus que nécessaire pour Ish’i qui avait pu récupérer de ses blessures et se restaurer en chakra. Il avait repris sa route de solitaire, puisqu’il en était un depuis la naissance après tout. L’humanité avait gagné. Mais jusqu’à quand ? Le psyché d’Ish’i changeait peu à peu. Avant cette aventure, il ne s’intéressait que rarement aux gens. Et depuis, bah il commençait doucement à se sociabiliser. Lui qui n’avait connu que les combats, les ravages de l’histoire et donc les guerres avaient éduqué Ish’i de sorte à ce qu’il ne partage rien, avec personne. Mais ce jour où l’humanité s’est souvenue …

C’est aussi le jour qui avait changé fondamentalement Ish’i au fond de lui. On ne ressortait pas d’une situation comme celle-ci, ou la mort avait permis une union si forte, sans aucune séquelle psychologique.  À l’intérieur de lui, il avait ressenti cet élan de patriotisme, cet amour pour la vie. Lui qui s’en foutait de mourir depuis son jeune âge, lui qui savait que la vie amenait inéluctablement vers la mort et que c’était impossible d’esquiver cela. Aujourd’hui, il ne réfléchissait plus vraiment de la même façon. C’était un nouvel homme, à l’intérieur, comme dans ses pouvoirs … Car oui, le déferlement d’énergie obscure l’avait changé à ce niveau-là aussi. Il avait embrasé encore et toujours plus qu’avant les préceptes de son clan et de son paternel.

Il avait marché pendant plusieurs jours jusqu’à arriver à sa destination. Après le combat, il avait discuté avec les personnes présentent à Chowa et avait eu vent d’une rumeur qui, au même titre que celle sur la monstruosité qu’il avait affrontée, se propageait rapidement. D’après certaines personnes, après une défaite face à un truc à la taverne aux bambous envoûtants, quelqu’un se sentait bizarre. Et cette rumeur, plus le temps passait, plus elle gagnait en écho. Il voulait savoir ce qui se tramait derrière tout cela. Ish’i n’était pas du genre, normalement, à prendre soin des autres, à les défendre. Malgré ça, il voulait savoir ce qui se tramait. Surtout qu’Âme était connu comme étant le pays de tous les dangers, de toutes les malices et de toutes les surprises. Peut-être que ce n’était rien, mais il voulait en avoir le cœur net. Il avait vu de ses yeux les ravages du chakra obscure dans l’organisme des hommes, il en était la preuve humaine.

Il avait complétement modifier son ADN, changeant son pouvoir clanique à tout jamais. La vérité se devait d’être connue. Pénétrant à l’intérieur de la taverne, c’était un endroit lugubre, mais scintillant aussi. Les gens ici n’étaient pas forcément de bonne foi, mais qu’était-ce la foi dans un monde aussi illusoire que le nôtre ? S’ils savaient qu’il y a quelques jours, ils avaient failli mourir … Enfin bref, il se dirigea directement vers le comptoir.

« Un verre d’eau l’ami … » Dit-alors Ish’i avant de regarder autour de lui. « J’ai entendu parler d’une défaite qui rend les gens bizarres après, t’as des informations pour moi ? »

Dit alors Ish’i tout en continuant de regarder autour de lui. Il avait posé la question au barman lorsque ce dernier lui avait ramener son verre. Il attendait une réponse, histoire de savoir à qui il avait à faire et s’il ne s’était pas tromper d’endroit.

Le regard fixe, Ish’i ne lachait pas des yeux son interlocuteur. C’était un ailuropoda melanoleuca, en d’autres mots, un panda. Pourquoi faire compliqué quand on pouvait faire simple après tout ? Bref, le Panda dévisageait Ish’i pendant de longues secondes avant de lui répondre avec un sourire sur le coin des lèvres qu’il voulait de l’argent. Ish’i s’exécuta. Lui qui était un habitué des tavernes d’après conquête, il savait pertinemment que les informations d’un barman valaient de l’or. Il lui donna ce qu’il attendait et rapidement, la langue du Panda se délia. D’après lui, une chose masquée gagnait son comptoir tous les soirs de pleine lune et commandait un verre de lait.

Déjà, cette information frappa les récepteurs cognitifs d’Ish’i. Qui, de nos jours, commandait du lait encore ? Et le barman continua encore et encore. De plus, d’après lui, cette chose proposait une partie de Poker d’as à qui voulait bien la défié. C’était donc ça la rumeur qu’Ish’i avait entendu depuis Chowa. Une partie de Poker d’as, qui se terminait, la plupart du temps, par une défaite qui rendait les gens qui venaient de perdre bizarre. Et alors qu’il allait le remercier pour ces informations, le barman panda le regardait droit dans les yeux avant de lui déconseiller de venir et de chercher à rencontrer cette chose. Le regard déterminé, Ish’i repartie sans dire un mot de la taverne. Malgré ça, le barman savait pertinemment qu’il allait revenir pour tenter de rencontrer cette chose.

Quelques nuits plus tard, c’était la pleine lune. Ish’i était resté dans le coin parce qu’il voulait aller au bout de ses recherches. Il voulait savoir ce qui se tramait réellement. Après ce qui s’était passé à Chowa avec le Bijuu, il voulait devenir plus fort et il savait pertinemment, lui qui avait passé sa majeure partie de sa vie sur les champs de bataille, que l’information était le nerf de la guerre. Et en termes d’information, Ish’i n’était pas très fort.

C’est pour ça qu’il avait pris la décision de faire quelque changement dans sa manière d’agir. Et le début du changement, son premier acte, c’était celui-là. Celui de découvrir ce qui se tramait ici. Le regard déterminé, Ish’i entrait dans la taverne. La pleine lune avait caressé sa chevelure déjà argentée tout le long de la route. Ses pensées étaient focus sur ce point précis. Qu’est-ce qui se passait ici ?

Une fois au comptoir, Ish’i regarda le Panda-barman droit dans les yeux. Ce dernier reconnu instantanément le Gekimetsu, il avait fait le lien, il savait pourquoi il était venu ce soir.

« Deux verres de lait l’ami … J’attends quelqu’un. »

Dit alors celui qu’on appelle Seito Geks. Il attendait l’apparition de la chose et lui avait offert un verre de lait. Comme dit précédemment, l’information était le nerf de la guerre. Il en avait profité pour l’utiliser, même si il en avait pas beaucoup.

La Destinée de Gekimetsu Ish’i se jouait sous le regard ominieux de l’astre sélénien. Attiré par l'appât du gain, le mort revenu à la vie n’écouta pas les recommandations du tenancier des Bambous Envoûtés - comme bon nombre de joueurs compulsifs avant lui. Le Panda géant expira un léger soupire, arrêta d’astiquer une chope et prépara le cocktail initiatique : deux verres de lait. Les secondes défilaient, les minutes passaient… Rien. Aucune apparition mystérieuse, pas de vent de panique ou d’onde de Chakra traversant le bar. Encore une fois, l’ailuropoda melanoleuca dû jouer les entremetteurs contre son gré et indiqua à son client qu’il devait boire, dans un premier temps, son verre de lait, ce qu’il fit, d’une traite.

Le soldat des légions désertique cercla sa tempe à l’aide de sa dextre. Acouphènes et vertiges le saisirent soudain. Il perdait le contrôle de son corps, à l’instar d’un homme ivre mort. Bien que l’homme se faisant appeler Seito Geks n’était pas de la caste des Dokueki, il savait que le lait n’était pas empoisonné. Il s’agissait d’autre chose… Sa vision devenait de plus en plus flou, tout son environnement semblait tourner autour de lui à une vitesse irréelle, même les mots du Panda semblaient lointains, inaudibles, provenant presque d’une langue étrangère. Ish’i se perdait dans plusieurs couches de songes entrelacés les uns aux autres.


Une mélopée occulte berça la proie en devenir. Ce sifflement, provenant du tréfonds des âges, hérissa tous les poils du bédouin. Le sang du Gekimetsu bouillait de l’intérieur, son système circulatoire tambourinait contre les vaisseaux porteur de l’Ambroisie : son âme était effrayée par l’apparition de cette Chose. Aussi fort était-il, aussi malicieux, hardi et courageux, une chape de plomb écrasait les épaules du nomade : ses propres émotions jouaient contre lui. Une constellation de pensées éclectiques dévoraient sa conscience : fuir, prendre ses jambes à son cou, prendre la poudre d’escampette, partir, s’envoler, se terrer sous le sol, se cacher, demander pardon, s’agenouiller, disparaître, mourir… Gekimetsu Ish’i avait peur, peur de l'irrationalité de cette rencontre, peur de ce qui allait poindre.

La porte de la taverne s’ouvrit dans un fracas assourdissant. Une forme humanoïde, vêtue d’une guenille composée d’ombres et de ténèbres, apparut. Dos à elle, les éléments se déchaînaient : une pluie quasi-infinie s’écrasait contre le sol dallé de l’Abondance, les cieux se zébraient d’éclairs et un vent puissant soufflait le décor. L’entité fit un premier pas pour pénétrer son repère. Le déchaînement climatique cessa d’emblée - comme s’il n’avait jamais existé. Deux pupilles vermillons, terrées dans le tissu crépusculaire, s’ouvrirent pour fixer le joueur.

L’adepte de la Révolution ne comprenait pas pourquoi il était le seul à transpirer, à trembler, alors que toute la taverne continuait sa petite vie : le tenancier continuait à essuyer ses échoppes, quelques hommes noyaient leur peine dans l’alcool et d’autres dansaient, rigolaient et jouaient aux cartes. Pourquoi la douce caresse de la Mort, qu’il avait maintes fois connue, devenait-elle si austère. Son regard bascula à nouveau vers la Chose, mais elle n’était plus là.

— Bienvenue dans mon humble demeure, Gekimetsu Ish’i.

Le murmure, dans le creux de ses oreilles, fit sursauter le moribond. Un long museau, couvert de poils et de vibrisses, pénétra son champ de vision. Il pouvait enfin voir de près ces deux pupilles sanguinolentes : la version originelle d’un dojutsu atrophié par la faiblesse de l’Humanité, le Ketsuryūgan. Le regard d’outre-tombe subjugua le mort-vivant ; Ish’i eut l’impression que le Grand Méchant Loup pouvait lire dans ses pensées, voir à travers son âme, et bien plus encore… Les lèvres de ??? s’arquèrent en un sourire qui dévoila les longues dents du canis lupus.

— Que devient Senju Kai, Tchiroxx ? Quelle idée de l’avoir abandonné pour ce guerrier muet.

Le murmure de ??? se fit entendre dans le creux de l’autre oreille. Le Fléau des ??? [cette information fut rayée d’une griffe par le Canis Lupus, lors de la rédaction de cet écrit] s’était déplacé sans exécuter de signes incantatoires et sans initier le moindre mouvement. Il apparaissait et disparaissait, à de multiples reprises, en gloussant et sifflant. Le ballet mortifère conduisit l'Émissaire à se positionner, plusieurs fois, devant les autres clients de la taverne, plongeant ses pupilles sanglantes dans celles des quelques humains incapables de le voir.  

— Tu te demandes qui je suis ? Oh… J’ai bien des noms. Certains m’appellent la Mort, la Grande Faucheuse, le Dernier Soupir, d'autres Kurayōrichūnin et selon les époques Daiyon, Daigo, Dairoku, Dainana, Daihachi, Daikyu… Une minorité m’appelle Frère et la majorité ne m’appelle pas.

La Mort s’installa aux côtés de son sujet, et s’adossa contre le comptoir, le verre de lait en main.

— Penses-tu pouvoir braver la mort, ô Tchiroxx ? Allons, je connais déjà la réponse. Jouons.

La Grande Faucheuse ne communiquait pas directement avec le réceptacle qu’elle avait devant les yeux. Inutile pour elle de se rabaisser à un tel stade. D’un claquement de doigt, Ish’i fut téléporté devant une table composée - à première vue - de Noroi cornu. Cinq dés humanoïdes, suppliant de mettre un terme à leur terreur, apparurent sur la table, ainsi qu’un verre provenant d’une ancienne corne de Noroi. Le deuxième claquement de doigt incrusta dans le cervelet de l’interface les règles du Poker d’As.

Les deux premières manches furent gagnées sans mal par le Dernier Soupir. Il dominait tellement ce petit homme que la somnolence commençait à gagner le carnassier. Un lourd bâillement résonna, alors qu’une larme de fatigue perla du coin de son œil. La décontraction apparente permit au fils de Rakuin d’emporter, consécutivement, deux victoires, égalisant avec la figure ésotérique. Tout allait se jouer dans cette dernière partie : Ish’i obtient une paire de 6 et le Grand Méchant Loup un brelan de 4. Encore une fois, la Mort triomphait de la Vie. Amusée par la remontée fulgurante de son pion, l’entité décida d’offrir un semblant d’espoir à son sujet. La Destinée, hélas, ne l’entendait pas ainsi et crucifia l’engeance désertique d’une double paire de 3 et de 5, hélas,

— Que tu es faible… Tchiroxx. Je te laisse trois nuits pour mettre la main sur un Coeur de Veilleur. En attendant, ton âme est mienne.

Tout le décor explosa en une brume frigorifiante, le sourire amusé de son vis-à-vis ne quittait plus ce faciès poilu. Le troisième claquement de doigt plongea la Plume Folle dans la torpeur. Il pouvait entendre, au loin, le rire gras de Celle qu’il n’avait pas battu. Ish’i se réveilla au petit matin, la marque du comptoir en bois barrant la moitié de son visage. Pour le commun des mortels, il n’avait pas supporté le lait et s’était endormi toute la nuit. Sa vie était désormais comptée : il lui fallait découvrir la localisation d’un Calice, y pénétrer, puis triompher de son Veilleur pour rester en vie. A défaut…

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