Le destin était capricieux. Des années plus tôt, l’enfant de l’os avait réussi à déjouer une attaque maritime sur l’archipel de Mizu, en compagnie d’un manipulateur glacial. À nouveau, le « Capitaine » du Pavillon d’Ivoire – hélas sans navire, détruit il y a peu de temps par la terrible baleine géante Yûmakujira – dut exploiter ses talents de marin, et de chasseur de primes, pour venir à bout d’une menace endogène.

En effet, ce fut une petite ligne sur le contrat, mentionnant la participation de Spectres de la Nécropole Stygienne, qui aiguillonna l’intérêt du Mizujin. Comment ces esprits possesseurs avaient-ils pu quitter leur prison labyrinthique pour rejoindre la surface ? Il ne connaissait qu’une entité ayant accompli cette prouesse : Le Vestige. Ainsi, le balafré savait pertinemment – du fait de son expérience personnelle, lors de son errance troglodyte, encore tout jeune – que les esprits avaient dû posséder des corps pour accomplir leur miracle.

— Alors, c’est vous les renforts ?!

Le Despote avait tenté de refuser la participation de mercenaires étrangers pour résoudre ce souci croissant. Ainsi, Uhen s’était précipité sur l’occasion pour garantir une gestion maîtrisée du problème, selon les mœurs de l’Eau – tout en finesse. De surcroît, à ses côtés, il pouvait compter sur les talents martiaux du jeune Chinoike Issei, avec qui il s’était lié d’amitié. Ensuite, il profitait de la compagnie d'un second Capitaine, Yuki Seijirô, avec qui il avait pourfendu nulle autre créature que le Yûmakujira. Enfin, il apprit que les deux autres Éveillés, accompagnant le trinôme de Mizujin, venaient tout droit du Pays en Ruine – dans le camp de ceux qui voulaient aider le peuple meurtri. Cette nouvelle rassura l’adolescent, qui s’impatientait déjà à parcourir l’horizon.

Lors de ses pérégrinations aux quatre coins du Continent, Uhen avait pu mettre la main sur une drôle de cape nivéenne, récolté sur le cadavre d’un criminel traqué. Ayant compris la faculté de l’artéfact de court-circuiter les énergies néfastes du monde, l’enfant de l’os se dit que cette aventure était l’opportunité parfaite pour tester une nouvelle hypothèse sur les Spectres. Étaient-ils composés de chakra obscur ou naturel ?

— Moi, c’est Uhen ! U-hen. Ça veut dire « droite ».

Le Mizujin se désigna du pouce, un grand sourire aux lèvres. Il n’avait qu’une seule hâte : mettre les mains sur un gouvernail, et sentir le vent marin. Le gardien de l’Eau, encore une fois, mêlait l’utile à l’agréable en défendant ses propres terres. De quoi grimper dans l'estime de son très cher papounet d'adoption, et de le convaincre de sa sacro-sainte utilité – DANS TOUS SES PLANS.

— Issei, Seiji, je suis trop content de vous revoir ! La mer me manquait ~

Dans les profondeurs silencieuses de sa chambre à Hametsu, Ryoken contemplait l'éclat de l'aube se glissant à travers les interstices de sa fenêtre. Le monde extérieur semblait s'éveiller lentement, ignorant les tumultes qui se tramaient en son cœur. La mission qui s'annonçait n'était pas une simple tâche ; c'était un appel vers l'inconnu, un défi jeté à la face de l'obscurité marine. Avec chaque souffle, il se remémorait le chemin parcouru, les cicatrices qui jalonnaient son corps, témoignages muets de batailles passées. Mais aujourd'hui, une nouvelle page s'apprêtait à s'écrire.

Quittant Hametsu, le fief qui l'avait vu grandir depuis son exil du pays de la terre, Ryoken se dirigeait vers Mizu no Kuni, le cœur battant d'une détermination froide. L'air frais du matin caressait son visage, comme pour lui rappeler la liberté pour laquelle il s'était tant battu. La route vers Mizu était longue, chaque pas le rapprochant de l'affrontement imminent avec des forces que même les récits les plus fous peinaient à décrire.

Lorsqu'il rencontra enfin Uhen et les autres, Ryoken mesura immédiatement la diversité de leurs origines. Il y avait là une richesse, un mélange de compétences et d'histoires personnelles qui, s'il était correctement harmonisé, pouvait devenir leur plus grande force.



Se présenta-t-il, sa voix portant le poids de son expérience. Derrière cette façade stoïque, un esprit vif analysait déjà ses nouveaux compagnons, cherchant à comprendre leurs forces, leurs faiblesses, et comment ils pourraient s'unir pour surmonter l'adversité.



Ryoken observait Uhen avec un intérêt mesuré. Il percevait chez ce jeune homme une assurance et une confiance naturelles, propres à ceux qui ont hérité de la responsabilité de guider les autres. Ce trait de caractère était quelque chose que Ryoken respectait profondément, bien qu'il sache que son propre chemin avait été pavé d'isolement et de méfiance envers ceux qui prétendaient diriger. Cependant, dans la situation actuelle, face à une menace inédite et potentiellement dévastatrice, Ryoken reconnaissait la nécessité d'une figure de proue autour de laquelle rallier les forces.

Malgré cela, une partie de lui restait en retrait, se méfiant de la facilité avec laquelle certains pouvaient accorder leur confiance. Ryoken avait appris, souvent à ses dépens, que chaque choix, chaque alliance formée pouvait avoir des conséquences imprévisibles. Cette mission, cette réunion forcée d'individus aux objectifs potentiellement divergents, n'était pas différente. Pourtant, il comprenait aussi que la réussite de leur tâche nécessitait une unité d'action, même éphémère.

Ryoken se tenait à l'écart, ses pensées vagabondant entre le passé et le présent, entre les ombres de sa propre histoire et la lumière incertaine de l'avenir. Il savait que chaque membre de leur petit groupe apportait son propre bagage, ses propres talents et ses propres fantômes.

Du fin fond de son bidonville, le jeune homme, de par son activité de mercenaire apprend rapidement les nouvelles. Il y a plusieurs pays qui recherchent des mercenaires, mais il n’y a réellement qu’un contrat qui intéresse notre martialiste. En tant que curieux, il se doit d’aller à Mizu, combattre des créatures sortant presque de légendes, afin de savoir leurs origines, peut-être. Surtout, c’est l’une des rares missions où pour une fois, l’affrontement devrait se faire contre des choses et non contre des êtres humains.

Le voyage depuis Hametsu dure plusieurs semaines, passant par plusieurs pays qu’il a déjà visités par le passé. Le pied marin ? On peut dire qu’il l’a, vu que la mission devrait se passer en grande partie sur la mer. Il n’y a pas mis souvent les pieds, mais les voyages sur de longs fleuves, dont quelques rares missions, ça, il a pu en faire. A son arrivée, vêtue de sa tenue habituelle, il salue respectueusement les autres mercenaires qui sont déjà là, attendant que tout le monde arrive avant de prendre la parole à la suite d’un jeune garçon nommé Uhen et d’une vieille connaissance du pays en ruine, Ryoken.

   

Autant préciser que Fuji n’est pas du genre très patient, à traîner autour du pot. Il sait malheureusement, avec le temps et l’expérience, qu’il devra peut-être tôt ou tard compter sur ces camarades de missions pour lui sauver la peau ou l’aider dans un moment difficile. Il préfère leur montrer patte blanche rapidement, briser la glace, pour leur montrer sa bonne foi, sans pour autant se dévoiler entièrement naïvement, si jamais parmi ses compagnons temporaires veulent lui faire à l’envers.

En soit, il leur a tout dit sur lui. Il est bon en Taijutsu, il sait se battre, le katana à sa ceinture peut en témoigner. Pourtant, que ce soit son long manteau, son chapeau ou le fait qu’il ne précise pas son clan de naissance, prouve qu’il ne veut pas en dévoiler trop non plus. Il vient ensuite se mettre de côté, afin de laisser la place à la prochaine personne qui souhaiterait prendre la parole.

L’appel de la mer l’avait mené jusqu’ici.

Sur l’archipel, les disparitions en mer étaient fréquentes, mais jamais très inquiétantes. Elles ne servaient qu’à alimenter les contes et légendes des marins pour effrayer les moussaillons. Il était clair qu’ici, la menace était clairement identifiée. Il avait fallu que le despote se sente menacé pour que la traque soit menée. Cependant, bien que la fierté du peuple de l’Eau était tenace, les corsaires avaient besoin de renfort.

Autrefois capitaine, ayant perdu son navire et son équipage dans une attaque en mer, Seijirô ne pouvait qu’accepter cette mission périlleuse. S’il avait bien failli y passer lors de sa dernière traque de monstre, il avait tout appris de son expérience. Il ne commettrait pas les mêmes erreurs. Le Yûmakujira qu’il avait chassé avec Uhen n’était qu’un avant-goût. Après avoir interrogé le Harponneur, un dangereux braconnier, ils avaient appris qu’il existait bien d’autres menaces arpentant les eaux du Continent.

— Moi, j’ai une objection.
Répondit-il au Bakushô en faisant calmement son entrée. Briser la glace, c’était son domaine. L’allure froide du pirate cuirassé aurait pu donner un indice sur l’identité du Yuki, qui ne prit pas la peine de se présenter aux mercenaires présents à bord. Il avait l’habitude de perdre ses équipiers, se présenter était donc une perte de temps à ses yeux. Finalement, il se tourna vers Uhen qu’il retrouvait pour cette nouvelle quête spectrale. Ensemble, ils avaient déjà traqué et chassé dans les mêmes conditions.

— Jolie cape, tribord. J’ai toujours pensé que tu étais un bon pirate.
Dit-il à son partenaire de longue date, employant un petit surnom équivoque. Il ne pouvait vraisemblablement plus le qualifier de gamin, si ? À l’image du chapeau pirate, dans la marine, les capes étaient réservées au capitaines.

L’autre homme au chapeau pointu était Yaban Fûji, qui avait exposé ses atouts et ses faiblesses à tous. Une honnêteté peut-être indigne d’un pirate. Quoi qu’il puisse dire, il n’y avait qu’en le voyant à l’œuvre au combat que Seijirô pourrait jauger sa valeur. Il y avait également cet enfant, bien trop jeune pour combattre. Issei, un senseur. Il semblait l’avoir déjà vu, le protégé de Jotaro. Ainsi, ce serait une équipe composée d’un représentant de chaque clan de l’Eau : un Chinoike, un Kaguya et un Yuki.

Seijirô avait toujours été un homme de foi. Il avait foi en la mer, mettant constamment sa vie à la merci des vagues et des divinités marines. Depuis son rapprochement avec Garan, le pays des Monastères, il avait pactisé avec eux, sans pour autant partager leur adoration pour l’Empereur-Roi. Il se demandait s’il pouvait croire en l’existence de ce navire fantôme. Il lui fallait le voir de ses propres yeux, ou plutôt de son propre œil.

S’avançant sur le pont, l’ex-amiral de la marine Mizujine scruta l’embarcation.
— Bien. Quelqu’un devrait nous attendre à bord, à moins qu’ils ne nous lèguent la direction du navire, ce qui serait surprenant…

Ce navire devait appartenir à quelqu’un, et un capitaine n’abandonne jamais son navire, à moins qu’il ne soit mort. Peu importe, il était temps de larguer les amarres.

La petite troupe de vainqueur arriva sur place. Cinq hommes au courage immense. Des shinobis d’exceptions qui n’avaient peur de rien ni personne. Mais est-ce que des Shinobis avaient les épaules pour faire face à une menace chimérique comme celle-ci ? Au loin à l’horizon, vous pouvez brièvement apercevoir une baleine blanche gigantesque qui fait surface et replonge dans l’eau. Dans le ciel, des mouettes qui chantent en volant à basse altitude.

Le Kaguya se sentait capitaine. Il avait pris les devants, tentant tant bien que mal de s’affirmer. Le manieur d’os voulait la réussite de cette mission coute que coute. Et surtout, il voulait savoir si sa cape allait l’aider face aux spectres qui l’attendaient en mers … Jeune guerrier de calcium, crois-moi, en mers il n’y a que toi et le bruit des vagues pour te bercer.

Le Yuki, lui, montrait du respect pour ses équipiers. Ah les pirates, ce n’était plus ce que c’était hein ? Comment un fier guerrier de la glace pouvait avoir du respect pour des non-initiés aux manœuvres maritimes ? Et surtout, comme il pouvait accepter sans broncher, le fait que c’était le manieur d’os qui était le capitaine de cette mission ? De mon époque, les Yuki avaient plus de fierté. Tsss. Quelle époque ! Rien dans le froc ces jeunots.

Et toi le Bakusho, qu’est-ce que tu foutais ici ? Tes explosions ne serviront à rien dans l’abime océanique. Tes implosions ne te créeront pas de l’air dans les profondeurs de l’eau. Et aussi, ton âme ne sera pas purgée par la détonation qu’amènera ta mort. Après tout, fait moi avoir tort moussaillons. Poséïdon te regarde te dirigeant vers le creux des vagues de son estomac.

En ce qui concerne le Yaban, tu faisais la fierté de ton clan, toi ? Un mercenaire comme toi, fiers, qui n’hésitait pas à parler de ses forces, de ses faiblesses dès la présentation ? Yaban Riku t’aurais giflé pour moins que ça ! C’est la première fois que mes yeux rencontrent une créature comme toi. Mercenaire dans l’âme, pipelette dans l’action. J’espère que tu te bats comme tu parles, surtout que « tu es bon dans ce que tu fais » non ?

Et le dernier de la bande de joyeux lurons. Issei c’est ça ? T’es mignon tu sais ? Tu penses réellement pouvoir sonder la mer dans sa globalité pour prévenir tes copains des menaces ? Penses-tu réellement que les menaces de cet océan peuvent être détecter grâce à ton pouvoir ? Comme on dit chez moi moussaillons, l’océan possède différentes vagues à différents temps. Ce n’est qu’en tentant qu’on se rencontre et qu’on se rend compte. Non ?

Vous êtes cinq sur ce bateau n’appartenant à personne. Selon vous.
Un homme apparait derrière vous. Il est habillé d’un bleu de travail, d’un marcel blanc sur lequel vous pouvez distinguer trois initiales « S.C.N ». Vous ne comprenez pas directement, mais il vous parle rapidement.


Il est très remonté. Si vous pensiez qu’avoir un navire était simple, vous vous trompez. La mission commence directement ici.

— S’il faut un guide, je laisse volontiers ma place éphémère à ce très cher Seijirô ! Je ne suis qu’une pâle version de lui, en comparant nos deux expériences. Et merci pour le compliment, Capitaine ! Je l’ai trouvée dans un Donjon Calice, il y a peu. Le blanc m’a toujours allé à merveille.
— Du blanc… une vraie faute de goût.

Le groupe constitué, il ne restait plus qu’aux cinq Éveillés de revendiquer un navire et partir en mer, afin de traquer l’équipage fantôme du Yūreisen (幽霊船, Navire Fantôme), et son Kraken géant de compagnie. Grâce à son Pacte tissé avec Kiribukai, l’enfant de l’os fit aussitôt la connexion entre le Seigneur Pirate et le Poulpe. Ce qu’il s’empressa de dire à ses collègues, pour les prévenir du danger à venir.

— En tant qu’adjoint au capitaine, voici vos informations, moussaillons : nous traquons un équipage de monstres hybrides, mi-homme, mi-poisson. Des chimères, possiblement nées à cause de la possession de Spectres de la Nécropole Stygienne, si la rumeur est vraie. Deux choses : ces créatures pourraient être dotées d’au moins une vie d’expérience, du fait de leur possession fantomatique éventuelle ; et le Kraken qui semble être apparu sur l’archipel de l’Eau pour assaillir nos rives est sans doute le compagnon animal de la cible du Despote. Donc : c’est un Éveillé. Donc : c'est un humain. Donc : il peut mourir ! J'ai hâte de le rencontrer ~

Uhen leva son index en l’air.

— En entremêlant toutes ces rumeurs et hypothèses farfelues, il est fort possible que ce Shiki soit le responsable de la libération des Spectres des grottes aqueuses. Mais j’ai une carte cachée dans ma manche. Faites-moi simplement confiance. J’aimerais discuter avec l’équipage à leur rencontre.

L’enfant de l’os fit un clin d'œil complice à Issei. Le jeune Chinoike savait pour l’existence du Vestige.

— Intéressant. Mais comptes-tu vraiment sur leur allégeance ? Les Spectres sont tous des prisonniers du temps ; des âmes errantes. Je ne suis Roi que par mes mille et une vies. Personne n’a prêté serment.

Enfin, un drôle d’autochtone dérangea l’osmose de l’escouade pour dénaturer les sacro-saintes règles de la syntaxe. Le Mizujin lui fit un grand sourire de politesse, pour ne pas le juger. Mais il comprit, néanmoins, chaque mot de sa phrase… abîmée. De multiples patois s’entredéchiraient, sur les pontons de l’Épave Hurlante. Ça n’était qu’un marin comme un autre. Corsaire ou Pirate.

— À vous l’honneur, Capitaine ! Je vais prendre l’air ~

Uhen laissa le Yuki et ses compagnons essayer de convaincre l’énergumène. Une information avait aiguillonné sa curiosité maladive : « Il est même po fini ». Parlait-il du navire ? Par conscience professionnelle, et besoin de s’occuper les doigts, le balafré se balada d’abord sur le pont, puis dans les étages inférieurs du bâtiment, afin de déceler les failles de son architecture.

La petite expérience du Mizujin, en matière de charpente artisanale, posa ce constat : le navire était prêt à prendre le large, mais bien trop fragile pour affronter les dangers du Chakra. Ce qui était, à bien des égards, une très bonne nouvelle. Remontant sur le pont, il prévint ses collègues pour leur transmettre ses observations, et s’en alla directement vers l’avant du bateau pour commencer à sublimer le navire de guerre en devenir.

— Il manque un petit quelque chose…

Composant des signes incantatoires – et considérant, de ce fait, que le navire leur appartenait déjà – Uhen prolongea son ossature vers la surface de l’eau. Alors, son réseau calcique lova la coque, formant une pièce osseuse à angle aigu, un bord tranchant à quelques mètres au-delà le bâteau, à l’image d’un brise-glace prêt à séparer la banquise en deux. Ainsi, le « Super Bateau » – comme il l’avait déjà baptisé intérieurement – était capable d’exécuter des attaques frontales, et de fendre la mer en deux.

— Voici pour le potentiel offensif ! Ça donne quoi, de votre côté ?

Uhen se tapota les lèvres, perplexe.

— Je verrais bien une sirène en figure de proue…

Résumé :

Alors que le groupe hétérogène se forme sur le quai, Ryoken observe attentivement ses compagnons d'aventure. Il connaît déjà Fuji de Hametsu, un lien qui lui rappelle la complexité des relations dans le monde des mercenaires. Les autres, des étrangers, portent avec eux des histoires non dites et des intentions cachées. Ryoken, toujours prudent, choisit de ne révéler que son prénom, laissant son passé et ses véritables capacités enveloppés dans le mystère.

Ryoken observait la scène, écoutant attentivement la proposition du jeune Uhen et les réactions des autres membres de leur troupe hétéroclite. La présence de cet homme remonté, clamant des droits sur le navire qu'ils comptaient utiliser pour leur mission, n'était qu'un obstacle de plus à surmonter. Ryoken avait l'habitude de faire face à des situations bien plus périlleuses, et celle-ci ne semblait pas devoir déroger à la règle.

Seijiro, avec l'assurance d'un leader né, prend les rênes, mais Ryoken reste en retrait, préférant observer et évaluer, laissant au leader le soin de montrer au groupe de quelle argile il pouvait les surprendre.

Le pont du navire résonna des pas déterminés de ses nouveaux occupants, chacun plongé dans ses pensées et stratégies. Ryoken, observateur et calculateur, analysa le groupe formé autour de l'objectif commun : traquer le Yūreisen et ses horreurs des abysses. Tandis que Seijiro s'imposait avec naturel comme une figure de proue, Ryoken resta stratégiquement en marge, le regard perçant, scrutant les vagues à l'horizon comme les intentions de ses compagnons.

L'initiative de Uhen, modifiant le navire avec une maîtrise osseuse remarquable, n'échappe pas à Ryoken. Un murmure d'admiration s'échappe de ses lèvres tandis qu'il descend dans les entrailles du bateau, là où le bois craque et le secret de fabrication des armements de son clan restèrent à l’abri des regards. La cale, avec ses ombres et ses échos, devient le théâtre de sa propre contribution.

Devant une caisse vide, il laissa l'argile prendre forme sous l'impulsion de son chakra Bakuton. Poissons, oiseaux, chaque sculpture fut un arsenal en puissance, une promesse de destruction maîtrisée. Ces créations n’étaient pas de simples explosifs ; elles étaient un gage de puissance, un avertissement muet à quiconque oserait trahir leur fragile alliance en les mettant en danger. Mais aussi, une démonstration de solidarité, offrant au navire des défenses supplémentaires contre les menaces encore voilées par le mystère de l'océan.

Remontant sur le pont avec sa caisse désormais pleine, Ryoken ne cacha pas son œuvre. Les formes d'argile, patiemment alignées dans la caisse, furent visibles de tous, témoignage de son habileté et de sa détermination.

"Pour le potentiel offensif," commença-t-il, répondant à l'interrogation silencieuse de Uhen, "nous ne manquerons pas de ressources." Son regard balaya l'assemblée, marquant une pause sur chaque visage, une invitation muette à reconnaître et respecter la menace qu'il représente, mais aussi la protection qu'il offre.

Alors que le vent s'engouffre dans les voiles, poussant le navire vers l'inconnu, Ryoken prit la parole, sa voix portant au-dessus du murmure des vagues.

"Comme Uhen l'a montré avec son ingéniosité, nous avons tous quelque chose à apporter. Partageons nos capacités, nos savoirs. Ensemble, nous pouvons élaborer des stratégies qui nous mèneront à la victoire, peu importe ce qui nous attend dans les profondeurs."

Son ton était celui de la raison, un appel à l'unité face à l'adversité.

Ryoken se tient là, un homme parmi d'autres, mais porteur d'un message clair : dans l'union de leurs forces réside leur meilleure chance. Il regarde ses compagnons, les invitant à voir au-delà des différences, à reconnaître dans chaque capacité un maillon essentiel de leur succès commun. L'aventure qui les attend est semée de dangers, mais ensemble, ils sont prêts à affronter les tempêtes et les monstres, armés de leurs talents uniques et d'une détermination inébranlable.

Il avait visé juste. L’embarcation n’était pas sans maître, et ils allaient devoir négocier pour larguer les amarres du rafiot et prendre la mer. L’homme qui se présenta à eux était une sorte de marin mal luné. Les dents pourries, c’est à peine s’il pouvait s’exprimer. Seijirô tenta de déchiffrer son baragouin, comprenant qu’il ne les laisserait pas partir si facilement. C’était pittoresque.

— Nous avons été envoyés par le despote lui-même, nous avons toutes les autorisations nécessaires pour réquisitionner ce navire.

Mentit-il sans vergogne. [1] Il avait assez fréquenté les ports de Mizu pour qu’un vieux requin ne lui dise quoi faire. D’ailleurs, le jeune garçon s’était enquit de convaincre le marin lui aussi. Il se targuait d’être le fils de la secrétaire du despote, une bien mauvaise idée devant un pirate au mieux incrédule, au pire vindicatif. En effet, s’il voyageait toujours seul, Seijirô se demandait comment le petit avait échappé aux enlèvements contre rançon et aux prises d’otage. Quoi qu’il en soit, cette honnêteté ne les avait certainement pas aidé, au contraire. Qui laisserait son bateau à des mercenaires pour une mission périlleuse ?

— Ce que veut  dire le petit, c’est que nous allons nous saisir de ce vaisseau, que vous le vouliez ou non. Si ça ne vous plaît pas, vous n’avez qu’à vous en plaindre à Tachibana Ôjin.

Ajouta-t-il en posant sa main sur la tête du Chinoike, le poussant ainsi discrètement derrière-lui, non pas sans lui jeter un regard noir de son œil unique. À en juger par sa naïveté, il ne le pensait pas capable de se défendre en cas d’attaque. Il se demandait d’ailleurs ce qu’il faisait là, ils ne partaient pas en croisière et ce n’était pas une mission d’escorte. Mizu n’avait donc pas d’autres hommes capables de faire face à cette menace pour envoyer un enfant ? Avait-il été emmené par Uhen ?

— Regardez donc, nous avons déjà rafistolé votre épave. Nous vous la rendront dans un bien meilleur état qu’à l’origine. Et qui sait, peut-être oublieront-nous quelques pièces d’or à l’intérieur.

Encore un mensonge, ils n’avaient aucun argent sur eux. De leur côté, ses équipiers s’étaient chargés de renforcer et d’armer le navire. Cependant, le renforcement osseux apporté par le Kaguya, en plus d’être horrifique, laissait quelque trous dans la coque. Posant sa main sur celle-ci, le Yuki généra une vague de froid qui enveloppa la coque du bateau, durcissant pour créer un ciment de glace qui combla les interstices osseux. [2]

— Bien, allons-y. Et… ne tentez pas de nous suivre.
À ces mots, Seijirô qui poussait encore Issei vers le bateau en le tenant par l’épaule se retourna vers le marin d’eau douce, reposant sa main sur la coque du bateau. Un chemin de glace se condensa alors, libérant une fumée froide et se dirigeant jusqu’au fauteur de trouble pour enfin l’attraper. En un instant, la glace s’empara de lui, l’enveloppant pour immobiliser son corps tout entier. [3]

— Pas de panique, la glace fondra d’ici quelques heures. Évitez simplement de bouger, ça vous briserait les os.

Sans faire état de l’homme qu’il venait de tromper de sang froid, profitant de sa bêtise supposée, il embarqua finalement à bord du bateau avec l’enfant du sang. Après tout, sa relation avec son pays natal restait conflictuelle. Le capitaine n’avait pas de réputation à préserver, rien à prouver. Tout ce qui l’intéressait était l’argent et la conquête de nouveaux territoires pour impressionner son clan.

— C’est réglé. Nous pouvons lever l’ancre et mettre les voiles.
Informa-t-il son équipage. Ils n’avaient pas besoin de figure de proue, car leur bateau serait certainement endommagé durant la bataille.

Résumé:

Le groupe vivait bien. Cependant, il n’y avait pas de décision prise en conseil. Rien, mise à part des actions personnelles sans réelle cohésion. Pour faire face à un homme seul, cela suffisait. Face au Kraken c’est moins sûr.

Pendant que trois du groupe restaient devant le matelot sans dents, le Bakusho ainsi que le Kaguya disparurent. Le manieur osseux eu le bon réflexe d’aller prendre connaissance du manque de finition sur la coque du navire pour prévenir ses camarades. Auquel cas, au départ, peut-être qu’une violente tempête aurait serait venu à bout de vous, qui sait ? Le Bakusho aussi eut la bonne idée de s’occuper de l’offensive. C’était exactement le rôle qu’il allait sûrement devoir jouer si bataille navale il y avait.

En ce qui concerne la négociation, elle se conclue rapidement. L’homme en face des trois hommes n’avait pas du tout cru l’équipage tout juste formé. Le fils Chinoike avait décidé d’être honnête et de délier sa langue tandis que le capitaine Yuki avait mentit. Dans chaque action réside une once de chance, mais dans les actions combinées, laisser cette part de chance était une bonne idée selon vous ? Parlez avant d’agir ! Cela vous aurait peut-être valu le fait d’esquiver une mésentente banale comme celle-ci. Et en parlant de banalité, le capitaine manieur de glace enferma son homologue dans de la glace pour s’emparer du navire après avoir consolider la coque. C’était peut-être lui le tout terrain de cette mission, non ? Son pouvoir, malgré qu’il soit éphémère, pouvait aider grandement les autres.

« REVENEEEEEEEEEZ BANDE D’ESCARGOTS D’VOS MORTS !!! J’VAIS VOUS APPRENDRE MOI A VOLER MON RAFIOT !! EH ! EH ! JE VOUS PARLE ! JE.. »

Vous avez donc décider de renforcer & de voler ce navire.

Plus vous vous éloignez, plus vous entendez les cris de l’homme bloqué dans la glace du Yuki. Son patois vous hantera pendant de longues minutes après avoir levé l’ancre tellement les mots difforment apportaient des maux à vos tympans. La mer était calme. Une légère brise venteuse caressait votre peau tandis que le temps, lui, défilait rapidement. Le soleil se coucha, la mer commença doucement à s’agiter, mais sans plus. Pour les plus craintifs, cela signifiait une nuit de sommeil en moins à cause des secousses créées par les vagues frappant la coque. Pour les plus aguerris, comme le capitaine par exemple, dormir sous ces conditions n’étaient pas un problème. Et puis une autre journée passa. Chacun commençait doucement, mais sûrement, à s’habituer à son rôle dans l’équipage. Le Bakusho pour l’offensive, le Yuki en capitaine, le Chinoike en éclaireur et le Kaguya et Yaban en homme de main prêt à tout pour protéger le navire. Et puis la nuit d’après, une plus grosse tempête éclata. Cette fois-ci, personne ne pouvait réellement fermer l’œil. Le bateau tanguait de gauche à droite dans un mouvement frénétique dont seul le vent puissant avait le secret. La proue du navire pour l’instant sans nom bougeait elle aussi dans des mouvements rapides de haut en bas. La coque, renforcée grâce à vos talents, glissait sur les vagues gigantesques sans perdre la moindre parcelle de vitesse.

Avec un capitaine aussi expérimenté que le vôtre, vous saviez pertinemment que perdre de la vitesse en plein milieu d’une tempête de cette envergure était synonyme de mort. Et même si la pluie frappait le ponton de toute sa colère, il n’y a que le ciel et non vos familles qui pleureront pendant cette nuit-là.

Vous traversez la tempête grâce au renforcement du navire.

Et ce n’est que le lendemain au petit matin que vos iris pouvaient aisément caresser le tableau qui se peignait devant vous. Vous étiez arrivé à destination : Zenshou (前生. Litt. L’île des vies antérieurs). Cette île était connue pour son marché aux poissons et surtout pour les différentes échoppes de troc qui arpentait ses ruelles étroites. Ici, rien n’était interdit, tout était autorisé. C’est le point de ralliement des pirates et autres hors la loi. Ici c’était la loi du plus fort qui s’appliquait. Les voyageurs qui avaient foulé de leurs pas cette île l’appelait « l’île de la Tortue ». Elle portait ce surnom parce que, comme la carapace d’une tortue, les violents orages rendant la navigation difficile jusqu’à elle créait une sorte de carapace pour le monde extérieur. Soyez fiers de vous matelots, vous êtes de ces rares personnes qui vont fouler ces terres !

Le petit village au bord de la plage muni d’un port était sur votre droite. C’était le point central du commerce. Vous pouvez acheter ce qui vous semblera judicieux pour la suite, tout comme acheter des informations sur vos cibles. Un peu plus loin sur votre droite une montagne avec ce qui semble être une habitation esseulée au point le plus culminant.


Sur votre gauche, la plage et ses grains de sable que le soleil a fait doré ! C’était une île modeste où le port n’était pas assez grand pour pouvoir réceptionner un navire comme le vôtre. Il fallait donc trouver un endroit tranquille où amarrer. Peut-être quelque part plus à l’abris des regards ?

Vous saviez pertinemment que votre mission devait commencer ici, sur cette île, puisque d’après les informations les pirates fantomatiques s’était rendu ici pour une raffle. C’était donc le point de départ de votre enquête. À vous d’aller chercher des informations.

Spoiler:

Une fois le navire caché à un endroit idéal, par les soins des compagnons de l’enfant de l’os, celui-ci s’enquit à marcher en direction du port principal de Zenshou. Du fait de ses origines, ayant grandi sur l’archipel, le Mizujin avait déjà tant entendu parler de l’Île de la Tortue. Tous les plus grands pirates étaient déjà passés par là, au moins une fois dans leur vie ! Même le Despote lui-même y avait fait ses premières armes, avant de prendre le contrôle politique du « Pays » de l’Eau. Du moins, c'étaient ce que les rumeurs racontaient sur son passé.

Uhen se souvenait d’ailleurs d’un endroit emblématique : une taverne prestigieuse, dans laquelle l’un des murs était recouvert de signatures de joyeux forbans. Ni une, ni deux, l’apprenti pirate décida de foncer en direction de la « Fortune de Mūn », en prévenant évidemment ses confrères avant de les quitter. Il se fichait guère d’être suivi ou non par ceux-ci. Le Kaguya pouvait très bien assurer sa propre sécurité. Surtout que Kiribukai n’était jamais bien loin, pour apparaître d'un simple sceau, et pour s'imposer de par sa seule carrure.

— Yaaaarrrrrhhhhh !

Uhen se balada en trottinant sur le ponton du port, un grand sourire naïf sur les lèvres. Ce décor le plaisait. Ces étals de poissons à perte de vue ; ces odeurs pestilentielles de sueur, de crasse et d’iode ; ces échoppes où l’on troquait à tout va, en échange de sequins officieux, à la recherche de produits rares – pour ne pas dire illégaux. Il y avait là une sensation organique de liberté. Dans une autre vie, le Mizujin aurait fait un parfait corsaire.

Alors, il ouvrit la porte de la Fortune de Mūn en grand. Tous les regards patibulaires se retournèrent vers lui. Mais lui, n'abandonna pas sa sacro-sainte bonne humeur.

— Quoi ? Vous voulez un autographe du prochain Seigneur des Pirates ? Hahaha ~

D'un air assuré, faisant de grandes enjambées vers le Mur, le Kaguya fit pousser la phalange distale de son index. Il utilisa alors ce crayon calcique pour graver, à son tour, son empreinte sur le mémorial.


Certains devaient sans doute le connaître. Il fallait dire qu'il avait fait parler de lui, sur l'archipel. Un Kaguya inutile ayant appris, du jour au lendemain, et ce après une sordide errance dans les cavernes souterraines, la maîtrise parfaite de l'ostéogenèse. Quelques bruits de couloir mentionnaient même la possession de ce dernier par le Spectre d'un ancien Kaguya de la Nécropole Stygienne – seule explication pour un tel soubresaut de puissance. Mais était-ce vrai, au moins ? Où se traçait la limite entre fiction et réalité ?


— D'ailleurs... les rumeurs parlent de Spectres qui se seraient fait la malle... ? Ça m'intéresse.

Le Kaguya possédé se retourna vers son audience, et se rapprocha de la première table à portée. Il offrit un énorme sourire – mêlant sincérité, naïveté et gaieté – aux spectateurs du premier rang.

— J'aimerais beaucoup rencontrer cet « équipage fantomatique ». Pas vous ?

Résumé :

Le soleil se levait et baignait le navire d'une lumière éclatante, rythmant le début d'une journée cruciale pour Ryoken et ses compagnons temporaires. Alors qu’une partie du groupe se préparait à s'aventurer sur l'île de Zenshou, Ryoken, l'artisan de l'explosion, choisit de rester en retrait, assumant la garde du navire pendant leur absence.

"Écoutez," commença-t-il, attirant l'attention de ses alliés de circonstance.

"Je resterai ici pour veiller sur notre embarcation. Au moindre signe de danger ou si vous vous retrouvez dans une situation délicate, utilisez ces charges explosives."

Il distribua à chacun une petite sphère d'argile qui n'était pas destinée au combat mais à la signalisation. Un dérivé de sa dernière création, capable de s'activer sans aucun mudra de sa part, une pépite de technologie.

"Lancez-en un aussi haut que vous le pouvez et atteignez le avec un kunai ou autre objet. Ca provoquera une explosion que je saurai reconnaître entre mille, je verrai le signal et viendrai vous extraire par les airs. Je ferai de même si je constate que le navire court un trop gros danger pour le couvrir par nous mêmes, alors restez vigilants."

Son ton était ferme, marqué par la confiance en ses capacités et son désir de les remplir son travail à tout prix.

Une fois ses instructions données et ses compagnons partis, Ryoken grimpa à la vigie pour embrasser du regard l'étendue qui les entourait. Seul, avec pour seule compagnie le bruit des vagues s'écrasant doucement contre la coque, il s'autorisa un moment de répit, fredonnant un air mélancolique tout en confectionnant une canne à pêche improvisée à partir de restes de bois et de ficelle faite d'argile.

La canne à pêche désormais en place, le Bakushō se remit au travail, renforçant son arsenal d'explosifs. Chaque pièce d'argile façonnée avec soin était un ajout stratégique à leur défense, prête à être déployée en cas de besoin. Parallèlement, son chef-d'œuvre, un hibou d'argile géant, prenait forme sur le pont, ses ailes déployées semblant prêtes à embrasser les cieux. Cette créature majestueuse n'était pas seulement une prouesse technique; elle incarnait la promesse de salut et d'évasion, capable de transporter plusieurs personnes hors des griffes de l'adversité.

Ryoken, l'artiste du désastre, œuvrait dans le silence, chaque mouvement, chaque geste étant un pas de plus vers la préparation et la prudence. La solitude ne le dérangeait pas; elle lui offrait l'occasion de méditer sur les événements à venir, sur les stratégies à adopter, et sur le rôle qu'il jouerait dans le destin de ce groupe hétéroclite. Il profita de ce calme pour préparer le terrain de ce côté et fit s'élancer une nuée de sauterelles de petite taille dans le sable entourant le navire en guise de première frontière protectrice.

Alors que la matinée s'écoulait paisiblement, Ryoken restait vigilant, les yeux balayant l'horizon à la recherche du moindre signe de trouble. Sa détermination était inébranlable, son esprit, focalisé sur l'objectif de leur mission. Peu importaient les défis qui les attendaient, il était prêt à les affronter, armé de son ingéniosité et de sa puissance destructrice. Dans cette quête incertaine, Ryoken se savait pilier, gardien, et, si nécessaire, sauveur de ses compagnons d'infortune.

La vie de pirate était impitoyable, il n’y avait pas de place pour la pitié.

C’était ce que le groupe de mercenaires allait découvrir, sur cette île aux pirates. Après avoir affronté la mer, ils allaient devoir plonger dans le monde des corsaires. Le port étant particulièrement petit, ils ne purent amarrer sur le pont et durent contourner l’île pour ancrer leur navire à l’abri des regards, mais également sans surveillance. Ainsi, l’enfant du sang resta sur le bateau en compagnie du maître d’argile, tous deux jouant la carte stratégique de la prévention. En effet, ce bateau était leur seul échappatoire en cas d’échauffement d’esprits.

De son côté, Uhen se rendit à la taverne. Ce n’était peut-être pas l’endroit le plus sûr de cette îlot, mais rien n’arrêtait la folie du gamin. Quoi qu’il en soit, Seijirô rejoigna de son côté le port. Peut-être que les deux trois rafiots amarrés là pourraient lui donner quelques informations. Il commença donc inspecter les lieux, mais ne pouvait approcher les navires sans passer par leurs propriétaires.

— Joli navire, complimenta-t-il l’un des marins présents sur le pont. Voilà qui me rappelle mon propre bateau… Se remémorant l’Isamashi, son navire coulé par une bête des fonds marins qu’il avait depuis chassé, Yûmakujira. Heureusement, j’ai pu trancher la tête du démon qui l’a coulé. Une histoire à nager debout… À ce sujet, as-tu entendu parler de ce navire fantôme qui rôde sur les mers, le Yûreisen ?

Amena-t-il subtilement. Une approche bien différente de celle du Kaguya, qui ne révélait d’ailleurs pas l’identité du capitaine, au cas où Mizu aurait placé une prime sur sa tête. Son regard se tournait alors vers un autre rafiot, une presque épave. C’était peut-être la dernière victime de l’attaque du capitaine poulpe, Shiki, et sa troupe d’hommes-poissons.

Résumé:

L’île des vies antérieures (Zenshou, 前生) est la relique préhistorique d’une ère où la piraterie martyrisait l’archipel. Aux balbutiements de la Junte, les corsaires se sont servis de ce petit fief comme ultime avant-poste, avant de rallier les terres continentales. L’attrait des guerriers osseux pour les razzias a entraîné - littéralement - une ruée vers l’or. Forbans et explorateurs devaient nécessairement passer par l’île de la Tortue pour se ravitailler, dans le premier cas pour gagner les côtes de Kaminari, Garan ou Hi, et dans le second cas pour s’enfoncer plus profondément dans l’archipel.

De nombreux pirates ont abandonné leurs vaisseaux pour s’installer définitivement sur l’île renommée Tortuga - un mot provenant de l’argot des flibustiers - afin de transformer ce petit lopin de terre en comptoir commercial. Hélas, les reconquêtes, sous la bannière de Yuki Seki, ont mis fin à cet âge d’or de la piraterie et ont permis à la Junte d’asseoir définitivement son emprise sur les huit îlots de ce qui constitue, à ce jour, le pays de l’Eau. Pour tirer un trait sur l’influence antique des boucaniers, d’autres îles ont été choisies pour accueillir les flux entrants et sortants de Mizu, congédiant Zenshou au rang de monument historique inusité.

La Grande Tortuga n’est qu’une réminiscence d’un passé lointain. Un trésor abandonné aux flots et à la magie de la Grande Endormie - synonyme de mer dans le langage des flibustiers. Le port n’est qu’un amas de bric et de broc, où seules de petites jonques peuvent s'amarrer. Sous les ordres du survivant de Shimo, l’embarcation contourne Zenshou, pénètre une crique à l’abri des regards et décide d’amarrer. Au sein de la caverne, trois autres bateaux, tout aussi grands que le leur, attendent le retour de leur équipage. Le troisième œil du Chinoike confirme l’absence de veilleurs : les trois atakebune sont vides.

Le groupe de simili-pirates se divise en trois : le premier converge vers les terres, le deuxième vers le port et le troisième veille sur le navire. Un postulat intime est partagé par les deux héros de l’Eau - sans avoir à l’exprimer. De toute évidence, les peuples de Tortuga sont les plus à même, du fait de leur emplacement géographique, d’avoir des informations sur le Navire Fantôme. Ainsi, le Yuki gagne le havre des jonques. Les arrimeurs et les débardeurs ont une mine patibulaire, le regard livide, les paupières cernées par des poches noires - signe d’un état de fatigue avancé. L’ancien Amiral entend dialoguer avec ces marins, en vain. Les premières paroles qu’il jette se perdent entre l’écho des vagues contre les promontoires en bois.

Les dockers ne s’intéressent pas à lui. Pire, il ne semble pas exister à leurs yeux. Les hommes, aux bras tatoués d’idoles représentant les nombreux glyphes de la Grande Endormie, continuent leur besogne. Les caisses de poissons sont déchargées et transportées vers l’intérieur des terres. Un premier cageot passe sous l'œil vigilant de Seijirô. Une odeur infecte, viciée, lui saisit les narines. Les poissons présentent des traits abscons et des faciès contre-nature. De nombreuses poches violettes pullulent le long des branchies. Au moment où le Yuki prononce le terme Yûreisen, il scelle son destin.

Tout le port est pétrifié, comme si l’horizon venait d’être mis en pause. Les bras de certains marins se bloquent dans les airs en soulevant des caisses plus lourdes qu'eux, d’autres se figent en tirant des charrettes remplies d’ichtyens… Dans un craquement sinistre - le bruit de bulles d’air bloquées entre leurs cervicales -, tous les pêcheurs tournent leur regard vers l’ancien Amiral. Cette fois-ci, l’attention est saisie. Un frisson parcourt son échine, et lui intime de soupeser ses prochaines paroles.

De son côté, le Kaguya, à des lieues du Capitaine, arpente le village côtier. Le Jumeau longe des carrefours ne présentant que la destruction : des griffes marquent la terre boueuse, des habitations se sont affaissées, et aucune vie ne sillonne, comme lui, les ruelles pourries de Tortuga. Une affiche capte son attention : la représentation picturale d’un certain Chinoike Issei, fils de Chinoike Kyuketsuki est illustrée. Un avis de recherche atypique. L’enfant doit être ramené, de gré ou de force, auprès de la Junte, mais celui-ci doit forcément être ramené vivant. Dans sa remontée du village côtier, d’autres affiches concernent son jeune apprenti, mais révèlent aussi l’existence d’un nombre extrêmement important de disparitions.

L’île de la Tortue est frappée par un mal indicible, qui retire, un après l’autre, les habitants du monument historique. Le pied de l’hôte du Vestige rencontre la porte de la Fortune de Mun. La taverne légendaire n’est plus que l’ombre d’elle-même. Terrés derrière des planches en bois empêchant les rayons du soleil de pénétrer cette caverne, de nombreux troglodytes s’adonnent aux joies de l’ambroisie. La topographie du bar est assez simpliste : un comptoir, plusieurs tables et une porte, au bout de la salle, mène vers les toilettes, actuellement occupées.

Uhen fait face à la même indifférence que son compagnon d’infortune. Les marins, à l’apparence poisseuse, dégoulinant de sueur, se murent derrière l’écoulement du liquide brunâtre, distillé dans les souterrains de l’auberge. Le doigt calcique du Kaguya exécute sa profession de foi. Comme bon nombre de Seigneurs Pirates avant lui, il ajoute son épitaphe sur l’ancien lieu de pèlerinage. Uhen rejoint Yuki Kōri, Yuki Hikikore, Yuki Seki, mais aussi Tachibana Ōjibo, Tachibana Ōjin ou encore Shiki. La voix du Vestige, brouillée, peine à lui délivrer un message. Il ordonne à son hôte de…

Sur la proue du Super Bateau, l’enfant de la Brume Sanglante perçoit une signature sensorielle. Une source infime, qui ne cesse de se rapprocher de son navire. L'Émissaire sous les ordres du fondateur de Tsubomi pense d’abord à une attaque sous-marine. Il se précipite vers les flancs de l’atakebune pour tenter de percevoir, malgré le rideau aqueux, une source de sang. Rien. Issei comprend après coup que de petites vaguelettes, invisibles à l'œil nu car sous-marines, percutent la coque du navire. Ces manifestations inoffensives n’occasionnent aucun dégât, pas plus qu’elles ne représentent un danger immédiat.

La porte des toilettes s’ouvre et libère une figure qui arrache un sourire au Vestige. Un homme, à la tête de requin-marteau, au corps de squale, et aux membres dévorés par la pierre, les coraux et les algues, apparaît dans l’encadrement. La surprise se lit sur son visage, tout autant qu’elle se lit sur celui du Fléau de Kaminari. Aucun des deux flibustiers ne s’attendait à une telle rencontre, ici et maintenant. Dans la main droite, une dague, dans la main gauche un poulpe éviscéré.

Spoiler:

Tu as senti ce courant froid hérissant tes bras ? C’est le moment.
— Un Spectre… ?
Oh oui. Et pas n’importe lequel. L’un de ceux qui désiraient le plus retourner à la surface. Je commence à comprendre d’où ils viennent tous. Et je te confirme que ça sera impossible de les raisonner pour retourner sous terre, dans cette prison paratemporelle. Il n’y a qu’une seule solution : la ruse, ou l’alliance.

Les yeux d’Uhen se mirent à briller. Une alliance avec une armée spectrale… Mais que diraient les autres, alors ? Que penserait la Junte ? Que dirait le Despote ? Le condamneraient-ils à la potence, ou au contraire, le récompenseraient-ils s’il arrivait à les envoyer attaquer d’autres rivages. L’idée lui tourna en tête, au point que son esprit enfantin fut le seul à surgir à la surface de la conscience pour répondre à la surprise.

— Waaow, j’adore ta tête, ça doit être super pratique pour voir sur les côtés !
Uhen.
— Oui, d’accord…

L’enfant de l’os secoua la tête, et ferma les yeux. En une fraction de seconde – signe que l’emprise du Vestige était de plus en plus présente –, sa personnalité changea. La personne qui faisait face à l’hybride ichtyen n’était plus la même, et ce dernier pouvait sentir un sentiment de familiarité se dégager de l’apprenti corsaire. Ça faisait une éternité qu’ils ne s’étaient pas vus – si bien sûr, il était possible d’utiliser une notion de temps, sous terre, entre les murs humides de la Nécropole Stygienne.

— Vous avez trouvé un moyen de quitter l'Ancre. Félicitations.

Le Vestige récupéra une chaise, et la proposa à son homologue armé, avant de s’asseoir à son tour devant lui. Il ne présentait aucun signe d’animosité ; mais gardait toutefois un œil sur son vis-à-vis en cas de réponse urgente, demandant de la hâte. Néanmoins, ce n’était pas sa volonté première.

— Tu connais déjà mon nom. Yavh'idhritl. Une drôle de coïncidence, n’est-ce pas ?

Un sourire horrible, inhumain, se détacha du visage du Kaguya.

L’enfant habité promena alors son regard aux alentours et, croisant le regard des ivrognes déconcertés, n’osant pas faire le moindre geste – craignant la foudre de l’homme-poisson – il leur intima finalement de quitter le lieu.

Cette discussion devait être privée.

— Je veux rencontrer votre sauveur. Nous avons beaucoup à échanger.

Résumé :

Seijirô se tint là, au milieu du tumulte de l’activité portuaire, tel un étranger dans son propre pays. Son regard scrutait les visages des dockers, cherchant à percer le voile d’indifférence qui les enveloppait. Mais rien ne semblait les perturber, rien ne les détournait de leur tâche laborieuse. Seul le murmure de la mer et le grincement des caisses brisaient le silence oppressant qui régnait autour de lui.

Le pont était minuscule, à peine quelques mètres, ce qui faisait peine à voir. Mais une brume épaisse le recouvrait, donnant l’impression qu’il se perdait au loin à l’horizon et lui conférant une ambiance lugubre empreinte de mystère. Derrière la brume, il distingua d’autres marins à l’affaire. Cependant, quelque chose ne coulait pas de source. La marchandise qu’ils déchargeaient était impropre à la consommation, leurs poissons semblaient contaminés.

— Vos poissons ont une sale tête, c’est un coup à chopper le scorbut. Plaisanta-t-il, se rendant compte que ça n’améliorerait pas la situation. En effet, aucune maladie naturelle ne pouvait donner un tel aspect à la victuaille marine.

Puis, lorsque le nom maudit franchit ses lèvres, une onde invisible sembla se propager à travers le port. Le monde entier sembla retenir son souffle, comme si le simple énoncé de ce terme avait le pouvoir de figer le temps lui-même. Les visages des corsaires se figèrent, leurs mouvements se stoppèrent net, comme des statues de glace congelées par un froid polaire.

— Tiens-toi sur tes gardes. Prévint-il son équipier Yaban, par précaution.

Seijirô sentit une pression invisible peser sur ses épaules, comme si le poids de son passé le rattrapait enfin. Ses yeux, d’un bleu profond comme les abysses, rencontrèrent le regard incrédule des marins figés autour de lui. Il savait qu’il avait leur attention maintenant, mais il devait choisir ses mots avec soin, car ce qu'il allait révéler scellerait son sort et celui de son escouade.

« Je me nomme Yuki Seijirô, mes prédécesseurs ont arpenté cette île et ont fait de Tortuga le fief de la piraterie Mizujine. Mes hommes et moi sommes venus libérer l’île du joug du Seigneur Pirate et de sa bande d’hommes-poissons qui souillent vos eaux. »

Pour appuyer ses propos, le Capitaine transperça de son épée l’un des poissons malades tombé d’une caisse, faisant cesser le gigotement vicié de la pitance pourrie.

— Dites-nous où se cache son équipage, et nous vous débarrasserons de la peste qui corrompt ces eaux.

Résumé:

Alors que la tension palpable monte d'un cran à bord du Super Bateau, Ryoken ajuste sa stratégie en préparation à une possible confrontation. Avant même qu'Issei ne disparaisse dans les profondeurs de la cale, Ryoken, en véritable stratège, lui lance un avertissement prudent.

"Garde tes sens en alerte pour être capable d'au moins réagir s'il se passe quelque chose !" conseille-t-il, sa voix teintée de la gravité de la situation. "On ne sait jamais ce qu'on pourrait trouver ici."

Armé de son intuition et de son argile, Ryoken prépare sa défense. Dans sa main droite, il façonne consciencieusement une quantité d'argile, prête à être transformée en une nuée de serpents d'argile au moindre signe de menace. Ces serpents, prêts à bondir, deviennent le prolongement de sa volonté, des gardiens prêts à enserrer et à neutraliser tout intrus qui oserait s'approcher trop près.

Sa décision de rester en hauteur, perché sur le mat, n'est pas fortuite. De cette position stratégique, il peut scruter les alentours avec une vigilance accrue, ses créations d'argile dispersées autour du navire agissant comme des sentinelles silencieuses dans l'ombre. Il est le veilleur, l'œil omniprésent qui surveille la crique avec une attention inébranlable.

Ryoken sait que la coordination est la clé. La promesse d'un signal, un simple fumigène envoyé vers le ciel, est leur ligne de vie, un fil tenu qui les relie dans cet environnement inconnu et potentiellement hostile. "Je serai là," murmure-t-il, plus pour se rassurer lui-même que pour quelqu'un d'autre. "À la moindre alerte." Mais l'urgence se trouvait déjà probablement ici, une chance d'avoir des informations ? Un malheur ? Tout pouvait arriver.

L'attente se charge d'une intensité croissante, chaque minute passée un rappel de ce qui pourrait surgir de l'ombre. Ryoken reste imperturbable, une figure de calme et de détermination face à l'inconnu. Son esprit est en alerte, prêt à réagir avec toute la force et la rapidité que nécessiterait une embuscade. Dans ce silence tendu, où chaque bruit peut être un signe, Ryoken se tient prêt à défendre, à attaquer, à sauver.

L’enfant illégitime du Despote effectue un saut de la foi. Il plonge dans le vide. Son petit corps glisse le long de la grande voile, et, à l’instar d’un capucin, saute de cordage en cordage pour gagner la proue du Super Bateau. Son attention se porte sur les trois navires au loin. Trois pavillons volent au gré des alizées qui pénètrent la crique. Les deux premiers arborent le noir de la piraterie. Le dernier est frappé du sceau de la dynastie Tachibana.

L’éducation du Chinoike, sous l’empire de la Brume Sanglante, lui permet de comprendre qu’il s’agit là d’un atakebune destiné au commerce. Sa courte vie sur les mers lui permet de savoir que, malgré leur état, les trois vaisseaux peuvent fendre les flots de la Grande Endormie. Plus encore, la nature n’a pas réclamé ces trésors perdus comme les siens : ils sont amarrés depuis peu. Tout au plus, une bonne semaine.

Cette information en tête, le petit homme se fraye un chemin vers la cale. Dans cette partie du navire, il ne remarque, dans un premier temps, que la tranquillité apparente des lieux. Au centre de la cale, entre les vivres et les caisses d’armes, une flaque d’eau se dévoile. Ridicule par sa taille, elle peine à entourer un visiteur infortuné. Un bar d’une trentaine de centimètres sautille sur place et éclabousse légèrement le plancher vermoulu. L’ichtyen puise dans ses forces pour tenter de retrouver l’eau, il manque de s’asphyxier.

Cette scène amuse et interroge l’enfant du Rivage. La coque du Super Bateau ne présente aucune faille. Son existence, ici, brise toute logique. Le rythme des mini-vagues sous-marines s’accélère. Elles caressent deux fois plus rapidement les contours de l’Atakebune. Pourtant, elles continuent à être faibles et ne causent aucun dégât.

La connexion avec le Vestige est brouillée. Quelqu'un ou quelque chose empêche le Jumeau, fléau de Kaminari, de comprendre les propos de son alter ego. Sur la soixantaine de mots prononcés, il n’en reçoit qu’un dixième. L’hybride mi-requin, mi-spectre dévoile un sourire où une centaine de dents mastiquent un composé visqueux. Du sang dégouline de sa bouche en forme de U. Le pas lourd, le membre du Yūreisen s’avance vers une table et laisse son corps chuter contre une chaise - qui manque d’exploser sous son poids.

Le Vestige tente de prendre le contrôle de son hôte. Dans les traits du pion de la Junte, une douleur extrême le saisit à la tempe. Un corps ne peut supporter deux âmes aussi facilement, pas en la présence de spectres parfaitement assimilés. La dague du corsaire percute à deux-trois reprises le pendentif en forme de vague qui pend sur ses pectoraux. Ensuite, celle-ci se perd dans sa gueule et, à l’instar d’un poisson nettoyeur, enlève les résidus d’os et de chair humaine. Le regard du possédé s’arrête sur les humains ensorcelés. Le Spectre de la Nécropole leur intime de quitter la taverne, mais ils ne s’exécutent pas : une force supérieure les contrôle.

▬ Notre sauveur ? Elle n’est qu’à quelques brasses d’ici. Tu l'as croisé, comme les autres avant toi.

Le dague s’enfonce avec violence dans le corps du poulpe aux stries violines. Le mets est cloué contre la table.

▬ Dévore-le.

Une lueur de défi brille dans les pupilles rondes du requin-marteau. Il attend de voir la réaction de l’ancien Roi.

La pression accable l’ancien Amiral et le pousse à communiquer avec cette foule d'armateurs atypiques. Le corsaire proclame que l’île est sous le joug de Shiki, le Seigneur Pirate, mais aucune bannière à son nom ne flotte. En outre, il demande aux pêcheurs où pourrait se trouver l’équipage fantomatique. Celui-là qui lutte contre la Junte sur ses propres terres, la Mer, et parvient à la mettre en déroute. Le silence clôt ses propos.

Aussitôt, une botte, trouée en plusieurs endroits, percute avec force la lame du Survivant qui, après plusieurs vrilles dans l’éther, est propulsée en contrebas du pont. L’intérêt des sbires se fixe sur le présent ferreux et oublient, pendant une brève seconde, les propos du Yuki. Une ombre saisit cette occasion pour le faucher et le forcer à se positionner derrière une imposante caisse à l’odeur fétide. Un homme dont la peau agrège plusieurs lacérations referme sa dextre sur sa bouche. De son index, il lui intime de se taire. La peur peut se lire sur ses traits faciaux. Il lutte et parvient à libérer un murmure agacé.

— Ferme ton clapet, bougre d’idiot. Tu vas tous nous faire tuer avec tes conneries. Ne les regarde pas, ne leur parle pas, ne les touche pas, et surtout, ne t’approche pas de leurs maudites poiscailles.

La dextre qui scellait les lèvres de l’imprudent retourne auprès de son flanc, de sa main gauche, il tente de saisir la manche de Seijirô pour l’attirer loin de cette masse grouillante. Le rescapé bascule son regard vers le forban à l'œil unique.

— Je suis ici depuis deux jours. Aucun moyen de s’échapper. Nous sommes condamnés, condamnés. AHAHAH. J’ai vu la Grande Endormie ! Vu, de mes yeux vu. Ils retiennent mon équipage. Quelque part, sur une autre île. Ne prononce pas son nom. La Mer… La Mer est avec eux. La Mer… La Mer a abandonné ses pirates.

Les propos du rescapé oscille entre éclair de lucidité et voile de la folie. En prenant quelques secondes de recul, le Capitaine du Super Bateau comprend qu’il cherche à l’amener sous le ponton.

Spoiler:

L’étincelle de défi de l’homme-poisson embrasa la passion du Vestige. Ce sentiment là était impérieux ; l’essence même de l’humanité, à jamais chérie, rangée au plus profond de sa conscience abîmée, pris dans les rouages de la paratemporalité. Pour une fois, une fois rare, l’esprit antédiluvien se sentait vivre. Défi ; danger ; risque ; récompense ? Au travers du corps de l’enfant de l’os, il sentait son cœur battre la chamade, à deux doigts d’accomplir l’erreur de trop.

— Vous avez donc quitté une prison pour chérir la geôle d’un poulpe…

Les traits du Vestige se déformèrent davantage. Un grand sourire, horrible, macabre, digne du requin qui s’était présenté à lui, lui déchirait le visage d’une oreille à l’autre.

— Je commence à comprendre votre stratagème. J’aime ça. Mais comptez-vous vraiment sur vos chances de réussite, en vous dressant contre Mizu, ergo contre les grandes puissances du Continent ? Nous pourrions faire tant sous la bannière bleue. Des razzias soutenues par les héritiers de Mūn.

Le parasite fantomatique, aux allures de prophète et de guide, posa sa main sur le poulpe strié de veinules violettes. Le défi était accepté. Trop de « temps » s’était écoulé depuis les errances du Roi. Du temps qui avait laissé la place à des mauvais comportements. La simple manière de parler de Son sujet dégueulait d’irrévérence. Il n’y avait là plus aucun respect. Plus aucune estime. Que de la rébellion, de la part d’esprits aux quelques vies.

— N’oublie pas que cet archipel est mien.


Yavh'idhritl porta le poulpe contre-nature à ses lèvres, et arracha un énorme morceau de ses dents d’omnivore, non sans peine. Sans lâcher le regard de son vis-à-vis, il s’enquit à mâcher longuement ; puis déglutit son mets. Sa cape nivéenne, capable de court-circuiter les conséquences du chakra naturel et obscur, trainait tout près de lui, collée à sa peau. En cas de débordement, il pouvait compter sur l’héritage des Anciens Architectes. Mais le Roi des Spectres était impatient de goûter à ce nectar, et si possible, se mêler à l’esprit de ruche oppressant qui les liait tous. Ce nouveau Némésis, et son invocation tentaculaire, menaçaient son trône. Il était prêt à tout pour éradiquer cette menace, et reprendre le contrôle sur son peuple troglodyte. Leur salut était primordial.

— Prête-moi serment.

Résumé :

Perché sur le mat du navire, Ryoken observait les alentours, son regard aiguisé capturant chaque détail. Les silhouettes des navires abandonnés, repérés plus tôt par Issei, s'imprimaient dans son esprit, réveillant un sentiment d'urgence. Les pièces d'un puzzle sinistre commençaient à s'emboîter, esquissant l'ombre menaçante du Yūreisen et de son équipage de monstres. Les récits des rares survivants des attaques maritimes tracés par les informations fournies pour cette mission résonnaient en lui, peignant l'image d'un ennemi terrifiant, mené par Shiki, l'homme-poulpe.

Comprenant la gravité de leur mission, Ryoken se laissa glisser du mat, sa descente rapide et maîtrisée témoignant de ses compétences affûtées. Il atterrit sur le pont avec l'agilité d'un chat, prêt à rejoindre Issei dans la cale. Mais en remarquant l'absence de réponse de son jeune compagnon, un éclair d'irritation traversa son esprit. "Sale gamin," grogna-t-il intérieurement, son inquiétude pour la sécurité d'Issei prenant le dessus sur sa patience.

Sans perdre une seconde, Ryoken s'élança vers la cale, ses pas résonnant sur le bois ancien du navire. À peine arrivé, il découvrit Issei, immobile, face à un spectacle aussi étrange qu'inquiétant : un poisson flottait sur une petite flaque d'eau, au beau milieu de la cale apparemment intacte. L'absence de brèche dans la coque rendait la scène encore plus surréaliste.

Réagissant avec l'instinct d'un prédateur, Ryoken déploya immédiatement une de ses créations d'argile préfabriquées, un serpent suffisamment robuste pour entraver le jeune Chinoike avant qu'il ne commette l'irréparable.

"Qu'est-ce que tu crois faire p'tit mateot, hein ?" lâcha-t-il d'une voix où perçait à la fois l'exaspération et la préoccupation.

Relâchant Issei de l'emprise de son serpent d'argile, Ryoken resta vigilant, prêt à façonner davantage de créatures si la menace se concrétisait. Le serpent, quant à lui, posté devant la flaque, prêt à serrer la gorge de la moindre ombre ennemie qui oserait se manifester.

"Issei," commença Ryoken d'une voix basse mais ferme, sa question tranchant le silence pesant de la cale. "Ces navires que nous avons aperçus plus loin... Il y en avait deux avec un pavillon noir mais le troisième ? C’est quel type de navire ?" L'importance de cette clarification était cruciale. Un Atakebune, robuste et redoutable navire de guerre, n'aurait pas été abandonné sans raison, surtout à proximité d'une île connue pour ses affiliations pirates.

L'implication d'une telle proximité avec des pirates et le mystère de la flaque suggéraient un lien avec l'ennemi qu'ils étaient venus chasser. "S'ils sont vraiment à l'arrêt, si proche d'une île rongée par la piraterie... Alors, l'ennemi sous-marin que nous recherchons n'est peut-être pas loin."

Ryoken laissa ses mots flotter dans l'air, permettant à Issei d'absorber la gravité de leur situation. La perspective d'un danger imminent, potentiellement lié au Yūreisen et à ses occupants monstrueux, exigeait une vigilance accrue. Le tour de magie dans leur propre cale, associé à l'absence suspecte de mouvement sur les trois navires, ne pouvait être ignoré.

"Je vais aller en repérage pour voir s’ils sont vraiment abandonnés, quant à toi petit bonhomme, tu guettes le moindre mouvement suspect et surtout, tu ne touches pas à un poisson qui sort de nulle part quand ton ennemi vient de la mer, c’est impossible de voir ça sans que ce ne soit un appât ou autre tactique." ajouta-t-il, scrutant les alentours avec prudence. "Tout ceci... c'est peut-être un signe que nous sommes plus proches de l'ennemi que nous le pensions. Remontons sur le pont, une meilleure visibilité nous sauvera la vie." Ryoken savait que chaque indice, aussi insignifiant pouvait-il paraître, était une pièce du puzzle qu'ils devaient résoudre pour comprendre la menace à laquelle ils faisaient face et, finalement, la contrer.

Ryoken remonta sur le pont et récupéra une longue vue qui y traînait, l’outil de piraterie idéal pour faire du repérage, il ne lui manquait que le tricorne et le manteau pour réaliser une performance digne de mention.

Ni une ni deux, le Bakusho grimpa sur son oiseau d’argile et s’envola, emportant avec lui le tonneau contenant l’ensemble de ses créations à l’exception du serpent d’argile, laissé dans la cale. Visible depuis leur navire à l’œil nu, Ryoken traversa la mer à toute allure et survola alors les trois navires,

"Et cette fois, s’il y a quoi que ce soit… TU ME HURLES QUELQUE CHOSE !! " s’exclama-t-il à mesure que la distance entre eux se creusait.

Que l’exploration commence.

Le teint livide de son auditoire en disait long. Des yeux de merlans frits le fixaient silencieusement, faisant monter la pression. Allaient-ils l’attaquer ? Ce maléfice ressemblait à ce détail près au Givrefroid. Un sortilège illusoire capable de plonger ses victimes dans une transe, d’en faire des pantins bien dociles. Avant que le Capitaine ne puisse obtenir réponse à sa requête, une vieille botte de pêcheur vint se planter dans son épée avant que sa lame ne touche la maudite poiscaille. Cachés derrière une grande caisse, l’immonde propriétaire de la botte trouée lui expliqua la situation, mais il était difficile de démêler le vrai du faux tant son discours était gangrené par la folie.

« Sont-ils prisonniers d’un Genjutsu ? »

Questionna-t-il le maboule qui l’avait sauvé après un crachat de dégoût. Cet énergumène manquait cruellement de bonnes manières, un pauvre pirate poisseux pourri par la pègre. Pendant un instant, il avait pensé à lui fourrer l’un de ces poissons contaminés dans le gosier, histoire de se venger et de vérifier ses informations. Mais il réussit à se calmer, lorsqu’il déchiffra quelques informations. Il y avait donc d’autres naufragés qui avaient survécu à la domination invisible des pirates fantômes — ils étaient retenus prisonniers du Seigneur Pirate sur une autre île.

« Cessez de trembler, nous allons libérer votre équipage et cette île. Mais avant cela… »

Il lui fallait rejoindre le navire au plus vite, trouver ses équipiers pour les mettre en garde contre la faune et la population locale. Ainsi, les doigts du Yuki se joignirent pour former une série de sigils digitaux. Afin de disparaître de la vue de tous, il déploya un épais nuage de condensation en gelant les particules aqueuses présentes dans l’air. [1] Puis, comme un miroir, il modela un clone de glace à son image. [2] Ce dernier s’échappa en sautant à l’eau. En incantant des mudrâs et en se concentrant sur ses pas, le clone transformait progressivement l’eau sous ses pieds en banquise pour glisser dessus, se déplaçant ainsi rapidement sur la mer calme. [3] Il était ainsi plus rapide qu’en bateau ou à la brasse.

Il suivit ainsi l’oiseau d’argile du Bakushô comme un phare qui lui indiquait la position du navire à l’autre bout de l’île. De son côté, le véritable Seijirô inspecta le dessous du pont, peut-être cet idiot avait-il quelque chose d’important à lui montrer. Au-dessus d’eux, la fumée glacée qui envahissait le pont faisait double-effet, ralentissant les mouvements des matelots qui se retrouvaient temporairement gelés. [4] Peut-être qu’un coup de froid les aiderait à reprendre leurs esprits.

Résumé:

— Tu penses que ça va marcher ?
— Je gère, j’suis devenu un expert en pêche d’humains. C’un peut comme le merlan.
— Pourquoi c’est toujours nous qu’on envoie en mission…
— T’as pas vu sa tête ? Shiki le veut, il pourra faire pression sur la Junte.
▬ Vos gueules. Ne prononcez pas ce nom. J’ai besoin de concentration pour maintenir ma technique.

Un bernard-l'hermite et un crabe royal, deux nouveaux spectres ayant rallié la bannière du Yūreisen, regardent Chinoike Issei pénétrer la cale. Les deux figures fantomatiques, mi-hommes, mi-animaux, profitent des capacités sensorielles de leur chef, une crevette-pistolet, pour voir sans être vus. La dissimulation du trinôme outrepasse le troisième œil de l'enfant illégitime : ces fantômes d’anciens corsaires n’ont, pour l’instant, aucune existence physique.

Alerté par le manque de réaction de son partenaire, Ryoken glisse le long du mât pour le rejoindre. L’enfant se baisse, approche ses mains vers l’offrande arrachée des entrailles de la Grande Endormie. Le crabe détend sa pince qui surplombe l’imprudent. L’explosif apparaît, après une glissade contrôlée, dans l’encadrement de la porte. Il a tout juste le temps d'apercevoir Issei cramponner avec délicatesse le mourant qu’une force étrangère, cryptique, antique, arrache le petit homme du monde visible.

Cette nouvelle existence permet au vampire de percevoir les frontières d’une nouvelle dimension ; la première pince du crabe se referme sur le corps du Héros de Chowa, la seconde saisit le pagure, et le bras-pistolet du chef provoque une détonation importante. Le Super Bateau tangue sur la droite, puis sur la gauche, mais il est déjà trop tard : l’eau s’engouffre dans la cale. De tout cela, Ryoken n’est conscient de rien. Il pénètre la soute en voyant le Chinoike disparaître, il déploie un serpent d’argile, mais celui-ci s’élance dans l’inconnu, alors que de l’invisible, une explosion forme un trou béant dans la coque du navire.

En hâte, l’agriculteur remonte sur la partie supérieure du navire, qui est lentement entraîné vers les profondeurs de la crique. Il bondit sur son oiseau et tente de glaner des informations supplémentaires. Il s’arme de sa longue-vue et tente d’en apprendre plus sur les trois autres vaisseaux. Le Bakushō constate des stigmates d’affrontements à l’épée sur le pont, mais ce n’est là que le lot commun d’une aventure sur les mers. De l’extérieur, les atakebunes attendent le retour de leur équipage.

— T’inquiète petit, on va te ramener auprès de ta maman héhé. Lâche le bernard l’hermite.
— Ça en jette d’être un spectre, hein ? Attends de voir les abordages ! Abonde le crabe royal.

Le nouveau spectre s’est retrouvé, contre son gré, catapulté dans l’eau, peu après avoir assisté à la détonation. L’eau pénètre ses orifices, descend le long de son œsophage, inonde ses poumons. En temps normal, cet état de fait conduirait à la noyade du Gardien du Rivage. Sa nouvelle nature lui permet de passer outre les frontières de la Vie. Dans la sphère aqueuse, qui propulse le quatuor à toute vitesse vers le port de l’île, Chinoike Issei ne souffre d’aucun mal.

— Un Genjutsu ?? Sainte Mère des Océans, c’est qu’il ne m’écoute pas en plus. Je t’ai dis que c’est les poissons !

Le seul rescapé sent une résistance. Yuki Seijirô lui intime de s’arrêter.

— Avant cela ? Avant cela… Hey ! Non. NON SURTOUT PAS ! Range moi ses doigts, tu vas tous nous f-...

L’impétueux corsaire n'en a que faire des états d’âme du miséreux dont la conscience est rongée par la folie. Plutôt que de déclencher l’explosif de l’artificier du Super Bateau - et ainsi prévenir ses compagnons de galère d’un danger imminent - l’ancien Amiral préfère se draper dans l’individualisme. Les signes zodiacaux qu'il incante permettent la libération d’une vague de froid, qui se propage sur le ponton. Les particules d’eau présentes dans l’air sont congelées, ce qui donne naissance à un nuage glacé.

— Mais ??? Pourquoi ???

Le Hyoton ne prend pas la forme espérée, à savoir un état gazeux répliquant l’apparence d’un brouillard opaque, mais bel et bien une construction tangible et glacée. La traversée de la tempête entourant Tortuga a causé une petite fatigue. Du côté de l’ancien forban, l’incompréhension dévore les rameaux de sa lucidité ; il ne comprend pas pourquoi le va-t-en-guerre a décidé d’agir ainsi, surtout après qu’ils se soient tirés de la situation précédente. Les deux hommes n’ont pas le temps d’atteindre le repère souterrain, sous le ponton : l’Amiral a révélé sa position aux marins ensorcelés.

— Bougre d’idiot ! On était sain et sauf. J'aurais dû te laisser te faire dévorer…

Les amarreurs se transforment en figures spectrales, certains passent au travers du passage en bois, d’autres flottent dans l’éther. Tous les regards se braquent vers la structure, puis tous les corps se ruent dans cette direction. De façon concomitante, les bras d’une brume mystique recouvrent le port. La purée de pois apparaît ex nihilo. Le Survivant de Shimo a tout juste le temps de propulser une réplique parfaite de lui-même dans l’eau que sa vision est subjuguée. Au-delà de vingt centimètres, son environnement n’est plus discernable. Pris au piège de cette mer de brume, les attaques peuvent l’assaillir de toutes parts.

Un hurlement de douleur brise ce canevas macabre. Quelque chose est violemment traînée contre le sol, cette même chose se brise, puis le silence est de nouveau érigé en maître des lieux. Le bras droit de son sauveur est jeté aux pieds du Mizujin. Il contient de nombreuses traces de morsures. Un marin apparaît devant Seijirô. La lame de son sabre suinte d’une eau croupie, alors que plusieurs mollusques sont fixés à sa base. Le pêcheur ensorcelé tente d’embrocher de sa lame aqueuse le parvenu. De façon concomitante, une balle d’eau fuse dans son dos et tente de lui perforer l'ischio-jambier gauche. L’Amiral comprend que sa tentative de les entraver est un échec - pourtant, il est bel et bien conscient que sa vague de froid s’est étendue sur tout le ponton.

Le doppelganger du Yuki poursuit son chemin sur les eaux, laissant dans son sillage une fine pellicule de glace. Il réussit à rallier la crique, que Ryoken survole. Hélas, une partie des spectres le suit également, et apporte avec eux ce même brouillard fantomatique. Ils ont peu de temps devant eux, avant que la crique ne ploie le genou devant le règne de la Brume, et que les spectres clament leur tête.

Le requin marteau hume l’air.

▬ Ton équipage est dans de beaux draps…

Le squale ne peut s’empêcher de lâcher un rire gras lorsque les crocs du Vestige pénètrent la chair froide et viciée du poulpe. De toute évidence, le comportement du Roi de la Nécropole ne trouve aucun écho en lui. Depuis 142, donc depuis l’assimilation Uhen-Vestige, les spectres de la Nécropole se sont ralliés à une autre figure, celui que la Junte a nommé Shiki.

▬ Tu parles trop l’Ancien. Tu vis dans le passé… Qui te dit que nous opérons loin du giron de Mūn ?

Une lueur malfaisante brille au plus profond de ses globes noirs.

▬ Tu arrives bien trop tard. L’Archipel lui appartiendra bientôt.

Le corps du Jumeau mute. Son épiderme suinte une quantité d’eau anormale. Ses membres inférieurs se transforment en roche, et la source avilissante remonte jusqu’à sa boîte crânienne. Çà et là, des algues poussent, des coquilles de moules se greffent à son corps hybride : un ichtyen à l’apparence humanoïde. Pour la première fois depuis l’an 142, l’identité du Vestige chasse dans les profondeurs de sa psyché le jeune Uhen.

Cette nouvelle condition lui permet de voir ce qui se cache derrière l’invisible : la taverne est emplie d’hommes-poissons. Tous le dévisagent. Des dagues, des mandibules, des doigts, des ailerons, des tentacules le pointent du doigt. Tous se moquent de lui. Le Roi… Le Roi est devenu Vassal. Un pirate oursin ne tarde pas à déposer de nouveaux poissons corrompus sur la table.

▬ Bienvenue dans le Yūreisen, matelot. Ta première mission consistera à transformer ton équipage. Si tu refuses… Couic. S’ils refusent… Couic. Dépêche toi, cette île me fout le cafard.

Spoiler:

L’inévitable arriva. La consommation de ce poisson corrompu, empreint de l’énergie noire des créatures de chakra, ne laissa pas le corps de l’enfant de l’os indemne. Son corps frêle se transforma, développant tantôt des écailles rocheuses, tantôt des algues à la place de ses cheveux d’ivoire, tantôt des tentacules poussant aléatoirement sur son cuir détrempé, tantôt des coquilles de mollusque remplaçant quelques articulations. Il cacha néanmoins la majorité de sa nouvelle apparence morbide derrière sa cape, lui accordant encore une once d’humanité.

— Ce sera fait.

Impossible d’appeler Kiribukai en renfort. L’emprise noire coupait le lien de maître-élève entre l’Éveillé et son invocation naturelle. Pour cette fois, Le Vestige allait devoir travailler seul. De ce fait, il composait déjà un plan d’action, dans sa tête, pour annihiler le projet de l’Usurpateur. Cette mission n’était plus seulement liée à la protection de l’archipel de Mizu, mais était dorénavant personnelle. En guise d’As à sortir de sa manche au bon moment, sa cape nivéenne, qui lui permettra de retrouver son libre-arbitre une fois portée. Néanmoins, il avait besoin de ces nouveaux yeux pour se repérer dans la Brume, et atteindre la Source de ce Mal.

Le Vestige composa un clone, et lui confia du poisson corrompu, offert par le pirate oursin. Ce doppelgänger se dirigea aussitôt en direction de leur navire, à l’autre bout de l’île. Mais ça allait prendre beaucoup de temps…

— Merci, Lieutenant. Tu m’as ouvert les yeux.

Dans ses veines brûlaient une rancœur primitive. Il devait conserver un visage neutre, pour les heures, voire les prochains jours, mais le Roi des Spectres s’ordonnait inlassablement de punir les exactions de son peuple infidèle. Était-ce là toute la fidélité qu’ils avaient pu lui apporter ? En huit années seulement, le chat parti en surface, ces souris errantes avaient trouvé un nouveau parti. Une seule chose vrombissait dans la tête du Vestige : les tuer tous. Éradiquer chaque Spectre de la Nécropole Stygienne. Abandonner l’idée de les sauver de la Paratemporalité, car ces Traîtres ne méritaient aucun Salut.

L’esprit aux mille et une vies déclencha le fumigène de Ryōken pour dévoiler sa présence. En possession de poisson corrompu, il avança vers le port, et surtout, le ponton, où le « Capitaine » luttait bêtement pour sa vie. Ça n’était qu’un gaspillage de temps. Il allait poser un genou au sol, d’un moment à l’autre. Arrivant à sa hauteur, le Vestige composa ainsi des signes incantatoires pour développer son ossature, et venir entraver ses jambes depuis le sol. Très vite, les matelots du Yūreisen en profitèrent pour gagner du terrain, et le maîtriser à plusieurs. Le Roi des Spectres apporta le poisson maudit aux lèvres du Yuki.

— C'est Uhen. La Grande Endormie, notre maîtresse obscure, se trouve sous les eaux. Mange.

La quantité d’ennemis aux alentours empêchait le manipulateur de la glace de se rebeller trop longtemps. Ses actions n’allaient lui faire grappiller qu’une poignée de secondes illusoires…

— Toute l’île est déjà sous contrôle. Tu n’as aucune chance de les vaincre.

Ne restait plus qu’à jouer le jeu, et en découvrir davantage sur l’équipage fantomatique.

— Toi.

Le Vestige désigna un homme-poisson aléatoire dans les parages.

— Qu’attendons-nous sur cette île ? Quand partons-nous ? Trop longtemps nous sommes restés dans les grottes aqueuses. Les Spectres méritent leur liberté définitive ; sans maître ni geôle.

Le Vestige ouvrit son troisième œil (Rang B — Kanchi+RP), et le mêla aux avantages de sa nouvelle nature. En développant sa sensorialité jusqu'aux frontières de la Dimension Yang, via son instinct ichtyen, il espérait découvrir la position de tous les hommes-poisson aux alentours – notamment les navires de Shiki, sa Sirène responsable de l'emprise, et les éventuels autres regroupements. Il communiqua aussitôt ces informations au Yuki, ainsi qu'à quiconque était arrivé entre temps – notamment le jeune Chinoike.

Résumé :

La situation était critique. Son plan avait échoué, faute de mesure du danger qui flottait sur cette île. Ce qu’il croyait être un Genjutsu n’en était en fait pas un. Il faisait face à une possession spectrale qui défiait toutes les lois de l’univers et du réel. Si les bêtes de chakra obscur constituaient la plus grande menace du Continent, la Nécropole Stygienne renfermait quant à elle des secrets paranormaux. Les légendes de sirènes et de Hollandais Volant prenaient vie sur cette île. Fort heureusement, aucun scientifique ne faisait partie de l’équipage. Nul doute que les savants de la Kabbale auraient perdu la tête face à cette situation inexplicable.

Malgré ses efforts, quelque chose clochait. Sa technique avait échoué, sans doute à cause de ce lieu maudit. Pourtant, le froid mordant avait bien envahit le pont. Les êtres ichtyens étaient probablement insensibles au froid. Quoi qu’il en soit, l’atmosphère passa d’étrange à mortifère, alors qu’un voile de brume opaque (non à l’initiative du Yuki) les plongea dans le brouillard. Peu de temps après, le membre arraché de son compagnon infortuné scella son destin. Une sauvagerie qui ne décontenança pas le Capitaine, habitué à pire.

Le clone échappé, pendant sa course, croisa la route de quatre autres spectres, dont Issei transformé en homme-poisson. Il vit aussi les bateaux, comprenant qu’ils étaient passés à côté des colons de l’île. Les spectres avaient sûrement la capacité surnaturelle de changer de forme et de disparaître pour devenir invisibles. En levant la tête, il remarque Ryôken dans les airs.

— RYÔKEN ! SUR LE PONT, MAINTENANT ! S’écria-t-il, avant de composer des mudrâs pour faire jaillir des pics de glace de l’eau glacée sur la meute de maudits de la mer, dont faisait partie le clone d’Uhen. [1]

Sur ce pont, Seijirô se fait attaquer par un matelot transformé. Déjà prêt au combat, le pirate au cœur de glace esquive habilement [2] la lame rouillée, lui lançant la création d’argile dans les mains pour aussitôt la faire exploser tel un parchemin explosif attaché à un kunaï. [3] De quoi créer un peu de distance grâce à l’explosion qui propulsa l’épéiste fantôme par-dessus le pont.

— Enfin, vous montrez votre vrai vis… ARGH ! S’écrie-il avec surprise, alors qu’une balle d’eau avait touché sa jambe à une vitesse fulgurante, telle une balle de sniper. Fort heureusement, l’armure de glace qu’il portait avait amorti le choc et sauvé sa jambe. [4] Cependant, la force de l’impact lui avait bel et bien fait plier le genou à terre. Ses assaillants pensaient ainsi l’avoir blessé.

Alors qu’il s’apprêtait à continuer le combat, encerclé par l’ennemi, une excroissance osseuse vint l’interrompre en agrippant sa jambe pour l’empêcher de se relever. Un autre spectre marin se présenta à lui, c’était Uhen, bien qu’il était difficilement reconnaissable sous cette forme poisseuse.

— Uhen. Tu as mangé du poisson ?! Il était tombé dans le piège, lui aussi.

Et il semblait vouloir le transformer à son tour en le forçant à ingérer le met maudit. Aussitôt eut-il comprit cela, les mains du Yuki se joignirent pour former le signe du serpent. Profitant de l’air froid déjà présent dans l’atmosphère et de la garde baissée des spectres, il érigea en un instant un dôme de glace qui se referma sur eux. [5] Isolés du monde extérieur, dans une geôle de glace, Seijirô pourrait l’interroger.

— Bien. Explique-moi ce bazar avant que je ne te congèle vivant. Ensuite… peut-être songerais-je à coopérer. Où est le vrai Uhen ? Demanda-t-il, sourire carnassier aux lèvres.

[…]

Une fois le plan exposé, Seijirô suit Uhen dans sa folie en consommant le poisson maudit.

Résumé:

La crique, un havre de solitude au cœur de l'océan tumultueux, est le théâtre d'un spectacle où l'horreur et la bravoure se côtoient. Ryoken, perché sur son oiseau d'argile, observe avec une acuité de prédateur les trois navires abandonnés. Leur silence énigmatique lui murmure des histoires de désolation, des récits de batailles oubliées par le temps mais fraîchement gravées dans la mémoire des bois. Les pensées de Ryoken voguent vers Issei, son jeune compagnon disparu, happé par une farce maritime grotesque.

Un soupir s'échappe de ses lèvres, chargé d'une frustration palpable.

Soudain, le signal d'un fumigène lui parvient, un cri silencieux appelant au secours. Comme tiré par un fil invisible, Ryoken ajuste sa trajectoire, plongeant vers l'épicentre du chaos. À son arrivée, le tableau qui se déploie devant lui défie l'entendement. La plage, autrefois un paradis de sable fin et d'eau cristalline, est à présent infestée de créatures mi-hommes, mi-ichtyens, une armée grotesque sortie tout droit des profondeurs cauchemardesques de la mer.

Dans ce pandémonium, Seijiro, le capitaine de fortune, l'appelle à rejoindre le pont, une invitation que Ryoken repousse d'un geste de la main. Ce serait marcher tête baissée dans le piège tendu par l'ennemi. Son attention se fige sur Uhen, naviguant parmi les monstres avec une aisance déconcertante. Une question brûle dans l'esprit de Ryoken : Uhen a-t-il succombé à leur emprise ?

Ryoken, loin d'être dupe, prend une décision audacieuse. Avec un soupir résigné, il prépare son artifice le plus précieux, un double roulé d'herbes médicinales, et s'octroie un moment de répit avant de plonger tête première dans le chaos.

Avec un mouvement brusque, Ryoken déclenche l'explosion des sauterelles d'argile, créant une barrière explosive entre Seijiro et l'avancée ennemie. Lorsque Seijiro se cloître dans un dôme de glace avec Uhen, Ryoken, l'œil critique, prend une décision des plus audacieuses. Sans attendre, il fait exploser le dôme de glace et rejoint le duo, acceptant le poisson maudit tendu vers eux. C'est un saut dans l'inconnu, un acte de foi dans l'obscurité enveloppante de leurs destins.

"Tu parles d’une équipe, bande de clowns. Si on s'en sort, engagez vous dans un cirque ! "

Ryoken ne peut s'empêcher de lancer à ses compagnons d'infortune, alors qu'il croque dans le poisson, embrassant ainsi leur sort commun. Le goût amer dans sa bouche n'est rien comparé à la colère et à la détermination qui fermentent en lui. Intégrer les rangs de Shiki, c'est marcher sur un fil suspendu au-dessus de l'abîme, mais Ryoken est prêt à danser sur ce fil, à défier les profondeurs pour dénicher la vérité cachée derrière ce voile de mystères.

Lorsqu'il mord dans la chair du poisson maudit, une onde glaciale s'empare de lui, annonçant l'avènement d'une métamorphose inimaginable. La transformation s'amorce par une sensation de brûlure courant sous sa peau, comme si chaque fibre de son être était consumée par une magie ancestrale et sombre.

Sa peau, jadis humaine, devient le théâtre d'une étrange alchimie. Elle s'assombrit, se durcit, adoptant l'aspect rugueux et résistant d'une peau de requin. Des écailles d'un bleu profond, brillant sous la lueur incertaine de la crique, émergent avec une symétrie presque artistique, englobant son corps dans une armure naturelle à l'efficacité redoutable. Ryoken observe, horrifié mais fasciné, ses mains se métamorphoser, ses doigts s'allonger et se doter de membranes, tandis que ses ongles se muent en griffes acérées, prêtes à déchirer l'ennemi.

Son visage, reflet de son âme tourmentée, n'échappe pas à la transformation. La mâchoire s'élargit et se fortifie, accueillant deux rangées de dents pointues et impitoyables, héritage de son nouveau lignage marin. Ses yeux, autrefois humains, adoptent une teinte sombre, perçante, dotés d'une capacité à discerner le moindre mouvement dans l'obscurité des profondeurs ou de la nuit sans lune. Une nageoire dorsale émerge de son dos, symbole de puissance et de vitesse, complétant sa métamorphose en créature des abysses.

Malgré cette apparence monstrueuse, Ryoken conserve sa conscience, un esprit humain prisonnier d'un corps de prédateur. Il ressent la pression d'une volonté étrangère qui cherche à s'imposer, à le soumettre. Le désir de servir Shiki, de se fondre dans les rangs de cette armée du Yurensei, l'assaille avec une intensité déconcertante. Pourtant, au plus profond de lui, la flamme de la rébellion ne s'éteint pas. Elle vacille sous les assauts du maléfice, mais continue de brûler, témoignage de son indomptable volonté de résister, de combattre cette emprise et de retrouver sa liberté.

Dans cette lutte intérieure, Ryoken s'avance, un homme requin animé par la complexité des émotions humaines, oscillant entre l'obéissance forcée et le désir ardent de se libérer des chaînes invisibles qui le lient à un maître qu'il n'a jamais choisi. La bataille pour son âme ne fait que commencer, et dans ses veines coule à présent le sang salé de la révolte.

L’Hypogée de la Prison-Limbe, nommée Nécropole Stygienne par feu Kaguya Mūn, est, avec le Croc Prométhéen et l’Arbre de Vie, un pont vers les siècles oubliés. Dokueki Magobei fut parmi les premiers Kokka Renkinjutsushi à théoriser l’hypothèse d’un proto Chakra. Une forme archaïque de cette énergie invasive qui propulse les humains au rang de surhomme. Sa théorie se fonde, précisément, sur les Berceaux du Chakra et leurs interactions avec ces peuples limitrophes. L’expert du Pandémonium Vert a, en outre, estimé qu’il existait un lien indéfectible, sûrement taxonomique, entre les Gardiens-Esprits, les Superprédateurs et les Spectres. Tous sont, à bien des égards, des fragments de l’Alma Mater régnant sur un point spécifique du globe. Des gatekeepers, en quelque sorte…

L’ancien Amiral de la Junte se confronte aux simili-spectres. Les pêcheurs n’ont rien d’ichtyens, signe d’une lacune majeure dans leur organisme. Toutefois, l’inféodement à la Grande Endormie suffit pour qu’ils puissent clamer un lien avec ce que le corsaire estime être une espèce contre-nature. Qui du fruit de la Nature ou de l’Homme est réellement contra-natura ? Cette question, hasardeuse, irréfléchie, mériterait de très longues décennies de recherche pour obtenir une réponse satisfaisante.

À force de vainement lutter contre les amarreurs, le Yuki comprend que les spectres sont - littéralement - des entités fantomatiques qui traversent le monde visible. Faute d’une ancre commune, qui stabilise les deux frontières, les lames, mais aussi les explosions et les incantations de glace traversent les légions de Shiki, sans jamais les mettre en déroute. Avec plus de recul, l’Œil unique comprend que la Junte, maîtresse impitoyable de tous les océans et de toutes les mers, n’aurait jamais perdu face à d’autres humains sur leur territoire. Cette nature spectrale est la cause des échecs successifs de la Nation Ilienne.

L’équipage du Super Bateau se réunit au Port de Tortuga. Les manœuvres du Roi Jaune permettent à ses coreligionnaires de rester en vie face à l’ire infinie des esprits infatigables. Il sauve Seijirô, diminué par les conflits, d’une mort certaine en enfonçant le poisson-maléfice dans sa gueule, et permet à Ryoken de marcher au pas. L’enfant - devenu jeune homme - lamproie ne tarde pas à rejoindre ses amis marins. Il leur révèle que tous les hommes-poissons partagent le même sang vicié. Tous répondent à l’écho lointain d’une Mère endormie. Issei met un point d’honneur à leur rappeler qu’ils conservent leur signature sensorielle et qu’ils doivent faire attention, de ce fait, à leurs actions. En tout état de cause, leur nouvelle apparence est un récif qui les protège des lames de fond fantômales. Seul l’homme à la cape préfère conserver un talon d’Achille en portant son atour nivéen.

La double vue sensorielle du missionnaire de Shiki s’étend à l’échelle de l’île : à l’exception d’une infime poignée d’armateurs, la majorité des spectres du port n’ont pas une réserve de Chakra extensive - signe que les humains ensorcelés se sont certes éveillés au Chakra, mais ne sont pas en mesure d’exploiter ses fruits. Ce constat n’est pas partagé par les hommes-poissons, qui sont tous affins à cette puissance externe. Hélas, la puissance de feu d’Uhen ne lui permet pas d’éteindre sa vision au-delà de Zenshou. Il acquiert une information importante : les humains fantomatiques sont des goules, tandis que les agrégats de poissons et de roches maîtrisent le Chakra.

Un sifflement signe la fin de la récréation. Le requin-marteau, vraisemblablement chef d’une flotte sous la bannière de Shiki, gagne le port avec son équipage, une trentaine de corsaires maudits. Son arme, une imposante ancre rouillée suintant d’eau, est posée sur son épaule. De sa main libre, il tend son index en direction de l’éther, qui effectue trois tours dans le vide. Les serfs sous le joug de la malédiction de l’Eau retournent vaquer à leur occupation principale : la création de poissons-sortilèges. De façon concomitante, la brume opaque est conjurée, permettant à tous les non-hommes d’avoir une vision parfaite sur l’horizon bleu.

▬ On arrête de se chamailler les filles gwagwagwagwa - un rire atypique.

Une ombre imposante se profile sous l’étendue bleue devant eux. Le navire répond à l’appel de son capitaine. Kotsutō (骨刀, le Sabre d’Os) s’arrache de l’eau. Le navire est un Atakebune composé de bois, d’algues, de roches humides et surtout d’os de requin. La gueule squelettique d’un prédateur gigantesque - la mâchoire est large de plusieurs dizaines de mètres - joue le rôle de figure de proue. Une pluie d’hydrométéores s'échappe de l’épave submersible. L’équipage du Lieutenant de Shiki part à l’abordage, projette lianes, cordes, hameçons et autres ancres pour rallier leur foyer mobile. Les quatre nouveaux spectres suivent le rythme.

▬ Hop, hop, hop mes p’tits matelots. Pas de Kotsutō pour les jouvencelles. Vous allez devoir mériter votre place, façon Brume Sanglante, vous voyez c’que je veux dire ?

Le doux crissement d’une herse libère une chaloupe-sélacienne. Un mégalodon zombie, constellé de coquillages, d’algues et de morceaux de roches volcaniques, quitte les entrailles du vaisseau mère. L'arête dorsale du requin est remplacée par une cavité permettant à plusieurs forbans de stationner à l’intérieur du drakkar écailleux.


L’embarcation est une torpille qui tutoie la barrière sonique. Les déferlantes aériennes et aqueuses intiment à l’équipage du Super Bateau de se cramponner à la carcasse, afin de ne pas sombrer dans l’eau. Le requin-marteau et son équipage ne sont plus visibles depuis plus d’une demi-heure ; les quatre kamikazes sont les seuls à fendre les flots. Au loin, une bille noire ébrèche le canevas azuréen.

Les trois iliens, Uhen, Issei et Seijirô, reconnaissent, malgré la distance, le Kujiraryōshi (鯨猟師, le Chasseur de Baleines). Ce tekkōsen est l’un des nombreux joyaux maritimes à la solde de la dynastie Tachibana. Sous l’empire de Hoshigaki Yasuie, adepte du Gijū no Jutsu modèle requin blanc, le vaisseau est réputé pour être une arme de destruction massive. Cette tour mobile, protégée par plusieurs centimètres de tôles de fer, est quasi-impénétrable. A défaut de posséder des canons - très récemment inventés par les usines Imono -, le jouet de Yasui est équipé de plusieurs lanceurs harpons, capables de percer les murailles les plus résistantes.

Ce vaisseau de guerre sillonne, en temps normal, les côtes de Hi, Garan et Kaminari, pour vitrifier les structures côtières. Sa présence, ici, dans les artères de l’archipel est un funeste présage. Le Corsaire-Amiral est une sommité dans la hiérarchie militaire de la thalassocratie. Pour l’heure, le chef de guerre n’a pas encore détecté l’unité kamikaze. Autrement, un harpon aurait déjà traversé les flots déchaînés.


— Seigneur de toutes les mers, notre flotte orientale à écraser un Corsaire-Amiral.
— Conquérant de toutes les Îles, quand attaquerons-nous le cœur de Mizu ?

Spoiler:

Le groupe de suicidaires avait été commandité pour une mission bien sournoise : percuter de plein fouet le navire d’un Corsaire-Amiral. Tandis que le vaisseau-torpille fendait les eaux pour atteindre une vitesse incommensurable, le Vestige essaya de convaincre ses alliés d’infortune d’arrêter cette folie, et de se mettre les marins de la Junte dans la poche. Après tout, soumis au Serment d’Uhen envers la protection de Mizu, le Roi des Spectres avait les mains liées. Il aurait très certainement apprécié la destruction du Kujiraryōshi – mais, à cette heure, ce fut hors de propos. Peut-être un autre jour, lorsque les Serments pourront être brisés...

— Bon, écoutez-moi. Déjà : je suis désolé pour la tournure des évènements. Au moins, nous sommes en vie. Mais à quel prix ? Ensuite : malgré notre absence d’informations sur tout cette affaire, nous devons contacter la Junte et profiter de leur puissance de feu pour arrêter l’implacable. Grâce à ma cape nivéenne, héritage des Anciens Architectes, je peux retrouver mon apparence originelle. Ce qui indique une chose : cette transformation est d’origine obscure, ou naturelle. Et, sachant que tout cela ne sent rien comme Idō-Shima… c’est sans doute une invocation, ou un Gardien-Esprit, qui tire les ficelles de ce fléau.

Quelle était la puissance de cette Sauveuse ?

— À quatre, nous ne pouvons rien faire. La puissance de cette Grande Endormie – que je soupçonne être l’invocation responsable de notre fléau ; peut-être le Kraken qui terrifie l’archipel ? – doit être boutée. Par chance, cette nouvelle forme sublime notre sensorialité. Issei, je t’invite à utiliser ce sixième sens pour traquer nos proies. Nous guiderons l’armée de Mizu jusqu’au point faible de cette opération, et ils s’occuperont d’abattre la pieuvre titanesque. C'est précisément ce que je compte dire à la Junte.

Il fallait espérer que ceux-ci pouvaient se montrer conciliants.

— Je dois ainsi m’approcher suffisamment du Kujiraryōshi pour leur expliquer la situation. Seiji, Ryōken, si vous avez de quoi arrêter notre vaisseau de mort, faites-le. Ce serait risquer un fâcheux accident diplomatique. Aussi, ne vous montrez pas avant mes explications. Pour l'instant, nous sommes au service de Shiki.

Le plan expliqué, il fallait dorénavant agir.


Une fois la démarche lancée par Seijirô et Ryōken, le Vestige se projeta en avant pour profiter de l'inertie du vaisseau-torpille. Alors, il s'habilla entièrement de sa cape nivéenne, et retrouva peu à peu son apparence de mortel – et ses dimensions habituelles. Il mit une couche de chakra neutre sous ses pieds, et se mit à courir sur la surface de l'eau en direction du vaisseau de guerre. Hélas, la distance était encore assez longue.

1. Pour contrer ce fichu détail, le Vestige tenta de faire appel à son serpent géant albinos, doué de chakra. Celui-ci était capable de nombreuses prouesses martiales, et le fait de nager – bien que de manière imparfaite – n'en était qu'une parmi d'autres. Aussitôt Kiribukai apparut, le Vestige lui ordonna de le mener jusqu'au bateau de la Junte. A. L'invocation multiplia les ruées maritimes, en s'habillant lui aussi d'une couche de chakra neutre, afin de repousser l'eau sous ses écailles ; malgré la colère de la mer, le binôme Kiribukai-Vestige arriva, finalement, à destination. Le balafré s'enquit aussitôt à dévoiler sa position, d'une voix puissante.

— JE ME NOMME UHEN, GUERRIER KAGUYA, ET JE DEMANDE VOTRE AIDE !

L'exclamation était formelle, et directe. Le Roi des Spectres comptait sur la parfaite réputation de l'enfant-soldat (S+) pour demander les services du Corsaire-Amiral, et ne pas se faire abattre à vue. En même temps, le Mizujin agitait ses deux mains en l'air, avec vigueur, pour héler ses interlocuteurs.

Il fallait leur transmettre une absence absolue de danger.


Une fois recueilli par le Corsaire-Amiral du Kujiraryōshi, le Roi des Spectres demande une audience, dévoilant l'objectif de sa mission : résoudre le problème de Shiki et de l'Armée de Spectres. Il explique rapidement la situation, et l'état de son groupe, non loin, visible à l'horizon. Il présente aussi le problème de transformation, et illustre rapidement la gravité du fléau en retirant sa cape nivéenne pendant quelques secondes. Une fois le contexte posé, leur demandant de l'aide, il présente les informations qu'il a pu récolter.

Le Vestige explique tout ce qu’il sait, ou pense être correct.

1. Les humains sont contrôlés, comme des goules, et “paraissent” icthyens au travers de ses yeux de poisson.
2. La sensorialité des transformés est améliorée, faisant partie d’un « tout ».
3. Ainsi, le plan de Shiki n’est pas de semer la terreur, mais de monter une armée.
4. Il existe des hommes-poissons Éveillés, maîtrisant le Chakra, dans les rangs de Shiki.
5. N’importe qui peut être transformé en mangeant du poisson aux sillons violets.
6. Vu la capacité de la cape nivéenne du Vestige, qui lui permet de court-circuiter les effets secondaires des énergies obscures et naturelles, il met la transformation sur le dos d’une invocation, ou d’un Gardien-Esprit. Il pointe du doigt le Kraken, ayant déjà fait parler de lui sur l'archipel de l'Eau.
7. Selon un Lieutenant de Shiki, Elle – la Grande Endormie ? le Kraken ? – les a sauvés de la Nécropole.
8. Il existe une influence passive sur toute la cour de Shiki.
9. Les Spectres ne suivent plus leur ancien roi, mais ont choisi un nouveau – Shiki.

Le Vestige rajoute alors les informations, ou suppositions de ses alliés.

10. (voir tout ce qui sera dit dans les posts des copains)


Une fois son plan établi, le Vestige avait joué toutes ses cartes. Il misait fortement sur la participation du Corsaire-Amiral, en parfait coopération de l'Eau, pour venir à bout de Shiki et de son équipage maudit. L'ego avait été jeté à la mort ; il n'y avait plus que la vengeance, et la rancœur, sur la portion de Spectres l'ayant trahi.

2. Encore sur le Kujiraryōshi, le Roi des Spectres se proposa de faire la vigie, du fait de ses talents de senseur, et ainsi essayer de traquer la tempête, la Grande Endormie, ou encore la flotte de Shiki. Il expliqua aussi l'intérêt de séparer son compagnon anonyme (Issei) de lui afin de couvrir un maximum de portée. Une autre île allait sûrement se faire attaquer d'un instant à l'autre...

Résumé :

Ils avaient tous été touchés par le maléfice. L’ingestion du poisson spectral avait un goût amer, car cela ne suffisait pas pour intégrer la flotte de Shiki, le Seigneur-Pirate et son Kotsutō, le Sabre d’Os. Son lieutenant, l’Amiral-corsaire à tête de requin-marteau, défia les quatre nouvelles recrues : ils devaient couler un navire de la Junte pour prouver leur allégeance. Mais pas n’importe quel navire — il s’agissait du Kujiraryōshi, le Chasseur de Baleines. Commandé par un maître-requin, protégé par une épaisse carapace de ferraille et des harpons meurtriers, rien ne pouvait lui échapper. Mais ils n’avaient pas le choix, ils se dirigeaient vers la mer sur cette embarcation catapultée tout droit sur leur cible, une torpille rapide et précise.

Le Capitaine savait qu’ils fonçaient droit vers leur mort. En effet, aussitôt seraient-ils repérés que les harpons viendraient leur transpercer le corps. Pourraient-ils faire confiance au grossier capitaine du vaisseau à peau de requin ? Certainement pas. Ils serviraient de pâture aux pirates. C’était également la pensée du jeune Chinoike et d’Uhen, qui leur exposa son plan : se transformer en humain pour sceller leur alliance avec la Junte. Une idée qui ne ravissait pas Seijirô qui rêvait secrètement de la voir tomber. Cependant, c’était une stratégie redoutablement fourbe et audacieuse.

« Bien. Je n’ai également aucune envie de me ranger du côté de cette abomination surnaturelle. Même si… j’ai l’impression qu’elle tente de nous corrompre par la force. La mer, la Grande Endormie, semble s’être retournée contre ses pirates. Je soupçonne un puissant utilisateur de Suiton et de Fûton de causer des typhons, des tourbillons, et peut-être même la tempête que nous avons traversée. Sur une autre île, ils retiennent des prisonniers. L’équipage fantôme collecte des âmes, mais à quelle fin ? »

Seijirô avait du mal à s’habituer à cette transformation qui n’était pas encore complète. Peut-être s’en débarrasserait-il avant de s’abandonner complètement aux esprits de la mer et des océans. Les écailles sur ses doigts rendaient la composition de mudrâs difficile. [1] Son chakra Hyôton congela l’eau environnante, ralentissant la torpille puis la gelant complètement dans la glace, ce qui permit aux quatre forbans de quitter leur embarcation piégée, s’éparpillant dans l’eau comme un banc de poissons attaqué.

— Ryôken, piège-moi cette torpille ! Issei, regarde si nous sommes suivis. Si c’est le cas, nous allons les attendre ici. Ils pensent que la mer est à eux, nous allons leur montrer qu’ils se trompent.

La torpille gélée ferait un beau cadeau pour les remercier de leur « repas » maudit.

En effet, en agrégeant les explosifs sous-marins, ils pourraient créer de véritables mines sous-marines et piéger leurs tortionnaires. Ryôken se mettait donc à créer des mines d’argile explosives que Seijirô gelait pour les stabiliser dans l’eau. [2]

Travaillant de concert, les deux hommes-poissons allaient créer un barrage miné, formant une ligne de défense sous-marine. La couche de glace extérieure, pourvue d’extrémités tranchantes, servirait à perforer la coque du navire, tandis que le cœur d’argile explosive déclencherait l’explosion de toute la chaîne, jusqu’à la fameuse torpille. La réaction en chaîne de ce piège mettrait en déroute tout ce qui entrerait en contact avec.

Désormais au courant de la menace, ils prenaient une longueur d’avance en posant ce piège. Mais rien n’était joué, une fois le Kotsutō coulé, ils devraient encore mettre en déroute le Yûreisen. La flotte de Shiki coulerait avec eux. Il n’y avait maintenant plus qu’à attendre, chacun à son poste.

Résumé:

Le champ de bataille est une succession de plaques glacées et de crocs osseux. Deux hommes, assis en tailleur devant une coupe de sake, font face à une marée d’hommes et de femme. Pour la première fois dans l’histoire de l’archipel, un barbare à tenu tête au maître des lieux. La tête baissée, le chef d’une famille versée dans l’agropastoralisme, a certes perdu ce terrible affrontement, mais a gagné le respect du Tyran.


— Tu es bien brave, Yuki Kōri. Je n’ai jamais connu de guerrier comme toi. La Brume Sanglante t’autorise à fendre les flots. Conquiers de nouveaux territoires pour ton Seigneur.

— Le Clan Yuki vous remercie, Kaguya Mun. Vous aurez ces nouvelles terres. Nous partirons dès aujourd’hui.

— Le Clan ? Nous ? Hahahahaha. Tu iras seul. Les Yuki restent les esclaves de la Brume Sanglante.


Dans les profondeurs d’un Sabre d’Os immergé, le requin-marteau autorise son esprit à vagabonder. Il se rappelle d’une époque oubliée, perdue dans les contrées lointaines de sa conscience. Les lèvres ne peuvent résister au sourire qui se dessine sur sa gueule difforme, lorsqu’il se rend compte que l’Histoire n’est qu’un éternel recommencement. La porte qui mène à sa suite est assaillie par trois coups. Un poisson chat pénètre la pièce du Capitaine, qui range le manuel clanique.


— Pardonnez-moi, père. Pourquoi avoir permis aux pions de la Junte d’être en première ligne ?  
▬ Tu doutes de la stratégie de ton capitaine ?
— Non aucunement - l’homme-silure s’incline. Je cherche à vous imiter pour égaler votre réputation…
▬ Le petit anchois regagne toujours son banc. Le Seigneur de toutes les mers souhaite que la Junte cesse de l’insulter par ce sobriquet immonde, Shiki. Notre chef réclame son butin.
— Ils nous considèrent comme des poissons, mais oublient que nous avons fondé cet Etat. C’est rageant.
▬ Gwagwagwagwa.


La torpille passe le cap des cent-quarante nœuds et s’approche dangereusement du Chasseur de Baleines. Cette présence alerte le Kujiraryōshi. Son équipage de vétérans est une fourmilière agrégeant pirates, shinobi et esclaves. Ils ont tous participé à des centaines de batailles maritimes, face aux plus grandes flottes continentales, et ne craignent qu’une chose : vivre une journée de plus sans faire couler le sang de leurs ennemis.

— Prévenez le Corsaire-Amiral ! Éclaireur du Yūreisen à 9h ! Équipez les harpons. On s’active. On s’active.
— Putain ces foutus hommes-poissons sont partout.
— Tais-toi et aide-moi à armer les ogives en os.
— J’ai entendu dire qu’ils ont réussi à couler la flotte orientale !
— Ils ont détruit le Kairei ?
— Heureusement que nous avons Hoshigaki Yasuie de notre côté…
— Prions la Grande Endormie, qu’elle nous vienne en aide…
— Arrêtez de rêvasser bordel ! On dirait des brebis égarées.
— On est des putains de pirates. Si Kaminari n’a pas réussi à nous éteindre, c’est pas du poisson qui l’fera.

Cramponnés aux entrailles de la chaloupe-sélacienne, les quatre kamikazes exposent les maigres informations qu’ils ont réussi à récolter, puis s’adonnent à de nombreuses théories, avant d’établir un plan pour contrecarrer l’avancée de la menace enfouie. Le vaisseau zombie qui ne poursuit qu’un seul objectif - s’écraser contre le flanc du vaisseau amiral - ne peut se taire face aux élucubrations de ses passagers.

— Vous êtes si mignons les nouveaux spectres. Vous ne comprenez rien ! Le Conquérant de toutes les îles a proposé aux Tachibana de lui céder le titre de Despote. Vous avez commencé cette guerre perdue d’avance. La Grande Endormie est du côté de ses enfants. Agenouillez-vous, demandez pardon, et rejoignez définitivement les rangs du seul et unique Seigneur Pirate de cet archipel !

Le navire-suicide ne cherche aucunement à se rebeller contre les mutins - même en connaissant leurs desseins. Il poursuit un objectif plus grand, plus noble : servir la Reine des eaux en se soumettant à son Champion. Mourir en mer est un accomplissement que tous les pirates poursuivent, y compris lui. La congélation enferme les écailles de la torpille, qui décélère brutalement. Sans les ondes cryogéniques de l’ancien Amiral, les félons auraient été projetés aux quatre coins de l’étendue aqueuse en raison de l’inertie accumulée.

De façon concomitante, le Roi Jaune s’élance en direction des vagues, abandonnant son équipage à son sort. Il est le seul à pouvoir gagner la confiance de ses frères d’armes Mizujin, et cela grâce à son achat au Marché Noir. Feu Uhen tente d’invoquer sa moitié, le gigantesque serpent albinos Kiribukai. Hélas, l’emprise de la Reine Mère sur l’organisme du Kaguya est bien trop puissante pour permettre au Vestige de profiter du corps serpentin de son Kuchiyose. Il doit braver les flots tempétueux grâce à son usage du Ninjutsu, sans profiter de ses capacités spectrales. Les vigies du Kujiraryōshi ferre la signature sensorielle du Protégé de la Junte, ce qui lui permet d’échapper à un harpon large de dix mètres.

Dans sa charge, il perçoit un projectile déchirer les vagues et réussir à s’imposer malgré le maelstrom. Le harpon passe à quelques mètres de lui et continue sa course. Il n’a pas le temps de se retourner, et place sa confiance dans ses pairs, qu’il juge apte à pouvoir survivre. Cette ruée, plus longue qu’attendue, la faute à un corps non entraîné, lui permet de gagner les contours du tekkōsen. La divulgation de son nom et de son statut est suivie par la projection d’une corde lui permettant de gagner le pont du Chasseur de Baleines. Il est aussitôt escorté dans la cabine du Capitaine.


— Uhen, Uhen, Uhen…

L’adepte du Gijū no Jutsu modèle requin plonge son œil unique dans ceux du Vestige.

— Tu doutes des capacités de mon navire ? Nous venons d’oblitérer un nouveau port que Hi tentait de faire sortir de terre. Ce n’est pas ce Shiki et ses poissons qui nous feront peur. Cela étant dit, ils ont réussi à faire couler le Kairei, le tekkōsen d’Akebino Jinin. Tu sais ce qui est le plus fou ?

Le Hoshigaki quitte son siège, dégaine sa lame ponctuée de milliers de crocs et la pointe vers la gorge du rescapé.

— Ils ont envoyé un éclaireur, avec des marins de la Junte à son bord. Tu connais Jinin, il aime trop ses frères d’armes pour pouvoir les abandonner. Son unique faiblesse. Ils ont profité de son humanité, attendu que le capitaine ait vent de leurs cabales, puis les ont abordés.

La colère se lit sur le faciès du Corsaire-Amiral, qui a perdu un ami proche. Son emprise se ressert, les crocs vibrent.

— Qu’est-ce qui me prouve que tu ne répètes pas ce plan ? Tu m’as exposé des problèmes sans proposer de solutions. Essayes-tu de m’endormir ? Uhen, si mon équipage meurt, même la Vallée des Morts ne saura arrêter m-

Un choc surpuissant empêche Yasuie de terminer sa phrase. Les deux hommes sont propulsés contre la paroi gauche de la pièce. L’attraction étend son emprise sur tout le navire ; marins et équipements sont tirés par la gravité. Quelque chose d’énorme a percuté le Kujiraryōshi.

La trajectoire du projectile, sa vitesse, et le déchaînement de la mer, empêchent les trois kamikazes de déceler le harpon large comme dix mètres et haut comme cinq hommes. Ils découvrent son existence après que la dent de requin géante, hérissée de milliers de squames, ait troué - littéralement - une vague plus grande qu’un immeuble. La fronde est sous l’empire d’une technique Inuzuka et entend embrocher la torpille gelée. Hélas, la proximité des trois membres du Super Bateau avec le zombie gelé et la chaîne de mines sous-marines, se retourne contre eux. Si l’arcane du Bukijutsu percute leur position, leurs efforts seront vains.  

— Uhen, tu leur a fait gagner du temps. Bordel d’incapable. Vire moi cette cape. Deviens un poisson et gagne le droit de t’excuser en les boutant hors de mon navire. Avec moi, on va leur montrer la puissance de la Junte !

Le double-vue d’Issei l’alerte. En plus du harpon qui fuse vers eux, huit signatures sensorielles viennent de pénétrer son champ d’action. Derrière eux, deux torpilles contenant chacune trois pirates fusent à toute vitesse vers leur position. Il comprend qu’ils sont pris en tenaille et doivent réagir rapidement. Deux adeptes du Ninjutsu exécutent des signes incantatoires, avant de propulser deux dragons d’eau. Les quatre autres forbans plongent dans l’eau, laissent la puissance de leur muscle parler et frappent le monde immergé devant eux - ce qui se traduit, à la surface, par un imposant mouvement vers l'avant, plus exactement, un rouleau compresseur.

A l’image des requins, le Kotsutō a profité de sa capacité à naviguer dans les bas-fond pour remonter, dans un mouvement ascendant, vers la coque du Kujiraryōshi. La mâchoire titanesque du Sabre d’Os s’est écrasée contre les tôles de fer. A défaut de trouer celles-ci, la manœuvre a entraîné la surélévation du tekkōsen, désormais en quinconce sur le pont du vaisseau fantôme.

Une scène macabre s'offre aux deux Shinobi venant tout juste de quitter la cabine. Les hommes-poissons massacrent, sans mal, les flibustiers. Les lames fendent des corps spectrales, qui traversent la fabrique de la réalité, alors que des poings suintant d’eau atomisent les quelques têtes qu’ils croisent. Au centre de cette pièce dramatique, le requin-marteau regarde le binôme de Protégés. Ancre rouillée sur l’épaule, médaillon sur le plexus solaire, litres de sang sur les écailles, il s’avance doucement vers ses nouvelles cibles.

▬ Vous êtes ridicules. Dire que ma descendance est aussi naïve que vous…

L’ancre du Sphyrna mokarran s’écrase contre le plancher, qui est dévoré par la cryogénisation. Tous les spectres cessent de bouger ; de nombreux rires éclatent, alors que des poissons aux rainures violines sont jetés au sol.

▬ Yasuie, voilà ta chance. Bouffe-moi ce poisson, et ton équipage sera épargné. Tu pourras rejoindre ton camarade du Kairei. Gwagwagwagwa.

— N’insulte pas les morts, poisson de merde. Akebino Jinin n’aurait jamais accepté un tel pacte. Va crever, avec moi !

▬ Tous ceux qui mangeront mes présents seront épargnés… Si vous éliminez ces deux matelots.

Le Vestige et le Capitaine sont pointés du doigt. Hélas, Yasui dit l’Infaillible, est le seul à ne pas répondre aux sirènes de la Grande Endormie. Son équipage dévore le sortilège et gagne les rangs du Yuki. Une marée de pirates fantomatiques séparent le Lieutenant des deux âmes. Les sabres s’élèvent, les cordes vocales hurlent des cris, et les corps se ruent vers eux. Les spectres à la solde du Kotsutō enserrent le pont, mais ne participent pas aux futurs assauts : ils laissent les mutins se retourner contre leur chef.

— J’espère que t’as un plan. Ils ont forcément un point faible. Même les Biju ont des faiblesses.  

Félons et pions de la Junte se regardent en chien de faïence. Les premiers, très au fait des exploits militaires et martiaux de feu leur supérieur, n’osent pas l’approcher. Ils ont peur d'être découpés par son épée-requin, d’être arrachés par ses frappes écailleuses ou de tomber sous le joug de son requin de compagnie. Certes, les hommes-poissons ont le choix de ne plus craindre les frappes des piètre humains, mais cette donnée, ils l’ignorent pour l’instant. Cette omission offre une fenêtre stratégique pour agir, mais ne durera pas longtemps. En tout état de cause, les couards les plus courageux tendent leur index vers leurs proies et les fusillent.

Spoiler:

D’une composition exemplaire de signes incantatoires, le Vestige déploya ses os pour se défendre des traits d’eau le ciblant (B—Ninjutsu+Kaguya) ; au même moment, le Corsaire-Amiral Yasuie balayait le vent de son arme massive, organique, pour arrêter la course de celles-ci, l’épée-requin gagnant momentanément en taille, le temps d’une passe (B—Bukijutsu+Giju).

— Est-ce là toute votre allégeance ? Votre patriotisme ? Lâches. Vous ne méritez pas d’arborer les atours infinis des Spectres. Vous ne méritez pas la vie éternelle. Vous ne méritez pas cette île sacrée. Votre destin commun sera celui de Goules – des Faibles qui mourront pour bâtir les fondations de Mizu la Grande.

Le Roi des Spectres retira soudain sa cape – mais l’avait toujours à portée de lui, pour profiter de son effet passif anti-régénérant. Son corps se transforma, à nouveau ; il déploya ses tentacules, changea de visage, muta d’apparence, tirant ses origines du poulpe, ou de la pieuvre. Il garda toutefois ses mains, alors dotées de longs doigts griffus, du fait de sa maîtrise horrible de l’ostéogenèse, qui trahissait cette forme à la frontière des races.


— Je suis Kaguya Mūn. Je suis la Brume Sanglante. Je suis la Nécropole Stygienne ! Je suis votre Fondateur ! Celui qui vous a apporté le Chakra ! Qui vous a élevé de votre fange ! De votre mortalité ! Et je suis déçu de votre faiblesse. Aucun de vous n’aurait dû survivre au filtre des Épreuves.

D’un nouveau sceau, le Vestige invoqua le compagnon animal de son alter ego (E—Pacte+Fuin).

Aussitôt Kiribukai apparut, un ordre lui fut adressé : les entourer tous les deux. De sa longue taille, le serpent géant forma une arène à lui seul, abritant les deux Protégés. Une tentative inespérée pour échanger sur la méthode à appliquer pour les minutes à venir…

— Yasuie ; ma forme me permet de les toucher. Tous sont liés au Requin-Marteau. Je peux l’abattre. Toi, tu dois faire diversion, et repousser les traîtres de ton équipage. Serpent ; en attendant, provoque le chaos.

Kiribukai souleva sa queue pour l’abattre violemment sur le ponton (B—Taijutsu+Gigantisme). Le tremblement fut tel que la plupart des Spectres, encore inexpérimentés avec leur forme d’homme-poisson, subirent le coup de plein fouet, et durent lutter pour rester debout.

Aussitôt, le Roi en Jaune incanta de ses deux mains griffues pour lancer une salve de pieux d’os en direction du Lieutenant de Shiki (B—Ninjutsu+Kaguya), empalant les misérables traîtres dressés sur son chemin. Yasuie, comme convenu, d’un appétit sanglant, propre à son affinité pour les requins, fonça dans cet appel d’air (B—Taijutsu), arme organique en main ; aussitôt en mêlée, dans le trou spectral apparut, le Corsaire-Amiral exécuta une frappe horizontale puissante, tandis que son compagnon animal – jusqu’alors métamorphosé sous l’apparence de son arme – reprit soudainement sa véritable apparence pour s’imposer sur le terrain, gagner en portée, et surprendre ses cibles de ses crocs acérés (B—Bukijutsu+Giju).

Au centre du pont du Chasseur de Baleines, le Vestige invoqua un double de lui. Il fallait miser sur cette prise d’initiative, et sur ce chaos, pour l’emporter sur le Lieutenant de Shiki. Il était la clé de tout ce plan. Le Roi des Spectres devait se venger de ce disciple de l’Usurpateur.

— Serpent ! Élève-moi !

Kiribukai se grandit naturellement, son long corps redressé, avec aisance et rapidité (C—Taijutsu+Gigantisme). Ainsi, il souleva le Vestige originel dans les « airs », par ruée indirecte. Aussitôt, l’esprit antédiluvien propagea ses os le long des écailles du reptile pour recouvrir le sol, serpenter çà et là, et tenter d’entraver le Requin-Marteau (B—Ninjutsu+Kaguya).

De son côté, Yasuie acheva la métamorphose de son animal, qui prit l’apparence d’un requin gigantesque, prenant la moitié du champ de bataille, et écrasant les malheureux sur son chemin (B—Taijutsu+Giju). Jouant la stratégie de la diversion, comme convenu, il déploya une nouvelle carte de sa manche, et transforma sa propre tête en celle d’un requin (B—Taijutsu+Giju), afin de décapiter l’un des traîtres à ses côtés – affins au Suiton – d’un net coup de mâchoire (B—Taijutsu+Giju).

Enfin, le clone du Vestige lança un énorme dragon d’os vers le Requin-Marteau, en puisant sur le réseau calcique sur le sol gelé pour gagner en portée (B—Ninjutsu+Kaguya).


An : des centaines d’années avant l’Éveil
Lieu : Nécropole Stygienne

L’entité se réveilla d’un long sommeil. Les sens endoloris, la conscience émoussée, les souvenirs brumeux, l’homme ne put que s’accrocher aux maigres détails à portée de vue, d’ouïe, de toucher, pour recoller les morceaux. Qui était-il ? Quel était cet endroit ? Certains flashs d’existence le fustigèrent, lui imposant des versions alternatives de réalités divergentes, le plongeant dans des ténèbres encore plus mystérieuses. Il se souvint de chaleureuses victoires, et de défaites amères. Mais un océan de chaos séparait ces memento, obligeant son cortex à dérouler le fil rouge de son introspection.

Quel était cet endroit ?

L’esprit rencontra rapidement des âmes en peine, comme lui, ayant perdu une partie conséquente de leurs souvenirs. Soucieux, et encore rattaché à l’humanité, il les prit sous son aile, et dévoila, par le biais d’un art d’orateur qu’il redécouvrait, le squelette d’une prophétie, d’une religion, d’une vérité : ce n’était pas à cause du hasard qu’ils erraient sans but dans le sous-sol du monde, mais tout ceci était en réalité un projet de conservation d’âmes, créé lors de leur vie de mortel, pour être ramenés à la vie dans plusieurs générations.

Qui était-il ?

Très vite, le Vestige obtint une place de seigneur, et de guide, dans ce monde obscur sans réponses évidentes. Dans la langue qu’il instaura auprès de ses ouailles, il se fait baptiser Yavh'idhritl – autrement dit, le « Dieu Mnémonique ». Grâce à ses nouvelles fonctions, et son autorité grandissante, il promit à son peuple de les libérer du Sommeil, et de rejoindre la Surface. Par chance, un petit garçon perdu au sein des grottes de l’Eau, du nom de Mūn, deviendra sa première ancre pour préparer l’invasion des siens…



Son plan ne fonctionnait pas. Malgré tous ses efforts, quelque chose l’empêchait d’agir, de se battre à cent pourcents, d’aller au bout de ses convictions. L’influence passive de la Grande Endormie était trop forte. Et, autour de lui, il y avait trop d’obstacles. Trop d’ennemis. Trop tard. Le Vestige prit conscience, douloureusement, du gaspillage de ses huit dernières années ; et qu’il retrouverait bientôt les murs froids et humides de la Nécropole Stygienne.

— ... je suis tout aussi perdu que vous…

Son cœur se serra. Son humanité lui avait toujours fait défaut.

Maintenant, place aux conséquences.

— UHEN !

Une voix ?

Le Vestige releva la tête, pour surprendre une vision surnaturelle : ses compagnons d’infortune, dans les airs, en train de préparer une technique d’envergure. Les arcanes du Chakra convergèrent pour tenter de noyer le pont du Chasseur de Baleines sous une pluie de puissance. In extremis, le Kaguya déploya ses os pour former un dôme, afin de protéger Yasuie, Kiribukai, son clone, et lui-même (B—Ninjutsu+Kaguya). La protection se fit annihiler par l’Assaut ; mais les Spectres alentours durent L’encaisser tout autant.

— Cccc’est sssans esssspoir…

Kiribukai ouvrit finalement les yeux. Malgré son éternel statut de second, de side-kick, d’invocation, il prit une initiative décisive : FUIR. En prévenant ses compagnons proches, il s’enquit subitement à les avaler (B—Taijutsu+Gigantisme), les uns après les autres, pour leur servir de moyen de locomotion, tout en habillant ses écailles externes d’une épaisse couche calcique afin de se prémunir des dangers à venir (B—Taijutsu+Kaguya).

— Ccccette bataille est perdue, mais pas la guerre…

Direction : les navires des collègues du corsaire-amiral, pour monter une armée.

Au même moment, les Fils de l’Eau firent tout exploser. Il fallait à tout prix empêcher le Requin-Marteau de repartir en mer. Tandis que le groupe demanda à Ryōken d’ouvrir les valves de son potentiel explosif pour vitrifier la zone, le Vestige, alors à l’abri, ordonna à son double parfait de se sacrifier pour la bonne cause.

Très vite, le Chakra satura l’organisme du doppelgänger, qui devint le noyau de la Forêt d’Os tant estimée par le Roi des Spectres. Son ossature se développa de toute part, de manière horrible, pour ériger des excroissances calciques dans tous les sens, perçant la coque des deux navires, et les fusionnant dans cette position instable et inutile. Les rhizomes pénétrèrent le bois, l’acier, la glace, l’eau ; et empalèrent toute personne se trouvant sur les deux vaisseaux, humains comme spectres (A/Surcharge—Ninjutsu+Kaguya). Alors, le Roi en Jaune s’écroula dans la gueule de Kiribukai, inerte. Il n’allait plus pouvoir se servir de sa jambe gauche en se réveillant.

Kiribukai multiplia alors les ruées sur l'eau afin de fuir le plus loin possible (B—Taijutsu+Gigantisme), guidé par les indications du Corsaire-Amiral. Du fait de sa maîtrise du chakra, il avait habillé son corps d'une couche de chakra neutre pour se permettre d'être hydrofuge (E—Ninjutsu). Un nouveau type de bateau, en soit.

Résumé :

L’abordage, une tactique commune pour tout pirate qui se respecte. Pourtant, celui-ci n’avait rien d’ordinaire. Ils avaient amarré près du Kujiraryōshi afin qu’Uhen puisse se présenter à eux et ainsi se ranger de leur côté. Ce n’était qu’avant qu’ils ne fussent repérés, qu’ils avaient posé un champ de mines sous-marines, en vain. C’était mal connaître leur ennemi. Remonté des tréfonds de la mer, le sous-marin du Sabre-d’Os les prit d’assaut. Encerclés sous les menaces, les trois poissons échoués devaient agir vite.

— Attention ! Écartez-vous !

Le harpon osseux fonçait droit sur eux, menaçant de faire exploser le champ de mines artisanal. Il fallait fuir. Derrière eux, alors que Ryôken assurait leur porte de sortie, Seijirô créa un mur de glace opaque et incurvé [Nin B] sous l‘eau, de quoi masquer leur fuite et les défendre des attaques qui les entourait en demi-cercle. Ensuite, il utilisa ses nageoires nouvellement acquises pour se propulser à la surface telle une torpille, attrapant une patte de l’oiseau d’argile [Nin B] de leur artisan Bakushô. Les poissons volants prirent la fuite par les airs, fuyant les attaques sous-marines, gobés par un martin-pêcheur.

— Ryôken, nous devons intervenir.

Lança-t-il à son acolyte en constatant la situation critique sur le pont du Chasseur de Baleines. Ni une ni deux, le capitaine et son matelot composèrent leurs mudrâs. De la bouche du Bakushô et du bras du Yuki se formèrent deux dragons, l’un d’argile et l’autre de gel, qui fondirent droit sur le pont. Entrelacés dans une danse suicidaire, les deux dragons se séparèrent d’abord à chaque extrémité du pont, avant de se rejoindre au milieu en emportant un maximum de pirates dans leurs gueules.

— HYÔTON : DOUBLE-DRAGON KAMIKAZE ! [Nin B+]

KABOUM ! Le pont du navire se fissura en deux. L’impact des deux dragons suicidaires qui se rentrèrent dedans provoqua l’éclatement du dragon de glace en centaines d’éclats, des morceaux assez gros pour décapiter des têtes et amputer des bras, suivi de la détonation du dragon d’argile qui provoqua une explosion fatale, nettoyant la zone. Une fois la fumée dissipée, Seijirô reconnut le serpent d’Uhen en contrebas, au milieu des décombres et de la forêt d’os qui avait envahit le bateau pour terminer le travail.

— Nous devons trouver l’île sur laquelle ils cachent leurs prisonniers. Tâchons de montrer la voie à Kiribukai depuis les airs.

La bataille fut remportée, mais une victoire ne valait pas une guerre.

Résumé:

La dextre du Tachibana perce la glace, se fraie un chemin dans la chair congelée et capte le sang de la torpille. Les facultés sensorielles d’Issei lui permettent de subtiliser quelques informations du requin aux portes de la mort froide. Cet éclair de génie lui permet de glaner deux informations considérables. Dans un premier temps, il apprend l'existence d'ancres, permettant aux spectres d’exister en dehors des frontières de la Prison-Limbe. Chaque lieutenant de Shiki porte un objet symbolique capable de transformer des poissons normaux en hommes-poissons.

Dans un second temps, il fait une découverte encore plus macabre. Un nom résonne dans son esprit. Celui d’un monstre du passé. Du premier conquérant éveillé au Chakra : Kaguya Mun. La Junte a volontairement caché son existence, le nommant Shiki, pour éviter que l'allégeance des enfants de l’Eau bascule des Tachibana au fondateur de la Brume Sanglante. En outre, tous les lieutenant du Kaguya sont également d’anciennes figures historiques de l’archipel ; contrairement à leur équipage, les spectres ont possédés leurs corps, plutôt que de vulgaires poissons.

Le Chasseur de Baleines couve une bataille dantesque, mettant aux prises l’équipage du Sabre d’Os et l’équipage du Super Bateau. Les projectiles assimilés au Suiton rencontrent l'ostéogenèse de la nouvelle génération de Kaguya et les écailles des Hoshigaki, célèbre Clan parmi les pirates. Le binôme sélano-calcique tente de cibler Yuki ???, le requin-marteau prenant plaisir à voir les félons tenter de tuer leur ancien Capitaine. Malgré l’apparition de l’Albinos géant, qui enfonce de son poids le Kotsutō à moitié sous les flots, leurs assauts s’écrasent contre la cinquantaine d’hommes-poissons devant eux.

▬ Gwagwagwagwa, vous entendez ça ? On a Kaguya Mun, en personne, devant nous. Ce pitre pense que l’archipel tourne autour de lui. J’ai presque envie de te révéler la réalité, petit homme.

A défaut d’atteindre le Lieutenant par des assauts répétés - faute d’angle de tir pertinent dû aux hordes de pirates -, c’est l’hybris du Roi Jaune qui trouve un écho. De façon concomitante, Issei saute de l’oiseau d’argile, s’élance dans l’éther et plante ses griffes dans l’épaule du Sphyrna mokarran, alors que le clone du Vestige déploie un imposant dragon d’os. Le Yuki écrase sa queue, plus exactement, sa nageoire caudale contre le corps du Chinoike pour l’expulser au loin. Sans attendre, dans la continuité de son mouvement, l’ancre rouillée est saisie et percute avec force la création osseuse. Le contact avec la gueule draconique déploie une onde cryogénique qui enferme l’offensive dans un mini-iceberg et met fin, par la même occasion, à son inertie.

La présence du petit homme aux côtés du Jumeau est le signe que la cavalerie est arrivée. Dans les cieux, l’Explosif et l’ancien Amiral déclenchent une puissante technique combinée. Les deux dragons, d’argile et de glace, foncent en hâte vers le pont du Kujiraryōshi et n’aspirent qu’à le dévorer. Uhen effectue des signes incantatoires, mais les tentacules de la Grande Endormie assiègent son esprit ; le requin-marteau plonge son regard dans celui de son vis-à-vis, et hurle de rire. Tous les spectres se jettent sur leur Lieutenant et forment un dôme spectral.

L’assaut kamikaze souffle l’environnement : les milliers de fragments de glace, propulsés à toute vitesse, percent la matière. Le Chasseur de Baleines est transformé en gruyère, l’équipage du Yuki est décimé au trois-quart - bien que lui ne présente aucune blessure. Hélas, le défaut de protection ne permet pas aux alliés de Seijirô d’échapper aux conséquences de son offensive. Le corps de Yasuie est sectionné en deux, à partir de ses hanches, le bras du Chinoike a été happé par l’assaut, tout comme la jambe du Kaguya et l'œil de Kiribukai. Face à ce coup du sort, le vénérable Kuchiyose albinos avale ses troupes et fuit en direction de la mer. Le Kotsutō revient à la surface, les quelques spectres rescapés souhaitent les poursuivre, mais Yuki ??? leur intime d’abandonner.

▬ Donnez à Yasuie son poisson… J’ai un autre projet pour eux.

Le requin-marteau arrache le médaillon. Ses lèvres s’apposent contre une petite encoche et son souffle libère un cri inaudible. A l’exception de l’homme-silure et du requin-baleine - feu Yasuie - tous les spectres s’évanouissent dans la nature. Un tremblement invisible saisit la mer, qui se calme aussitôt. La mer s’obscurcit - littéralement. Une ombre titanesque, par dix fois plus large et plus grande que le gigantesque Kiribukai, assiège l’étendue aqueuse. Le sacrifice momentané du Sabre d’Os permet à ??? d’héler le Kraken.

Huit tentacules, deux fois plus hautes que la plus grande des montagnes, s’arrachent du cercueil aqueux et libèrent une pluie quasi-infinie d’hydrométéores. Les excroissances de l’Architeuthis Dux forment un cocon, une prison aux barreaux espacés de plusieurs dizaines de mètres ; le vaisseau serpentin est enfermé dans cette geôle ouverte. Une première tentacule plaque la mer. L’onde de choc propulse une vague qui croît à mesure qu’elle dévore les mètres la distançant de l’équipage du Super Bateau. Un huitième du Kraken perd en vitalité pour produire une lame de fond terrible, un tsunami dont la taille défie la réalité même. Yuki ??? profite de cet assaut pour propulser un harpon de glace au-dessus de la position de l’oiseau d’argile. Dans les airs, le projectile se divise en une pluie de mini-pieux cryogéniques.

Spoiler:

Leur plan n’avait pas eu l’effet escompté. En effet, si le Capitaine Seijirô et son dresseur de rapaces avaient lancé leur offensive sur le navire abordé, leurs équipiers n’avaient pas pu échapper à leur assaut. Le double-dragon avait décimé la coque, démembré les deux Mizujins errants et leur grand serpent ainsi que trancher l’Amiral Hoshigaki. Un vrai carnage qui reflétait la puissance brute des clans Yuki et Kaguya qui avait dessiné l’archipel de l’Eau tel qu’on le connaît aujourd’hui à travers d’innombrables batailles.

— UHEN ! ISSEI ! S’écria-t-il vainement. S’ils ne répondaient pas, ils étaient déjà morts.

S’élevait dans les airs une épaisse fumée causée par l’explosion des deux dragons et le naufrage de Kujiraryōshi, le Chasseur de Baleines. C’en était fini du majestueux atakebune, qui avait arpenté les sept mers du Continent pour chasser bijû inférieurs et superprédateurs des océans. Il sombrait désormais dans les abysses, sous le poids des batailles et du Sabre-d’Os, le Kotsutō. Une fois l’écran de fumée dissipé, Kiribukai était toujours debout, bien que fortement raccourci au niveau de la queue. Ce dernier plongea dans l’eau qui s’assombrit instantanément.

En effet, l’un de leurs ennemis était encore debout sur le pont, ayant résisté à l’assaut contrairement à ses hommes. Le requin-marteau émit un cri strident, subaquatique, qui gela le temps pour invoquer les bras de la mer. L’un des tentacules herculéen s’abattit fortement sur la surface de l’eau, soulevant une grande vague qui remplit d’ombre le champ de bataille en menaçant de s’abattre sur la zone. Les deux cavaliers d’argile ne pouvaient pas s’échapper par le ciel à nouveau, la voie étant bloquée par de grands stalactites de glace descendant en flèche droit sur eux.

La glace contre la glace.

— Ryôken, évitons de nous faire embrocher. Nous avons une pieuvre à abattre !

À ces mots, le Bakushô lança en l’air une armée de petites créations explosives [Nin B] pour faire éclater les pieux de glace au vol avant qu’ils ne les atteignent. La pluie de flocons de neige qui en suivi n’était qu’un avant-goût de la vague titanesque qui allait les frapper. Nul doute qu’une technique de cette ampleur allait leur coûter la vie s’ils ne s’en défendaient pas : c’était la noyade assurée.

Composant ses mudrâs, le Yuki entreprit de geler la vague aqueuse. C’était la seule solution pour arrêter la déferlante qui menaçait de les écraser, la pression les tuerait sur le coup.


La main du corsaire s’étendit vers le mur aqueux qui surplombait le cortège aérien. Une vague de froid se propagea alors dans la zone, ressentie par tous les shinobis qui grelottèrent et dont les souffles se condensèrent en nuages brumeux. L’enveloppe de glace étreignit la vague pour la recouvrir complètement et la congeler sur place, créant un gigantesque iceberg qui surplombait la mer. L’eau ne faisait pas le poids face à la glace éternelle. Ou bien était-ce le contraire, si tant est que la densité de l’eau est supérieure à celle de la glace, afin que celle-ci puisse flotter à sa surface.

Sur la route du gel, le 7ème tentacule de la bête avait également été piégé dans la glace, désormais immobilisé dans cet iceberg. Seijirô avait ainsi sauvé son équipage d’une mort certaine. Mais le nouveau corps du corsaire ne supportait pas le poids d’une telle technique, le forçant à plier le genou pour vomir du sang. Heureusement, l’aviateur Bakushô était là pour le relayer. Ce dernier largua des obus d’argile explosive dans la mer depuis les airs, tentant de toucher le sous-marin Kotsutô.

Il fallait détruire ce vaisseau et toute la flotte de Shiki, le fief de la piraterie spectrale.


La bataille navale de Tortuga laissait place à une bataille aérienne et sous-marine d’exception.

Résumé:

La scène était désespérée. Les acteurs tombaient de mal en pis. Il fallait un miracle pour l'emporter sur ce combat ; l'emporter sur la vie. Pourtant, nos héros se battaient becs et ongles pour essayer de tirer leur épingle du jeu. Même si le Vestige était meurtri à cause de sa consommation de chakra, le serpent albinos était toujours debout, pour le moment, afin d'aider à son échelle.

— ...

Le « petit » Issei venait de dévoiler des éléments importants de la trame, directement liée à l'existence du Roi des Spectres. Le garçon qu'il avait élevé était responsable de tout ceci ? Ça n'était peut-être pas une mauvaise choses. Qui savait ce qui se passait dans la tête du Dieu Mnémonique ?

— Il faut ssssortir de là. Nous pansssserons nos plaies plus tard.

Kiribukai passa sa tête hors de l'eau pour récupérer sa respiration, et observer le chaos qui l'entourait. Voyant que ses compagnons aériens se battaient pour résister aux pieux, et contre-attaquer sur le navire immobile, le reptile décida de se joindre aux hostilités. Il habilla son corps entier d'une épaisse couche osseuse (B — Taijutsu+Kaguya), se rua à toute vitesse vers la tentacule n°6 (B — Taijutsu) – à côté de la septième sacrifiée – et tenta une prise agressive sur tout son long (B — Taijutsu+Gigantisme). Alors, ses écailles calcifiées entremêlées à la chair molle du poulpe, il fit pousser des épines sur tout son large pour l'annihiler (B — Taijutsu+Kaguya).

Résumé :

L'Émissaire de la Grande Endormie entame son ascension vers le Royaume de Kaguya Mun ; l’horizon bleu est voilé par un linceul d’ombres et d’arabesques. De manière concomitante, un huitième du Kraken s’ôte la vie pour produire une vague scélérate capable de dévorer les cieux et l’astre solaire. Yuki Seijirô, descendant de Kōri, debout sur l’oiseau d’argile du Bakusho, constate la menace. La force de cette créature primaire, antédiluvienne, est bien trop importante pour pouvoir fuir. L’équipage du Super Bateau est condamné. Condamné à devoir pourfendre le fruit de la mer.

Les effluves d’iodes se fraient un chemin dans ses conduits olfactifs et les trombes d’hydrométéores caressent les joues de l’ancien Amiral. Une merveilleuse mort pour un pirate de sa carrure. Là, face à une montagne d’eau mouvante, un rouleau compresseur capable de briser bien des navires ou de noyer bien des îles. Le Shinobi ne se résigne pourtant pas. Son acolyte déclenche une série d’explosions en chaîne qui pulvérisent les pieux givrés en nuées de flocons inoffensifs.

Au bord du précipice, le Rescapé de Shimo entame une série de signes incantatoires, sacrifie son bras droit sur l’autel de la surpuissance, et libère une onde cryogénique qui fend les cieux et la mer pour emprisonner le tsunami. Les crocs du Hyoton dévorent le mur Suiton et transforment la catastrophe mouvante en un parfait iceberg. Le Requin-Marteau, son ascendant ne peut s’empêcher de sourire face à la vision de son lointain petit fils tenter de braver les eaux. Il incante à son tour une série de mudra, tend sa main droite vers les obus et, à l’instar d’un limier surentraîné, une vague de froid s'échappe de ses doigts pour congeler les torpilles dans les airs.

▬ Partons. Le Kraken est là. Je ne veux pas assister à cela.

L’homme-silure cramponne la barre de gouvernail, effectue un premier tour dans le sens anti-horaire, et permet au Sabre d’Os de s’enfoncer dans les profondeurs de la mer. Le navire organique s’immerge sous les flots - Chinoike Issei ressent le Chakra du Lieutenant s’éloigner très rapidement de leur position. La mer tremble - littéralement. De nombreuses bulles d’eau éclatent à la surface, libérant d’impétueux remous. Quelque chose de titanesque, encore plus imposant que les tentacules grattes-ciel : l'Émissaire lui-même.  


Ce promontoire charnel est la proie de nombreuses vagues géantes qui s’écrasent contre le bas de sa gueule, en vain. Le corps de la monstruosité est criblé par des milliers - si ce n’est des millions - d’entailles, symboles de luttes antiques avec les précédentes générations de marins. L'œil frontal du Colosse est clos, les six autres billes vermillons, indépendantes les unes des autres, analysent leur environnement. Elles basculent entre le ciel, l’oiseau d’argile, le Yuki, le Bakusho, la mer, les tentacules, l’horizon et Kiribukai.

A l’intérieur du vaisseau-serpent, Tachibana Issei utilise les secrets du Chiton. A défaut de pouvoir les soigner, il parvient à obturer les vaisseaux sanguins et offre à lui-même, mais aussi à Uhen et à Kiribukai, la chance de ne pas se vider de son sang. Ce maigre pansement suffit pour le moment. Enroulé autour de la sixième, le titanoboa albinos est en contact avec la chair poisseuse de l'Émissaire. Une constellation de globes oculaires éclot des écailles du Kuchiyose, mais aussi à l’intérieur de son tube digestif. Les yeux, toujours indépendants les uns des autres, analysent l’intérieur et tentent d’entrer en contact avec les deux Mizujin. Plonger son regard dans un œil permettrait de réaliser que les pupilles, noires comme la suie, sont en réalité des tentacules ; une vision cauchemardesque qui fragiliserait la psyché d’une forteresse mentale imprenable.


Le sixième tentacule s’écrase contre la mer, et disparaît peu à peu dans les profondeurs. Mutilée, l’excroissance est inutilisable. Kiribukai amorphe, paralysé par un mal ésotérique, devient le vaisseau d’une conscience plus grande que la sienne. Deuxième et troisième s’élancent à la poursuite de l’oiseau d’argile ; les ventouses - aussi grandes qu’un château - libèrent un nuage d’encre qui se mêle à l’éther et brouille la vision du Bakusho. Les deux tentacules chasseurs prennent en tenaille l’embarcation aérienne. Le premier s’abat avec force vers la création, dans un mouvement ascendant, alors que le second remonte vers elle, dans un mouvement descendant. L’Architeuthis Dux tente d’écraser les pirates comme un homme tente d’écraser un moustique.

Spoiler:

Le moment n’était pas à l’introspection. Le mutisme n’était pas la solution. De toute évidence, le Dieu Mnémonique devait faire un choix : abandonner le combat, aider son élève sanguinaire à annihiler l’archipel, ou corriger ce dernier pour lui apprendre les bonnes manières.

— Sale petit garnement.

Le Roi des Spectres fit claquer sa cape nivéenne dans l’air. La revêtant, il chassa sa forme d’homme-poisson pour retrouver les traits de son hôte adolescent.

— C’est donc personnel, maintenant.
— A-aa--a--aai-i-i-i-i-i-d-d-dd-e-eeee--....-..-...-.....---

Le serpent géant, malgré sa victoire contre l’un des tentacules, n’était plus en état pour lutter contre le Kraken, amputé de deux excroissances organiques. Il divaguait, sombrait dans la folie, des yeux tapissant son intérieur – signe d’une infestation pernicieuse.

Le Vestige essaya d’utiliser sa cape au chakra pur pour chasser les mauvaises oeillades, et court-circuiter ce chakra étranger. Il tenta de se balader, à une jambe, dans les entrailles de son invocation, essayant de répliquer cette expérience à différents endroits. Mais son chemin le menait vers la gueule du reptile, et donc l'air marin.

— Issei. « Shiki » doit mourir. Et promets-moi de garder son identité cachée. Les Mizujin ne doivent pas apprendre que leur guide régalien est la cause de tant de tourments. L’archipel pourrait sombrer dans le chaos.

L’unijambiste posa les yeux sur l’affrontement aérien, au loin ; il vit les tentacules s’approcher dangereusement de l’oiseau d’argile, avant de cracher un épais nuage d’encre. En ouvrant son troisième œil, le Kaguya essaya de suivre les mouvements des deux tentacules au travers de la fumée.

Alors, il composa des signes incantatoires. Malgré la surcharge, et son système chakratique diminué, qui l’empêchait notamment d’invoquer un clone de lui – sous peine de sombrer dans l’inconscience –, le Dieu Mnémonique avait en tête d’arrêter l’un des tentacules assaillants. Il façonna un tentacule osseux à l’aide de son ossature, et essaya de se dépêcher de rejoindre le Deuxième, ou le Troisième, pour le contraindre à arrêter son assaut. Cette excroissance, épineuse, avait volonté de réduire en charpie sa cible.

Pendant ce temps, Issei s’affairait à abattre un autre tentacule.

Résumé :