Si les ambitions de Yoake n'avaient jamais cessés d'être tournée envers son père et son archipel, notamment pour ce qui concernait la politique et les conquêtes. La question clanique restait quelque chose qu'elle souhaitait régler d'elle même, en égalant celui dont elle était un littéral morceau de chair, et en offrant refuge à tous ceux qui le cherchent, pour les protéger et leur enseigner le chakra, et, qui sait, l'art de l'ostéogénèse et bien plus. Un jour de plus le soleil éclairait Yashi Chiku, bien que le Soleil de la Nomarque lui, restait éteint, dans le plus grand secret et la plus grande peine. La cheffe préparait une expédition pour les prochains jours et avait ainsi prévu de rester quelques temps sur son territoire, alors elle rendait visite aux habitants, pour s'enquérir de leurs situations. Après tout, c'était de l'aide qu'elle avait promit.

Aujourd'hui, elle était nomarque, mais bien avant ça, elle était une étrangère. De ce fait, elle savait reconnaître au coup d'oeil ceux qui ne connaissaient pas la céramique, et au delà de ça, elle connaissait avec le temps chacun des habitants de son Nome, mais cette fille là n'en était pas une. La Reine Pâle s'engouffra dans la ruelle où se trouvait la silhouette qui n'appréciait visiblement pas d'être exposé au jour, mais l'Éclipse était un parfait amalgame entre le jour et la nuit, craindre le Soleil n'était qu'une façon de mieux embrasser la Lune. La femme vêtue de cette robe d'un pourpre éclatant se présentait alors à l'Égarée, sa chevelure d'albâtre, alors jumelle de la sienne témoignait de cet étrange apparence étrangère.

Les mains liées devant son abdomen, les manches évasées de sa robe virevoltant sous le courant d'air qui s'engouffrait dans la ruelle, la Mande-Éclipse se tenait légèrement épaulée contre le mur, ses pupilles écarlates toisant celle dont le visage oscillait entre peur et haine.

— Le soleil vous tracasse très chère ?

Son visage prend un air plus concerné, s'il s'agissait de quelqu'un en quête d'aide, de refuge, elle devait montrer le meilleur d'elle même.

— Vous m'avez l'air pâle.

Le soleil éclatant trônait sur sa poitrine, symbole de l'organisation dirigeant l'endroit. Pourtant, Yoake ne marquait aucune preuve d'hostilité, et son regardait ne trahissait rien d'autre que la simple inquiétude.

Yoake se redressa, observant la réaction de la jeune femme avec un brin de perplexité. Son comportement n'était pas anodin, et l'enfant - ironique quand elle devait avoir son âge voir moins - semblait fuir l'aide et les bras tendus des étrangers. Elle ne fit pas le moindre mouvement, attendant de voir jusqu'où irait cette femme pour fuir dans un lieu où elle ne connaissait certainement pas les divers recoins. La nomarque resta ainsi silencieuse avant que l'inconnue ne revienne à elle, lui offrant ce même sourire.

— Vous êtes la bienvenue à Yashi Chiku. Laissez moi vous offrir un toit pour la nuit et un repas.

L'aube fit signe à la jeune femme de poursuivre son chemin derrière elle, alors qu'elle n'a que quelques pas à faire avant de passer un ensemble de rideaux en voilage, qu'elle dégage du dos de sa main en jetant un oeil pour vérifier sur son invité la suivait bien. Yoake s'efforcait de ne pas s'attarder dehors, ni même de s'attarder sur le visage de l'inconnue : elle avait apprit auprès de Nihon qu'il ne fallait pas toujours se laisser aller à le curiosité. Une fois dans le bâtiment en terre cuite, les sons extérieurs du souk et du vent semblent étouffés, de même pour la lumière du soleil qui peine à s'engouffrer à travers les vitraux, laissant pour seule source de lumière les nombreuses bougies allumées.

— J'ai vocation à offrir refuge à ceux qui le demandent, sans jamais devoir poser la moindre question. L'Éclipse étend ses rayons pour réconforter ceux dans le besoin. Vous pouvez rester autant que vous le souhaitez, et me faire part de vos envies si tel est votre désir.

La discrétion avait été respectée, l'endroit était vide, personne n'avait véritablement vu l'itinérante rentrée et même si tel était le cas, personne ne saurait poser des questions trop intrusive, la jeune femme avait sur cacher son visage pour ne pas se faire reconnaître de ceux qui pourraient la connaître.

— Pardonnez mon impolitesse, je m'appelle Yoake.

Elle invitait alors l'itinérante à s'installer, n'attendant pas nécéssairement de réponse de sa part. Elle ne savait que trop bien ce qu'était la vie lorsqu'on cherchait à se cacher, mais c'était en se grimant qu'elle avait pu trouver le meilleur des refuges.

La mande-éclipse offrit un sourire qui se voulait presque rassurant à la jeune femme, sans tiquer - peut-être de gré - sur le bafouillage auquel elle faisait face.

— Enchantée Seimei.

Les embruns exotiques même en intérieur semblaient embaumer les lieux, révélant une riche culture en ces terres pourtant arides d'extérieur. Une douce métaphore sur les préjugés certainement, Yoake s'était doucement acclimatée à ce territoire et à la chaleur, à tel point qu'elle serait presque triste de devoir la quitter. Mais au delà des émotions, elle était trop occupée et trop responsables sur ses terres pour pouvoir partir comme elle l'entendait.

— Beaucoup ici sont comme vous, n'ont plus de « chez eux », c'est pour ça que j'aspire à offrir un refuge au moins temporaire. Les peuples ici ne sont pas dotés des armes pour se protéger, que ce soit de la nature même ou alors des tyrans.

Les délicates mains de Yoake se saisirent d'une longue mèche, alors qu'elle s'était décalée vers l'ensemble de bougie disposé sur une table. Visiblement, la maîtresse des lieux redonnait une flamme ardente aux bougies éteintes, et fit même allumer un pot d'encens pour revivifier la pièce. Comme si elle comprenait les sentiments profonds de l'invité, elle n'avait pas déposé son regard sur elle depuis son entrée dans la pièce, s'attardant sur d'autres points pour lui laisser au moins cette intimité ci.

— J'aspire à en offrir.

Elle souffle sur la mèche enflammée, la dépose sur le plateau et se tourne finalement en rattrapant un pan du tissu de sa tunique. Elle revint auprès du sorte de salon, se saisissant d'un fruit, certainement une figue, alors qu'elle continuait d'éviter le contact visuel direct.

— Aviez vous entendu parler de nous avant ? Ou votre itinérance vous a mené à Tōji par hasard ? Nous sommes assez reculés vis à vis de la capitale.

L'invité demeurait énigmatique, mais se détendait un peu plus, Yoake s'efforçait de toujours faire en sorte que ceux qui viennent à sa rencontre soient finalement à l'aise, elle ne peut prétendre être un havre de paix si sa présence provoque le contraire. Yoake enfonce son dos contre l'un des coussins alors qu'elle avait finalement prit place sur ce qui ressemblait au sofa, un peu plus en hauteur, relevant ses genoux vers son bassin alors que son visage, déposé sur le tissu se tourne pour observer la dénommée Seimei.

— Parfois dans notre perdition nous nous adonnons à des actions que l'on imaginerait pas en temps normal. Prêter main forte à un pays qui vous veut six pieds sous terre, ou se rapprocher de ceux qui vous veulent. Parfois nous trouvons la tranquillité, même en étant proche de nos... disons « admirateurs ». Il faut garder une longueur d'avance sur ceux qui vous cherchent, malgré la peur.

Yoake termine finalement sa figue alors qu'elle dépose la peau de cette dernière sur un plateau vide posé à coté d'elle. Elle était certes loin d'imaginer ce que pouvait vivre son invité, elle n'avait pas vraiment envie de s'introduire dans ses problèmes personnels, elle ne pouvait finalement que parler en se prenant elle-même comme exemple.

— Certains règlent cette peur de la solitude en se constituant de quoi se défendre face à ceux qui vous en veulent, si évidemment ils possèdent une force conséquente. D'autres préfèrent abandonner, acceptant d'être jugés, que ce soit par les hommes ou par les Dieux. D'autres sont en fuite constante, se cachent, disparaissent.

La silhouette de Yoake se redresse légèrement, pliant son coude pour pouvoir soutenir son visage, toujours allongée sur le sedari. Elle attrape du bout du doigt la figure d'un autre fruit à sa portée, alors qu'elle esquisse un léger sourire.

— Tout dépend de vos différends, j'imagine. Si vous tourmentez les civils, il est certain que votre présence ici sera brève. Mais si ce sont les institutions, ou mieux, les tyrans qui vous réclament, l'Éclipse vous ouvre les bras.

La jeune femme hoche positivement son visage pour indiquer à son invité qu'elle pouvait se servir, gardant son sourire amical sur son visage. Fort heureusement, les populations locales du désert n'avait pas accès aux données relatives au Bingo Book de Ame aussi facilement, sans quoi l'Éclipse aurait déjà disparue. La cheffe parlait en connaissance de cause, recherchée pour terrorisme, était-elle seulement à même de prétendre vouloir faire de l'humanitaire ? Ses membres avaient tous leurs visages recherchés, à plus ou moins grande échelle. Sauf l'Oracle, pour l'instant.

— On s'y fait. Même si le soleil est toujours très capricieux. Je n'ai de cesse de couvrir ma peau de tissus divers pour m'éviter de mauvaises surprises. Je peux le prétendre autant que je le souhaite, mais je ne suis pas une native d'ici et le soleil me le fait savoir.

La dame à la chevelure d'albâtre confirmait ce que son apparence sous entendait, sans donner trop de détails. Finalement, elle pose son regard sur l'accoutrement de la jeune femme, ses pupilles s'écarquillent légèrement avant de toiser le visage de son invitée, l'air presque illuminée par une idée, quelque chose qu'elle aurait oublié de faire.

— Peut-être voudriez-vous vous changer ? J'ai des tenues appropriées pour se protéger du soleil qui seraient peut-être plus agréable après un long voyage.

Les mots de son invité arrachèrent un léger rire à la femme. Il n'était pas vraiment moqueur, il relevait presque d'un étonnement, ou d'une nervosité certaine. Certaines personnes méritaient les traques dont elles faisaient l'objet, Yoake comprenait parfaitement pourquoi le Feu la détestait tout particulièrement, d'autres se voilent la face, ne veulent pas accepter ou comprendre que ce qu'ils ont fait ait pu être mauvais, et d'autres n'ont tout simplement rien fait. Yoake se saisit de dattes, à son tour, alors qu'elle tourne son regard vers Seimei, notamment suite à son interrogation sur les différends qu'elle pouvait avoir.

— Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour le plaisir d'un père ?

Fit-elle, écarquillant les yeux alors que le sarcasme était pleinement palpable dans ses paroles. En dire plus signerait son arrêt de mort, mais Yoake savait où s'arrêter et connaissait parfaitement la limite de ses engagements. Elle se retourne finalement, dos contre le matelas alors que son visage observe le plafond de l'établissement.

— Mais ça ne m'empêche pas de vivre. Aussi puissant soient nos « admirateurs ». Il faut apprendre à vivre avec cette idée, se forger un nouveau regard sur le monde qu'on a toujours connu. Tout n'est qu'un jeu de proie et de prédateur, sauf qu'ici les proies peuvent se révéler être bien plus dangereuses que l'on veut bien croire, tant que vous ne révélez pas de faiblesses. C'est comme ça que je le perçois en tout cas.

Ou peut-être débordait-elle d'une confiance pernicieuse qui la conduirait à sa perte. Un long soupir s'échappe de ses bronches alors qu'elle se décide finalement à se redresser, elle remet correctement en place ses cheveux avant de sourire à son invité, avec qui visiblement, elle partageait des similitudes qui allaient au delà de leurs apparence charnelle.

— J'ai confiance en votre bonne foi, Yashi Chiku demeurera votre foyer tant que vous en avez besoin. Et vous avez besoin d'une aide, je suis prête à vous l'offrir, entre personnes ayant des différends.

Seimei avait bien des secrets, mais Yoake ne se contentait que de ce qu'elle pouvait bien lui révéler. Les nations autour de la céramique étaient dirigées par des tyrans, cela lui suffisait pour considérer son invité comme quelqu'un de digne. Peut-être se trompait-elle, mais jusqu'à lors, les mots n'avaient aucune autre valeur que celle qu'on voulait bien leurs donner. Elle offrait le foyer, Seimei serait seule à décider si elle souhaite profiter de ce havre pour ses ambitions personnelles, ou si elle préférait voguer seule.

La nomarque se lève finalement, se dirigeant dans une pièce adjacente dont l'encadrement de la porte était vide, ne laissant que la terre cuite former un passage sans qu'une cloison n'empêche le passage. Elle possédait ici quelques tissus, des tenues qu'elle avait pu faire confectionner depuis la mise en place du commerce de teinture et de couture dans le Nome. Devant le choix qui s'imposait à elle, elle fit un choix simple, discret et correspondant à la majorité des tenues des femmes en ces lieux. L'autre, était la spécialité du Nome, le pourpre éclipse qu'elle chérissait tant. Après tout, depuis quelques temps la cheffe de l'Éclipse ne s'était presque jamais séparée de la tunique unique qu'elle possédait, celle confectionnée directement par le génie du Zénith.

Après un bref instant, Yoake revint avec ce qui ressemble à des tissus pliés sous les bras, alors qu'elle dépose ces derniers sur les matelas des sedaris pour les montrer à son invité. Elle présenta les deux exemplaires avec un léger sourire aux lèvres, alors qu'elle fit part de quelques précisions sur le tissu mauve.

— Nous avons confectionné une teinture unique, le Pourpre Eclipse. Nous nous en servons pour la plupart des tenues du Nome. Il est assez voyant, alors j'ai pensé qu'une alternative plus discrète était préférable.

Elle tendit alors les tuniques à Seimei, tout en lui montrant la pièce d'où elle venait si elle voulait essayer les tuniques.

— Malgré sa situation, Tōji est un pays assez tranquille. Pour l'instant du moins. Tant que nous n'approchons pas trop des frontières. Après tout, pour les grands de ce monde nous ne sommes que d'insignifiante mouches.

Le sarcasme était clair, mais peut-être étonnant, la réaction de Seimei trahissait une gène, que Yoake ne souleva pas. Elle continuait encore à sourire devant son invité, et ce dernier s’élargit lorsqu’il la vit dans les tenues habituelles du Nome. La cheffe du Nisshoku récupéra le tissu non utilisé pour le conserver ailleurs, avant de simplement revenir au sein des sedaris, curieuse de poursuivre la conversation. Seimei semblait avoir des maux qu’elle ne pouvait imaginer, et des secrets qu’elle souhaitait visiblement garder, ce que respectait totalement Yoake.

Reprenant une datte, elle se releva alors, après quelques minutes alors qu’elle tournait son attention directement sur son invité.

— Alors il faut se battre pour que les remous cessent, sans doute. Faire face à une situation aussi compliquée soit-elle et se montrer digne de la surmonter. Je ne sais pas quels maux vous touchent, mais je suis certaine que vous parviendrez à y faire face et faire les bons choix.

Elle rabat sa tenue, tirant sur l’un des tissus qui lui servait de longue jupe alors qu’elle dépose le noyau de son fruit sur le petit plateau prévu à cet effet. Elle se rapproche finalement des bougies, alors qu’elle a à faire, se saisissant de la lanterne à huile déposée non loin de ce plateau ci.

— Sachez Seimei, que vous pouvez résider ici autant de temps qu’il le faut. Et que si l’envie vous en dit de contribuer à notre Nome, l’Éclipse garde ses portes ouvertes, nous ne sommes jamais assez. Mais vous n’êtes forcée à rien, je ne vous chasserais pas d’ici car vous refusez la proposition d’une inconnue. Mais si un jour vous avez besoin, je serais là.

Yoake lui fait finalement un grand sourire, avant d’incliner doucement son visage.

— Je vous laisse vous reposer, si vous me cherchez, n’hésitez pas.