Depuis sa naissance, Sahen n’avait été que l’objet d’une expérimentation dont l’éthique ne veut même pas entendre parler : d’ailleurs, elle même serait un beau projet à présenter à l’école de Guerre en quelque sorte, mais ce serait offrir les talents de la Junte à des parfaits inconnus, une idée qui ne lui avait même pas traversé l’esprit. Son corps, son esprit, au plus profond de ses gènes, Sahen n’était pas unique, elle n’avait aucune existence propre et ce principe hante ses nuits tout autant qu’il la fascine. L’idée d’en faire d’autres, est selon elle une idée pouvant permettre à la Junte de se doter de plus de prodiges.

Le calque féminin du Monstre suivait de près son jeune frère, ayant couvert son visage avec un voile beige, assez chaud pour la protéger du soleil de Toji, un avant-goût de Kaze no Kuni en outre. Elle s’attarda sur une échoppe, une officine pour être exacte et se fournit alors en matériel médical : aiguille, fil, lame et onguents simple. Il était bien trop dangereux de chercher l’aide d’un scientifique, son visage pouvait être reconnu ou ce dernier pourrait ne pas apprécier les manigances des adelphes.

Sahen pousse un long soupir une fois ses achats faits, le monde s’accumule dans ce bazar aux embruns d’encens et de teinture en tout genre. L’enfant de l’os cherchait son pair dans ce capharnaüm d’individu, ne tardant pas à trouver l’enfant enjoué qu’il était, devant la devanture d’un marchand, l’air désolé.

— Tout va bien ?

Dit-elle en s’approchant de son jeune frère, elle jette un regard discret au marchand alors que ce dernier ne semble pas posséder ce que cherche les Jumeaux. Elle le remercie d'un sourire, malgré la réponse négative et son attention se tourne vers Uhen, elle se courbe légèrement pour se mettre à sa hauteur et lui glisser quelques mots à l'oreille.

— J’ai trouvé du matériel médical. Aucune trace de bois de mon côté non plus… Peut-être devrions nous essayer avec autre chose en attendant ? Bois simple… ou d’autres ossatures… ? Nous essaierons de trouver du bois-esprit, j’ai une petite idée de l’endroit, mais cela devra attendre un futur voyage.

L’âme-damnée se redresse, quitte l’intimité de son frère et pose une main sur son épaule. Elle fouille dans sa sacoche, laissant ses doigts s'enrouler autour de quelque chose qu'elle tire délicatement. À première vue, il s'agit d'une sorte de petite poupée faite en bois, une certaine fragilité mais relevant d'un certain art. En observant de plus près, Uhen pourrait voir qu'elle avait fait reproduire ses traits et s'était appliquée à reproduire des répliques en tissu pour la vêtir.

— Je ne sais pas articuler les marionnettes avec mon chakra. Mais peut-être pouvons nous essayer de reproduire ce genre de création en os, ce serait plus solide et innovant.

Le visage de Sahen semblait assez neutre, il n'y a pas de véritable joie dans ses paroles, mais pas de peine ou d'agacement non plus. Elle s'en voulait peut-être un peu, sans le laisser transparaître, de ne pas être aussi innocente que Uhen, du moins, pas constamment.

L’expérience de Uhen concernant la flore, une attache entre le bois et l’os. Peut-être qu’un jour l’union du clan Senju avec un membre du clan Kaguya - bien que cela rebute Sahen - pourrait créer un amalgame étrange. Des os de bois ? Cela rappelait aussi à la jeune femme les créations du Nurarihyon, des marionnettes; et l’idée de fusionner bois et os lui était déjà venue à l’esprit.

— Nihon semble pouvoir être capable d’utiliser les os pour les marionnettes, du moins c’est quelque chose qui semble pas impossible. Le processus inverse devrait être possible.

Marmonne-t-elle en observant l’expérience de son frère, laissant échapper cette pensée provenant tout droit de son alter-égo émissaire. Mais la Sanguinaire, qui portait magnifiquement bien son nom, s’était tournée vers une expérience moins douce en apparence.

L’hémoglobine couvrait les mains de Sahen, ses yeux écarquillés observaient son œuvre macabre alors que le corps des deux créatures - ainsi découpée, l’on dirait des sortes de mammifères, certainement des mangoustes désertiques. Emmurée dans le silence, elle observe la mort sous ses yeux alors qu’elle avait extrait délicatement le squelette de ces animaux, en prenant un soin minutieux de ne rien abîmer de plus.

— ...

De son côté, et si son dos tourné vers Uhen cachait son expérience barbare, le bruit de craquement d’os totalement terrifiant était entendu, de même que le son de la chair et des boyaux.

— Transcender l’humanité, ça ne te tente pas, petit frère ?

Elle tend doucement le cadavre de mangouste totalement ouvert, et dont les os - appartenant à Sahen - siégeaient, remplaçant avec une presque exactitude tous ceux de son corps.

— Je ne suis pas capable de faire quoi que ce soit avec ça. Mais j’aimerais. Créer un être vivant. En oubliant la voie naturelle, trop contraignante, et nécessite de l’attachement… Elle pouffe de rire. Artificiellement. Comme moi. Quelque chose que je pourrais contrôler, utiliser à ma guise.. et…

Elle ne savait même pas si Uhen comprendrait ce que voulait dire la voie naturelle, ou si même il comprenait ce qu’était l’attachement que cela apportait. Sahen s’arrête un instant dans son explication, elle tique sur quelque chose mais son esprit se brusque, comme pour l’empêcher de théoriser sur la situation qu’elle exposait. Vraisemblablement, les bribes du lavage de cerveau offert par la Junte faisaient encore son effet, même lorsque la situation qu’elle vivait était flagrante, sous ses yeux.

— Si nous parvenons à contrôler un animal en lui insufflant notre ossature. Peut-être qu’à terme, nous pourrons répéter l’opération sur nous même : lier nos os avec du bois-esprit, ou qui sait, des résidus de Bijū. Imagine la puissance que nous gagnerons, personne n’osera jamais tenir tête à Père.

Uhen sait très bien que Sahen ne parle jamais de famille, encore moins de parent et ses seules mentions prennent deux formes : l’une dévouée, affective, celle envers Tachibana Ōjin, un père de substitution ; l’autre totalement mitigée, envers les scientifiques de la Junte. Un dernier existait, elle ne savait pas encore comment considérer celui dont elle était issue.

Les yeux de la Kaguya brûlant d’une flamme malsaine à l’idée de toucher au concept même d’humanité, Sahen observe son frère droit dans les yeux en lui montrant le second cadavre.

— Je ne sais pas si tu peux influer sur mes os, mais peut-être que toi, tu pourrais essayer d’y intégrer les tiens…

Peut-être devrait-elle y songer, à l’avenir, de tenter de perfectionner son ostéogénèse pour avoir un éventail de capacité aussi large qu’Uhen. Pour l’heure, Sahen avait des préoccupations scientifiques, et c’était certainement à travers ces dernières qu’elle développerait les futures compétence dont elle a besoin. Elle adresse un sourire sincère au jeune garçon, alors qu’elle préfère tourner son attention vers l’expérience qu’il réalise pour elle : si il pouvait contrôler un corps mort, alors c’est que le processus se montrait peut-être concluant pour la suite.

— ... C’est déjà un bon début. Je devrais me pencher sur comment remplacer l’ossature d’une créature sans qu’elle ne meure.

​​⬩ ⬩ ⬩

Accroupie, les bras pendant par-dessus ses cuisses, Sahen observe d’un oeil intéressé son frère, certainement curieuse de l’expérience qu’il allait lui proposer. Elle arque un sourcil, le Vestige parlait sans qu’elle ne puisse l’entendre, et Uhen dégageait son avis comme la poussière sur ses vêtements. Alors elle esquisse un sourire :

— C’est un coup à essayer. Peut-être que tu pourrais me repérer à distance, si je garde l’un de tes os dans mon corps.

Elle passa son regard derrière son épaule.

— Je peux rattacher ma colonne vertébrale à ton os, ça pourrait le fixer et éviter le rejet. J’espère.

Son corps et son sang étant déjà assez modifiés, elle n’avait pas trop de crainte. Elle était un miracle à elle seule, toujours capable de respirer et de se battre malgré l’abomination génétique qu’elle était.

— ...

Elle prend une grande bouffée d’air avant de se retrouver face à la mise en pratique de l’expérience.

— T’as une idée de comment faire l’opération ?

Lié jusqu'à l'os, pourtant les Kaguya n'avaient pas le droit d'avoir d'adelphes éveillés. Fort heureusement, ils n'étaient pas vraiment frère et soeurs. Fusionner leurs colonnes vertébrales, en arracher des morceaux pour se les fixer et toujours être l'un auprès de l'autre, Sahen savait qu'elle ne pourrait pas ressentir sa partie d'elle en Uhen, mais l'inverse, lui, était totalement possible. Et si cet amalgame marchait réellement, que se transmettre une partie de l'anatomie permettait de lier les chakra, alors ils avaient fait une découverte intéressante. Une fois l'expérience réalisée, Sahen fronça les sourcils alors qu'elle sentait particulièrement cet os parasite dans son dos, mal assimilé par le corps, naturellement.

— Comme un parasite dans le dos.

Sahen observe devant elle, le regard assez perdu comme si elle cherchait à sentir quelque chose au sein de son anatomie. Il fallait maintenant passer le temps, observer le soleil se coucher tandis que l'amalgame prenait forme doucement. Cette expérience lui fit alors se poser des questions, notamment sur le fait que les chakras puissent s'assimiler. Eux, partageaient les mêmes gènes, la capacité de manipuler leur os. Mais qu'en était-il si un transfert était fait entre deux individus de clan différent ? Elle savait qu'elle pouvait apprendre certaines techniques maintenant liée à un clan, mais d'autres, dont la sienne, était tout bonnement unique, transmissible par les gènes, uniquement.

— Eh, t'imagines si on pouvait se greffer des capacités de quelqu'un d'autre ? Tu penses que si j'arrache le bras d'un Senju et que je me le greffe... avec quelques magouilles, je pourrais amalgamer mon chakra et le sien ? Ou alors je devrais me greffer son coeur...

Sahen tire sa paupière vers le bas, pour montrer son oeil écarlate à son frère.

— C'est comme si j'arrachais l'oeil d'un Hyūga, normalement je devrais assimiler les pouvoirs de sa pupille. Attend du coup, peut-être que...

Sahen se concentre finalement, si l'os d'Uhen perdait petit en petit en connexion avec son hôte, peut-être étais-ce parce que le chakra de Sahen cherchait à en prendre le contrôle. L'aînée tourna son regard vers son frère alors qu'elle cherche à faire ressortir sa colonne vertébrale, mais avec l'os d'Uhen amalgamé cette fois ci. La Kaguya cherche alors à obtenir un contrôle sur l'os de son frère, bien que son ostéogenèse semble peiner à y parvenir : peut-être le chakra d'Uhen était-il encore présent.  Comme un animal utilisant sa queue ou sa trompe pour montrer quelque chose, Sahen enroula sa colonne vertébrale autour de son bras, l'os d'Uhen mit en évidence au bout, elle le montre à son propriétaire, curieuse.

— Essaie de contrôler ton os maintenant ?