... Il existe parmi les humains, des personnes que les lois des hommes ne peuvent contenir. Passé trouble, avenir incertain, ce genre de personne avance inlassablement sur un chemin tumultueux, instable, où le moindre écart était sévèrement puni. Des champs de gloire aux simple enfants qui volent pour survivre, l'on pouvait retrouver ces humains où la misère humaine faisait toute son office.

Tout n'est qu'une question de choix, de décision que tous doivent prendre dans le but de s'élever. Quels seront les prochains choix de Kibo ? Alors qu'il se tenait devant le grand Torii qui délimitait l'entrée des bois maudits. De multiples pancartes étaient dressées à l'intention des voyageurs un peu trop curieux : Faites demi-tour, où bien affrontez votre destin, ou encore : Créatures dangereuses, faites demi-tour. Tout au long de son voyage, on l'avait mis en garde, on l'avait prié de ne pas poursuivre sa route au delà de cette arche. Mais il n'en fit rien, lorsque le roi des insectes avait une idée derrière la tête, il était assez dur de la lui retirer.


Raison même des disputes incessantes au sein du clan, terre de promesses, de fantasmes. Il avait entendu comme tout le monde les récits de cette contrée mystérieuse... avait ressenti la présence de son rescapé et depuis, il n'avait eu de cesse que de se resasser cette sensation. Lorsqu'il se tint face à lui, que son corps tout entier se mit à frissonner, à trembler d'intimidation. Voilà longtemps que son cœur était fermé aux sentiments, mais la peur qu'il a ressenti ce jour là était quelque chose qu'il n'avait jamais ressenti auparavant.


Alors, il franchit le Torii des bois maudits, entamant son premier grand voyage en direction du pays des esprits. Son aura se déversait à chacun de ses pas, faisant grouiller la terre, afin de faire place au roi des insectes, qui venait littéralement imposer sa présence au cœur des bois. L'espace d'un instant, il ressenti comme l'effet d'un million de regards qui se posaient sur lui. La nature guettait chacun de ses pas, tentant de déterminer l'objectif de l'Aburame.

Ici, chaque tronc d'arbre, même desséché, avait des yeux, des oreilles, ressentait l'aura décadente de Momo, qui se déversait en continu à mesure qu'il progressait au coeur de la forêt, avançant toujours plus loin dans les bois. Les créatures guettaient dans l'obscurité, mais comme il l'avait ressenti avec Sesshomaru, ces dernières semblaient craindre l'ombre que représentait l'Aburame.

Entre prédateurs, il y avait une règle tacite que l'on devait absolument respecter. Éviter de s'en prendre à plus fort que soit, sans être préparé et enfin, éviter à tout prix de se rendre sur le territoire d'un autre prédateur. Mais Kibo, lui s'en moquait éperdument. Il ne faisait rien pour dissimuler quoi que ce soit, au contraire. Il laissait libre court à ses phéromones, pour alerter les autres prédateurs du coin de son arrivée. Il était le roi des insectes, nul ne devrait ignorer sa présence, même le plus horrible des monstre.


Voilà qui attire son attention, quelque chose d'assez insignifiant pour être brièvement ignoré, mais pour quelqu'un comme lui, sonnait comme un vague souvenir. Il s'approcha doucement de cette petite créature luisante, la seule qui n'avait pas détalée à toute allure alors qu'il s'en approchait. Il tendit le doigt, et laissa se poser le petit insecte dessus. Une sensation familière, oubliée depuis longtemps, mais il était sûr d'une chose... « Conduis moi auprès de ton maître, petite luciole. »

N'importe quel autre insecte ne se serait jamais risqué à se laisser approcher par le Konchū no Ō, ceux là étaient donc entraînés, il ne pouvait s'agir que d'un autre descendant Aburame. Et lorsqu'il laissa s'échapper un mille-pattes, qui remontait lentement le long de son bras pour venir se repaître de la petite créature, cette dernière s'envola aussitôt... portant avec elle, l'annonce d'un mauvais présage à venir, car de ce fait : l'Aburame sommait à son confrère de se montrer.

An 140, Sanctuaire Nivéen

Le soleil tombait sur le territoire du clan des insectes. La lumière douce et chaude arrosait les arbres millénaires en fleurs et les plantes colorées d’une teinte orangée qui changeait entièrement le paysage. Le Sanctuaire Nivéen se parait ainsi de mille nuances tout au long de la journée, révélant chaque fois un pan de sa beauté presque surnaturelle.

Ce paradis sur terre attirait naturellement bon nombre de pèlerins venus admirer la terre bénite par l’Empereur-Roi en personne. Parmi les régions de Kaminari No Kuni, celle-ci était sans aucun doute la plus visitée par des étrangers. Il n’était donc pas rare de croiser des moines, des nobles, ou encore des diplomates du pays de la Foudre, venus négocier avec des étrangers dans ce royaume qui imposait un climat paisible mêlée à l'émerveillement.

Pour autant, aucun voyageur n'avait jamais assisté à la cérémonie qui prenait place alors dans un coin secret du jardin des merveilles. Aucun natif de Kaminari non plus.

Aussi rare que secrète, la passation de pouvoir dans le clan Aburame n’était pas une chose à prendre à la légère, et seuls les membres les plus éminents du clan avaient le droit de pénétrer dans le temple des Moires.

Ce soir-là, et malgré ses 41 ans, Matsuba pénétra pour la première fois dans ce haut-lieu clanique.


Ému, il regarda les alvéoles de la taille d’une grande main qui parsemaient les murs et le plafond. En quelques décennies à peine, les Moires avaient réussi à recréer un biome viable pour leurs cultures à Kaminari, une véritable prouesse quand on savait que les Moires n’avaient été “déplacées” que deux fois dans l’histoire du clan.

Passant sa main sur une de ses bulbes dorés logés au fond d’une cavité dorée, il caressa ce qui était le début d’une colonie d’insectes qui allait un jour tenter de fusionner avec un enfant du clan.

Un certain vertige l’atteint quand il observa ces milliers de trous, contenant des milliers de nids si différents. Le Sanctuaire Nivéen était un endroit parfait. Le clan avait bien fait de déplacer les précieuses Moires dans cet endroit si propice à l'épanouissement de la vie. Là, des scorpions blancs de Kaze reposaient, attendant leur maître. Ici, des mantes religieuses provenant de la Nécropole Stygienne tentaient vainement de percer la pellicule qui les séparait du monde qu’elles étaient déjà prêtes à conquérir.

Matsuba laissa les autres membres du clan s’asseoir avant lui, puis, laissa choir son long manteau vert sur la dernière chaise d’ébène qui refermait le cercle parfait.

Pendant des heures, les discussions furent animées. Le désaccord au sein du clan était profond.

- Ce petit a mérité la tête du clan. Il a surmonté bien plus d'épreuves que la plupart des membres de notre colonie. Dit Matsuba d’une voix calme.

- Son frère à toujours été destiné à cela, Matsuba. Pas la peine d’insister.

- Au contraire. Je crois qu’il le faut. Kibo n’est pas le faible petit garçon qu’on avait prédit. Il a connu la place des faibles, il sait ce que c’est. Cela n’en fera qu’un meilleur leader !

- Il a remis en question le rituel du clan ! C’est un garçon incontrôlable.

- Ô, je ne crois pas. C’est un garçon qui sait ce qu’il veut, au contraire. Il n’est pas enchaîné par des traditions d’un autre temps ! Les Aburame ont toujours accepté le changement. Mais surtout, nous avons toujours laissé la nature décider. Les scolopendres de Kibo sont déjà craints. Donnons lui une raison d’orienter son pouvoir vers nos intérêts ! Dit le maître des panorpes, cette fois-ci avec un ton bien plus tempétueux.

- Assez ! S’exclama le doyen de la réunion. Nous n'avons pas de leçon de progressisme à recevoir d’un Aburame dont la famille n'a jamais su abandonné le pays des Pins Sombres ! Le clan n’a pas besoin de membres faiblards comme Kibo, ou Masaaki !

Les sauterelles à épine du doyen sortirent en une seconde, formant une lance que le vieil homme attrapa avec vigueur.

Assis, Matsuba attrapa entre son pouce et son index une de ses mouches-scorpions qui voulait visiblement en découdre.

- Je ne sais pas ce que mon fils vient faire dans cette discussion. Quant à Kaoru, il serait un parfait bras-droit de Kibo, il pourra le tempérer. Dit-il, implorant presque les femmes et les hommes devant lui.

- Notre décision est prise. Kaoru sera le nouveau chef du clan Aburame. Dit le doyen avec un sourire satisfait.

Dans l’ombre, les Moires qui écoutaient discrètement se retirèrent. Matsuba n’avait pas su convaincre assez d'alliés puissants. Le Fléau Rampant allait s’étendre au travers du Continent. Ce n’était plus qu'une question de temps.


1059 est une éclaireuse en patrouille vers le nord des Bois Maudits. Posée sur une large branche d’arbre morte, elle déguste avec minutie la sauterelle qu’elle vient d’attraper. Trop occupée à son repas, elle ne distingue pas la cohorte d’insectes et d’animaux qui fuient prestement dans la direction opposée à l’entrée de cette région brumeuse.

Celui qui arrive affole la faune des environs, qui vit pourtant dans l’un des endroits les plus craints du Continent.

Quand une colonne entière de fourmis passent devant elle, transportant avec hâte leurs précieux œufs, elle consent enfin à lever les mandibules du crâne de l'orthoptère.

En contrebas, un homme seul avance. La démarche n’est ni rapide, ni furtive. Il ne semble rien craindre. Soudain, la luciole reçoit les phéromones qui émanent de cet être. La puissance est telle que ses antennes lui font mal. Heureusement, la douleur passe rapidement.

Peu farouche, 1059 s’approche du nid vivant qui lui fait face et se pose sur le doigt de l’étranger.

En quelques phéromones, le jeune homme sait se faire comprendre. Autant que ses scolopendres, dont un spécimen bien représentatif qui tente de croquer l’éclaireuse.

Sans attendre, la petite luciole se met à voler devant celui qui se fait appeler Yozora Momo et éclaire le chemin vers le repère du foyer des lumières.



Masaaki était en train de couper des herbes qui lui servaient à concocter une tisane contre la fièvre, un mal courant pour les égarés des Bois Maudits qui avait bu dans une marre ou mangé un mauvais champignon quand il ressentit ses phéromones.

En une seconde, son esprit fut assailli de souvenir, d’odeur, de sensation. Une main qui se tendait alors qu’il venait de tomber, encore enfant. Une ombre et ses scolopendres qui se mettait en travers de ceux qui se moquaient de ses lucioles et de son masque. Une odeur de mort et de destruction. Une perte d'influence de son père qui avait préféré partir vers la Frontière avec Seirei plutôt que d'accepter une injustice profonde qui n’avait  eu que la peur pour fondement.

Le temple des lanternes sortit du grand tronc creux dans lequel il habitait pour attendre l’un des siens.
Alors qu’une petite lueur pointait dans le ciel, Masaaki envoya ses sœurs accueillir son invité. Les lucioles formèrent un chemin éclairé qui brisait la brume jusqu’à un Masaaki qui attendait patiemment, le sourire de son masque illuminé d’une vert vif.
L’Aburame masqué savait pertinemment qui était devenu Kibo. Les rumeurs parvenaient toujours jusqu'au fond des Bois Maudits. Et puis, il avait lui-même pu être témoin du courroux du maître des scolopendres juste avant que celui-ci ne quitte les terres du clan.

La silhouette du jeune homme se dessina enfin, faisant fuir les innombrables insectes qui avaient pris l’habitude de rester autour du tronc creux et de son habitant.

- Aburame Kibo. Ou est-ce Yozora Momo maintenant ? Dit Masaki en s'inclinant légèrement. Nous sommes heureux de te voir, malgré ce décor moins joyeux que le Sanctuaire Nivéen ! Il est tard et nous sommes profondément enfoncés dans les bois. Tu dois avoir soif. Rentre. Le temple des lanternes indiqua la porte ouverte de son antre. Tu nous raconteras ce que tu viens faire ici, dans les Bois Maudits.

En entrant lui-même Masaaki se retourna, éclairant un peu plu le sourire de son masque.

- Si tu veux tuer la nature, tu remarqueras qu’elle est déjà morte depuis longtemps par ici ! S'exclama-t-il dans un grand éclat de rire.

Peu après, il tendit une boisson chaude à Kibo, avant de s’asseoir sur une des chaises en bois brut.

Si les histoire qu’il avait entendu sur l’Aburame dont les sages avaient renié l'existence lui dressaient les poils sur la peau, Masaaki n’avait jamais pu cesser de se rappeler que ce petit garçon moqué pour sa faiblesse avait été l’un des seuls à s'élever contre les injustices du clan.

Le fils de Matsuba, moqué pour ses insectes pas assez agressifs et menaçants,
ne pouvait oublier que, derrière ce visage, ce nom, et cette réputation, Aburame Kibo restait sans doute là, peut-être bien terré au fond des méandres du royaume des rampants, mais toujours là quand même.

Sous la lueur verte vive des milliers de lucioles, l'espoir naïf du foyer des lumières illuminait le petit tronc creux perdu au fond des Bois Maudits.

... Cette image te reviens forcément en tête, comment l'oublier ? Cette fois là où tu l'as rencontré pour la première fois. Il n'était qu'un enfant, il était de ta famille et pourtant : il était traité comme un étranger. Triste est l'humain qui se moque de plus faible que lui, qui trouve le bonheur à rabaisser ses semblables. C'est pour ça que tu les hais et que tu l'as toujours pris d'affection ; comme une petite chose, un animal égaré auquel on voudrait du mal. Cette époque était loin derrière toi, seras tu en mesure d'éprouver ces mêmes sentiments, après tout ce que tu as vécu ? Peut être qu'il serait la clé pour rouvrir ton cœur à nouveau, s'il n'était pas effrayé d'y côtoyer les ténèbres qui y habitent.  


... « Hahaha ! Regardez, il est là ! C'est l'ptit aux lucioles ! »
▬ « Parait qu'il s'est fait bouffer l'visage pendant son rituel ! »
▬ « Errrrrgh, il doit être horrible, c'est sûrement pour ça qu'il se balade partout avec son masque ! »

La malveillance se déverse et cette fois, elle a choisi de prendre pour cible cette petite âme en peine, innocente et délicate. Sous l'apparence de trois jeunes pré adultes, la véritable face de l'humanité s'incarne. Ils l'harcèlent, le rabaisse moralement, font de sa vie un enfer, jour après jour. Cela ne pouvait plus durer. Si personne ne prenait les choses en main, alors c'est lui qui s'en chargerait.


Il s'était approché d'eux, sans un mot, mais son visage en disait long. Il n'avait pas eu un regard aussi noir que depuis le rituel de son  frère. La main posée sur l'épaule du garçon mis à terre par ses agresseurs, il se plaçait devant lui comme l'égide des malheureux. Mais loin d'être un simple bouclier, Kibo incarnait cette volonté de punir quiconque se croyait au delà de ses limites. « Quiconque rit du malheur d'untel se doit d'être prêt à assumer les mêmes maux. »

Les scolopendres avaient jaillis du sol, et son odeur se répandais partout autour du petit masqué. Entouré de longs mille-pattes, ils intimaient un destin tragique à ceux qui tenteraient de s'approcher de lui. La main levée vers les trois jeunes, l'on pouvait voir un insecte serpenter le long de son bras et présenter ses mandibules, en guise d'avertissement. Ses crochets gonflés de venin menaçaient les gens dans leur vicinité, le regard de Kibo était ferme, ne laissant aucune place au doute quant au destin réservé à celui qui tenterais de relever le défi.


... Au coeur de la forêt, Momo retrouva cette présence familière. Guidé par la petite luciole, il avait fini par rejoindre le terrier du maître des bois maudits. Haie d'honneur pour l'héritier des Aburame, l'accueil réservé à Kibo était princier, bien trop pour homme comme lui, qui ne souhaitait plus rien avoir affaire avec ceux de son clan. Toutefois, il ne put s'empêcher de noter le respect dont faisait preuve son cousin lointain. Il avançait lentement, de manière calme, ne présentait aucune menace, si ce n'est l'aura omineuse qu'il laissait se déverser sans arrêt.

« Ça fait longtemps. Masaaki. » Il lui répondait d'une voix douce. « Kibo est mort, il ne reste plus que Momo, désormais. »


En pénétrant dans les lieux, à l'intérieur d'un tronc creusé, il prenait place sans dire un mot. Recevant son breuvage à deux mains, Momo bût une première gorgée qui le réchauffa. Le regard perdu dans le vide, l'Aburame prenait le temps de penser à ses prochaines paroles. « Je ne pensais pas te retrouver ici, encore moins dans ce genre de circonstance, comment va ce vieux Matsuba ? En te voyant ici, je m'attendais à voir arpenter quelques sauterelles... » Il lui laissa un peu de temps pour répondre, avant de reprendre. « Ton père était un homme bon, je tâcherais d'honorer sa mémoire quand le moment viendra. »

Ses yeux se perdent à nouveau, il observe la sortie. « Tu te doutes que je ne suis pas là pour admirer le pays. » Un léger sourire égaye momentanément son visage « Le coin n'est pas très beau à regarder, de toute manière. » il boit une nouvelle gorgée. « Je compte me rendre vers le pays des esprits. et mettre un terme à toute les lubies des Aburame, une bonne fois pour toute. » Comme à son habitude, il allait droit au but. Il n'était pas nécessaire de tourner autour du pot, certainement pas avec quelqu'un comme lui. « Je dois empêcher Kaoru de se perdre dans les fantasmes des anciens, je refuse de le voir se sacrifier pour un héritage qui ne nous appartient plus. Trop des nôtres sont mort en vain, en tentant d'y percer les mystères. Allons nous continuer à envoyer nos semblables vers leur perte, pour ravir les anciens ? » Un rictus trahit son calme apparent. « Je dois prendre les devants, pour empêcher qui que ce soit d'autre de percer les mystères du Seirei. »

Le petit groupe de mercenaires s'arrêta devant l’immense arbre en ruine.


- La Racine des Tréfonds ! Nous y sommes ! Dit le chef de la bande en s’avançant vers l’immense tronc décharné qui marquait l’entrée dans les marécages troubles.
- Vous allez enfin me dire ce que je fous là ? Demanda Ino.
Tais-toi et avance ! Rétorqua le mercenaire en regardant la jeune femme avec mépris.

Partis de Kome, ils avaient traversé la mer et arrivaient alors sur le flanc sud des Bois Maudits. Avant même de pouvoir atteindre cette zone réputée comme l’une des moins sûres de Hi, il fallait pouvoir progresser dans le bayou qui formait un trait d’union entre la forêt morte et les flots. L’avancée était difficile, mais le jeu en valait la chandelle. Le Seigneur de Kaminari semblait avoir une dent contre un Aburame virulent et il offrait une belle récompense en l'échange de sa capture, ou de sa tête.

Sur un Continent où l’argent et le pouvoir faisaient parfois bien plus que le chakra, il n’en fallait pas plus pour que les Lames d’Argent se mettent à la recherche du criminel.

Aussi peu scrupuleux qu’ils étaient minutieux, la bande avait tout d’abord chercher à en savoir un peu plus sur le clan qui parlaient aux insectes. Pour cela, ils avaient escorté un groupe d’Aburame en voyage vers Kome pour vendre du miel, avant d’enlever une membre du clan et de mettre les voiles en direction des marécages troubles.

Selon leurs informations, c’est vers Seirei que se dirigeait Yozora Momo, le fléau rampant.



Après une journée de marche à patauger dans la boue, le groupe arriva enfin dans un endroit un peu plus sec. Assurément, ils venaient d’entrer dans les Bois Maudits.

Les papillons Hermine d’Ino se mirent aussitôt à s’agiter, volant dans tous les sens alors que des phéromones bien spéciales agressaient leurs récepteurs sensoriels de toutes parts.

L’Aburame s’arrêta net, regardant ses ravisseurs avec suspicion. Cela ne pouvait pas être vrai. Ils ne voulaient pas s’attaquer à lui.

- Ne me dites pas que vous êtes à la recherche de Yozora Momo ! Vous êtes fous ! Vous allez tous mourir. Je ne veux pas servir de repas à ses monstres ! Laissez-moi partir ! Par pitié ! Dit-elle en tentant de défaire les lanières de cuir imprégnées de fuinjutsu qui la retenaient prisonnière.

Si le chef faisait comme s’il n’entendait rien, le comportement soudain hystérique de la jeune femme interloqua quelques memebres du groupe. Elle qui n'avait pas dit grand-chose, si ce n’est pour se moquer d’eux ou les insulter, venait de se transformer en petite fille terrifiée.

Déjà, les pas de mercenaires devinrent moins assurés alors qu’ils s'enfonçaient toujours plus profondément dans la brume ambiante.

Les cris de la jeune Aburame résonnaient au creux des troncs hantés des Bois Maudits, mais elle était encore bien trop loin pour que ses cousins lointains l’entendent.


Pendant qu’il parlait, Masaaki observait son lointain cousin à la lumière de ses lucioles.

Le jeune homme n’avait pas perdu de sa beauté, mais elle s’était transformée. L’aura solaire, irradiante, presque brûlante qui reflétait parfaitement son caractère orageux mais épris de justice avait disparu au profit d’un charisme glaciale, de traits creusés mais toujours aussi fins, de phéromones dont la puissance et l'agressivité faisaient froid dans le dos. Masaaki ignorait ce qui avait bien pu le changer ainsi. Le massacre de son départ ? Ceux qu’il avait perpétré ensuite ?

Pourtant, ce qui effraya le plus Masaaki à ce moment, ne fut pas tant le comportement ou les paroles du jeune homme mais l'assurance avec laquelle il prononçait ces mots.

Le temple des lumières ramassait des malheureux qui pensaient pouvoir défier Seirei tous les mois, leur assurance était souvent feinte, sans doute pour persuader le propre esprit qu’ils pouvaient le faire. Mais Kibo ne faisait pas partie de ce genre d'individus. Sa détermination et sa force n’avaient, qui n’avait que peu de secret pour son ancien clan, s’exprimait alors avec une puissance étouffante.

- Matsuba a disparu à Seirei en tentant de sauver des malheureux qui avaient cru bon de défier le Continent Sauvage. Si tu y vas maintenant, tu mourras ou disparaitra comme lui. Tu es fort Kibo, mais tu ne peux encore rien contre Seirei.

Le foyer des lumières se leva, et servit quelques baies sur la table avant de lancer des centaines de lucioles dessiner une illusion esthétique.

Un tableau représentant une mer végétale se forma, chaque petite luciole se transformant en un point de peinture. Peu à peu le paysage, l'océan d’arbres, et des ombres mystérieuses apparurent. Enfin, une silhouette un peu plus nette que les autres se détacha de la masse verte. De grands yeux jaunes et ronds qui brillaient derrière un masque où le bois et les feuilles semblaient se confondre.

Momo avait devant les yeux une des seules descriptions d’un Esprit-Gardien jamais recensé dans l’histoire du Continent.

Pour marquer le moment, le foyer des lumières lui confia le trésor qu’il gardait précieusement, le parchemin original où la silhouette énigmatique figurait afin qu’il le voit de ses propres yeux.

Après quelques secondes, il reprit son dû. Et s’installa sur un des lits de feuilles et de mousses.

- Demain, nous te conduirons à la frontière avec Seirei si tu le veux. Tu pourras constater la différence entre un homme, aussi fort soit-il, et une entité que personne, pas même les Biju, n'ont tenté de conquérir. La puissance du pays entier peut s’incarner dans une racine, ou une fleur, un déluge de spore ou une pluie d'échardes. J'ai vu des hommes périr après quelques mètres à peine au-delà de la frontière. J'ai vu le Continent Sauvage prendre possession de leurs corps plus rapidement qu'il n'en faut pour le dire.


Se retournant pour faire face à Momo, son masque brillant d’une lumière vive, il envoya une luciole éclairer le regard profond du Seigneur des Scolopendres souligné par des cernes qui suintaient la fatigue d’un esprit corrompu par le vice et la colère, et poursuivit.

- Comme ce que font Kaoru, Senju Ieyasu et Minamoto Hideyoshi,ce que tu fais, tu le fais pour toi-même Kibo.  Ne parle pas d'honorer mon père.  Il n’aurait jamais soutenu celui que tu es devenu. Nous ne voulons pas de tes explications. Nous t’avons montré le parchemin ancestral et nous allons t’aider pour ce que tu étais autrefois. Tu nous as soutenu et parfois sauvé. Nous allons donc te guider vers la frontière, puis nous serons quitte à jamais. Dit le jeune homme en éclairant le sourire figé de son masque de bois blanc.

Tout homme ressent au fond de lui cette envie, l'appel le plus primaire et simple de la nature humaine. Pour ceux qui ont toujours cherché à s'élever, tout se trace toujours sur un chemin de sang, de sueur et de larmes. Jusqu'où est-il prêt a aller pour atteindre ses objectifs ? Est-ce que cela l'importe s'il doit lui même commencer à creuser sa propre tombe pour continuer ? Et si le début de son voyage était en fait la fin d'une infinité d'autres, myriades de contes aux conséquences dramatiques, qui s'achèvent toutes dans un océan vide de son et d'émotion. Une mélodie de vide et de silence, l'âme seule, piégée avec ses regrets.


Paradigme propre aux despotes, aux éveillés, ils ne vivent que pour dominer. Yozora Momo n'était pas l'exception à cette règle, mais il n'était certainement pas l'exemple le plus banal. Au diable les empereurs dieu, au diable les contrées et autres superpuissance : Il était le début de la fin. Une promesse solennelle faite au monde le jour de sa naissance, une présage néfaste qui ne pouvait être évité ; car le jour de la mort de Kibo, c'est lui qui est né. Amalgame de haine et de ressenti, sentiments en désordre mais un fanatisme absolu pour la tâche qu'il s'était donnée.


Après cela, il n'y aura plus rien. Plus de haine, plus de guerre. Une paix simple et éternelle. A l'unisson, en résonnance, comme nos colonies. Qu'ils luttent pour leurs trônes et terre, il est le Roi des Insectes, et tôt ou tard, tous lui reviendront. Alors, comment ne pas comprendre la scène qui s'en suivit ?

Il eut beau beau tenter d'éloigner le regard autant qu'il put, mais à cet instant : c'était comme s'il était aspiré dans la toile qui se dépeignait sous ses yeux. Une fascination morbide, quasi malsaine pour le spectacle qu'on lui offrait. Alors que les lucioles se mouvaient, animaient la toile vivante et qu'enfin dans ses yeux se reflètent la couleur d'or.


Il referma subitement le parchemin, avant de le rendre à son digne détenteur. Il en avait vu assez ; et tout aussi précipitamment que la colonie s'était agitée, elle venait de retrouver son état "normal", quoiqu'un peu plus calme, composée. C'était comme si la digestion de cette nouvelle information avait fait vibrer jusqu'à la moindre de ses cellules.


Il se redressait sur son siège, pour adopter une posture plus droite. Désormais ses yeux ne quittaient plus le jeune Aburame ; il était subjugué par chacune de ses paroles. Dans son esprit, chacun des mots de Masaaki aidait à créer une description abstraite de ce que pourrait être le Seirei. Une image volatile qui se mélangeait à chaque parole supplémentaire, assez pour lui donner l'envie d'en apprendre plus.



« Je n'ai jamais fait ça pour que tu me sois redevable, Masaaki. » Son ton rappelait une époque lointaine, était il en train de se jouer de son cousin ? Pensait il qu'en se comportant comme il l'aurait fait autrefois, il serait en mesure de lui faire avaler la pilule ? L'histoire était plus compliquée que ça. « Je vous ai tous aimé, autrefois. Vous étiez les miens, tu t'en rappelles ? » Il se relève, lentement, mais ne présente aucun signe d'agression. S'approchant pas à pas du petit homme masqué, il cherchait à jauger s'il le considérait comme un ami, une menace ou bien... pire. « Kaoru, Matsuba, tous les autres et même toi, Masaaki. Fut un temps où vous étiez ma famille... » S'il était parvenu à assez s'approcher de Masaaki, il lui permettrait ressentir toute l'étendue de sa colonie. Centaines, milliers, millions ? Le chiffre semblait dérisoire, comment un humain pouvait il accueillir autant d'insectes en son sein ? « Je t'en pries, laisses moi te montrer ce qu'il s'est passé, cette nuit là. »


Sa bouche s'ouvre soudainement et sa mâchoire se disloque, alors qu'un hurlement strident résonne au cœur du tronc d'arbre. L'espace d'un instant, c'est des centaines de scolopendres qui s'échappent du trou béant qui remplace désormais le visage du feu Aburame. Ils t'enserrent, mais ne te blessent pas, pour l'instant, peut être que la panique t'effraiera au départ, mais tu comprendras bien assez tôt qu'il ne cherche qu'à t'inviter dans les souvenirs fragmentés de sa mémoire, accueille le scolopendre, et vois ce qu'il cherche à te révéler.




« Je t'ai dit de la fermer ! Tu veux nous attirer toutes les bestioles du coin ou quoi ? » Voilà un moment qu'ils marchaient désormais, la jeune Aburame qui leur servait de guide tremblait de plus en plus, peu importe les supplications ils avaient refusé toute demande de faire demi tour. Le contingent avait continué de progresser plus profondément dans les bois maudits... et voilà qu'ils étaient finalement arrivés à quelques pas du lieu de rencontre des deux essaims. Le tronc d'arbre illuminé par les lucioles de Masaaki se présentait face aux intrus.

Volant difficilement, un papillon revient auprès de la jeune Ino. Avec lui, une nouvelle qui lui fait changer de couleur. Plus un son ne s'échappe d'entre ses lèvres, alors qu'elle tourne mécaniquement la tête en direction du contingent de mercenaires. « C'est quoi le problème ? Avance ! »
▬ « On le tiens presque, tu vas pas recommencer à nous emmerder ! »

Mais peu importe ce qu'ils lui disent, Ino reste figée sur place, le regard vide. « Vous ne comprenez pas... il... »
▬ « C'est un homme, il peut mourir comme tout le monde ! Maintenant, je te préviens que si tu continues... »
Le bras du patibulaire se lève, mais avant qu'il ne s'abatte... la voix de la jeune fille résonne dans la forêt ! « VOUS NE COMPRENEZ PAS ! IL EST DÉJA LA !! ABURAME KIBO, LE FLÉAU DES ABURAA-.. »

Sa phrase à peine finie, de sa poitrine s'échappe un scolopendre, qui lui déchire les entrailles pour venir assaillir le mercenaire qui se trouvait a proximité, s'enroule autour du bras de l'homme, qu'il dévore intégralement. D'autres s'échappent de la dépouille de la colonie des papillons, les insectes ravagent le corps d'Ino, ainsi que celui du mercenaire qui se met à hurler de tout son soul. « Il faut l'aider !! »
▬ « N'approchez pas ! » Réponds le chef de cette escouade. « Prenez vos distance, et surveillez la moindre feuille qui bouge… si vous ne voulez pas mourir. »

La brume des Bois Maudits perdait les étrangers et les téméraires qui pensaient les traverser.

Ceux, qui par miracle, y arrivaient, finissaient à Seirei ou dans les marécages troubles.

Le silence participait aussi à l’ambiance lugubre de la zone. Pourtant, les malheureux du jour allaient bientôt découvrir que les cris rendaient cet endroit encore plus effrayant.

Portée par l’adrénaline et la peur, Aburame Ino parvint à se défaire de ses liens en se transformant en une créature insectoïde. Les immenses ailes de papillons s'écartèrent, dévoilant une envergure de plusieurs mètres.


Avec la portance de telles appendices, le vol était aisée et la jeune femme pouvait voler pendant des heures.
C’est d'ailleurs ce qu’elle voulait faire. Déployer ses grandes ailes et partir par le ciel pour voler pendant des heures, des jours, loin, très loin du Fléau rampant qui avait tué ses parents et tous ses frères et sœurs. Ino n’était pas portée par la vendetta et le besoin de venger sa famille. Depuis ce jour, au contraire, toute son existence n’avait que la terreur pour cap, la peur de croiser à nouveau le Fléau rampant pour moteur.

Des bourrasques de vent se soulevèrent sous l’impulsion des grandes ailes de l’Aburame, mais c’était trop tard. Le corps hybride de la jeune femme fut transpercé brutalement par un scolopendre. Alors que ce même insecte s’en prenait maintenant à l’avant-bras d’un mercenaire, dévorant sa chair et révélant son squelette à mesure qu'il avançait vers son visage terrifié, une nuée de myriapodes appartenant à Kibo sembla émerger du cadavre d’Aburame Ino.

La reine de la colonie, un magnifique papillon hermine, tenta de s’enfuir, abandonnant le corps de son hôte pour se reconstruire avec un nouveau membre du clan. Mais, les armées du fléau rampant ne faisant pas de prisonniers. La reine fut donc dévorée sans aucune forme de procès, ses restes jetés pour que les plus petits de la colonie gagnent en force et en brutalité.

- Ne craignez pas la mort… craignez d'être incapable d'y faire face.

Le chef des Lames d’Argent fixa le visage de Momo avec un mélange de crainte, d'excitation et d’admiration. Si les autres semblaient terrifiés par une telle démonstration de sauvagerie, Yaban Daina n’était pas du genre à se laisser impressionner. Plongeant les mains derrière le dos, le guerrier les ressortit affublés d’immenses gantelets de fer.


- Tu vas repartir avec nous. Menotté ou dans un sac, ça dépendra de toi ! Dit-il de sa voix grave.




Le Yaban frappa le sol de son poing alors que des nuées d’insectes dévoreurs se précipitaient vers lui. Sous sa force, la terre meuble des Bois Maudits se fendit, révélant les racines décharnées des arbres et créant un terrain bien plus accidenté qu’auparavant alors que les pierres comme les arbustes étaient projetés dans les airs sous la force du fracas.

L’onde de choc sembla toucher les suppôts de Yozora Momo alors que la terre se retournait violemment sous les millions de pattes des légions du Fléau rampant.

Sans doute encouragés par le courage ou la stupidité de leur chef, deux autres combattants, dégainèrent leurs armes pour s'élancer vers le fugitif. Une jeune femme vêtu de peau, sans doute venant d’une tribu montagnarde, et un homme assez fin munit d’un arc qui semblait petit, même pour un arc court. Les autres avaient déjà rebroussé chemin, marqués à vie par les visions d'horreurs dont ils venaient d'être témoins.

Le chef s’élança vers Momo tandis que l’homme bandait son arc de toutes ses forces, avant que les insectes ne puissent l’atteindre.
La jeune femme, elle, venait de lancer vers le Fléau rampant deux des innombrables couteaux qui semblaient accrochés à ses nattes, ses vêtements et ses membres. Dans sa course, elle composa de rapides mudras et souffla une bourrasque qui augmenta la vélocité de ses projectiles.

Les horreurs de Yozora Momo sur le continent comme de par les îles lointaines avaient fait de lui une véritable légende pour Kaminari et le clan Aburame. Ses actes avaient des conséquences. L’une d'entre elles était assurément de devoir faire face à des bandes de mercenaires réputées, attirées par une prime bien supérieure à celle d’un vulgaire bandit.


Masaaki se laissa happer par les souvenirs de Kibo. Malgré la proximité avec son père, jamais il n'avait osé lui demander pourquoi ils avaient quitté le territoire du clan alors que celui-ci reprenait sa conquête de Seirei. Pourquoi Aburame Matsuba, membre éminent du clan, avait été perçu comme un paria du jour au lendemain par les siens. Longtemps, le foyer des lumières avait cru qu’il était en cause. Lui, l’Aburame sans visage, sans force, sans réel pouvoir.

Pourtant, la vérité semblait ailleurs, et, alors qu’il remontait le fleuve de scolopendres vers le soleil noir qui lui faisait face, il s’appretait à découvrir l’âpre vérité.

Avant d’en atteindre le sommet, le jeune homme se retourna, comme pour s’assurer que les méandres viciés de l’esprit de Kibo conservaient tout de même une porte de sortie.

Ce fut d’abord les immenses yeux et le regard profond du Roi des Insectes qu’il remarqua, avant de voir que l’échappatoire le suivait de près, comme s’il n’avait qu’un pas en arrière l’arrière à faire pour retourner dans le tronc creux qu’il habitait. Dans le confort de l’ignorance, aussi.

Mais Masaaki voulait savoir. S’il n’avait jamais été proche de son clan, une partie de la clé pour Seirei demeurait en son sein.

Au-delà du sommet, un sentier se dessinait, menant vers une petite colline aux pentes douces et à la nature luxuriante.
Pas à pas, le temple des lanternes s’approcha de ce qui semblait être une des vallées qui marquaient la frontière sud du Sanctuaire Nivéen.

Au loin, des voix se faisaient entendre, mais le jeune homme ne pouvait comprendre ce qui se disait. Alors, lentement, il s’approcha.

Derrière quelques bambous sauvages, deux silhouettes se faisaient face. Même s’il était de dos, Masaaki reconnut aussitôt Kibo bien plus jeune. La vision de cet être, aujourd'hui si différent, le fit frissonner d'un effroi nostalgique

L’homme qui lui faisait face et parlait à Kibo avait un visage long et émacié, des cheuveux noir de jais qui tombaient sur des épaules fines et décharnues. Malgré cet aspect presque rachitique, le port de tête était fier et la posture dominante. Aburame Ryobe, l’ancien chef du clan en personne, se tenait droit devant l’adolescent, caressant de ses longs doigts les lames recourbées qu’ils portaient à chaque flanc.

Kibo sembla parler, mais Masaaki ne put entendre qu’un son étouffé, comme s’il était encore en bas de la colline. Cependant, quand Ryobe répondit, la voix fut on ne peut plus claire.

- Mon bon Kibo. Tu es si naïf. Crois-tu vraiment que le chef de clan viendrait te féliciter pour ton retour de mission ? Je devrais le faire. C’est vrai. Après tout, je t’ai donné une tâche impossible pour la plupart des membres du clan, et tu l’as fait. Le problème, vois-tu mon bon garçon, c’est que tu n'étais pas censé réussir.

Kibo sembla protester, mais Masaaki ne pouvait toujours pas comprendre ce que disait le garçon.

- Oh, pauvre petit bichon. Tu te sens trahi ? Dit Ryobe avec un ton doucereux qui faisait frois dans le dos. Soudain, son attitude changea pour devenir extrêmement agressive. Sa voix partait dans les aiguës et des postillons jaillissaient sans cesse de son verbiage hystérique. C’est toi qui a trahi le clan dès que tu as tenté d'empêcher ton frère d’accomplir le rituel sacré ! Kino ! Toujours à protester contre cette règle ! Et celle-ci ! et celle-là ! Tu es un danger pour notre clan ! Une erreur de la nature qui aurait dû mourir avant de pouvoir marcher ! Ne t’en fais pas bonhomme, je vais m’en charger.

A ces mots, Ryobe jeta son bras en avant, dévoilant un fil de soie sur lequel trônait une mygale. A la manière d’un fouet, le chef des Aburame fit claquer le fil, ce qui projeta l’arachnide, tous crocs dehors, vers Kibo.

Heureusement, le petit garçon avait de la ressource et évita l’assaut de justesse avant de répliquer par une nuée de scolopendres voraces.
Trop faible pour un combattant de la tremble de Ryobe, l'attaque fut très rapidement annihilée par le chef du clan qui répliqua de manière plus forte que la première fois.

Caché derrière les bambous, Masaaki assista impuissant à un combat déséquilibré entre un guerrier accompli et un jeune homme qui avait encore tout à apprendre de son don. Au lieu de le tuer, Ryobe semblait jouer avec sa proie, lui laissant toujours une minuscule fenêtre pour s’échapper ou éviter des blessures graves qui pouvaient se révéler mortelles.

- Et bien alors Kibo ? Tu veux encore appeler Papa Maman à la rescousse ? Mais ils ne t’ont jamais aimé. Tu es le brouillon, ton frère est celui qui compte. Tes parents me l’ont toujours dit. Tu sais, j’accomplis aussi leur volonté secrète qu’ils n'oseraient jamais s’avouer ! Vois quel merveilleux chef je suis pour mon clan ! Tout ce que tu ne seras jamais ! Cria-t-il en frappant le jeune homme sans pitié.

Attrapant une des serpes qui avaient fait de lui un guerrier craint sur tout le Continent, Ryobe la leva vers le ciel pour en terminer avec Kubo, quand un bruit se fit entendre.



De l’autre côté de la vallée, vêtu de son immense peau d’un blanc immaculé, Koru venait d’apparaitre sur une lage branche d’arbre.


Le visage de Ryobe se tendit encore un peu plus alors qu’il s’adressait au muet.

- Kaoru, je t’ordonne de partir ! Ce que je fais, je le fais pour le clan. Dit Ryobe en reprenant le ton faussement doucereux dont Masaaki avait été témoin au débit de la conversation.

Pendant ce temps, Kaoru avançait lentement, d’un pas régulier et calme.

- J'aurais dû me douter que tu nous retrouverais. J’ai encore sous-estimé tes dons de traqueurs ! Tu feras un bon chef, Kaoru. Mais pour cela, Aburame Kibo doit mourir. Alors, arrête-toi ! Ah ! Tu veux faire le rebel comme ton frère ? Très bien.

Dans un style virevoltant, le chef du clan se précipita sur Kaoru comme s’il avait senti qu’il était une menace. Le jeune muet ne bougea pourtant pas, se contentant de pointer son doigt derrière lui.

Le regard de Masaaki s’écarquilla derrière son masque, devant lui, les fourmis magnan de Kaoru envahissaient le terrain. Les insectes d’une agressivité telle qu’ils étaient redoutés dans tous le clan avait une certaine particularités, ils étaient géants.

Ryobe s'arrêta net avant de reculer.

- Alors tu as réussi l’exploit de transformer tes Kikaichus. Et quoi maintenant ? Tu es venu pour me tuer ? Dit-il avec un grand sourire.


- Le cocon de l'araignée. Vous allez donc goûter à ma meilleure posture de combat !

Son corps se brisa soudainement d’une manière monstrueuse. Ses jambes arrières semblèrent se casser pour prendre une position semblable aux pattes des araignées. Son dos se recourba. Sa posture entière se changea pour s’adapter au quadrupède étrange qu’il était devenu. Les fameuses serpes qui avaient fait sa renommée étaient tenues par les membres inférieurs, servant d’appuis, tandis que d'immenses griffes semblables des crocs d'araignées trônaient sur chacun de ses doigts. Plus que jamais, Ryobe ressemblait à un monstre.


Le premier assaut fut d’une violence telle que plusieurs fourmis furent littéralement coupées en deux par le tournoiement macabre du chef de clan. Kaoru failli même prendre un coup de serpe mais Kibo, qui s’était relevé depuis, parvint à sacrifier une partie de ses scolopendres pour épargner son frère.

D’un saut en arrière, Ryobe reprit sa position caractéristique. Masaaki savait maintenant pourquoi ce guerrier avait été surnommé “Les Serpes Suspendues” au sein du clan, mais il n'était pas sûr d’en être heureux.

Le combat qui s’en suivit fut dantesque. Les scolopendres et les fourmis géantes des frères répondaient avec courage aux assauts toujours plus violents de Ryobe et de ses légions de mygales. Paralysé par une telle démonstration de brutalité au sein même du territoire sacré de Kaminari, Masaaki ne put s'empêcher de retenir son souffle jusqu'au bout.

Les fourmis de Kaoru semblaient avoir une force proportionnelle à leur taille. Masaaki savait que les insectes étaient des animaux puissants, malgré leur petites tailles. Mais, ces monstres étaient encore différents. Leurs carapaces de chitine semblaient si épaisses que les légendaires lames de robe semblaient avoir du mal à les pénétrer. Leurs mandibules étaient si tranchantes que les arbres comme les rochers cédaient sous leurs poids. Pourtant Ryobe demeurait le plus rapide et agile. Tel une tornade au milieu d’un champ de bataille, le guerrier sautait, là, se raccrochant ici grâce à une toile, immobilisait les fourmis ou laissait ses mygales les barder de morsures sans jamais cesser de bouger.

Enfin, grâce à leurs insectes mais surtout à l’éveil de Kaoru et de ses fourmis géantes, les frères finirent par avoir raison d’Aburame Ryobe. Gisant à terre, le corps à moitié déchiqueté par les fourmis et les scolopendres fut une seconde illuminé par un rayon du soleil qui transperça la végétation. Déjà, des ombres et des murmures virevoltant ça et là. Les éclaireurs du clan s’approchaient.

Dès que la fratrie aperçut les membres du clan, les scolopendres de Kibo se dirigèrent en légions vers le cadavre qui fut tout de suite entouré, comme si les insectes voulaient prouver que leur nid était bien le meurtrier du chef du clan.

Les doigts pointaient Kibo d’un air accusateur, sans vraiment savoir quoi faire.

C’est à ce moment-là que Masaaki rebroussa chemin. Il en avait assez vu.

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