Les corps avaient une seconde fois péris dans la bataille du Kaijû. Si l’Humanité avait bel et bien vaincu, sa chair et ses tourments furent implacablement marqués, au burin d’un sombre sculpteur, par la morsure brulante de l’Histoire.

Mahogani avait légué à l’Humanité tout son bon espoir dans dernier baroud d’honneur, emportant ainsi le souvenir de Vaiśravaṇa qu’elle avait tenté d’invoquer pour combattre le dernier soupir de la bête qui fut éventrée par le Noroi qu’elle avait voulu libérer. L’Enchaîné. Le Prince qui trônait sur le tombeau des siens, celui qui avait brisé la réalité, à jamais bouleversé les Thanatonautes.

Ses premiers songes furent aussi sombres que le monde que le monde qu’elle avait arpenté une fois piégée par les entrailles du Kaijû. Son corps, de nouveau brisé, errait sans force dans un abysse plus sombre encore que les ténèbres et se hissait avec toujours plus de douleur vers l’écho qui résonnait au loin.

Cette grave balade se termina non-loin de la voix qui lui susurrait ce qui résonnerait à tout jamais jusque dans ses songes les plus profonds. Tonnant parfois trop fort.


La Senju tenta de se redresser mais ses abdominaux semblaient trop léthargiques encore pour la porter correctement. Son corps tout entier était abreuvé d’une agréable fatigue qui ne demandait qu’à confortablement disparaître. Elle s’étira donc, laissant aux talents des Uzumaki faire s’évanouir la douleur d’un corps qui fut, rappelons-le encore, brisé quelques heures auparavant. Elle respira un brin de nostalgie en observant les baraquements succincts qui l’abritaient. C’était comme si elle était retourné à Kusa pour mener la guerre.

Maintenant réveillée et assise, elle tâtonnant dans ses effets personnels placés non-loin d’elle pour sortir une pipe et en emplir le foyer d’une herbe délicate de sa création. Ses premières gerbes accompagnèrent son regard vers un rescapé alité lui aussi dans la plus rudimentaire des couches. Le regard encore fatigué de la Dame s’en alla quérir les quelques alentours qui s’offraient à lui. Personne ne semblait plus résider ici.

Ce petit constat lui ébranla presque en fierté mais il paraissait pourtant évident qu’on avait accordé un peu plus de temps aux anciens. Le moment semblait enclin à observer la silhouette de son homologue aperçu sur la dernière barricade de l’Humanité. Prise de ce maladif sentiment de tendresse, la Dame se leva et tira les drapeaux qui séparaient les deux aînés de la cuisine de camp. Elle eut un sourire satisfait en voyant que l’architecture des installations de guerre obéissaient toujours aux normes les plus opérationnelles: Son frère d’arme et elle avaient été postés à côté de la veille pour des raisons évidentes qu’étaient l’âge et le mauvais état.

Le pavillon vide fut bientôt assailli par les fragrances les plus réconfortantes dont on pouvait se repaitre lorsqu’on avait faim. En effet, le brasier encore chaud laissé par la veille avait permis à la Dame de confectionner, grâce à un sac de riz laissé là, quelque champignons de sa création et un fin fumet de poisson tiré de sa sacoche, un petit festin pour deux guerriers que le temps avait éprouvé. Elle laissait patiemment mijoter tandis que la fumée de sa pipe venait se mêler aux senteurs.