Depuis sa rencontre avec Issei, Masaaki avait découvert un nouvel horizon des possibles. L’Aburame n’était pas forcé de rester près de la frontière avec Seirei, pour guider les égarés au travers de ce lieu lugubre. La candeur et la spontanéité de l’enfant avait cassé les barrières qu’il s’était lui-même posées. Par-delà la forêt, au-delà de son petit tronc aménagé, tout un monde l’attendait.

En discutant, l’enfant s’était rendu compte que Masaaki ne connaissait qu’une partie des Bois Maudits, ne s’aventurant jamais trop au sud ou au nord, vers la baie de jade. Son rôle était simple mais nécessaire, du moins, c’est ce qu’il croyait alors, s’interdisant de s'éloigner trop de son abri, au cas où ses lucioles trouveraient une personne perdue.

Depuis la disparition de son père, il avait donc mis ses rêves de voyage et de découverte de côté pour se consacrer à ce travail à cette tâche que personne ne semblait vouloir faire.  Mais, la curiosité de l’enfant, sa soif de savoir et son énergie étaient contagieuses. Masaaki avait donc consenti avec plaisir à un premier petit voyage dans les Bois Maudits.

L’enfant avait insisté pour aller vers l’Est, et la frontière de Seirei. La mer végétale était un spectacle aussi fascinant que dangereux pourtant, et Masaaki en savait quelque chose. S’il avait accepté une observation lointaine, sur une colline, il avait catégoriquement refusé de s’aventurer à la frontière du pays des Esprits, là où la végétation morte du Bois Maudits reprenait soudainement vie. Depuis près d’une décennie, il avait vu de nombreux soldats aguerris ne jamais en revenir. Si la candeur d’Issei était à préserver, elle n’avait assurément pas sa place à Seirei.

Masaaki dormait profondément. Le léger bourdonnement intérieur du foyer des lumières le berçait, alors que les douces flammes du feu de camp fasaient agréablement chauffer son masque de bois blanc. Tout allait bien pour le foyer des lumières, plongé dans l'obscurité. Tout allait bien, sauf pour 2548.


La luciole virevolte, éteinte, pour suivre le jeune enfant et sa fougue qui l'entraîne vers le trépas. Tout en gardant la cadence, l’insecte dépose un maximum de phéromones sur le chemin. Elle le sait, les autres vont finir par le sentir. Il suffit juste de tenir et de garder l’enfant à portée. Seule, elle ne pourra rien faire. Il faut donc que les autres arrivent au plus vite.

L’enfant ne s’arrête pas et arrive bientôt à la frontière de Seirei. Ici, les mortels peuvent encore marcher, mais, déjà, la nature s’anime et reprend ses droits. 2548 sent qu’ils n’ont rien à faire ici. Même avec le foyer des lumières, jamais ils ne se sont aventurés aussi près du rideau vert.

Dans un dernier mouvement de désespoir pour attirer l’attention d’Issei, la luciole se rallume. Dans l’obscurité de la nuit, elle est forcément visible par l’enfant. Le problème, c’est qu’il n’est probablement pas le seul à l’avoir vu.


Dans le foyer des lumières, une luciole s'alluma, puis deux, puis trois. En quelques minutes, le temple des lueurs fut en ébullition, les phéromones de 2548 avaient atteint les éclaireuses qui faisaient des rondes autour du campement provisoire. Les orifices du masque de Masaaki s’illuminèrent soudainement d'une lumière verte vive.

Au sein de la communauté, les lucioles se préparaient, astiquant leurs antennes et laissant les larves encore trop jeunes pour combattre, nettoyer leurs carapaces et leurs élytres de chitine. L’Aburame, lui, fonçait déjà de branches mortes en branches mortes pour récupérer son ami.

La poursuite fut interminable, Masaaki n’avait pas envie de perdre un nouveau compagnon dans ce labyrinthe vert, capitale d’une autre forme de vie. Il s'imaginait déjà, revenant d’un pas lourd vers le tronc de son petit coin des Bois Maudits. Heureusement, 2548 était une soldate d’expérience et les phéromones laissées étaient nettes et récurrentes, ce qui permettait de ne pas hésiter quant au chemin à prendre.

Quand il aperçut une petite lumière d’un vert vif, à quelques mètres à peine, il reconnut aussitôt le battement de vie de la luciole. Sans hésitation, les escadrons de l’Aburame se jetèrent en avant, sortant de son corps pour éclairer la scène avec plus d’ampleur.

S’il n’en était pas certain, Masaaki cru alors voir des plantes se rétracter légèrement, comme si elles venaient d’être dérangées pendant qu’elles mettaient la table.

Conscient du danger, une partie du foyer des lumières s’aggloméra pour former une boule lumineuse prête à altérer l’esprit de n'importe quelle espèce qui voulait du mal au petit.

Une plante peut-elle plonger dans une illusion ? Se demanda-t-il alors que la boule dégageait une lumière verte de plus en plus intense.


2548 rejoint ses sœurs dans le ballet circulaire qu’elles ont entamé. Si les bêtes de ce monde n’ont pas d’yeux, pourtant, l’illusion ne servira à rien. La danse en ronde est de plus en plus effrénée, 2548 est entraînée par le mouvement de ses congénères qui rivalisent d’adresse et de puissance pour être celle qui éclaire le plus fort. Soudain, le bruit d’un fouet retentit et 2548 disparaît. Dans l'obscurité. Pour toujours.


- Tu nous as fait une de ces peurs ! Allez, on ne peut pas rester ici ! Dit Masaaki en attrapant fermement le bras d’Issei.

Laissant la moitié du foyer des lumières former une boule concentrée gardienne d’une petite illusion,  il ne se retourna pas et courut le plus vite possible avec son ami pour revenir vers la forêt morte, étrangement plus sûre que cet océan de verdure.

Au moment même où il jetait un coup d'œil par-dessus son épaule pour voir s’ils pouvaient ralentir la cadence, la boule de lumière fut happée le pays des Esprits dans un claquement sec.
En une seconde, le foyer des lumières avait perdu la moitié de ses lanternes.

Avalant difficilement sa salive, Masaaki se pencha vers Issei, lui ébouriffa les cheveux, et l’incita à continuer le chemin vers les Bois Maudits.

- On aura bien le temps pour Seirei, commençons d’abord par quelque chose de plus léger ! Dit-il avec un rire, qui, pour la première fois depuis qu’il avait rencontré Issei, semblait un petit peu forcé.

Un pied négligemment passé de l'autre côté du fauteuil en cuir qui m’accueille, je me trouve dans le bureau de Bô en faisant comme si je serai chez moi, tranquille, entrain de lire un bouquin et de piquer du nez. Et pourtant, pourtant de cette entrevue pourrait se déterminer tellement de chose. J'ai une idée depuis quelque temps, une idée qui se doit d'être examiner par le Musashi, et sa façon très direct, très monétaire et mercantile, d'envisager les choses. J'ai une idée et il me faut du concret, donc j'ai écris une lettre et prévenu mon précieux ami, que je passerai le voir. Et nous y voila. J'ai besoin de monter une expédition, et cette expédition ne peut souffrir d'aucun échec. Le pays des esprits, qui nous est encore si inconnu, borde celui du Feu, et c'est là que j'aimerai placé le théâtre des opérations. L'opération est d'envergure, et j'aurai besoin d'hommes pour y réussir.

Alors plutôt que de me morfondre, j'ai pris le taureau par les cornes, et j'ai appelé le chef d'Ame à la rescousse. Nous avions commencé sur une note amical et sucrée, un petit digestif, qui accompagnera ma dose quotidienne de la pilule de sevrage. Nous discutons du beau temps, et surtout de la pluie qui commence un peu à taper sur les nerfs de certains ... Sans mauvais jeux de mots.

Puis cela devient plus agité quand je lui parle de mon projet, car, en tant qu'alchimiste d'état, et surtout, partisans d'Ame, j'ai a cœur de développé notre bizness et de relancer le consortium dont m'a déjà parlé mon bienfaiteur. Et pour ça, je vais devoir proposer d'autre chose que mes simples pilules. Il va falloir viser grand. Grandiose même. Que mon père et mes oncles ne soient pas mort pour rien. Que ma mère ne soit portée disparu (même si je doute qu'elle soit encore vivante je garde un espoir), et que tout ceux du Rengo qui constituait ma famille proche et mes amis, ne soient morts en vain.

Et ce n'est pas avec les moyens à ma disposition actuellement, dans le syndicat qui périclite et peine à se financer, que je vais réussir cette entreprise.

- Oui, je suis sûr de moi. Il me faut des hommes, et des bons. Des chevaux, des lanternes, tout le matériel que tu peux m'avoir, et aussi, pas mal de fric. Je vais devoir soudoyer des pattes, et pas des petites ...

- Et tout ça pour quoi au juste ? T'attirer encore plus de problèmes que tu n'en as déjà ? Fit-il, ce qui eut le don de m’énerver. Je me lève du siège, fais le tour de son somptueux bureau.

- Pour la connaissance et la gloire ! Pour notre pays, pour le consortium et pour ma famille. Je ne te demande qu'un investissement en homme et en argent. Des hommes anonymes, des mercenaires, et de l'argent. Ton aval et plus d'investissement que ça, n'est pas nécessaire, ni ton implication dans mon aventure. Que je termine par dire, espérant le convaincre.

Dans tout les cas, j'engage mes hommes, mon nom, et mon argent personnel dans cette expédition. Tout ça dans le but de trouver de nouvelles plantes, de nouvelles drogues, de nouveaux produits. Tout ça pour la gloire de la Kabbale, et aussi de mon pays d’accueil, de mon organisation. Bo n'a pas l'air emballé, il ne voit pas l’intérêt d'aller se mettre à dos une grande nation, ni d'aller visiter le plus inhospitalier des coins du continent pour des cacahuètes.

J'engage donc quelques hommes à moi, et fait passer le messages au reste des mercenaires du pays. J'ai besoin de gens pour assurer mes arrières, et ne pas tomber dans le premier piège venu, surtout au pays du feu, réputé pour ce genre de désagréments. Trêve de bonnes paroles, je m'envole à bride abattue.

Direction le pays du feu, et le bois maudit.

Les Bois Maudits, frontière salvatrice entre le Pays des Esprits et celui du Feu, mêlent la réalité à l'illusion, l'atmosphère lugubre et mystique jouant sur les sensations et les sentiments. La peur, la paranoïa, l'angoisse dansent de concert avec la brume glaciale qui se répand inlassablement entre les arbres calcinés. Antichambre de la nation des Esprits Gardiens, ces bois semblent être la dernière passerelle vers le réel, comme si toutes les entités au-delà de ce monde n'étaient qu'invention et hallucination. Les Bois Maudits vous parlent, vous intimant-ils de faire demi-tour, ou vous poussent-ils à franchir la barrière du réel, à entrer dans ce monde craint et fantasmé de tous?

Assassins, clandestins et sectes profitent de l'ambiance macabre qui rôde et de l'angoisse des voyageurs pour assouvir leurs soifs de sang et de sacrifice. @Aburame Masaaki, tes lucioles guident les égarés et les intrépides, tu connais cette sensation d'être observé, d'être en proie à la démence. Tu lutes chaque jour au cœur de cette brume et des yeux endormis qui s'ouvrent dans ton esprit. Tu es le passeur d'âme de cette contrée, tu en connais le chemin, si bien qu'avec l'enfant du sang, @Chinoike Issei, tu es capable de t'approcher au plus près de cet ultime rempart sylvestre. Tes lucioles sont happées vers le Pays des Esprits, tu avais déjà vécu cette sensation, cette ombre qui avait, jadis, emporté ton père dans des circonstances mystérieuses.

De ton côté, @Dokueki Endo, tu t'enfonces à ton tour dans ces bois, bien moins préparé, la cartographie du lieu t'étant inconnue. La brume caresse l'échine de tes compagnons, tandis que le froid commence à mordre vos peaux. Seule une poignée d'hommes a répondu à ton appel, ta réputation ne t'ayant pas permis de recruter un groupe de suicidaires, entrant sans passe-droit sur les terres d'une superpuissance, et d'autant plus en direction de ce Pays d'où personne ne sort. Certains de tes compagnons sont pris d'hallucinations, te notifiant que les "arbres" se tournent sur votre passage. Des petits papillons noirs virevoltent ça et là, attirés par la lumière des lucioles de l'Aburame.

Ton escouade de ses hommes t'ayant suivi, bon gré malgré, commence à se dissiper. Les chevaux hennissent, et la sensation d'être observé s'amplifie, les murmures du vent caressant les branches calcinées intensifient l'angoisse. Les dents s'entrechoquent, les bêtes ne veulent plus avancer. Face à vous se tiennent debout, à la lueur de quelques lucioles, les deux âmes errantes, Chinoike Issei et Aburame Masaaki.

L'enfant des Bois Maudits peut vous prévenir de vous arrêter, mais un changement radical se produit en l'espace d'un instant. Les papillons que vous observiez autrefois viennent de se stopper. Leurs ailes se sont figées dans les airs, le temps semblant les avoir pétrifiés. Bientôt, la brume se retire quelque peu, telle les premières vagues prémices d'un tsunami. Derrière vous, les arbres calcinés font leur apparition, aucun bruit, rien, un silence absolu dans toute cette végétation. Le silence vous assaille, renforçant chez vous cette impression effroyable d'être épié.

Issei, jeune enfant perdu, amené aux confins du monde par des aventuriers téméraires, loin de ta maison, tu les vois. Oui, eux, de l'autre côté de la frontière, vers le Pays des Esprits. Leurs ombres t'observent, à couvert des arbres, derrière les branches, derrière chaque feuillage, tu les vois, ces ténèbres qui te regardent intensément. Bientôt, même tu pouvais y distinguer des pupilles, dorées, brillant dans la pénombre. Combien étaient-ils, bien trop pour que tu puisses les compter. Ces ombres, étaient-ce les Esprits-Gardiens ?

Même les chevaux de ton groupe, @Dokueki Endo, avaient cessé de hennir, comme si la nature, toute la faune, s'était arrêtée de vivre, le temps l'ayant mis en pause dans ce silence absolu. Tes hommes n'osent plus bouger, et alors que le moins intrépide de la bande tente de prendre la fuite dans l'obscurité, brisant ce silence, une ombre vient le happer vers les ténèbres. Masaaki, ce n'est pas sans te rappeler un mauvais souvenir. Pourtant, ton esprit à toi est occupé par autre chose, à la lueur de tes lucioles, tu viens les distinguer, levant les yeux, encore et encore, atteignant la cime des arbres de Seirei. Véritables chimères ténébreuses, les formes varient de l'une à l'autre ; forme humanoïde, arbre mouvant, création complètement féérique, tu n'arrives pas vraiment à comprendre ce qui te fait face, mais ce qui est clair à ton esprit, c'est que certaines ombres tutoyaient les nuages.

Puis le froid est remplacé par la chaleur, le silence par les crépitements. Endo, c'est toi le premier à t'en rendre compte. La panique a gagné ton groupe, bien que les chevaux ne réagissent plus du tout, léthargiques, semblant endormis. La chaleur se rapproche, de plus en plus, marquant maintenant ton visage. Puis l'obscurité ambiante disparaît petit à petit, comme si le soleil lui-même se rapprochait de ce lieu. Face à vous, comme annoncé par le retrait de la brume telle les vagues annonçant la tempête, une véritable vague, un raz-de-marée enflammé s'approche de vous, de plusieurs mètres de haut, d'une infinie largeur. Les premiers arbres calcinés semblent crier face à la vague, les mementos du passé d'aventuriers un peu trop intrépides.

Nous sommes moins d’une douzaine. Douze précurseurs, pionniers, comme des pilleurs du savoir universel, nous avançons lentement mais sûrement, déjouant les premiers pièges qui se figent sur notre chemin. Je n’ai peut être pas la notoriété, mais les compétences sont là. J’ai déjà pris tellement à mes opposants, à mes adversaires et rivaux commerciaux, qu’il me faut du mieux, du plus, du clinquant. Je suis persuadé qu’avec certaines plantes de ce pays aux milles et unes histoires, je serai capable de bien plus, d’encore plus, de toujours plus. J’ai déjà emmené avec moi le prototype d’une pilule qui permettrait, à terme, de surpasser ses limites, de renforcer son chakra, de faire exploser ses compétences et de le regretter après.

Nous avons passé les frontières sans encombre, ce qui m’inquiétait le plus en soit, et qui me demandait le plus d’argent. Le reste avait été dilapidé dans le salaire des mercenaires, dans de l’équipement de recherche, des sacs résistants, des chevaux à la bravoure et à la vivacité sans aucun équivalent dans l’écurie de mon bienfaiteur. J’étais fin prêt à me frotter à l’esprit. A l’âme de ce monde même, et d’en ressortir grandit, et surtout, vivant si possible.

Plus nous avançons dans le dédale nébuleux, plus il est évident que mon entreprise serait dangereuse et que la malice et l’ingéniosité, servirait autant que les armes qu’avaient emporté les miens. Difficile de savoir ou donner de la tête, ni comment ne pas la perdre, dans les ombres, des chuchotements. Certains me rapportent qu’on leur intime de partir …

« Trouve moi … Cherche moi…. Trouve moi … Cherche moi … » font  les ombres pour ma part, et je ne peux m’empêcher de penser qu’une découverte est  sur le point de fleurir au bout du chemin, n’attendant que moi pour éclore.

- Et bien qu’ils tournent et contemple mon séant, ses bougres de conifères ! On ne peut plus rien y faire, on est trop enfoncé dans la forêt et les bois maudits, pour ne pas regretter un départ précipité.

Et puis maintenant que je suis  là, je ne vais pas repartir d’aussi tôt. Même si toute ma troupe s’est dissipé, cette bande de lâche, je continue sur le chemin de terre, trouvant deux personnes au même endroit que moi.

A quoi cela sert-il de monter une expédition pour l’autre bout du monde, si c’est pour croiser du monde au premier bosquet venu ? J’ai peur, mais je reste moi, un éternel excentrique paranoïaque par nature, mais enjoué et bienveillant, je salue les deux créatures fragiles qui semblent m’observer à leur tour comme si je suis un fantôme, ou pire, une menace fantôme.

- N’ayez crainte, je m’appelle Endo, je suis ici pour des recherches, dites mois les enfants, savez vous comment avancer plus en sécurité ?Flanqué par deux hommes, je lis la stupeur sur le visage des deux vétérans qui n’ont pas l’habitude de flancher pourtant. Je regarde tout autour de moi, le temps semble figé. Ambiance morbide pour un accueil digne des plus grands.

Tout semble attendre. Tout et moi-même, nous sommes d’accords. Une vague de feu nait du retrait de la brume, dévoilant des arbres calcinés, et un sol quasiment aussi rêche et rocailleux que les failles magmatiques de Tsuchi.  Une immense vague de feu dont nous sommes les cibles, moi et les deux petits. Je m’active, et attrape la pilule de surcharge. Je la mange en me mettant entre la tempête de feu, et mes deux amis, ainsi que les enfants.

Je n’aimerai pas qu’on dise que j’abandonne ceux là à leur triste sort. Les femmes et les enfants d'abords ! Et tant pis pour les gens comme moi, on se débrouille...

- Restez derrière moi, ne bougez pas ! Que je fais alors que mes yeux se révulsent dans ma tête.
Je sens le chakra affluer en moi comme une rivière qui coulerait et cascaderait sur ma tête, emportant mes derniers doutes. Cette vague, je pouvais la dompter. La sceller, et l’empêcher de nuire. Mes veines saillissent depuis mes yeux, comme un hyuuga utilisant sa pupille héréditaire, mais gardant leurs couleurs bleutés d’origines,  tout mon corps se tend, mais j’arrive à utiliser les mudras nécessaire à une technique de scellement.

- Fuinjutsu, la grande dévoreuse ! ! Une de mes techniques fétiche, et un nom qui en dit long. J’essaye d’avaler la langue de feu qui se dirige vers nous, et de l’enfermer dans un sceau à usage unique.

Noir, mon monde est noir. Je ne vois plus rien si ce n’est l’intérieur de mon crâne peut être ? Je m’écroule, après ma  tentative, de la bave et du sang coulant de ma bouche.

tour 1:

1071 est prête pour devenir adulte. La nymphe se transforme depuis plusieurs jours déjà. Consciente de ce qui se passe derrière son sarcophage évolutif, elle se presse pour s’extraire du tombeau de son ancien corps. La chitine est encore trempée mais elle n’a pas le temps de se laisser nettoyer par les larves. D’ailleurs, celles-ci sont presque toutes en train d'effectuer leur dernière mue. Puisant le chakra dans les parois du foyer des lumières, elles accélèrent ainsi leur processus d’évolution afin de remplir les rangs décimés de la citadelle.

Dans les couloirs mouvants qui l'ont vu naître, c’est le chaos. Les ouvrières portent les œufs pour les cacher plus profondément près des organes vitaux. Les soldates quittent le foyers en traversant les multiples portes qui mènent au-dehors.

1071 se glisse dans un rang de soldates qui attendent d’être envoyées au front. Quand le signal est lancé par le chef d’escadrille, elle déploie ses ailes pour la première fois. Les élytres s’écartent et équilibrent le vol de la jeune luciole tandis que les souples permettent les virages et autres cabrioles. Pourtant 1071 n’a pas le temps de découvrir ses nouvelles facultés. Le foyer des lumières à déjà donné l’ordre aux lucioles de se rassembler. Tentant de suivre le balai parfaitement organisé de ses congénères, 1071 se place entre deux lucioles et se met à tourner avec elles.

C’est une naissance mouvementée, et ce sera une vie courte.


Masaaki n’a pas le temps de se morfondre sur le sort de ses sœurs. Après quelques pas de courses seulement, son ami et lui tombent sur quelques hommes. De par leur allure, ce sont des aventuriers ou des bandits. Dans tous les cas, cela ne fait qu’empirer la situation.

Masaaki sait que le royaume des Esprits-gardiens va exiger un sacrifice pour cet outrage. Plus de blasphémateurs ne peut qu’enrager encore plus ce continent qui refuse la folie des Hommes.

- N’ayez crainte, je m’appelle Endo, je suis ici pour des recherches, dites-moi les enfants, savez-vous comment avancer plus en sécurité ?

L’Aburame aurait sans doute ri franchement devant le désir de l’inconnu de ne pas être craint à quelques centaines de mètres de l’une des régions les plus dangereuses du continent.

- Non il faut rebrousser chemin, Seirei arrive ! Dit l’Aburame en déployant des centaines de lucioles pour montrer le chemin. La lueur éclaira le groupe. L’homme  avait l’air jeune, sans doute plus jeune que Masaki. Son visage fin soulignait une chevelure de jais. De par son accoutrement, il ne faisait aucun doute que celui-ci n'était pas un civil lambda.

- Là !

C’était Issei qui venait de parler, pointant du doigt l'obscurité totale. Masaaki envoya des éclaireuses en vitesse pour vérifier l’origine du cri de l’enfant. Alors qu’elles s’approchaient toutes lumières allumées, elles disparurent dans l'obscurité sans crier garde.

Masaaki n’avait plus aucun doute. La dernière fois qu’il avait ressenti cela, son père avait disparu. Alors qu’il envoyait encore des lucioles pour lutter contre le rideau occulte qui les encerclaient, le temps se mit à ralentir, la nature sembla paralysée par la puissance de Seirei. Les lucioles, elles aussi, étaient suspendues dans l’air, brillant de milles feux sans pouvoir atténuer leur bioluminescence, emprisonnées dans l’étau d’une poigne qui pouvait étouffer le temps.

Devant ce phénomène extraordinaire, l’un des étrangers recula, le visage crispé par une vision d’horreur. Alors que le pan de son manteau touchait la nuit noire, il fut aspiré à une si grande vitesse que son cri résonna après sa disparition.

Derrière son masque, Masaaki jeta un oeil à son ami, qui sembait toujours regarder au travers du voil noir qui les entouraient mais une éclaireuse revin au foyer de lumières en indiquant un chemin de phéromones  qui menait vers la cime des arbres.

Lentement, comme si les ténèbres attendaient un regard pour s'enflammer, l’Aburame leva la tête. D’abord, c’est l’ombre brumeuse d’un félin qu’il aperçut sauter de branche en branche avec une agilité déconcertante. Les mouvements de la bête laissaient une trace rémanente, si bien qu’il était très facile de la perdre de vue. Puis, ce qui semblait être une femme vint s’assoieir sur une large branche, comme si elle observait avec plaisir ce spectacle morbide. Des dizaines d’ombres passaient d’arbres en arbres,  les encerclant avec une vitesse qui ne semblait pas humaine. Les branches se déplaçaient, disparaissant d'un arbre pour apparaître sur un autre.  Par dessus ce chaos, les vénérables troncs aussi bougeaient, ajoutant à la confusion de la scène et à son effroi.

Derrière les petites créatures se dressaient des colosses floues. Leurs firmes étaient changeantes mais leur hauteur était telle que l’Aburame ne pouvait pas en distinguer le sommet.

Trop occupé à observer cette vie divine à la cime des arbres, Masaaki ne remarqua pas la brume, si caractéristique des Bois Maudits, qui se faisait avaler par le continent sauvage.

Quand, enfin, il détourna le regard, une immense vague de feu inondait de chaos tout ce qu’elle engloutissait dans ses vives flammes.

A cette vitesse, aucun être vivant ne pouvait échapper au tsunami brûlant. La colère de Seirei était réelle. Jamais Masaaki n'avait été témoin d’une telle démonstration de puissance de la part de ce royaume. En général, les blasphémateurs étaient raflés dans le silence, sans briser la tranquillité harmonieuse qui y régnait, ce qui était parfois encore plus effrayant.

- Restez derrière moi, ne bougez pas ! Dit le chef de l’expédition en sortant un immense rouleau qu’il déploya d’un geste gracieux.

L’Aburame ne savait pas ce que cet étranger allait faire. Il se sentait faible, comme incapable d’agir. Heureusement, le contact d’Issei sur son bras le réveilla de sa torpeur. Envoyant une nuée de lucioles à quelques mètres de lui, il l’a transforma en une illusion de l’enfant. Ainsi, si les monstres étaient sensibles au genjutsu et regardaient la lumière,  il aurait une petite marge de manœuvre pour protéger son ami.

Se glissant derrière un arbre, l’Aburame sorti la machette qui lui servait à couper le bois et la végétation sur les sentiers des Bois Maudits. Il baissa la tête vers Issei, éclairant le sourire de son masque pour tenter de le rassurer comme il pouvait.

Masaaki ne saisissait pas pourquoi l’attaque avait été aussi violente. Brûler la vie autour de Seirei était normalement l'apanage des conquérants humains. Dès le premier regard, le jeune homme avait pensé à une illusion du royaume interdit. Une illusion si forte, qu’elle plongeait tout un groupe d'individus dans un cauchemar de feu et de sang. Le jeune homme savait comment se débarrasser d’une petite illusion. Mais, face à la force d’esprit de Seirei, c’était bien au-dessus de ses forces.

Au fond de lui, le foyer des lumières savait ce qu’il devait faire. L’autre moyen de s'échapper d’une prison de l'esprit était de choquer l’enveloppe, le corps. L’un ne pouvait pas vivre sans l’autre et étaient intimement liés, comme Masaaki et ses lucioles.

Seirei demandait un sacrifice pour sortir de là, et c’est lui, gardien autoproclamé de la frontière qui allait devoir le faire. Lui qui avait laissé son protégé provoquer Seirei. Lui qui n’avait pas été assez vigilant pour empêcher la profanation.

Posant son auriculaire sur le tronc, il laissa le temps aux ouvrières de déplacer les larves suspendues aux cartilages de ce petit membre et le frappa avec sa machette de toutes ses forces. Le sacrifice allait briser l’illusion si s’en était une et apaiser les esprits si la vague de feu était bien réelle. Du moins c’est ce qu’il espérait.

Sans regarder l’état de sa main, il se précipita vers l’étranger qui venait de tomber au sol et le souleva, non sans un effort qui le fit hurler. Le pas hésitant mais l'adrénaline aidant, il ordonna à Issei d’ouvrir le chemin en suivant les lucioles. Non loin, une vieille tanière pouvait être leur salut, s'ils ne mourraient pas avant.

Actions:

Et la nature redevint poussière. La brume n'est plus, et dans l'obscurité éclairée par la titanesque vague enflammée, les premiers papillons s'évaporèrent sous la chaleur dans un crépitement inaudible ; seul Masaaki pouvait comprendre les pleurs des lépidoptères. Les lucioles firent de même, pleurant et criant au désarroi d'avoir été mis face au courroux de leur mère nature. Les premiers arbres devant vous arboraient maintenant la même tenue que leurs homologues des Bois Maudits, calcinés, avant que la vague ne les couvre complètement de sa grandeur.

Les chevaux, léthargiques, ne firent aucun mouvement, malgré la chaleur grandissante et étouffante qui commençait à gagner le groupe d'aventuriers. Les premiers soldats commencèrent à fuir dans les ténèbres, tandis que les autres restaient immobiles, leurs corps et leurs cœurs figés par la grandeur et la puissance des esprits déchaînés. Aucun mouvement, aucun bruit, l'œil posé sur la tempête qui se reflétait dans leur pupille, témoignant de la vitesse du cri de Seirei. Le petit Chinoike, trop jeune et inexpérimenté pour vivre ce genre de déferlement naturel, vint se figer aussi, pointant du doigt les ombres malines qui se cachaient de l'autre côté de la frontière. Avant que l'Aburame ne le tire de sa torpeur, il put le remarquer l'espace d'un instant : dans la pénombre, les yeux dorés n'étaient plus.

Les lucioles prirent de l'avance sous les ordres de la ruche, se positionnant de manière à représenter la forme d'Issei, comme pour provoquer la pitié des gardiens. Étaient-ils simplement doués de raison pour comprendre la pitié ? Alors que la lame enflammée gagnait du terrain, dévorant et calcinant sur son passage la frontière naturelle, ce fut le chef de l'escouade Dokueki Endo, qui vint se poster en tant que bouclier de l'Humanité. L'Homme face à la Nature, le corps contre l'esprit. Les ordres du chef de guerre étaient clairs ; tout le monde se mit derrière lui, alors que les chevaux étaient abandonnés à leur triste sort et, sans un bruit, endormis, vinrent rejoindre les flammes dévorantes.

Véritable parangon du courage, la pilule fut absorbée ; le corps d'Endo réagit en un rien de temps, son chakra affluant dans ses veines comme le liquide carmin. Il déploya son rouleau, tandis que la chaleur commençait à caresser son échine, ses pupilles brillantes face à l'immensité de ce qui lui faisait face. La grande dévoreuse prenait vie et, dans un ballet féérique illuminant jusqu'à la cime des arbres, elle vint avaler un énorme pan du décor. Un monde intérieur, absorbant avec vigueur le cri de la nature, la réalité se transcendant un instant dans un tourbillon de chaleur avant que tout ne soit plus que silence et obscurité. Le corps avait atteint sa limite, les ténèbres voilèrent le regard du Dokueki, le rouleau tombant un peu plus loin, son corps rejoignant le sol.


Le voile de l'obscurité gagne ton esprit, Dokueki Endo ; tu ne ressens plus rien, ne vois plus rien. Ton monde intérieur s'ouvre à ton esprit, tu te retrouves ainsi, au milieu du vide profond, ton regard cherchant à capter le moindre mouvement. De légères couleurs florales viennent apparaître telles des aurores boréales, scintillant et dansant comme le rythme du vent. Le paysage féérique te laisse sans voix.

« Viens. Rejoins-nous. Tu nous appartiens maintenant. Viens. »

Une douce voix, mélodieuse, semble faire écho dans ton esprit. L'envie de la suivre est captivante, ton monde intérieur s'élargissant de plus en plus, les couleurs redoublant d'intensité, le monde entier semble danser une chorégraphie mystique et féérique.

« VIENS ! »

De son côté, l'Aburame ne peut comprendre la férocité des Esprits-Gardiens. Lui qui a vécu si longtemps dans ses bois n'a jamais vu une telle démonstration de force de la part de Seirei. Son esprit ne peut y croire, sacrifiant son doigt pour essayer de percer le mystère à jour. Tout ça le frappe maintenant en plein visage : le Pays des Esprits est en colère, et des offrandes doivent être faites. Tu n'as plus de temps à perdre, toi, dernier protecteur des âmes esseulées après l'effondrement du Dokueki. Redoublant d'efforts et serrant la mâchoire pour atténuer la douleur lancinante dans ton doigt, tu viens saisir votre bouclier, le petit Chinoike ouvrant la voie en suivant les lucioles. Pourtant, tu ne peux faire abstraction d'un détail. Au niveau du coude d'Endo, une petite pousse de fleur vient de germer, bientôt rejointe par deux de ses sœurs.


Le trio commence sa fuite, tandis que la pénombre et la brume regagnent tranquillement les Bois Maudits. Pourtant, Chinoike Issei, tu peux le ressentir en premier, tes sens d'enfant étant à l'aguêt. Le froid remplace la chaleur, et les arbres se mettent à chanter, à rire, à crier. Vos corps se stoppent un léger instant, une fraction de seconde dans cette symphonie enchanteresse. Puis, plus rien, un silence absolu, figeant de nouveau la nature. Les racines commencent à se mouvoir, sortant de terre à une vitesse prodigieuse. Elles viennent saisir le bras du petit Chinoike, tentant de le tirer vers le fond. Masaaki, tu viens serrer la main de ton compagnon de route de tout ton être. Cependant, une force inverse vient te tirer dans l'autre sens, tournant ainsi le visage. De nouvelles racines saisissent la cheville du manieur de sceaux sur ton épaule. Tu te retrouves ainsi, au milieu des deux, à tenter de les garder contre toi. Mais seulement, est-ce possible ?

La tempête de feu était belle et bien réelle. Héroïquement, cet Endo avait réussi à absorber une bonne partie de ce chaos brûlant dans un grand parchemin qui était encore fumant quand Masaaki l’avait récupéré.
L’Aburame ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine colère à l’égard d’un royaume qu’il avait toujours respecté. Pourquoi brûler les environs ? Les Pins Sombres avaient-ils disparu au profit des Bois Maudits à cause de la même folie destructrice, provenant du même endroit ?

Tout un imaginaire et une croyance s'effondraient sous le poids du réel. Même lui, qui avait œuvré pendant des années aux côtés de Seirei sans jamais la profaner volontairement, n’était pas le bienvenue sur cette terre qui obéissait à d'autres lois, d’autres codes.

Perdu dans ses pensées, le foyer de lumières perdu une des mains d’Endo et c’est en voulant la remettre sur son épaule qu’il aperçut la petite plante qui avait poussé sur le coude de l'inconscient. Les racines semblaient se fondre et fusionner avec des sortes de veines bleutées. Une seconde plus tard, une autre “fleur” se développa. D’abord, les racines se formèrent, puisant dans une substance qui semblait provenir du corps même d’Endo. La substance ni liquide ni vaporeuse restait une seconde à l’air libre avant de se transformer en une cellule végétale. La croissance était rapide, les feuilles, et bientôt la fleur apparut, sous les yeux horrifiés de l’Aburame.

Il n’était pas Uzumaki, ni médecin d’ailleurs, mais il savait parfaitement ce que ces fleurs étaient en train de faire pour la bonne raison que ses insectes se nourrissaient de la même chose au quotidien : le chakra.

Seirei utilisait l’énergie d’Endo pour le transformer en quelque chose.

Et si les Gardiens-esprits n'étaient que des hommes et des créatures qui étaient tombés sous le maléfice de Seirei ? Et si ce continent sauvage et féérique à la fois n'avait rien de féérique et tout de sauvage. Et si le but final de Seirei était celui des tous ces hommes, de toutes ces puissances viciées par l’obscurité : la conquête ?

- Il faut accélérer le pas, l’étranger ne va pas bien du tout, Seirei est en train d’aspirer son chakra. Il va finir avec une face aussi rêche qu’un tronc des Bois Maudits si cela continue ! Je voulais te demander. Tout à l’heure, ce que tu as vu dans la pénombre, ça ressemblait à quoi ?

Masaaki avait toujours la page ancestrale que son père lui avait confiée avec le gribouillage représentant un être étrange avec de grands yeux jaune. Depuis près d’un an, il regardait cette page quotidiennement, tentant désespérément d’en percer les mystères, sans aucun résultat.

Mais la conversation ne put continuer. Si le feu avait disparu, la folie vengeresse du continent sauvage était encore là. Les arbres autour d’eux se mirent à hurler, faisant craquer leurs branches avec une violence inouïe. Puis ce fut la terre qui trembla, sous les mouvements anarchiques des immenses racines qui se soulevèrent. Par réflexe, Masaaki se rapprocha d’Issei pour lui saisir la main mais Seirei avait décidé de faire de même. Une racine noueuse s'était enroulée autour du poignet de l’enfant dans un claquement sec. Tenant fermement Endo sur son épaule, l’Aburame tira de son autre main, la blessée, de toutes ses forces.

Sous la pression, la plaie se remit à saigner abondamment et le liquide pourpre rendit la prise encore plus délicate. Pour embellir encore un peu plus le tableau, une nouvelle force semblait tirer Endo vers l’arrière. Un simple coup d'œil permit à Massaki de comprendre dans quelle situation il était.

Seirei le laissait faire un choix. Endo, l’inconnu qui venait de sauver leur vie et qui était en train de se transformer en talus fleuri, ou Issei son ami et accessoirement un enfant.

La main d’Issei lui échappait de plus en plus et Endo devenait un poids insoutenable qui le tirait vers l’arrière. Les trous du masque représentant les yeux s’illuminèrent en même temps que le sourire sculpté dans le bois.

- Issei, mon ami. Ne cède pas. Tu sais que je te retrouverai si tu es perdu. Utilise tes sens supérieurs pour te signaler. Ne perd ni l’espoir ni la lumière des yeux. Je vais revenir te chercher. Dit-il en faisant un “clin d'œil qui consistait à n’éclairer qu’un seul trou du masque de l’Aburame. Une pratique qui avait fait rire Issei la première fois qu’il l’avait effectuée.

Les mains se séparèrent, laissant les gouttes de sang perler sur ce sol maudit tandis que Masaaki reprenait une prise à deux mains sur Endo. Il fallait avant tout lui sauver la vie.


1124 vient d’être envoyée avec son escouade près du corps que transporte le foyer des lumières. Sur la peau humaine qu’elle connaît bien, de drôles de fleurs sont en train de pousser. Des fleurs, qui, comme elle, se nourrissent du chakra de son hôte. La luciole n’a jamais vu ça mais sa curiosité attendra. Les ordres sont clairs, détruire et couper ces fleurs pour éviter que l’hôte ne termine aussi dessécher que le sol de Kaze No Kuni.

Elle et ses congénères sont occupées par ce festin inespéré quand, soudain, une alerte retentit.

Presque à contre-coeur, 1124 déploie ses ailes et revient vers le foyer des lumières en suivant les vétérans de son escouade. L’escadron fonce à toute allure, évitant les coups de racines et passe devant le foyer, à la grande surprise de 1124.

Leur destination est tout autre. Virevoltant, la dizaine de lucioles arrêtent d'émettre leur bioluminescence pour rester discrètes et se faufilent dans les vêtements du jeune enfant. C’est elles, qui auront la lourde tâche de permettre au foyer des lumières de retrouver l’enfant. Sous peine de ne jamais rentrer non plus.

1124 voit les contours de son royaume disparaître en quelques secondes, sans savoir si elle pourra y retourner un jour pour profiter d’une bonne nuit, bercée par les battements de cœur de la citadelle des lanternes.

Actions:

Le noir complet.

Le noir total.

Le noir avait laissé place à une scène pour le moins fabuleuse.  Des sensations différentes, des odeurs boisées, des notes entrainantes. Je me laisse aller, inspirant par le nez très fort. D’un côté, je danse avec les nymphes, ces êtres à demie nues, mon bras transformé en bout de bois, comme un célèbre petit pantins, chef d’œuvre d’un homme qui se sentait seul et sans progéniture. L’être humain a tendance à en vouloir toujours plus, a vouloir remplacer ce qu’il n’a pas. De l’autre côté, mon père, et son visage sévère, fumant sa vieille pipe qui laissait des voulûtes de fumée s'envoler,  me regarde d’un air contrarié.

- Je ne pensais pas qu’on en arriverait là, fils, regarde toi …

Cette fois c’’est trop. Mon bras transformé en bout de bois, des jeunes femmes se pressant contre moi, leur poitrine opulente faisant comme coussin douillet dans lequel me reposer. Dans lequel j’ai envie de me reposer. Et de l’autre, la tête bizarre et la tête pensante du Rengo.

- Tu n’es plus que le reflet de toi-même, tu miroite sur l’océan des possible, tu flotte dans le monde des morts … Dois-je te repêcher ? Non, tu n'es pas le bienvenu... Ni ici, ni la bas. il semblait sibyllin, sans aucune queue ni tête. Eh bah ravis de voir que les choses n'avaient pas changer, j'essaye de fixer mon attention sur lui, mais c'est comme si tout était passé dans une pupille convexe, et que le monde n'était plus qu'une suite illogique de géométries variables, et d'architecture à l'air non euclidienne.

J’essaye de parler … Je veux lui répondre, lui dire que c’est qu’un salopard sans cœur, qu’a cause de lui, maman est partie ailleurs …

- Shht, ne parle pas, ils vont t’entendre … Fait il avec un sourire que je ne lui connais pas.

Il malaxe et commence à former des mudras.

- Je vais te renvoyer chez toi, à moins que tu ne préfère danser avec  les arbres ? Fait-il en  me regardant, l’air sincère… Mon regard parle pour moi : Vieux fous, quel expérience vas-tu faire sur moi encore ? Ca ne t’as pas suffit de me rendre accros à toute sorte de drogue, et de me rendre insensible aux venins et autres poisons ? Tu veux tout gâcher ? Les couleurs se confondent en une ellipse solaire, les jeunes femmes s’enfuient en voyant mon père s’agiter et son chakra abonde en moi.

- Je suis désolé, mais ce n’est pas l’heure pour toi de te retrouver ici. Ce n’est pas l’heure de te reposer … Et n’oublie pas que … Je t’aime à ma manière fils.

Bœuf, cheval, singe.

J’ouvre les yeux.

Noir total.

Noir complet.

- Arrrrrrgh ... Putain de bordel de forêt de merde ! Que je lâche.

Vous les entendiez, au loin, tous ces cris. Les hommes du Dokueki en déroute n'avaient pas eu la chance d'être retenus avec force et courage, comme l'Aburame maintenait ses compagnons. Les ombres les fauchaient un à un, leurs cris résonnant maintenant dans un lointain écho, avant que le silence ne reprenne son trône. Plus que trois. Voilà à quoi était réduit votre effectif, plus de chevaux, plus d'hommes, simplement un enfant, un aveugle, et le nid des lucioles luttant pour la survie de tous.

Tandis que le liquide carmin de Masaaki rejoignait le sol, la terre avalant son sang en un instant, sa dextre lâcha l'emprise sur le petit Chinoike, qui fut emmené quelques mètres plus loin, happé par la pénombre. L'enfant des Bois Maudits s'était soumis au choix imposé par la nature, il avait préféré lancer ses dernières forces pour sauver celui qui avait avalé le cri de Seirei. Ses paumes agrippant avec force les poignets d'Endo, il luttait tant bien que mal contre la puissance de la nature, les lianes tiraillant le corps, maintenant suspendu dans les airs, écarté entre deux forces contraires. Les yeux masqués de l'Aburame s'illuminèrent un instant, sur la main qu'il tenait, la peau avait presque disparu, remplacée par une sorte d'écorce bleutée, plus rêche, plus mystérieuse.

Le voile des ténèbres masquait l'éveil de Dokueki Endo. Son corps émergeait de sa léthargie, bien que marqué par le contrecoup d'une technique aussi prodigieuse. Les nymphes, la voix dans sa tête, tout avait disparu, pourtant, le noir était encore complet, l'obscurité ayant emporté sa vue. Des sensations nouvelles s'offraient à lui, il pouvait ressentir les caresses du vent glacial sur sa peau, la douleur lancinante sur sa cheville, tirée par les racines. Il comprenait également que son chakra avait changé, bien qu'il ne put constater par ses yeux la floraison de son bras droit. Le combat était lancé, Masaaki d'un côté, Seirei de l'autre, s'arrachant le corps meurtri de l'aveugle.

Le petit enfant à l'œil si singulier avait été abandonné à son triste sort, par son compagnon de route. La racine agrippant sa main l'avait tiré sur plusieurs mètres, l'enfonçant un peu plus dans les ténèbres des Bois Maudits. Son corps luttait, le liquide carmin bouillant dans l'entièreté de son corps pour renforcer ses muscles. Mais la nature est forte, trop forte. La stratégie fut revue, et une petite lame de sang vint prendre vie au niveau de son pouce, frappant à plusieurs reprises la liane, qui semblait crier de douleur dans l'esprit du Chinoike.

« Pourquoi, pourquoi, pourquoi.... »

Elle rompit sous les coups, lâchant l'enfant. Attaquer les racines mêmes des gardiens, provocation ou simple folie d'un enfant paralysé par la peur. Le sol se mit à vrombir de nouveaux sous les pieds du petit homme, puis quatre nouvelles lianes vinrent sortir de terre, attrapant chaque membre du petit homme, le propulsant dans les airs, tirant par des forces opposées dans toutes les directions. L'enfant de l'Humanité, écartelé par la souffrance de la nature.


Une légère lueur, à l'orée de la frontière avec le Pays des Esprits, vint capter l'attention de tes lucioles, Aburame Masaaki, attirant ton attention. De grands yeux dorés semblaient vous observer. Non. Le regard fauve te toisait, toi, tout ton être. Perché sur une branche, accompagné d'autres présences mystiques, son ombre leva la main un instant. Puis un sifflement aigu, déchirant vos tympans, attaquant vos esprits, foudroyant avec violence le silence absolu du lieu vint retentir. Les racines lâchèrent prises, de toute part, le corps de l'enfant rejoignant le sol froid, au même titre que celui d'Endo. Puis les Bois Maudits reprirent leur flot naturel, comme si rien de tout ça n'était arrivé, les ombres disparaissant de l'autre côté de la frontière. Le silence et la brume, voilà tout ce qu'il restait.

Dokueki Endo rejoignit également le sol, sa dextre boisée posée entre les paumes de l'Aburame, qui l'avait sauvé à son tour, comme lui avait défendu l'Humanité malgré la perte de ses hommes. La bobine fumante au côté de Masaaki marquait de son empreinte le combat contre les Esprits-Gardiens. L'importante bobine roula un instant sur le sol, avant de s'adresser dans un léger murmure au Dokueki.

« Tu nous appartiens. Tu nous reviendras. »

Rien n’enlève la douleur de vivre que je ressens. Pas même la chaleur humaine, ni le sang qui coule du doigt de mon comparse qui tente de me sauver par tout les moyens. J’ouvre les yeux. Je réessaye. J’ai définitivement perdu la vue ? Pourquoi continuer tout ça ? Toute cette guerre contre le monde connu alors qu’elle est là … Toute proche, sans détour, sans mensonge … La cavalcade des esprits, la horde sauvage des bêtes du Serei… J’appartiens à la forêt, je ne suis qu’une extension de sa volonté… Mon bras parasité bouge seul et me dégage de la poigne de mon sauveur.

- Écarte-toi de moi ! Je veux y retourner … C’est incroyable, j’ai pu le revoir, peut être qu’elle sera la, elle aussi ?! Ma mère … Je sais qu’elle est sans aucun doute morte en même temps que mes oncles, mon père, mes cousins, toute la smala passé au fil de l’épée …

Et moi je fuis devant tant de beauté ? Devant ce but plus grand que moi ? Devant cet océan de puissance que je pourrais domestiquer. Combien de chance de périr ?  Beaucoup trop. Combien de chance que j’en ai quelque chose à faire ? Aucune. Je n’ai plus rien à perdre.

Je me dégage finalement de l’enchevêtrement de la ruche. Il me semble qu'il nous manque quelqu'un.

- Et t’as laissé le gamin tout seul ? Tsss … Je ne dis rien mais n’en pense pas moins. Je n’ai aucune valeur, rien à apporter à ce monde si ce n’est que de la drogue, du poison, je suis une lie de la société… Le Serei, il me comprends, il m’accepte, il sait qui je suis dans le fond… C’est ici, ma maison.

Mes pas me portent dans le sens inverse que la logique voudrait que je prenne. La logique, pour un fou comme moi, c’est pas vraiment ce qu’on connaît le mieux. Ni même ce qu’on apprécie le plus. La beauté des nymphes, la douceur de leur touché … Il n’y a qu’une ombre au tableau, devoir revoir cette vieille ganache une nouvelle fois, qui m’en voudrait surement de ne pas avoir suivis ses conseils survivaliste…  Je te juge pas, j’aurai probablement agis comme toi, mais nous devons le retrouver, on s’occupera de moi une autre fois… Rien ne presse, je le sais.

Je retourne vers le Serei, dans la quiétude des bois maudits ayant reprit l’apparence qu’on leur connaît… mais moi, je suis  imperméable à cette beauté, toujours plongé dans le noir absolu.

Mon bras me démange, je sens les plantes petit à petit envahir mon organisme… un chakra grisant, entrant en résonance avec l’environnement qui m’entoure, me permet de comprendre pour la première fois toute la beauté de la nature, et de ce qui m’entoure. Moi qui n’ait toujours fait que détruire. Casser. Dominer.

Ais-je vraiment le droit de rentrer en communion avec cette forêt, d’en faire parti ? Plus besoin de la vue pour avancer dans sa direction, ils semblent tous se pousser sur ma route pour m’accueillir … C’’est la première fois que je me sens autant accepté… La première fois que je ressens ça.

Masaaki n’en revenait pas. C’était bien lui. Cette allure, ces yeux jaunes. Machinalement, le jeune homme posa sa main sur la besace qu’il emportait partout et qui contenait la page ancestrale que son père lui avait légué.

Cette chose, ces choses venaient de stopper l’attaque. Il fallait fuir au plus vite et noter ce qu’il venait de voir. Combien étaient-ils ?

Déjà, leurs silhouettes, les sons, les couleurs, tout semblaient se diluer dans un réel qui n’appartenait pas au même continent que Seirei. Il en était persuadé, il venait de croiser le regard avec un véritable Esprit-Gardien.

Tempérant sa panique mêlée à de l'excitation, Masaaki se retourna pour voir où était son ami. L’enfant s’en était sorti avec brio.

Depuis le départ, Issei était un garçon débrouillard et puissant. L’Aburame s’était toujours demandé comment une telle puissance physique pouvait émaner d’un si petit corps. S’il avait déjà montré des prédispositions pour le combat au corps à corps, jamais il ne l’avait vu manipuler le sang ainsi. Une nouvelle facette d’Issei se dévoilait, mais ce n’était pas le moment de demander des explications.

- Quel chef ! Dit Masaaki en levant la main qui ne tenait pas Endo pour saluer son ami. Heureusement que tu es là !

Masaaki souriait derrière son masque. Non seulement ils avaient survécu, mais, en plus, ils avaient des histoires à raconter pour plusieurs soirées devant un feu de camp.

- On ferait mieux de pas tarder ! Dit Masaki. Seirei ne nous laissera assurément pas une seconde…

L’Aburame ne put finir sa phrase. Le bras contaminé d’Endo, comme mue par une volonté propre, se dégagea de l’emprise du jeune homme.

Celui-ci se mit à parler tout seul, tout en se dirigeant vers Seirei.

- Il fait quoi ? Faut partir ! ENDO ! Cria Issei en se rapprochant.


758 est une vétérane. Son cycle de vie est bientôt terminé et elle désire mourir au combat. Elle est donc volontaire pour la mission à haut-risque qui agite le foyer des lumières. En quelques secondes à peine, l’escouade sort du palais des lanternes pour foncer vers l’homme ivre de Seirei qui semble se diriger vers une mort certaine.

Le plan d’attaque est un peu différent cette fois-ci et la bioluminescence ne sera pas d’une grande utilité. S’approchant du malheureux, 758 rapproche ses élytres de ses ailes afin que ces dernières fortes sur les stabilisatrices de vol. La vibration produit un bourdonnement, amplifié par ses sœurs qui l'ont imité.

Le son transporte une partie de l’esprit du foyer des lumières qui s’en va combattre Seirei avec l'âme du Dokueki comme champ de bataille.


Sans trop réfléchir, l'Aburame envoya des lucioles vers Endo pour le désorienter encore plus grâce à une illusion. Le but était simple, le détourner de sa route.

- Masaaki, on peut pas le laisser y retourner... Je com... Je comprend pas. Vite ! Faut l'assommer, faire quelque chose !

La voix d’Issei semblait se rapprocher. Masaaki n’avait pas grand-chose à faire de cet inconnu, qui, certes, avait sauvé leurs vies, mais venaient aussi sec de la menacer à nouveau. Pour autant, il ne pouvait laisser son ami seul, surtout après l’avoir abandonné à son propre sort juste avant.

Composant des mudras ancestraux du clan Aburame, le jeune homme concentra du chakra. La lumière qui émanait du jeune homme ressortait par les omoplates pour percer la brume qui avait repris ses droits. Des petites ailes transparentes et aussi fines que celles des lucioles poussèrent alors qu’il commençait à courir pour rattraper Endo qui continuait visiblement à délirer.

Si les ailes de Masaaki ne servaient pas à voler, celui-ci étant encore trop ignorant de l’art de son propre clan, elles lui permettaient d’être légèrement plus rapide, mais surtout, de le soulager grandement lorsqu'il portait une charge assez lourde. Les ailes lui servaient généralement à transporter des bûches de bois jusqu’à son tronc aménagé, elle allait l’aider à transporter un homme, du moins, c’est ce qu’il espérait.

- Issei, assomme-le ce fou ! Cria Masaaki en gagnant du terrain sur l’illuminé.

Le plan était simple. L’arrêter. Et le traîner loin, très loin de Seirei.

Au fond, Masaaki savait qu’une seconde salve de la part du Continent sauvage serait synonyme d’une disparition éternelle. Ni mort, ni vivant, simplement manquant.

Maudissant les ignorants qui se jetaient dans les Bois Maudits ou Seirei sans en connaître les dangers, le foyer des lumières avait déjà pourtant accepté la destruction de son existence dans le monde des autres. Avait-il déjà existé ? En dehors du regard de son père et d'Issei, pas vraiment. Sans son père et sans Issei, il redevenait invisible. Il redevenait mort, Peut-être qu'il n'était jamais réellement apparu signifiant aux yeux d'autrui sur ce continent. Peut-être que sa place était à Seirei, comme tant d'autres Aburame.

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L'addiction et l'insouciance étaient un douloureux mélange, voilant l'esprit d'un mirage, persuadant de prendre la bonne décision, quand celle-ci était à l'opposée, offerte sur un plateau d'argent. Le Pays des Esprits avait fait une fleur, mais malheureusement, le Dokueki était obnubilé et animé par la folie qui gagnait son regard empli de ténèbres. Son corps avait repris de la vigueur, qu'il plaça au détriment des sentiments de ses camarades. Quittant l'épaule de l'Aburame, il fit marche arrière, reprenant la direction de la frontière.

Les lucioles vinrent bourdonner autour de lui, l'incitant à faire demi-tour malgré sa cécité. Pourtant, l'addict n'entendait plus rien, son esprit rentrant en communion avec le chakra parcourant son bras. Les murmures l'appelèrent une nouvelle fois, le guidant à travers la brume comme si ses yeux étaient grands ouverts. Son corps bougeait tel un automate retournant vers son créateur. Le chakra de Seirei se faisait plus intense, plus lourd, plus froid. Les germes sur son bras se mirent à grandir de manière plus significative, éclosant dans une myriade de fleurs et de couleurs vives. Ce membre ne lui appartenait déjà plus.

« Il nous revient, déjà. »

Le léger murmure des arbres semblait siffloter une mélodie mystique, alliant rythme et langue divine. Ses deux camarades, malgré la démence du Dokueki, se mirent à sa poursuite. Les petites ailes lumineuses accélérèrent légèrement le pas, malgré la distance qui les séparait déjà. Un étau semblait venir se serrer sur le cœur de l'Aburame, quelque chose, une force au-delà de toute conception, lui ordonnait de s'arrêter, de ralentir, d'abandonner le damné à son propre sort.

Le petit Chinoike reprenait peu à peu son souffle, ayant vu sa courte vie défiler devant ses yeux. Son sang bouillonnait à l'intérieur de ses muscles, il dépassa le foyer des lucioles avant de rattraper petit à petit Endo. Il courait aussi vite qu'il le pouvait malgré les stigmates des racines, grapillant le moindre centimètre de terrain. La frontière se rapprochait inévitablement, bientôt, il rejoindrait leur point de départ avant la vague de feu. Il franchit même ce palier qui les avait déjà repoussés une fois. Un bond en avant, un ultime assaut pour assommer l'aveugle.

La frappe fut portée, le visage de Chinoike Issei se tapissant du liquide carmin. Un sang chaud dégoulinant sur son visage s'immisça également au creux de ses lèvres. Les premières gouttes rejoignirent le sol avant d'être absorbées par le sol, les racines remuant un instant, comme gourmandes de ce met délicieux. L'enfant recula un instant, regardant son corps de haut en bas, rien. Ce fut quand il releva la tête qu'il put comprendre la source de ce sang qui repeignait son visage. Une racine avait quitté le bras fleuri du Dokueki, transperçant son maxillaire inférieur, continuant son chemin jusqu'à ressortir par l'arrière de sa boîte crânienne. Une vision d'horreur s'offrait maintenant aux regards des deux jeunes habitants des bois.

« Il nous appartient. Fuyez. »

Le sol se mit à trembler, tandis que les branches des arbres entamèrent une danse bruyante. Puis un cri, sourd, tel une onde de choc, vint propulser Issei et Masaaki sur plusieurs mètres en arrière, balayant le reste des lucioles. Leurs corps rebondirent sur le sol, à de nombreuses reprises, le bras droit du foyer des lucioles se brisant sur le coup. Malgré son jeune âge, la résistance physique du petit homme empêcha ses os de se briser par l'onde de choc et les différents impacts. Il garderait les stigmates de Seirei, aussi bien sur son corps que dans son esprit.

Masaaki regarda Endo tomber au sol mais ne ralentit pas sa course. Issei était au plus proche du Continent sauvage et donc en danger de mort. Si les Esprits-Gardiens avaient réussi à prendre une âme, l’Aburame n’allait certainement pas les laisser en prendre une seconde.

Il nous appartient. Fuyez.

Le son provenait de partout. Comme si les arbres, les plantes, les insectes, murmuraient le même chant à l’unisson. Tendant la main pour inciter son ami à le rejoindre, Masaaki ne remarqua pas l’agitation étrange des lucioles.
Le bruit fut tel que son crâne eut l'impression d’être enserré dans un étau. L’onde de choc qui s'ensuivit balaya toute la zone. Le foyer des lumières fut projeté à plusieurs mètres de distance alors que les lucioles implosaient littéralement sous la puissance du choc.

Par une malchance vile ou le courroux des Esprits-gardiens, son bras déjà meurtri par le sacrifice antérieur se bloqua entre deux branches. Le crac qui s'ensuivit fut si sonore que le jeune homme crut d’abord avoir brisé les épaisses branches d’une sentinelle de Seirei. La grande vibration qui lui envahit le bras pour remonter jusque dans son cou parvint à le convaincre du contraire. On ne gagnait pas contre cette terre interdite aussi facilement.


29 est encore une larve. Elle vient à peine de sortir de l'œuf et se laisse nettoyer par les ouvrières. Le foyer des lumières n’a jamais été aussi vide. Les lucioles sont décimées. Heureusement, la nouvelle génération émerge déjà et 29 font partie des soldates qui seront chargées de protéger et servir le temple des lanternes. Observant les milliers d'œufs qui bougent légèrement, elle est déjà pressée de pouvoir former un escadron avec ses sœurs pour aller voir au dehors.

Bercée par les contes des ouvrières, elle veut devenir une héroïne comme un personnage dans son histoire préférée, le Buffet des Ogres.

Un choc terrible vient déchirer les parois du foyer des lumières. Les grappes d'œufs s’envolent ou se noient dans un tsunami de sang alors que les structures osseuses qui soutiennent le temple s’effritent et se cassent en plusieurs morceaux. Un large bout d'un pilier s’effondre sur 29 et les ouvrières qui la préparaient à sa première sortie.

29 est morte avec l’aile droite supérieure du foyer des lucioles qui n’est désormais plus qu’un champs de ruines.


Le chant des oiseaux parvint aux oreilles de Masaaki. Il se sentait traîné par à-coup sur le sol meuble de la forêt. Il sentait l’odeur si familière des Bois Maudits. En rythme avec les oiseaux, la respiration haletante d’un enfant résonnait entre les arbres silencieux. Issei avait réussi.

L’esprit de Masaaki eut à peine la force d’avoir une pensée admirative pour ce gosse qui endurait les épreuves comme un valeureux guerrier avant de sombrer dans une obscurité réparatrice. Le foyer des lumières était éteint.

Issei trouva un refuge pour y passer la nuit. C’était l’ancienne tanière d’une meute de loups, celle-là même que Masaaki avait en tête au moment de la première attaque de Seirei. Il n'était peut-être pas un si mauvais professeur de survie après tout. Ou Issei était un élève doué. L’Aburame opta pour la seconde solution. Jour après jour, cet enfant ne cessait de l'étonner.

Sentant la chaleur réconfortante d’un petit feu, l’Aburame tenta de bouger son bras endolori, sans succès. Il se demanda si c'était parce qu’il était trop faible pour bouger quoi que ce soit, ou si Seirei, après avoir réclamé son auriculaire, lui avait retiré tout l’usage du bras en guise de sacrifice..


99 fait partie de la première éclosion depuis le grand accident de l’aile supérieur gauche du Temple des lanternes. Virevoltant vers les ruines de cette partie de son foyer, elle observe l’amas liquide rouge, les poutres effondrées, les parois musculaires déchirées qui dénaturent la zone. Elle qui est née dans l’aile droite sait bien que l’architecture a été sculpté par une force chaotique dans cette partie du royaume. Toutes les ouvrières sont déjà à l'œuvre pour nettoyer les lieux. Aussi délabré qu’il soit, cet espace doit continuer à servir la communauté. Bientôt, des champs d'œufs de lucioles recouvriront cette apocalypse, comme un défi porté à la fatalité, comme un signe de plus de la résilience des lucioles. Le foyer n’est pas mort, et il s’illuminera bientôt de nouveau.

99 sort pour respirer l’air pour la première fois. A côté du foyer, un enfant monte la garde. La luciole s’éclaire alors pour indiquer à son ami qu’elle et Masaaki ont survécu.

La nuit est sombre et froide ce soir-là. Pour autant, l’espoir du duo n’a pas encore disparu. Ce n’est que le début du voyage et d’autres épreuves, aussi difficiles, attendent la petite luciole, l’Aburame, et le Chinoike qui vient de les sauver.