J’étais là, assis sur ma chaise, me balançant sur cette dernière d’avant en arrière, le grincement du bois se faisant légèrement entendre. Devant moi, mon bureau, pratiquement vide, quelques feuilles entassées, de quoi écrire, des ouvrages de médecine éparses sur un coin. Derrière le bureau, une vitre, relativement salle qui donnait sur l’extérieur. C’était une chance que d’avoir un laboratoire avec la possibilité de profiter de la lumière du jour et de pouvoir sentir le vent sur sa peau, contrairement à bien d’autres laboratoires enfouis dans d’obscurs sous-sols. J’avais intégré la Kabbale depuis tellement de temps que c’était peut-être une sorte de récompense en soit. En tout cas, les beaux jours, je profitais pleinement de ces petits bonus.

Mais pour l’heure, mon attention était portée sur tout autre chose. Entre mes doigts, une seringue que je faisais tournoyer avec habileté tout en l’observant avec une attention certaine. Je ne serais pas étonnée que l’on me considère comme une irresponsable compte tenu de son potentiel mais j’étais suffisamment habile pour éviter qu’elle ne tombe et se brise, annihilant de facto son potentiel. Sauver ou tuer, voilà le choix que j’avais. C’était quelque peu résumé, mais l’idée était là. Le « Gène Kaiun » malédiction des hommes de mon clan. Je pourrais lever cette peine qui annihile une partie de mon sang, mais dans mon renouveau, si le clan Uzumaki est un modèle en soit, c’est qu’il est le seul à fonctionner via un matriarcat. Offrir une longévité aux hommes de notre sang c’est s’assurer de leur future main mise sur la direction de notre clan et ça … je ne saurais l’accepter. Il me restait donc l’autre solution, en faire une arme. Seulement en l’état, elle m’était inutile. Seule une personne pouvait en être la victime. Sans pour autant chercher à développer cela de manière massive, avoir plusieurs munitions à disposition était une idée intéressante. Mais avant cela, il me fallait surtout connaitre la composition de la seringue.

Par le passé, j’avais eu à étudier plusieurs produits mais jamais quelque chose de si complexe. J’avais le sentiment qu’il me fallait aller chercher plus en profondeur, quelque chose de bien plus petit pour en comprendre tous les composants et tous les rouages.

Cela faisait désormais quelques semaines que je penchais sur le sujet, prenant diverses notes, usant de diverses loupes plus ou moins grosses pour espérer obtenir un résultat probant. Evitant de gaspiller mes maigres ressources, je travaillais essentiellement sur des échantillons de mon propre sang mais pour l’heure les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Mais un jour, les recherches et la patience finirent par m’offrir une certaine lueur d’espoir. Alors que plusieurs loupes étaient empilées les unes sur les autres, posées là de manière désordonnée, en prenant la première d’entre elles, je constatais là une variation dans le grossissement avec les autres éléments en dessous. Réalisant plusieurs tests grossiers, je me rendais compte d’une chose. Il était possible de superposer plusieurs loupes pour accroitre leurs performances mais en revanche, il fallait trouver le bon ajustement.

La théorie et la pratiques étaient deux choses différentes. Après des semaines d’études, j’en était arrivé à un point où j’avais désormais besoin d’une aide substantielle. Et c’est dans un temps quelque peu similaire que l’un des espoirs que j’attendais arriva enfin à moi, guidé par une jeune recrue de la Kabbale.


« Ah ! Kimiko. Merci d’avoir répondu à mon invitation. Je ne suis pas réellement rentré dans les détails, je ne voulais pas que mes expériences sortent de ce laboratoire pour le moment. Quoi qu’il en soit, j’ai besoin de ton aide. Je vais t’expliquer tout cela, mais avant tout, as-tu besoin de quelque chose ? »

Kimiko n’était pas à l’aise dans ce genre d’endroit, voire même dans ce genre de situation. Cela se voyait à sa posture et se ressentait dans sa manière d’être. Consciente de cette situation, je restais silencieuse quelques secondes, la laissant s’imprégner des lieux en profitant dès lors pour remercier le jeune guide kabbaliste et le renvoyer s’occuper de ses propres affaires même si ses yeux essayaient de fureter dans mon antre.

« Ah ! Ce laboratoire ? Il est à Ame. Certaines personnes n’apprécient pas nécessairement que des expériences morbides soient réalisées dans ce sacrosaint institut. Pourtant, des sacrifices sont nécessaires pour l’avancer de la science. Mais pour l’heure, je te rassure, tu n’auras à découper personne.  »

Circulant à travers toutes les affaires éparpillées, je sortais d’une armoire deux petits verres ainsi qu’une bouteille en terre cuite encore scellée. Faisant craquer la cire au creux de ma main, je versais le liquide transparent dans les coupelles, en proposant une à Kimiko avant d’humer le parfum de la mienne et déguster cul sec son contenu.

« Dix ans d’âge. Pour certains c’est quelque chose de rare, mais dans mon cas, on a le temps d’affiner sa propre cave et d’avoir quelques produits d’exception. En attendant, je vois que tu as trouvé mes loupes. C’est en partie pour cela que tu es là. Disons que j’ai besoin de pouvoir observer quelque chose d’excessivement petit pour mes recherches. Je me suis aperçu qu’en empilant les loupes selon plus ou moins de distance où de niveau de convection, cela pouvait agrandir plus ou moins les objets placés en dessous. Mais du coup, la lumière se disperse trop et j’ai besoin de concentrer tout cette vision sur un seul point relatif. Un membre du clan Shugyoku me devait quelques dettes et du coup il m’a fourni pas mal de cristaux pour cette expérience, mais il me manque toute la structure externe et les armatures de maintien. C’est là que tu interviens.  »

Sur un tableau noir, plusieurs craies de couleur à la main, je dessinais mes idées d’une main assez enfantine.


« Voilà. Il me faut un tube tel que tu le vois. D’abord, la première partie prévue pour installer une première loupe. Ensuite la partie plus grande, pour canaliser la vision, et enfin le dernier et plus petit avec une autre loupe. Le tout doit en théorie, si j’ai bien compris le principe de mes propres expériences sur mon bureau, me permettre de grossir davantage l’objet placé en dessous. Tu te sens en mesure de faire ça ? »

« Rassure toi, le saké, c’est comme toutes choses, selon la qualité, il faut savoir le préserver plus ou moins longtemps avant de la servir. Mais si cela peut te déculpabiliser d’avoir bu un si doux nectar, sache qu’il y a bien meilleur dans ma cave. J’attends juste l’occasion propice. »

En attendant, maintenant que j’avais expliqué les bases de ce dont j’avais besoin, schématisé l’outil principal qui me servirait à faire aboutir ce projet, Kimiko pouvait enfin se lancer. Malgré ces réticences de la demoiselle, j’avais toute confiance en ses capacités. Il existait surement d’autres Imono à même de réaliser une telle tâche, voire peut-être de meilleure manière, mais pour l’heure je ne voulais dévoiler mes projets à personne et seule la samouraï devant moi avait ma confiance pour participer à une telle expérience.

« Du ninjutsu, du taijutsu, ou je ne sais quoi d’autre. Dis-toi que tu modélises tout cela à partir de ton chakra. Si cela peut-te rassurer de dire que ces tuyaux sont une arme et que ton art du bukijutsu t’aidera à synthétiser cela, alors soit. Il faut juste que tu ais confiance en tes propres talents. »

Et c’était bien là l’essentiel. Je ne demandais nullement la perfection. L’amélioration viendrait au fur et à mesure des expériences et des modifications à apporter à cet outil optique. Mais pour l’heure, voilà que la tubulure métallique naissait du chakra de Kimiko. Sans nul doute, cela ressemblait à ce que j’avais demandé. Pour autant, je voyais là le premier problème.

« Hum … globalement, c’est cela. Mais il y a un problème. J’aurais dû m’en rendre compte avant. Tu m’as fait un tube tel que demandé, aux trois diamètres distincts, seulement, le tout est d’un seul bloc. Dans cette situation, impossible pour moi d’y insérer correctement les lentilles que j’ai. L’idéal serait d’avoir trois tubes en acier que l’on encastrerait les uns dans les autres et qui pourraient ainsi être interchangeable au besoin. »

Et finalement, regardant l’ensemble, il manquait bien quelque chose de plus. Reprenant mon précédent schéma, je traçais quelques nouveaux traits distincts des autres avant de pousser le dessin devant la jeune femme.

« Il faudrait également une armature. Quelque chose où l’on pourrait glisser la tubulure afin qu’elle tienne seule. Ainsi, il faut un bras de maintien, le tout fixé sur un socle suffisamment solide et lourd pur éviter tout basculement ou chute de l’appareillage. C’est bon pour toi pour ce deuxième essai ? »