La survie avait un prix. Depuis la victoire de l’Humanité, l’esprit du Nara était hanté par des images infernales. Ses songes, comme sa chair, tremblaient face à ses sombres réminiscences. Incapable de distinguer réalité et cauchemar, il se raccrochait à ses sentiments. La honte, tout d’abord, témoin de son impuissance et de son ignorance. La colère ensuite, de n’avoir pas pu aider son peuple, ses amis, ses frères et ses sœurs. Le chagrin, enfin, celui qui lui rappelait les douces caresses du deuil, les absents et les perdus. Toutefois, Renpei luttait de toutes ses forces, ce malheur devait l’amener à se sublimer, pas à se blâmer. Car si sa vie avait été prolongée par la grâce, elle devait le mériter. Trouver un sens à ce jour devint une obsession, une nécessité pour le savant corrompu.

Ainsi, au fil des murmures des ténèbres, l’écrivain prépara sa demeure à l’arrivée de ses invités. En effet, après le secours, in extremis, des forces Chowajin, il avait proposé à ses camarades d’expéditions de les initier aux recherches de la Kabbale. Il avait perçu en eux un potentiel non-négligeable. Ce n’était pas tellement lié à leurs capacités cognitives, non, mais plutôt en raison de leur vécu. Visiter une telle dimension, éprouver de telles sensations et faire une rencontre aussi surprenante, était suffisant à ses yeux pour intégrer l’institution. De plus, si comme lui, ils s’étaient montrés rusés, ils avaient tous en leur possession une part d’Ido-Shima. Et une telle ressource ne laissait présager que des expérimentations de haute qualité.

Immobile dans son salon, l’hôte buvait tranquillement son café. Ses yeux étaient vides, comme happés dans des abysses lointains. Néanmoins, il se savait prêt. Il avait déjà pré-écrit des lettres de recommandations et avait rédigé des notes sommaires sur les possibles de la Kaballe, sans être trop bavard du fait de son sceau. Enfin, il avait réuni un buffet digne d’une grande réception. Ces lieux n’avaient pas connu pareille préparation depuis des années. Depuis que la mort les avait frappés, il y régnait une pesanteur permanente. Un silence pesant et des visages usés, voilà tout ce qui restait des serviteurs dévoués à l’ancienne maîtresse.

Au cœur des vallées de l’Harmonie, dans la périphérie de la Capitale, une maison au charme passé attendait ses prochains visiteurs. Tout dans son architecture témoignait d’un prestige assumé et revendiquait. Le marbre était entretenu et aucune fissure ne venait trahir cette image. Pourtant, une fois ses lourdes portes ouvertes, un froid à vous en mordre l’âme patientait. La vie n’y était plus la bienvenue, et malgré tous les efforts des domestiques, cette sensation ne semblait pas vouloir disparaître. Renpei se trouvait dans le salon principal, et en l’absence de témoin, son corps était semblable à une statue, guettant le changement sans jamais briser son masque impassible.

Utilise-les. Ils ne méritent pas ta confiance. Ils vont te trahir. Tu le sais. Je le sais. Nous le savons.

Les voix dans ma tête. Nous avions vaincu, au prix de nombreuses pertes et de sacrifices. La bête légendaire avait disparu dans les flots des mers septentrionales alors que son rayon ultime fracassait nos diverses défenses. L'Humanité n'avait jamais été aussi forte et soudée, et dans une bataille acharné contre la catastrophe naturelle, nous avions vaincu. Pourtant, c'était bel et bien cette même Humanité qui faisait résonner cette voix dans ma tête, celle qui avait pris possessions de mon corps lors de notre périple à l'intérieur d'une nouvelle dimension. Ou bien, était-ce moi qui avait pris possession du sien ? Je ne savais plus vraiment, mais il était clair que nous étions mélangés à jamais maintenant.

« Retrouves-moi. »

Ce murmure rocailleux, apparaissant chaque nuit, dans chacun de mes rêves ou de mes cauchemars. Mon corps en portait encore les stigmates, ma peau synthétique en bois remplaçant la moitié de mon épiderme avait été rejoint par des brûlures griffant mon dos. Fiou. Mon rêve de trouver une femme s'éloignait également peu à peu. Triste vie que celle d'un aventurier et héros de l'Humanité.

Les forces Chowajin avaient prisent en charge les premiers soins des blessés, dont je faisais parti. Bien que mon corps reflétait ce combat millénaire dans l'antre du Bijuu, ce fut bien les blessures psychologiques qui furent les plus dures à refermées. Et pour le moment, ce fut la seule présence de Banado qui me permis de ne pas sombrer du côté obscur de l'appel de mon alter-ego volcanique : 火山の凶骨 Kazan no Kyōkotsu. Ce nom résonnait en moi comme m'appartenant complètement. La paranoïa et un trouble de personnalité constant venait s'insérer petit à petit dans mon esprit. J'étais encore Akimichi Watanabe Dodoro, ou étais-je Kazan no Kyōkotsu ? Avait-il pris ma place à la sortie de cette dimension parallèle ? Ou en étais-je sorti avec les stigmates de son souvenir ?

Les questions m'amenaient vers celui avec qui j'avais partagé la terreur et l'effroi. Celui qui m'avait accompagné aussi bien aux portes de la Mort que dans une dimension aux entités supérieurs. Mon désormais ami et compagnon de route : Nara Renpei. Je franchis alors l'entrée de sa somptueuse demeure. J'avais rarement mis les pieds dans une bâtisse aussi belle, et j'avais un peu de mal à m'imaginer que le scientifiquement vivait ici. Je le voyais plutôt en rat de laboratoire à ne jamais vraiment sortir de son atelier. Pourtant, la chaleur avait bel et bien quitté cette demeure et c'était un froid mordant qui accompagnait mon entrée.

Il était là, sirotant son café comme à son habitude. L'énorme buffet me faisait saliver d'avance, et l'ancien moi aurait dévoré l'entièreté des mets proposés avant même de dire bonjour. Cependant, les trop grandes questions étaient la priorité absolue et entravait mon esprit.

« Renpei. Je suis content de te revoir, sain et sauf. Enfin, j'imagines que toi aussi, tu l'entends, ton alter ego de cette dimension ? »

Droit au but, cela faisait maintenant bien trop longtemps que je voulais m'exprimer sur ce sujet. Ceux n'ayant rien vu de l'intérieur du démon m'aurait certainement pris pour un fou, j'avais appris à tenir ma langue pour garder ce moment. Il était mon seul ami ayant vécu la même situation. Mon visage d'ordinaire si souriant semblait bien froid et fermé.

Si la Dame avait ses entrées dans de nombreuses demeures à travers le Continent, l’Ermite, elle, préférait séjourner en nature. Nous passerons sur les vertus ressourçantes de la nature, disons que le besoin de s’affranchir de la foule et des complications liées aux rapports sociétaux l’avaient conduits ici, proche d’une rivière assez paisible pour qu’elle emporte l’espace d’une nuit encore les tourments d’Ido-Shima. Ce fut une bonne nuit, guidée par la fatigue physique à laquelle son corps n’était -et vous l’avez déjà lu de trop nombreuses fois- plus du tout acclimaté.
Un peu d’eau chaude vint embrasser une infusion de yerba maté, cultivé et soigné par elle. Ce petit coup de fouet lui fit voir le jour d’un regard encore plus radieux.


C’est après une longue et savante toilette qu’elle s’était enfin mise en route pour la demeure du Nara, non loin de son point de bivouac. Pour une belle demeure, c’en était une, frappée d’une architecture connue des plus grands. Ce Renpei faisait honneur à son clan et à son propre prestige en recevant en un si bel endroit. Une longue et lourde pipe vint épouser les lèvres de la Dame alors qu’elle observait le lisse parfait de la façade qui la dominait. Les puissantes volutes de fumée qui s’échappaient de l’artisanat finement façonné vinrent caresser une porte tout aussi finement taillée. Son corps se délecta du nectar qui abondait désormais en son sein tandis que son esprit accusa bientôt un petit retard dans ses idées. Elle frappa.

Un grand bruit fait de bois et de métal fit l’annonce de son arrivée, ouvrant une pièce aussi impeccablement pensée et entretenue que le dehors à un bémol près: si l’extérieur ne se voulait mentir sur l’intention ferme qu’on eut de s’affirmer par si bel apparat, les entrailles de ce fortin de prestige se voulaient tout aussi sombres en âme que l’intérieur du Kaijû. Une partie de l’amas blanchâtre qui s’était formé au-dessus du foyer de sa pipe s’engouffra comme happé par ces sombres vibrations.

-Lugubre. Pensa-t-elle à demie-voix.

Comme le voulait le protocole des lignées de grande éducation, on la salua avec la plus grande dignité du respect, ajouta encore un peu de superbe aux lieux, à cette dissonance prêt, une fois encore, qu’on semblait comme fatigué en l’acceuillant ici. Seuls quelques-uns des plus grands intendants auraient remarqué le fardeau que semblait porter le personnel de maison. L’intérieur d’un lieu de vie se veut refléter l’âme de son principal habitant et elle y huma presque un profond désespoir. Le maitre de la dystopie vivait-il ainsi son oeuvre ? Ou bien le Kaijû l’avait lui aussi frappé jusqu’ici ?

Elle caressa son cou du bout des doigts pour exprimer le doux parfum qui l’accompagnait depuis ses débuts. On l’accompagna dans la pièce avec ce flegme typique des grandes maisons.

Deux de ses compagnons de fortune l’attendaient là en offrant pour tout spectacle qu’une triste confrontation, l’un fermé et l’autre abattu comme si leurs chimères investissaient encore leurs esprits bien au-delà du cercle des souvenirs. L’odeur envoûtante de son parfum et sa bonne humeur naturelle détonaient désormais. Elle ouvrit grand les bras comme pour singer la situation dans un registre qui s’assumait dans sa diamétrale opposition.

-Il semble que nous ayons beaucoup à discuter, mes amis. Elle baissa un bras pour faire glisser de sa large manche une bouteille par un procédé dont seuls les Ermites on le secret. J’ai pensé que ça pourrait vous inspirer.

Elle tendit la bouteille à leur hôte pour retourner la faveur de l’invitation. Il s’agissait d’un de ces malts personnels, parmi les meilleurs du monde donc, introuvable en contrebande.

Nous avions atterri — littéralement — en Chōwa suite à notre périple d'entre les morts. Récupérés par les forces de la Paix, sous les acclamations du peuple que les Héros de l'Humanité avaient sauvés. De cette aventure, nous en étions, tous comme nos compères que nous étions sur le point de rejoindre, transformés. Notre connexion avec cette dimension avait laissé des traces dans notre psyché, une rencontre extraordinaire plus tard...

Oiran-kunshu n'était plus qu'un personnage, une façade, un masque, depuis le voyage des Thanatonautes. Un détour vers Leur objectif, ou une passerelle vers Son salut ? Tatsumaki, prisonnière du Yang ? Des questions qu'Ils espéraient bien répondre, une fois les apôtres retrouvés. Aussi, peut-être un des autres voyageurs possédait-il quelconque connaissance sur les sceaux, pouvant Les aiguiller sur cette marque indélébile...

Oiran-kunshu n'était peut-être plus qu'un instrument pour charmer et distraire, Seijaku renaissant dans son ombre depuis sa rencontre avec Le Roi-Noroi, mais ce fut le masque que décida d'emprunter l'Illusionniste.

Nous joignirent le groupe d'un pas souple et silencieux, notre masque Noh de cette douce femme vivement maquillée. Le voile fleuri en apparat, notre svelte silhouette masquée par les grands pans de kimono agencé, nous avancions légère telle une plume, notre imposant obi en noeud de tambour qui pulsait derrière nous. Les voyageurs ne nous avaient pas rencontrés portant nos plus beaux atours...
De notre retard, nous nous excusâmes d'une polie révérence, car il était impoli d'interrompre des retrouvailles. De discrets regards, nous toisions nos alliés d'outre-monde. Notre splendeur monstrueuse nous avait-elle seulement quittés...

Mahogani offrait son cadeau d'invitée. Nous applaudissions son attention : deux claques succinctes, puis un grand rire affiné par la pratique, qui se voulait rempli d'espoir. « Comme il est bon de vous revoir, nos amis ! Saluons notre survie, chanceux ne sommes-nous pas d'être revenus intacts dans cette réalité ? Comme nous ne pouvions avoir plus faux, une perche peut-être ? Ah! Renpei-sama, un festin digne de rois ! Vous... Dodoro-sama ? Mahogani-sama ? Face à vos talents, nous n'avons été que d'une pâle aide. Nous n'aurons pas d'une vie pour vous remercier, vous trois, nos sauveurs. »

Parviendrions-nous à chasser les ténèbres qui plombaient l'ambiance ? N'étions-nous pas tous Renkinjutsushi ? Nous avions assistés à l'inimaginable, traversés la barrière de notre réalité pour atteindre une dimension où un prisonnier millénaire s'était endormi. Les expressions sombres de notre hôte et de son frère d'armes étaient-ils causés par nos différentes altercations avec l'extramatière ? Alors que Mahogani et nous s'étions acharné à libérer l'Empereur, eux avaient affrontés du plus proche la source de nos maux d'âmes, une altercation aussi brutale ne pouvait les avoir laissés inchangés...
Notre rôle de sage-femme nous criait de questionner les deux thanatonautes sur ce qui fermait ainsi leurs faciès, mais l'approche brut messied au monarque-courtisane. Aussi, l'oiran distribua les verres et s'agenouilla, solennellement protocolaire. « Laissez-nous le soin de nous servir, Mahogami-sama. »
Passés maîtres dans l'art de l'accueil et du service, nous remplirions le rôle dans trop d'effort. Ainsi, nous distribuons les coupes, mais peut-être la dame préfèrerait-elle se garder le privilège de verser sa voluptueuse création.
Peut-être que ses effluves aideraient le fils d'ambassadeur à échapper sa morosité. Nous l'avions connu plus éveillé, au creux de son bureau miteux de la Kabbale. D'ailleurs, son invitation n'impliquait-elle pas quelconque présentation ? Nous avions assistés, de loin, au démantèlement des restes du Kaijū, et depuis cet aléa des Kami, le monde avançait dans une nouvelle voie. Le génie de l'Humanité s'était réveillé, lors du Dernier assaut... Était-Elle rendue capable de rivaliser avec les forces primitives qui avaient façonnées ce monde ?
Mais le Continent restait fracturé dans ses idéaux, à l'instar de la côte septentrionale suite au combat livré. Malgré l'ambiance austère du maître Nara, nous apprécions l'oasis de calme, car le chaos régnait en Chōwa. Une opportunité pour forger un nouveau caractère dans son arsenal d'apprenti manipulateur bunraku... Un silence pesant ensuite, nous fûmes les premiers à le briser. « Peut-être pourrions-nous passer directement au vif du sujet ? D'ailleurs, ne nous manque-t-il pas quelques membres ? Nos possèderaient-ils pas également quelques ressources que nous pourrions mettre en commun ? Si seulement ils ont survécus... Nos derniers souvenirs ne sont que sons et lumière... »

Depuis notre guérison, habitués à la douleur, nous n'avions pas chômé. Reprenant la route vers le Pays du Fer, nous avions constaté l'étendue des dégâts, la maisonnette où nous séjournions avec Mizaru soufflé par Son premier respire. Idō-shima avait été un calamité. « Renpei-sama, nous ne vous ferons pas l'affront de vous mentir : la Kabbale n'est pas mentionnée comme la plus ouverte des institutions... Si nos recherches que nous acceptons de partager ici et maintenant sont usurpées par quelconque magnat, nous vous en tiendrons personnellement responsables. L'oiran, enfin, dévoile son faciès ; une première pour certains, aveuglés par les circonstances de leur escapade. Elle ne cherche pas à cacher le Kāma qui colore désormais d'une teinte idem au Coeur violin un losange au-dessus de son sourcil, sous sa mèche qu'elle repasse derrière une oreille. Par contre, nous croyons en notre bonne entente. Le destin s'étant joué de nous, nous voilà connectés à quelques événements d'anthologie... Une promesse de toujours nous respectés et de ne jamais se trahir, pour les premiers ressortissants de la Dimension Yang, ne serait rien d'inusuel ! Nos amis, nous sommes à la croisée des prochains évènements qui changeront à jamais la face de l'Humanité, du moins nous sommes convaincus que notre rencontre pourrait changer à jamais l'équilibre de la nature même du chakra... »

Nous avions présentés nos premières cartes, mais loin de nous d'être naïf. Nous ne connaissions que trop bien les vices de ce monde, la Kabbale n'était-elle pas le rejeton de la guerre froide entre deux superpuissances ? Connaître les intentions de leur hôte, la position de son vieil ami, ainsi que percer la coque de cette sage Senju n'étaient que les premières tactiques explorées...
Agenouillés à table, nous levions notre coupe, pour saluer ces retrouvailles. « Au salut de l'Humanité ! »

(Petit problème de copie de codage....)

Las de ses sourdes lamentations, le fils de l’Ambassadeur semblait préoccupé. Ignorer sa voix était un travail de tous les instants, une lutte permanente qui usait autant le corps que l’esprit. Les yeux assombris par la fatigue, il ne pouvait garder secret ses tourments. Sans dire mot, sa chair criait au monde sa souffrance. Alors quand son camarade d’infortune fit son apparition, le jeune homme goûta à un mets devenu rare, l’espoir. Un sourire vint illuminer son triste visage, et accueillit Dodoro avec une chaleur nouvelle.

Garde le silence… Sauve le secret… Il n’est que mensonge…

Toujours aussi percutant, mon cher ami. Je crains que ce voyage nous ait marqués à vie. Un murmure permanent m’accompagne désormais. J’ai beau tout faire pour l’ignorer, elle demeure. Mon instinct me dicte la méfiance, mais… Tu connais mon amour pour les sciences. C’est une occasion inédite d’en savoir plus sur ce monde qui nous est étranger. Et, si toi aussi, tu souffres des mêmes maux… Je pourrais peut-être te délivrer avec son aide…

Ses mots résonnaient comme le vestige de la corruption obscure. Elle s’était mêlée à son identité et avait modifié sa perception de la réalité. Ce qui était mauvais, était devenu tolérable. Les sacrifices ? Une étape nécessaire et bienvenue. La mort ? Une perspective comme une autre. Surtout si en échange, il pouvait aider son compagnon de route.

J’ai une question à te poser. Qu’est-ce que te murmure ta Créature ? Moi… Hécate m’enseigne la méfiance. Elle me susurre que tous vont me trahir… Si je l’écoutais, je te proposerais un serment, une amitié inviolable, une garantie…

Peu après cet échange, Mahogani et Seijaku surgirent du néant. Pour parfaire son rôle d’hôte, l’écrivain brusqua son corps et leur offrit des traits amicaux. Malheureusement, cela n’était pas convaincant et les deux invités firent tout leur possible pour rendre l’atmosphère moins pesante. L’alcool comme réconfort, voilà une idée agréable.

Merci à vous d’avoir accepté mon invitation. Je suis heureux de vous voir en pleine forme. Profitez des lieux comme il vous plaira. Et veuillez pardonner le charme austère de cette demeure, je n’y habite plus vraiment… Depuis la mort de ma mère… Eh bien, disons que nous avons tous du mal à avancer.

Une légère mélancolie s’était glissée dans ses paroles, et bien qu’il faisait tout pour paraître avenant, personne n’était dupe.

Je suis d’accord avec vous, notre survie à tous ne tient pas d’un miracle. Nous l’avons arraché à la Bête en luttant de toute notre force, en convoquant le meilleur en nous. L’Humanité n’a pu réussir qu’à la seule condition de l’Union. C’est pour cela que je vous ai proposé de suivre la voie du progrès. En restant seul, divisé, nous nous condamnons à la mort. Car qui nous dit qu’une autre de ses Créatures ne va pas apparaître demain ? Il nous faut devenir plus fort. Il nous faut acquérir plus de savoir. Il nous faut sublimer nos limites. Je vous fais confiance, car le feu de la bataille a fait de nous des camarades. J’espère ne pas me tromper.

Si… Ils vont profiter de toi… De tes expériences…

C’est pour cela que je veux vous parler de la Kabbale. J’entends vos a priori et vos craintes. Je les considère comme légitimes. Toutefois, cela fait plus d’un an que j’y travaille. Je pense donc être le porte-parole idéal : suffisamment impliqué pour en connaître les rouages, et assez nouveau pour ne pas être aveuglé par les privilèges. Par où commencer…

Comme pour se laisser le temps de trouver les bons mots, Renpei savoura les dernières gouttes de son café.

Premièrement, la Kabbale n’a pas d’intention secrète, de plan machiavélique. C’est plus chaotique que cela. Ses membres agissent selon leur bon vouloir, selon leur intérêt, selon leur propre agenda. La Kabbale encourage les initiatives et profite des savoirs générés. Les moyens engagés sont quasi illimités, tout dépend de votre capacité à produire des connaissances. Bien sûr, il doit y avoir des ténèbres… Mais ne sont-elles pas partout ? Dans les Ambassades, on ne parle que de paix sans jamais la définir. Au cœur du Marché Noir, tout se veut libre et accessible, pourtant, ce sont toujours les mêmes qui en profitent. Chaque outil a ses bénéfices et ses inconvénients.

Par la suite, il dévoila le dessous de sa langue. Curieuse lubie ? Non, en vérité, il souhaitait montrer le sceau qui y reposait : marque de son silence absolu.

Deuxièmement, entrer dans la Kabbale signifie que vous devrez garder pour vous ses secrets. Je vous assure qu’ils ne sont pas aussi terribles que votre imaginaire le suggère. Néanmoins, il n’y a pas plus de contrainte. C’est d’ailleurs pour cela que bon nombre de scientifiques privilégie une grande indépendance, cachant certaines recherches et agissant sans l’aval de qui que ce soit. C’est à chacun de décider sa relation avec l’Institution. Par exemple, je suis plutôt pragmatique. J’apporte mon soutien quand cela m’arrange et mes expériences ne sont pas toutes publiques. D’ailleurs, sachez que la collaboration est une exception. Beaucoup préfèrent la solitude, cela leur permet de cultiver une part de mystère.

Après cela, le Nara sortit un parchemin de sa desserte en acajou. Il s’agissait d’une missive qu’il avait écrite à destination de Dokueki Mogubei.

J’ai ici une lettre de recommandation. Si vous le souhaitez, je le transmettrai à la direction de la Kabbale. Elle met en avant vos qualités personnelles, votre expérience inédite au sein de la Créature, et des gains potentiels que vous pouvez offrir à l’Institution. Je vous connais peu, mais nous avons partagé la même épreuve, nous avons vu la même silhouette, il serait donc malheureux que nous ne puissions pas nous aider à trouver des réponses à tout ceci. Bien entendu, je reste ouvert à vos questions et je ferai de mon mieux pour vous éclairer de mes maigres connaissances.

HRP:

« Je l'aime bien lui, prends-le avec toi, amène-le moi, retrouvez-moi. »

La voix de 火山の凶骨 Kazan no Kyōkotsu. résonnait une nouvelle fois dans ma tête, comme un prolongement de ma personnalité qui s'ancrais à même mon âme. Ses interventions étaient concises, résonnante et captivante. Cependant, j'arrivais pour le moment à maîtriser leurs apparitions ou du moins à en réduire l'impact sur mon caractère. Mais combien de temps cela allait-il durer ? Et ne devrais-je simplement pas l'écouter, lui qui m'avait conférer force et pouvoir le temps d'un instant afin de vaincre le démon des mers septentrionales ?

Ses paroles se tournaient vers la présence de mon acolyte et maintenant ami : Nara Renpei. Ce dernier réagissait également à mes propos, et sans soupçon autre il me confia la présence de son alter-ego démoniaque à lui, dénommé Hécate. Bizarrement, malgré le pragmatisme que dégageais le Nara habituellement, une froideur particulière accompagnait ses propos, soulevant mon arcade dans un questionnement intérieur. Avait-il été encore plus touché que moi ? Ou avait-il simplement compris les bienfaits que cette collaboration intérieure pouvait conférer ? Beaucoup de questionnements pour trop peu de réponses.

« Kazan no Kyokotsu me murmure de le retrouver, de replonger encore une fois dans cette dimension, d'embrasser sa présence. Devrais-je replonger une nouvelle fois dans cette mer de monstres pour embraser sa puissance, je ne sais pas. Pas seul. »

La méfiance, voilà ce sentiment alarment qui m'avait perturbé dans les paroles du manieur des ombres. Nous avions traversés suffisamment de choses pour se faire confiance, du moins, je le pensais. Il émettait des doutes sur mes intentions, sur ma véritable sincérité.

« Alors prêtons serment. »

Une main tendue vers mon ami, je n'allais pas le laisser sombrer seul, nous avions déjà parcouru les confins des ténèbres, j'étais prêt à y retourner en sa compagnie. Mais cette discussion fut interrompue par l'arrivée de deux des autres thanatonautes ayant parcouru les dimensions à nos côtés. Je me souvenais peu des visages avant l'entrée dans cette faille spatiale, mais à la sortie de l'estomac, grâce à la présence de mes clones, j'avais pu mettre un faciès sur les personnes m'ayant soutenu et avec qui nous avions réussi l'impossible. Quelques paroles de courtoisie furent échanger avant que la femme ne sorte une bouteille d'alcool d'une de ses manches.

« Avec plaisir. »

Pas particulièrement habitué à boire de l'alcool, préférant les bienfaits d'un bon repas aux illusions des effluves de ce produit, il était clair que dans cette situation, une bonne coupe de ce met me ferait le plus grand bien. Je regardais les différents échanges entre l'androgyne et le kabbaliste expérimenté, sirotant d'une traite une première coupe avant de m'en servir une deuxième dans la foulée.

Sans surprise, la discussion se tourna inévitablement vers la Kabbale, cette institution si mystérieuse. J'avais déjà côtoyé ses membres, notamment grâce à l'intermédiaire de Renpei, m'ayant permis d'en apprendre un peu plus sur ce matériau-organique en ma possession. Bien que les inquiétudes étaient assez grandes, les paroles du Nara se voulait rassurante, il avait plutôt raison quant aux différentes institutions composants le Continent qui n'avait à proposer qu'un produit de façade sans vraiment mettre en lumière les coulisses de leur organisation. Et puis je faisais assez confiance à mon ami pour le croire sur parole, notamment lorsqu'il prit le risque de nous dévoiler le serment posé sur sa langue, comprenant ainsi la manière de procédé de la Kabbale.

Je disposais de bien trop de questions en suspend pour laisser passer cette occasion. Le Yūkikōseki, la fiole de sang récupérée au sein même du démon, la dimension parallèle, les voix dans ma tête, les différentes visions lors de ce jour fatidique, mon alter-ego démoniaque. Je vint avaler d'une traite la deuxième coupe.

« J'accepte cette lettre de recommandation pour rejoindre les rangs de la Kabbale, et je t'en remercie Renpei. J'aimerais également savoir, vous chers compatriotes des ténèbres, qu'avez-vous vu lors de la sortie de cette dimension ? Mes yeux voilés par l'obscurité je n'ai distingué qu'une voix particulière et une aura. J'aimerais savoir si tout cela vient de mon imaginaire ou était-ce la réalité ? »

Un ton sérieux, très peu dans mes habitudes. Mais bon, j'étais entouré de personnes avec un fort quotient intellectuel, il fallait bien se la jouer intelligent.

On sonna la première ronde du bal masqué en ne pleurant pas la défunte mère de Renpei. Cette entame hypocrite de ton n’en demeurait pas moins franche; les Thanatonautes portaient tous le fardeau de l’Histoire à leur manière, la Dame moins physiquement que d’autres, elle avait le seul et unique privilège de savoir, de posséder une partie de l’énigme, un fragment de leur quête.

Ce fut étonnamment Seijaku qui ouvrit le jeu. Pour ce qui est moins étonnant, il joua en flatteries protocolaires la douce musique de la victoire pour, dans un geste bien trop impeccable pour qu’il n’eusse pas été implacablement travaillé, servir le malt de la Dame. Cette observation faite de l’habileté, de la finesse, de l’exquise furtivité que savait manier ce jeune homme à qui elle devait la vie, lui cria que son lien très particulier avec l’âme de sa défunte soeur n’était pas le seul atout dont il disposait. Son jeu semblait se vouloir très dynamique, audacieux en apparence mais prudent. *Prudent ?* La prudence n’est pas l’arme du comédien, elle serait ici une nécessité stratégique.

Renpei fut plus modéré dans son comportement mais ne manqua pas d’afficher une position bien plus aérienne. Lui ne semblait pas animé par une quelconque manoeuvre d’intérêt et se voulait pédagogue, rassurant. Pragmatique, comme il disait. Il consacra l’épineuse question de la Kabbale et des évènements qui marquaient à ce jour l’Histoire d’un funeste burinage. La Dimension Yang, Lui dont l’identité lui hantait l’esprit, les conséquences de ce savoir durement acquis, tout cela pesa un peu plus une fois l’introduction de Renpei terminée. La question du Kaijû, néanmoins demandait à être débattue en profondeur. Bien qu’habile sur l’échiquier, Mahogani n’avait jamais joué pour la gloire ou le profit personnel. La Kabbale rayonnait comme une solution évidente mais comme toute mafia, elle avait ses règles et ses méthodes.

-A l’Humanité, à nous. Son verre trônait sur la paume de sa main qu’elle leva pour porter ensuite le liquide à sa gorge dans un geste expert.

L’expérience lui avait cependant appris à ne pas abattre ses cartes trop vite, le temps et les opportunités leur donnerait bien assez de valeur pour qu’elle ne s’en sépare pas maintenant.
Comme dans la Dimension Yang, elle suivit la charge du brave-coeur Akimichi.

-Il ne me semble pas nécéssaire de disserter sur la Kabbale. Elle posa son verre et dégaina un  crayon de bois et un rouleau de son attirail mystérieux. Voici pour vous Maître Akimichi. Les années passées à dessiner des plantes inconnues avaient doté la Senju d’un bon coup de crayon. Elle fit apparaître les traits affutés du Noroi qui les avait sauvé. La Kabbale possède de nombreuses ressources, nous avons besoin d’elle. Pour le reste… nous avons plongé dans un mystère grandiloquent et si la Kabbale nous approche en la personne de Renpei, c’est que nous sommes animés de l’envie d’en percer les secrets. Elle marqua une pause. Je porte la marque indélébile de ce voyage. Elle est invisible et effrayante mais c’est ma clé.

Je propose de nous lier tous les quatre avant de discuter un peu plus de tout cela. Selon les clauses d’un contrat que nous dessinerons ici et ensemble. Elle lança un regard affirmé de malice sur l’assemblée puis présenta un poing puissamment fermé dont une simple coupure aurait versé le sang accumulé par la poigne puis le plaça au-dessus de son oeuvre. Je commencerai par dire que cette mission ne devrait regarder que nous dans un premier temps, les avancées ne doivent pas sortir de notre cercle, sauf en cas d’accord commun.

Mahogani voulait ici sortir de la logique d’un jeu à quatre et les faire jouer ensemble à un jeu bien plus vaste.

Les coupes se soulevèrent et se vidèrent dans des gosiers assoiffés de réponses. Nous n'étions point venue en ces lieux pour discuter la sincérité de la Kabbale, ni produire quelconque dissertation sur l'intégrité de l'institution, aussi les réponses de notre vis-à-vis nous convainquirent des intentions de l'organisation alchimique : augmenter ses connaissances, par tous les moyens possibles.  Cela nous rassurait, en soit, que la Kabbale ne soit qu'une façade derrière laquelle se défendrait le plus véreux des alchimistes, car nous y comprenions que nos recherches n'attireraient la révisions de nos pairs que lorsque nous en déciderions le moment.  Des inconvénients comme des avantages, sans réglementation pour ceux qui préfèrent voler les idées des petites gens sous leur botte.  Une guerre législative se déclarerait peut-être un jour entre différents membres de l'institution alchimique...

À son avis, les deux autres acteurs approuvèrent à leur tour.  Mahogani toutefois, devança Seijaku, ou du moins répondit à sa proposition.  Un contrat ?  Pour les apôtres qu'ils étaient, un vulgaire parchemin ne suffisait plus : le chakra, source de tous les mystères, était la solution à leur confiance réciproque ; prêter serment en engageant l'éther pouvait produire des découvertes intéressantes !
Tout un chapitre du cahier de Shugyoku Sora y était consacré, pour élargir sur la conception des jumeaux.  Ainsi, nous avions appris qu'en faisant serment de ne pas nous mettre au monde dans la violence, elle était parvenu à altérer notre gestation et à en prévenir, comme le voulait son souhait, notre venue par les temps troubles de l'histoire des Usuriers.  Un sacrifice toutefois, venait avec tous serments : pour notre mère, elle avait sacrifié sa capacité à manipuler le chakra ; pour d'autres, la vie servait à payer un serment rompu.  Le poing brandi de la Dame se vit rejoindre par le nôtre, plus délicat.  Notre volonté était la même, cependant. « Avoir accès aux ressources de la Kabbale reste inestimable, pour nos recherches.  Nous serions fous de s'en passer, et si cela n'implique en rien notre intégrité, alors soit !  Nous sommes prêt à accepter la recommandations, mais nous sommes d'avis avec Mahogani-sama : des informations concernant tout projet d'expansion vers la dimension Yang se doivent d'être sévèrement gardées.  Nous ne connaissons pas encore l'ampleur des conséquences de notre passage dans l'autre monde...  Y exposer trop de gens pourraient causer des problèmes insolubles... »

Nous bouvions une gorgée, jetant une regard sur nos camarades d'infortune.  Quelque chose, plus fort encore que notre petit voyage, nous rattachait l'un à l'autre.  Un sentiment seulement, que nous ne parvenions à expliquer, mais dont nous espérions que notre future pèlerinage au pays des Monastères y jetterait la lumière. « Nous sommes prêts à passer serment sur notre bonne entente, mais nous nous plierons à vos demandes si cela permet notre pleine et entière collaboration.  Les raisons de l'emprisonnement du... Noroi... nous sont particulièrement importantes... »

Résumé:

Face à son partenaire, Renpei éprouvait de nouveau de la culpabilité. Sa méfiance était injustifiée, et l’exprimer avec autant de zèle, n’était pas digne de leur amitié. Toutefois, l’avait-il réellement prononcé ? N’était-ce pas l’entité, celle qui veille, qui avait pour la première fois imposer ses mots ? Comme pour balayer cette horrible pensée, le savant se concentra sur le présent et sur cette main tendue. Chassant ses doutes et ses regrets, il l’attrapa fermement et hurla en silence une promesse solennelle. Ses yeux tournés vers son ami, la poigne ferme, le Nara se jura de toujours aider Akimichi Watanabe Dodoro. Peu importait les obstacles, les secousses de la vie et les remous de la mort, il serait toujours présent à ses côtés. Ce n’est qu’ainsi qu’il pouvait échapper aux ténèbres. Ce serment devenu inviolable vint enchaîner le cœur du Chōwajin d’adoption et y scella sa détermination. Leurs destins étaient désormais liés.

Kazan no Kyokotsu, est-ce toi ? M'entends-tu ? Notre heure approche.

Par la suite, les protagonistes évoquèrent une coopération éclairée et une censure née de l’angoisse. Les deux propositions avaient leur lot d’avantages et de méfaits. Quelque peu timoré par ses propos, le fils de l’ambassadeur lança un regard inquiet vers Dodoro. Lui aussi doutait d’un tel procédé. Sous vouloir brusqué ses compagnons, il tenta de trouver les bons mots et de faire appel à leur humanité. Après tout, c’était elle qui était au centre de leur aventure commune. Le mets tant espéré des âmes en perdition.

Je comprends vos inquiétudes. Malheureusement, un serment est une arme à double tranchant. Que ferez-vous quand vos connaissances auront la capacité de sauver des vies, mais que par vos choix passés, vous deviez renoncer au secours ? Si l’histoire se répète et que nous sommes contraint au silence, alors notre expérience sera inutile. Je ne veux pas me retrouver enchaîné, alors que je pourrais sauver une vie. Plus jamais. Je ne veux plus ressentir l’impuissance qui nous paralysait jadis. Je ne veux plus vivre cela, rien que d’y penser mon corps frémit. Les souvenirs me hantent, me dévorent et je veux changer cela. Peut-être, qu’en coopérant, en travaillant ensemble, en partageant nos découvertes, ces sombres réminiscences me quitteront. C’est mon espoir le plus profond.

À peine avait-il évoqué ses troubles, que son esprit redonna vie à la Frontière du Fossile. La frénésie des cadavres, leur avidité semblait de nouveau réelles, cherchant à atteindre Renpei à travers le voile de sa mémoire. Puis, un flash chassa cette peur, il était à nouveau au cœur de la paume immaculée. Le Cornu attendait des sauveurs, encore et toujours. Et dire qu’il l’avait ignoré au profit de la sortie. Obnubilé par la survie, l’ancien hybride était passé à côté d’une découverte majeure. Mais regrettait-il se choix ? En aucun cas. C’était pour lui la meilleure solution, la seule permettant au groupe de quitter cette dimension infernale.

N'oublions pas l’ampleur de notre ignorance. Le Noroi, sa prison et sa puissance, sont des données qui nous dépassent. Et je crains que malgré tous nos efforts, nos questions resteront sans réponse. La Kabbale peut bien sûr nous aider, donner un peu de force à nos recherches, mais cela ne sera pas suffisant. C’est pourquoi, je fais le choix d’explorer les Calices. Ces lieux, où se terrent les Créatures de Chakra, doivent receler tant de secrets. Je ferai de ma vie, une exploration constante et je vous informerais de mes avancées. Peu importe les sacrifices, c’est aujourd’hui la voie que prend ma vie. Faites-moi confiance, j’exhumerai les secrets de ses tombeaux oubliés.

Oui… Plonge dans les Abysses. Je serai là, pour te sauver. Toujours, et à jamais.

Le temps semblait s'être figé lorsque ma main fut attrapé par celle de Renpei. Comme le tableau d'une fraternité naissante, nos regards s'ancraient l'un à l'autre, aucun mots ne furent prononcer et pourtant nos âmes criaient l'une et l'autre. Intimement convaincu que notre amitié avait prit un tournant bien plus profond que celle de simples compagnons de route. Nous étions maintenant deux âmes donnant tout pour l'autre, ayant affronter en peu de temps toutes les facettes de la mort, dans cette dimension puis dans une autre. Que les dieux et les damnés m'en soit témoin, je prêtais serment aujourd'hui de toujours protéger Renpei, chassant les ténèbres pour qu'il retrouve la lumière.

« Tiens, Hécate. Je vois que nos petits protégés vont nous donner du fil à retordre. Ce n'est qu'une question de temps. »

La voix de 火山の凶骨 Kazan no Kyōkotsu. résonna dans un silence, même moi je ne pu entendre réellement ce qu'il disait, comme si mes pensées, ou ses pensées, étaient à destination d'une autre entité. Mais la conversation qui suivi, sur cette dimension où nos corps d'aventuriers s'étaient rejoints, vint accaparer mon attention. Plusieurs propositions furent émises, mais une seule vint réellement marquer mon visage de questionnement.

« Nous lier tous les quatres, par la parole et la confiance commune de nos informations me parait être indispensable. Pour ce qui est de passer un serment, je rejoint l'avis de Renpei, je ne me pardonnerais jamais d'abandonner une bribe de l'Humanité à son propre sort à cause des termes qui nous lies. Certes, pour le moment, inutile d'alarmer tout le monde par nos découvertes, de plus, mise à part à la Kabbale, qui nous croirait réellement ? »

Un énième verre d'alcool fut englouti d'une traite. Visiblement, il y avait des sujets qui nécessitait un peu de stimulation pour être accepté et discuté avec les idées claires. Enfin, tout était relatif.

« Je suis d'avis et certains que nos expériences et découvertes communes doivent rester dans notre cercle restreint pour le moment. Avant que nous ayons des preuves concrètes et l'accès à de meilleurs outils d'expérimentations sur ce sujet. Car enquêter sur une dimension parallèle, pour le moment ça me paraît impossible. Cependant, je m'engage à mettre tout en œuvre pour que nous ayons le fin mot de cette histoire, ensemble. J'irais également arpenter les Calices des différents pays, ainsi que de mettre la main sur ceux non découverts pour le moment, je vous ferais part de mes avancées comme mon homologue Nara. »

La Senju fut comme gênée d’avoir ainsi voulu confronter la grandeur d’âme de ses alliés. Elle ne se serait bien-sûr jamais résolue à pécher par omission en ne venant pas en aide à qui profiterait de ses savoirs mais lesdits savoirs semblaient tout aussi dangereux pour qui s’en servirait à mauvais escient que bénéfiques pour qui serait un jour confronté à l’absurde danger du royaume sombre. La morale ne voulait pas nécessairement  qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités comme on s’amusait à le répéter à tort et à travers, cela impliquait pour elle de sonder les profondeurs les plus cachées de l’âme et de se rendre compte à quel point on était et deviendrait la dernière des raclures. Si Mahogani avait déjà fait ce travail et estimait qu’elle ne faisait pas partie de ces tyrans avides d’oppression, la pondération de ses pairs l’avait tout de même alarmée sur ce point. Elle repris donc sur un ton moins enjoué et plus sage.

-Je n’émets pas de doute quant à notre bonne foi. Si Renpei et Dodoro s’étaient faits les champions d’une levée protectrice de boucliers, Seijaku ne semblait pas compter la brutalité dans son registre. Admettons simplement que nous possédons les clés d’un monde trop dangereux pour qu’on en donne l’accès à n’importe qui. C’était si évidement phrasé que la vieille Ermite pensa avoir fait usage de poncif.

Elle entreprit le service de l’alcool avec bien moins d’étiquette, et c’était voulu, que Seijaku. Elle remplit néanmoins les verres en une douce poésie, à la frontière de la grâce et de la délicatesse. Se faisant, elle voulu clore un chapitre assez bien réalisé pour qu’on n’y ajoute plus de mot.

-Je n’ai malheureusement jamais été en mesure de découvrir un Calice. Ma… elle se pointa du bout d’une pipe qu’elle avait sortie de sa manche comme par magie. santé ne me le permettait pas jusqu’à maintenant. Elle usa d’un briquet d’une rare finesse de conception, trésor de guerre de Kusa, pour allumer le foyer et laisser s’échapper une épaisse fumée enivrante de senteurs. Inutile de dire qu’après notre voyage, je serais heureuse d’en arpenter un à vos côtés pour y mener recherche.Une autre gerbe laissa à son esprit revivre Ido-Shima en un instant. Et aventure, cela va de soi.

Quelque chose en Mahogani, bien loin des conflits dimensionnels, voulait croire que ces trois bougres lui étaient liés à jamais. Elle avait à leur endroit un étrange sentiment de tendresse. Le songe de cette amitié qu’elle voulait voir naitre n’aurait pas été possible sans cette étrange intervention du destin incarné en la personne de l’Enchaîné.

-Renpei, vous dites que la puissance du Noroi nous dépasse, je ne saurais que vous l’accorder. Cela ne m’empêche pas de me demander ce qu’il faisait enchaîné si loin dans la Dimension Yang.

Les deux amis étaient réfractaires à notre proposition de serment et les points soulevés rendaient leur réticence compréhensible. Toutefois, leurs refus rendaient la possibilité d'une trahison de leurs parts beaucoup plus réelle, comme si... comme si l'idée leur était déjà venu. Eux-mêmes s'avouaient taraudés par les visions de l'autre dimension, tandis que Mahogani, plus secrète, évoquait une information encore inconnue. Nous tûmes notre ressenti, laissant nos partenaires nous dévoilés de nouveaux objectifs. L'expérience seulement nous lierait, ce qui, pour le moment, saurait nous convenir.
Aux propos concernant les Calice, notre imaginaire captivé en oublia nos doutes sur la franchise de nos partenaires d'aléa. Ces mystères engloutis par le temps, aux entrailles façonnées d'une matière éthérée... Devant notre regard, se trouvait une schéma éthéré des forces chakratiques qui composaient ce monde, vision de notre esprit. « Comprendre les règles de l'équilibre de ce monde nous apparaît effectivement alléchant. Les forces élémentaires dont nous avons été témoins, leur potentiel... Et naturellement, la conversation fut attirée par nos découvertes dans la prison Yang. Il était temps que nous exposions nos théories et certains de nos secrets, pour avoir la réflexion de pairs que nous estimions, non sans nous requinquer d'une nouvelle coupe, histoire de se donner courage. Les réponses à nos questionnements, chers amis, nous croyions qu'elles se trouvent aux origines du chakra. Les créatures de chakra sont-elles réellement originaires des Calice, où ces structures anciennes ne sont que des portails vers d'autres dimensions ? Ne vous rappelez-vous pas ces mots entendus, cette Source du Mal ? Avons-nous atterri dans le bassin fertile du chakra obscur, où en avons-nous seulement approché une région ? Peut-être, une fois notre intégration a la Kabbale complétée, pourrons-nous en apprendre d'avantage...

Dans notre esprit, nous tournions autour du seul sujet qui nous intéressait, la signification de cette prison et ses conséquences sur notre quête intrinsèque. Libérer l'âme de notre soeur des griffes du Yomi, cela revenait-il à nous transporter à nouveau sur le territoire du gardien chthonien ? Nos amis, ce que nous allons vous révéler, que très peu de gens en connaisse la vérité. Nous possédons un don unique — du moins selon les fruits actuels de nos recherches — éveillé en nous depuis quelques années : Tatsumaki, l'âme jumelle de Seijaku, nous en voyons le reflet peu importe l'environnement. Elle est devenue notre reflet, mais nous ne pouvons pas encore communiquer avec elle... Nous cherchons à récupérer son âme... Vos recherches sur l'origine du chakra, chers amis, nous seraient très précieuses pour accomplir notre but...
Nous aimerions d'ailleurs expérimenté sur la ressource obtenue des entrailles d'Ido-shima, vous avoir à nos côtés nous apaiserait grandement... »